Actes du colloque E-PAIRS du 19 juin 2009
Quelles pratiques professionnelles pour instruire
le lien santé travail ?
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Tous les actes au format PDF
•I- GAPEP AVIGNON 08003
•II - BINOME DU GAPEP 07002
•III - TRAVAIL ET ALCOOLISATION
GAPEP 07005
•IV - GAPEP de Lyon 07008
•V - GAPEP de TOURS
07002
•VI - En Guise de BILAN
Les thèmes étudiés par les GAPEP sont variés
: les troubles musculosquelettiques, les atteintes auditives,
l'exposition à des toxiques ou la traçabilité
des expositions professionnelles. Mais les altérations
de la santé mentale au travail, et les pratiques professionnelles
qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre pour les prendre
en charge, s'avèrent un des tout premiers sujets de débat
au sein des GAPEP.
Il est donc logique que ce premier colloque d'E-Pairs y consacre
une place importante.
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Etat des lieux en 2009 du lien santé-travail
par Alain Grossetête.
Télécharger :
La méthode proposée par E-PAIRS d'évaluation
des pratiques professionnelle en médecine du travail
à partir de cas cliniques
I- GAPEP AVIGNON 08003
: Présentation du travail d'un GAPEP sur un an (Nicole
CHEVALIER et Benoît DELABRUSSE)
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la Présentation au format .pdf
•présentation
•débat
•repère I
•Présentation :
Le GAPEP a constaté que certains rôles sont difficiles
à tenir notamment : Le modérateur : il est aussi
l'organisateur et il doit surtout éviter les déviations
des débats. Le rapporteur a le rôle le plus difficile
: il doit prendre des notes tout en participant à la
discussion et il ne doit pas modifier le sens des débats
lors de la rédaction.
Au niveau de l'organisation, le GAPEP a rajouté quinze
minutes en début de séance pour l'approbation
du compte rendu et discuter de l'organisation du groupe.
Au fil du temps, le thème a pris plus d'importance
que les cas cliniques. : en 2008, trois thèmes ont été
étudiés par le GAPEP d'Avignon : les vaccinations,
le cursus laboris, l'examen médical. Le choix des thèmes
est fait par consensus au sein du GAPEP. Les 2 thèmes
les plus développés dans la présentation
sont :
Thème 1 les vaccinations :
Il s'est agi d'un choix très consensuel Des propositions
pour une bonne traçabilité ont été
faites Une grille d'auto évaluation a été
réalisée Une proposition de bonnes pratiques professionnelle
a été proposée aux confrères et
acceptée. Ce consensus, élaboré entre pairs
médecins du travail du service, a amélioré
aussi la qualité mais en dehors du processus actuellement
proposé dans les services de santé au travail
(démarche progrès)
Thème 2 Cursus laboris
Le choix de ce thème a pour but :
De connaître les expositions antérieures pour
mieux exercer la surveillance post exposition De préparer
un relevé des expositions significatives à destination
du médecin traitant via le salarié à son
départ à la retraite Dans le but de faire des
propositions pour une bonne utilisation d'un cursus laboris
Pour connaître le cursus laboris, une grille d'exposition
a été élaborée comportant les renseignements
suivants : entreprise, poste avec date de début de prise
de poste et date de fin, les risques, les examens complémentaires
pratiqués. Les salariés de plus de 55 ans ont
été convoqués pour faire ce relevé.
Un des obstacles à la réalisation de ces convocations
est le manque de temps disponible.
Le GAPEP s'est questionnement sur la connaissance des expositions
: il est difficile de trouver des expositions précises.
Des questions se posent après un an de travail du GAPEP
: quelle peut être la durée du GAPEP ? Risque d'épuisement
après 2 ans ?
Le piège majeur est de cantonner les échanges
sur : « comment rédiger la fiche d'aptitude »
Attention le GAPEP n'a pas cet objectif, il faut donc se recentrer
sur l'objectif qui est la prévention des altérations
de la santé du fait du travail.
• Débats
Question : quel est le nombre de réunion par an
?
Réponse : le GAPEP a débuté en novembre
2007. Sur 2008, il y a eu 6 réunions de programmées
(bien que E-Pairs n'en exige que 5 ... au cas où il y
aurait des absents)
Question d'un médecin du travail de Roanne :
mon GAPEP fonctionne depuis 1 an et on galère un peu
: le choix d'un thème en commun est ce que cela se fait
sur plusieurs réunions ? Un dossier clinique a-t-il été
présenté ?
Réponse : le nombre de réunions nécessaires
? Jusqu'à épuisement du thème ! Au départ,
nous présentions les thèmes sur 2 réunions
puis on exposait des cas cliniques. Il y a eu une certaine dérive
avec le principe des thèmes et nous avons dû nous
recentrer sur les cas cliniques
Question d'un médecin du travail de Paris : le
rôle du modérateur n'est pas évident. Je
galère un peu car je fais tout. Pouvez vous me précisez
comment vous faites ? J'ai aussi une remarque à faire
: je suis étonnée que vous ne vouliez pas rentrer
dans une conduite à tenir ?
Réponse : une organisation tournante a été
mise en place ce qui permet un autre regard, de voir les choses
différemment et cela est enrichissant. Le modérateur
est aussi l'organisateur. Par contre, pour certains, être
rapporteur c'est difficile : pour rédiger ils croisent
les notes.
Sur la conduite à tenir, nous pensons qu'une conduite
à tenir est rigide et figée. Moi-même j'en
suis revenue car il n'y a jamais deux cas identiques. Nous préférons
utiliser le mot consensus plutôt que conduite à
tenir.
Question : ma réflexion c'est que 3 thèmes
en 1 an c'est beaucoup ! En réalité ces réunions
sont plus longues que celles prévues par E-Pairs : plutôt
de 3H et + que 2h30 ! Les cas cliniques sont transmis avant
la réunion ce qui n'est pas le cas pour tous les GAPEPS.
La question est donc : comment on choisit le cas ? Et comment
ça s'est passé avec les employeurs ?
Réponse : sur les présentations de cas
cliniques c'est la théorie. Parfois il y avait des réunions
sans cas clinique donc ce n'était pas facile. Le jour
de la séance on désignait un volontaire pour présenter
un cas clinique pour la réunion suivante.
Pour la question des employeurs : la MSA n'a pas eu de problème,
le SIST est rentré dans la négociation qui a abouti
à un compromis (d'où le temps de 2h30 décrit...).
Une anecdote : le compte rendu annuel transmis à E-PAIRS
a été aussi transmis au Président et la
réaction a été plutôt favorable.
Par contre, pour le service hospitalier, ce fut très
long et difficile (9 mois).
Questions d'A. CARRE, membre d'un binôme du groupe
projet : j'ai une remarque sur l'accompagnement bienveillant
et pédagogique du binôme. Il y a des discussions
au sein du groupe projet car c'est un exercice de modestie,
cela nous renvoie à nos propres pratiques. Ce n'est pas
de l'ordre de la supervision : je suis là pour veiller
que les GAPEP, leur fonctionnement, soit conforme avec les valeurs
de E-PAIRS.
Sur les conduites à tenir, je suis dubitatif : qu'entend-on
par conduite à tenir ? Pour nous, ce sont des repères
pour les pratiques. Je considère qu'il n'y a pas de bonnes
pratiques mais des pratiques adaptées à la situation.
Sur le deuxième thème je suis sur ma faim car,
de part mon activité actuelle, je vois arriver des salariés
sans rien. Avez-vous travaillé avant ou après
le rapport Lejeune ? Qu'en avez-vous retiré ?
Réponse : nous n'avons pas tous lu ce rapport
dans son intégralité. Notre présentation
est réductrice. Sur ce sujet, nous avons vu que nous
étions mauvais : il n'y a que depuis 2 ans que dans notre
service travaille sur la traçabilité.
Qu'est ce que c'est la traçabilité ? Que veut-on
dire quand on parle de salariés exposés ?
Pourquoi la traçabilité ? Pour donner quelque
chose au salarié ? Que lui donne t on ?
Les fiches individuelles d'exposition sont inexistantes et les
attestations parfois appelées certificat ! Réponse
: en milieu hospitalier on est plus que mauvais : il n'y a qu'une
culture de soins. Par exemple, pour les produits utilisés
c'est très difficile d'avoir des informations - donc
on est loin des fiches individuelles d'exposition et donc de
la traçabilité
Question d'A.GROSSETETE : la posture du binôme
: on peut l'aborder de la façon suivante : c'est une
posture de pair ; nous n'avons pas une posture de professeur
mais nous veillons que le cadre de la Chartre soit respecté
et si il y a discussion sur les pratiques, le binôme ne
s'en mêle pas. Cette position est importante : le binôme
ne peut réagir que sur l'écrit, il s'agit d'une
posture d'extériorité.
Réponse : « l'accompagnement pédagogique
» a été utilisé au sens large puisqu'il
a porté sur la méthodologie, et le conseil donné
a permis au groupe de se « recadrer ».
Question d'un médecin du travail de Paris : devant
la difficulté de compréhension du directeur, je
lui ai donné les documents du site de E-PAIRS et nous
avons tous posé notre demande ensemble. L'idée
de lui faire parvenir un rapport annuel est intéressante.
Ne faut il pas le tenir au courant de ce que l'on fait ? Dans
le cadre de la CMT, nous élaborons un nouveau dossier
avec le Cursus Laboris pour avoir une traçabilité
des expositions au travail. Notre logiciel n'est pas adapté,
il n'a même pas de thésaurus ... notamment sur
les risques.
G. LUCAS : le rôle de modérateur et de
rapporteur c'est formateur, c'est de l'apprentissage en soi.
Ce choix d'E-Pairs n'est pas le hasard.
Sur le Cursus Laboris : ce que j'entends dans « on est
mauvais » c'est que cela est important de se le dire entre
nous. Ce n'est pas que nous soyons « mauvais »,
mais nos pratiques sont à améliorer. Il nous reste
du travail à faire car nous sommes au B A BA de ce qui
est touche à l'exposition aux risques professionnels.
• Repères I
À partir de la présentation et du débat
GAPEP Avignon, (Dominique HUEZ, Conseil scientifique)
Je représente le Comité scientifique d'E-Pairs
étant le seul présent de celui-ci. Mais je ne
peux m'exprimer qu'en mon nom personnel. Je ferai toutefois
quelques remarques préliminaires :
1) Le rôle du Comité scientifique n'est pas d'apporter
un dépannage ou une offre de service sur les questions
professionnelles : nous ne sommes pas les sachants par rapport
aux praticiens qui tentent de faire progresser leurs pratiques
professionnelles. Je crois que les collègues ont accepté
d'être membre de ce Comité scientifique en étant
conscient des écarts entre les connaissances scientifiques
et l'élaboration des règles de métiers
qui peuvent ou doivent s'y adosser quand ces premières
existent.
2) Il n'y pas de médecine prédictive. Et les
connaissances scientifiques qui instruisent les différentiels
de risque des populations ne sont d'aucun secours à titre
individuel. La médecine du travail accompagne des sujets,
des individus irrémédiablement différents
du point de vue des déterminants biologiques et sociaux.
C'est le sujet dans sa globalité que prend en charge
le médecin du travail. Le métier de médecin
du travail est par ailleurs différent de celui du consultant
en pathologie professionnelle qui investigue une atteinte spécifique
à la santé, sans avoir accès aux déterminants
collectifs environnementaux, organisationnels et sociaux des
personnes.
3) Mais ni les pratiques ni les données scientifiques
ne sont suffisantes : il faut s'appuyer aussi sur des valeurs
communes : exclusivement, prévenir les altérations
de la santé du fait du travail.
4) Il y aurait donc un socle commun à des pratiques
hétérogènes. Quels sont nos repères
communs. Quelle est la spécificité de notre spécialité
médicale ?
5) Dans le dossier médical du travail, on doit trouver
la trajectoire du travail (cursus ou curruculum laboris), la
traçabilité des expositions, et l'investigation
du lien de cette histoire professionnelle avec la santé
du sujet. La recommandation de l'HAS sur le dossier médical
permet un cadre de travail professionnel qu'il va falloir visiter
du point de vue de nos pratiques. La traçabilité
de nos actes cliniques internes à nos dossiers, et pour
les actions dans l'espace de l'entreprise, est essentielle.
6) L'EPP ne se réduit pas à apprendre et appliquer
une conduite à tenir. Nos pratiques ne peuvent être
toutes contenues dans des Recommandations professionnelles.
Elles doivent être complétées par des repères
professionnels évolutifs que nous élaborons et
confrontons qui feront naître des règles professionnelles
partagées. Ce sont ces deux dernières ambitions
collectives qui naîtront de nos pratiques d'évaluation
des pratiques dans les GAPEP.
7) Il y a une véritable dialectique entre l'émergence
des thématiques professionnelles à interroger
et évaluer et le travail très concret d'E-Pairs.
C'est une des raisons de cette journée.
II - BINOME DU GAPEP 07002
« Repères pour les pratiques », un exemple
: le rapport entre les indicateurs en santé mentale au
travail et la pratique clinique, Alain CARRE et Thérèse
BURET
•présentation
•débat
•repère II
A - Présentation
Cet exposé montre ce à quoi on arrive dans un GAPEP
du point de vue du binôme. La qualité des réflexions
vient de l'intégration par le GAPEP des principes de la
charte de E-pairs comme référence des échanges,
des comptes rendus exhaustifs comportant la monographie des cas
cliniques et de la précision sur l'analyse des pratiques.
Le GAPEP 07002 travaille sur des thèmes pratiques en
santé mentale : La souffrance au travail, la pertinence
des indicateurs et leur rapport à la clinique
L'exposé s'articule autour des thèmes exposés
lors de deux réunions :
Premier thème : les indicateurs
« Nous avons choisi de vous présenter la genèse
puis la cristallisation et la mise en mots d'un repère
pour les pratiques. De ce point de vue nous vous présentons
ce que l'activité du « binôme » a de
plus enrichissant, en euphémisant le travail assez ingrat
de nature administrative qui constitue la majorité de
son activité. Deux conditions sont indispensables à
l'accouchement de repères pour les pratiques de qualité:
•La première est morale et implique que les principes
de la charte soient intellectuellement et implicitement exercés
lors des échanges
•La seconde est plus pratique et fait référence
à la qualité du compte rendu du rapporteur de
séance du GAPEP
Rappelons rapidement ce qui sera sans doute rappelé
aujourd'hui et est la base de notre charte :
•L'investigation du lien santé-travail centrée
sur le travail des personnes est la base de la clinique médicale
du travail
•Aucune pratique de sélection n'est légitime
en médecine du travail dont l'unique mission est la préservation
de la santé au travail
Nos objectifs sont d'aider les médecins du travail à
progresser dans leurs savoirs et savoirs faire notamment par
une coordination d'un exercice professionnel en réseau
Les conditions de la qualité que nous venons d'exposer
conditionnent les échanges:
•Ils permettent de savoir exposer en s'aguerrissant aux
échanges entre pairs
•Ils facilitent la capacité à « s'exposer
» par la confiance qu'ils suscitent
Pour être francs le GAPEP 07002 est particulièrement
favorable pour cette démonstration.
Il a été précédé par un
GEP fonctionnant depuis longtemps et par conséquent pour
les membres duquel exposer et s'exposer ne posait pas problème.
Nous avons choisi de vous présenter cet exemple d'analyse
des pratiques en santé mentale au travail qui constitue
le thème des échanges du GAPEP.
Nous montrerons que deux séances ont permis d'élaborer
des repères sur les indicateurs en santé mentale
au travail, notamment dans leur rapport à la souffrance
au travail et la clinique médicale du travail Commençons
par la réunion du 23 mai 2007 à laquelle participaient
8 des 13 membres inscrits. Cette séance était
consacrée à l'exposé des pratiques en SST
autonome à la suite d'une succession de suicides de salariés.
Les questions explorées nous placent au coeur de la question
•La finalité et la nature des indicateurs
•La mise en place de la veille médicale dans ces
situations concrètes
•Comment assurer la traçabilité
•Quelles alertes et comment
•Quelles coopérations mettre en oeuvre
Telles sont les questions qui seront tour à tour mise
en discussion
Les indicateurs tout d'abord qui n'ont comme finalité
que d'aider à réfléchir et de soutenir
l'action du médecin : •Pas d'indicateurs flous
•Pas d'indicateurs coupés de la réalité
de travail ou qui se substitueraient à la clinique médicale
Ou plus exactement, au service de la clinique, c'est-à-dire
dans un contexte « situé », dans un secteur
défini et dans une perspective temporelle
•Pas d'indicateur prédictif d'un passage à
l'acte mais bien utile pour repérer les secteurs à
risque
•Et puis enfin facilitant l'expression sur ces questions
pour les médecins et les CHSCT
Pour résumer : un outil en appui de la clinique loin
des velléités positivistes de certaines initiatives
officielles vouées à l'échec.
Les indicateurs ne doivent pas être les seules modalités
de veille. Tout aussi importantes: Les visites qu'il s'agisse
de visites périodiques mais aussi de visites de reprise
éclairantes de ce point de vue ou de visites par sondage,
voire celles de travailleurs « sentinelles » et
surtout le suivi de leur évolution dans le temps.
La potentialisation de ces moyens de veille implique une traçabilité
dans les dossiers individuels quasi obsessionnelle tant il est
précieux de garder trace pour jalonner la dynamique des
situations et du temps et puis les documents médico réglementaires,
piliers et prétexte à l'ouverture de débats
entre acteurs.
Il n'y a pas d'exclusive dans les coopérations recherchées
à conditions qu'elles se réfèrent au champ
de la prévention de la santé au travail et qu'elles
relèvent d'une déontologie professionnelle »
Deuxième thème : discussion sur le GHQ utilisé
dans l'enquête SAMOTRACE
« La réunion du 14 septembre 2007 est à
la limite du quorum mais elle n'en sera pas moins fructueuse.
Elle est centrée sur un cas clinique exposé par
un médecin de service autonome participant à l'enquête
« samotrace ». Confronté à un patient
dont le score au GHQ est supérieur à 15, notre
confrère ou consoeur infirmera cette indication dans
une observation clinique longitudinale.
Entre le seuil de 21 au GHQ qui repère de façon
fiable un état dépressif et celui de 15 choisi
pour donner de la visibilité au mal être, les participants
hésitent entre la nécessaire mise en visibilité
des états de mal être et son lien à la décompensation
aigue ainsi que sur la valeur clinique de l'indicateur en santé
au travail.
La pertinence du GHQ est confortée par l'observation
clinique. Quand le salarié répond au test il est
bien inquiet et pessimiste : Des modifications substantielles
et paraissant négatives de son poste de travail sont
imminentes.
En fait les données de la situation sont modifiées
par la négociation et l'action du médecin du travail
et les visites médicales confirment l'amélioration
de la santé du salarié.
Le questionnaire interrompt le temps mais il y a eu un «
avant le questionnaire » et il y aura « un après
le questionnaire » le temps courrait et continuera à
courir et seul le médecin peut mesurer et accompagner
la perspective. La condition toutefois et là encore est
de conserver la souplesse cognitive de la clinique. Le diagnostic
n'est pas la finalité. L'investigation du lien santé-travail
demeure la cible que la flèche clinique cherche à
atteindre.
A l'issue de cette réflexion trois repères pour
les pratiques sont ici proposés en matière d'indicateurs
en santé mentale au travail :
Il n'existe pas de « bon » indicateur : sa pertinence
étant contingente des circonstances de son utilisation
et liée à d'autres pratiques qui l'éclairent.
La qualité d'un indicateur ne vaut que par la capacité
du médecin à relier cet indicateur à des
risques précis repérés dans l'organisation
du travail et une pratique qui ne s'attacherait qu'à
un dénombrement de pathologies, sans les relier à
la situation de travail ou à des risques avérés
n'aurait qu'une valeur incomplète.
Un indicateur n'a qu'une fonction d'instantané dans
le parcours du salarié. Une pratique pertinente impose
donc une mise en perspective clinique qui relativise les réponses
au questionnaire en mobilisant la sensibilité à
écouter et à noter lors de l'entretien clinique
Comme nous l'a appris l'aphorisme d'Hippocrate : « L'art
demande du temps et la vie est brève, l'occasion fugace,
l'expérience dangereuse et le jugement difficile ».
Comme médecin nous le savons trop bien c'est pourquoi
nous croyons que c'est le travail entre pairs qui nous permet
d'amplifier et de dépasser nos pratiques personnelles
et que notre art commun dépassera la brièveté
de nos existences, et que la confrontation de nos fugaces occasions,
la difficulté de nos expériences personnelles
et de notre jugement seront transcendée par notre travail
en commun et que cela nous permettra de remplir, mieux encore,
notre devoir fraternel envers nos semblables.
C'est ce que nous essayons de mettre en pratique à e-PAIRS.
Débat après présentation
du binôme du GAPEP 07002
Question d'A. GROSSETETE : Alain et Thérèse sont
dans la posture de binôme. Ils ont rapporté leur
point de vue sur un GAPEP «ancien ». Ils ont rapporté
que les conclusions sont issus d'un consensus du GAPEP : à
quoi sert l'indicateur si c'est la clinique qui instruit l'indicateur
? Qu'est ce qu'on en fait ? Comment on reprend la main sur les
indicateurs ? La question de l'alerte ? Quelle valeur pour l'alerte
aurait un indicateur ? La clinique pour moi reste le maître
mot.
Réponse G. LUCAS : j'ai l'expérience d'un retour
de GHQ29 supérieur à 15 chez quelqu'un dont je
n'avais pas perçu le niveau de souffrance (« santé
RAS mais travail difficile »). Quand je l'ai revu, il
était dans une grande souffrance Donc on ne peut pas
dire que l'indicateur ne sert à rien, ce n'est pas vrai.
Mais la question qu'il faut se poser c'est : comment l'utilise
t on ?
Réponse d'A. CARRE : ce que tu dis c'est que l'indicateur
t'as permis de repérer une souffrance qui n'était
pas repérable parce qu'infra clinique : Sans doute serait
elle devenue détectable du fait de la majoration. L'indicateur
a permis d'anticiper et de compléter la clinique. C'est
ce que montrent les travaux du GAPEP : la clinique avant tout,
l'indicateur comme complément, pas d'indicateur sans
clinique. Il faut éviter de nous faire « coller
» un indicateur qui n'interroge pas la clinique médicale
du travail. Il ne s'agit donc pas de rejeter l'indicateur mais
de s'interroger sur sa valeur et son intérêt dans
le cadre de la démarche clinique : c'est la question
qui se pose pour EVREST.
Question d'un médecin du travail de l'Ain : en réaction
après intervention de Gérard Lucas, pourquoi le
salarié n'a-t-il pas demandé à voir le
médecin du travail ? Et si la réforme passe la
visite à 4 ans quid de cet accompagnement ?
Réponse d'A. CARRE : Avec un tel intervalle entre deux
visites, si tant est que la situation de l'emploi permette une
pérennité de surveillance par le même médecin,
une visite n'a plus d'intérêt puisque faute d'un
exercice diachronique la clinique ne peut se déployer.
Il faudrait que ces conclusions arrivent au niveau de nos référents
c'est-à-dire à la HAS : la clinique médicale
du travail est non seulement synchronique mais aussi diachronique.
Question de H. Martinez : ne pourrions nous pas porter cette
communication à Toulouse ? Réponse de G. Lucas
: le CA de E-Pairs a saisi la HAS pour faire la proposition
de travailler sur la santé au travail, ils nous ont renvoyés
vers la Société Française de Médecine
du Travail.
Réponse V. ARNAUDO : un questionnaire ne permet pas d'exprimer
la subjectivité
Médecin du Travail de Paris : cela pose un énorme
problème s'il y a une modification des visites : on va
vers des grandes difficultés avec une perte en ligne
sur la réalité des choses.
Réponse d'A. CARRE : la modification de la fréquence
de la visite, sous le prétexte d'un « gros faux
bon sens » justifié par la pénurie, aura
pour effet de faire disparaître un droit individuel fondamental
puisque constitutionnel, celui, pour chacun, de la protection
de sa santé. Celui ci repose sur l'existence d'un exercice
médical de première ligne (droit à la santé
égale médecin, mais droit individuel à
la protection de la santé égale visite individuelle).
le siphonage par l'espacement des visites, la dévolution
d'actes médicaux à des tiers, médecins
ou non, la contrainte managériale sur le déploiement
de la clinique médicale du travail a pour objet de faire
disparaître un droit fondamental. Le dire, c'est le défendre.
Repère II
après présentation binôme GAPEP 07002
et débat Dominique HUEZ, Conseil scientifique
1)Dans clinique médicale du travail il y clinique du
travail : une grande partie des professionnels acteurs de prévention
au travail se retrouvent dans la clinique du travail comme par
exemple les ergonomes ou les analystes du travail. Mais les
médecins du travail parlent plus spécifiquement
de « clinique médicale du travail ».
2)Une certaine médecine du travail « honteuse
» à mon sens, qui porte un projet eugénique,
a besoin de se rattacher à des données scientifiques,
des données épidémiologiques pour se justifier.
Pourtant celles-ci n'ont aucune signification au niveau individuel.
L'action sélective d'un médecin du travail par
la prise en compte de soit disant sur-risques individuels n'a
pas de fondements. L'accompagnement individuel ne peut se nourrir
et s'appuyer que sur une clinique médicale du travail.
Transposer au niveau individuel des instruments conçus
pour de l'épidémiologie par nature collective,
est un non sens. On ne va pas faire de diagnostic et d'accompagnement
médical avec des questionnaires faits pour l'épidémiologie
comme le KARASEC ou des indicateurs de gestion comme EVREST.
3)La clinique médicale du travail peut ouvrir à
la veille et l'alerte médicale. Mais il y a des difficultés
à articuler les pratiques professionnelles et notre participation
à l'élaboration des connaissances scientifiques
nourries d'enquêtes ou études à travers
des observatoires. On ne peut confondre ces derniers instruments
avec des supports de nos pratiques professionnelles que l'EPP
se propose d'évaluer justement.
4)L'expérience clinique des médecins du travail
les incitent à se méfier des questionnaires héritiers
de l'épidémiologie qui n'ont pas de place dans
la pratique clinique. Quant aux indicateurs, ils peuvent être
récupérés dans le champ social de la gestion
ou des ressources humaines. L'indicateur ne peut prendre en
compte la question du pouvoir d'agir, des marges de manoeuvre,
de l'histoire du « travailler collectif ».
5)Il faut donc bien distinguer la nécessité pour
les médecins du travail de participer à l'élaboration
des connaissances scientifiques et la participation des médecins
du travail à la mise en oeuvre d'indicateurs de ressources
humaines. La responsabilité première du médecin
du travail est de faire des diagnostics médicaux individuels
lors de leur sa pratique clinique, qui lui permettra ensuite
de faire des diagnostics médicaux collectifs.
6)Alors, de quoi est nourrie la clinique médicale du
travail, à quelles connaissances s'adosse-t-elle ? Le
Médecin Travail ne peut faire l'impasse sur l'apport
des sciences humaines dans la clinique médicale du travail
: c'est un apport essentiel. Les pratiques médicales
ne peuvent se contenter des évidences scientifiques issues
de démonstrations empreintes de mathématiques
et ne prenant en compte que la rationalité objective
et instrumentale. Nous devons prendre en compte la rationalité
pathique ou subjective, et la rationalité sociale.
7)Notre écoute clinique est « compréhensive
» au sens de l'apport des sciences humaines ; nous tenons
dans nos consultations la distance clinique nécessaire,
créons les conditions de la confiance, y déployons
des règles professionnelles partagées et confrontées
avec des confrères qui partagent les mêmes valeurs
professionnelles.
8)C'est tout cela que prend en compte la clinique médicale
du travail. Reste à confronter nos pratiques pour les améliorer.
III - TRAVAIL ET ALCOOLISATION
GAPEP 07005
Marie-Odile LALOT et Michèle DOUSSET
•présentation
•débat
•repère III
Premier cas clinique :
Il s'agit d'un ouvrier du BTP, chauffeur poids lourds avec un
problème d'agression et d'alcoolisation sur les lieux
du travail. Il est pris en charge par le médecin du travail
qui prononce une inaptitude temporaire. Le salarié reprend
son travail au même poste. Il y a une récidive
de l'alcoolisation. La discussion a porté sur le rôle
du médecin du travail dans l'alcoolisation aigue sur
le lieu du travail quand l'employeur se décharge de sa
responsabilité.
Le médecin du travail a-t-il sa place dans une réunion
disciplinaire ?
Qui doit faire l'alcootest dans l'entreprise ?
Cette alcoolisation est une interpellation sur la souffrance
collective au travail.
Deuxième cas clinique :
C'est le cas de Mr B, chauffeur dans société ambulance.
Il est vu en visite d'embauche 8 mois après son entrée
dans l'entreprise pour un poste chauffeur pour enfant handicapé
à temps partiel. Il reprend le travail après un
congé parental de six ans , il a cinq enfants. Il finance
sa formation et sur le plan personnel , sa femme a une tumeur
au cerveau
Lors de la première visite, il y a des signes d'alcoolisme
mais le médecin du travail délivre l'aptitude
sans restriction mais programme un suivi. Il est re-convoqué
sous prétexte de mise à jour des vaccinations
et le problème de l'alcoolisme est abordé. Le
bilan biologique est perturbé mais le salariénie
la consommation. Le médecin du travail diffère
l'inaptitude. Revu 1 mois plus tard, l'entretien se passe mal.
Le salarié, agressif, accuse le médecin du travail
de harcèlement. Lors de la visite suivante, le médecin
du travail sort mal à l'aise car il n'a pas pu avancer.
Cette situation est fréquemment rencontrée en
médecine du travail et illustre la difficulté
pour les médecins du travail à tenir les deux
postures d'accompagnement et de contrôle.
Troisième cas clinique :
Dominique est conseiller d'assurance, il a 22 ans et possède
un DESS de droit. Son cas a été étudié
dans le cadre de l'enquête SAMOTRACE. A son embauche,
la promesse d'évolution de carrière lui est faite
sous réserve de prouver d'être un bon vendeur.
Après une autoformation sur l'intranet, il doit constituer
lui-même sa clientèle d'abord par le porte à
porte puis par téléphone. (il lui est demandé
de prendre l'annuaire et de choisir les prénoms anciens
et de parler de conseil fiscal plutôt que de conseil financier).
Le salarié a des difficultés par rapport à
sa formation. Le salaire est uniquement à la commission.
Il a un changement de son inspecteur de ventes et c'est difficile
avec soit des arguments incitatifs (voyage à gagner en
cas de bons résultats), ou des arguments coercitifs (il
doit se justifier devant les autres de ses mauvais résultats).
Il ressent des sentiments de honte et d'humiliation : il est
ébranlé.
Un autre salarié arrive avec des manières de
faire qui lui semblent plus correctes Des nouvelles relations
professionnelles s'instaurent avec une organisation du temps
de travail plus libre mais aussi avec une dérive progressive
vers le café. Il en résulte une dégradation
dans le travail et une augmentation de la consommation d'alcool.
Parallèlement, il rencontre des difficultés dans
sa vie privée. Il assiste au départ de son coéquipier
et au retour avec l'inspecteur des ventes L'équipe s'engage
alors dans un challenge. Ce challenge est un échec et
plusieurs collègues démissionnent. Dominique est
désoeuvré, il continue à boire et il attrape
un accident de la voie publique. Il a un retrait de permis de
conduire et prend conscience de sa dépendance à
l'alcool.
Suite à sa rencontre avec le médecin du travail,
celui ci lui propose d'approfondir le plan professionnel et
les liens entre le vécu du travail et sa santé.
Les liens avec le travail s'éclaircissent (ni le médecin
généraliste ni le médecin alcoologue ne
parlent du travail dans sa dépendance à l'alcool)
Epilogue : il a démissionné et a arrêté
de boire
Comment aller de l'individuel au collectif ?
Dans le cas de Dominique, Le médecin du travail à
fait un courrier d'alerte à l'employeur. Ce courrier
a été transmis au niveau au siège de l'entreprise
qui a répondu par le déni.
En conclusion de ces 3 cas : injonction thérapeutique
et menace par l'aptitude sont les arguments du médecin
du travail face à un alcoolisme chronique pour un salarié
occupant un poste de sécurité. Dans le troisième
cas, l'interrogation sur la relation entre le travail et l'alcoolisme
a permis de rendre le salarié acteur de son action Lors
de la rédaction du compte rendu, des liens avec le travail
nous sont apparus. Donc nous allons revoir le fonctionnement
du GAPEP et notamment avoir les cas clinique avant la réunion
Les échanges sont parfois difficiles entre pairs. Nous
ne sommes pas toujours d'accord. Certains ont une attitude sécuritaire.
B- Débat après
présentation GAPEP 07005 travail et alcoolisation
Question : comment vivez vous le faites de ne pas avoir
de consensus ? Les discussions font-elles évoluer les
postures respectives ?
Réponse : oui
Question : d'accord avec le fait qu'il faut traiter
le lien entre santé et travail, mais je me pose la même
question du consensus. Je pense au compte rendu d'un GAPEP qui
a abordé ses propres règles de métier.
C'est important de mettre en commun nos règles, nos valeurs
: c'est important de dire comment chacun travaille, c'était
l'intérêt de ce groupe.
Réponse V. ARNAUDO : ce qui est intéressant
c'est d'instruire un cas réel, et de s'entendre sur l'objectif
qui est poursuivi : est-ce l'aptitude ? Ou l'accompagnement
de la santé au travail ? La réponse est déjà
donnée par la Charte. La recherche de consensus n'est
pas forcément ce qui est à rechercher.
Réponse A.DEVAUX : on ne peut pas être
d'accord sur les pratiques si on n'a pas d'abord mis en lumière
nos propres pratiques.
Réponse A. GROSSETETE : je voudrais qu'ici, au
sein de E-Pairs, on puisse « tordre le cou » au
consensus. Le maître mot c'est argumenter, exposer ses
pratiques, et les débattre. Ce que l'on discute se sont
les pratiques professionnelles capables de prendre en charge
la santé du salarié.
C-Repères III, topaprès
présentation et débat GAPEP 07005 Dominique HUEZ
:
Je repère six questionnements pour continuer la réflexion
:
1)La question de la responsabilité de l'employeur et
du médecin du travail ? Il n'y a pas toujours de bonne
réponse : c'est la problématique des injonctions
paradoxales.
2)Comment peut-on articuler aptitude sécuritaire et
clinique médicale ? Et là, la clinique compréhensive,
comment la place-t-on ? L'attitude sécuritaire nous prive
de la clinique médicale du travail donc de la compréhension.
3)L'approche issue des travaux du Pr DEJOURS (la psychodynamique
du travail) fait partie des connaissances indispensables mais
ne résout pas la pratique professionnelle concrète
: comment construire la confiance ? quelle attitude avoir face
à la question de la honte (souffrance éthique)
? comment intégrer l'existence de la peur au fond des
mobiles impensables du travailler ? comment percevoir les défauts
de collectif d'appartenance face à l'individualisation
managériale ?
4)La question des savoir-faire de protection, de prudence,
peut rejoindre des connaissances issues de l'épidémiologie.
Il y a un apport scientifique très large à réinvestiguer.
5)La question de la prévention individuelle et collective
: peut-il y avoir une pratique clinique collective qui ne s'appuierait
pas sur l'individuel ? Mais de toute façon, il ne saurait
y avoir de prévention sans mettre en visibilité
ce qui fait difficulté dans les situations de travail
et peut avoir un impact sur la santé.
6)Alors la question fondamentale est de savoir si le travail
ici permet ou non de construire sa santé ?
IV - GAPEP de Lyon 07008
Elisabeth TRESCOL
•présentation
•débat
A - Présentation
Ce GAPEP, constitué de 12 médecins du travail
exerçant en service interentreprises, a choisi de travailler
sur l'analyse de leur pratique professionnelle, à partir
de cas cliniques de souffrance au travail. Au cours de leurs
pratiques professionnelles, trop souvent l'inaptitude apparaissait
comme la seule solution dans les atteintes à la santé
mentale en relation avec le travail. La nécessité
de mener une action spécifique en mettant de coté
l'aptitude s'est alors imposée.
Cette action a consisté à mettre en place un
travail clinique qui est proposé au salarié, à
distance de la consultation initiale. Il a pour objectif d'aider
le salarié à comprendre le sens de sa souffrance,
en mettant en lien son histoire personnelle et sa trajectoire
professionnelle avec la façon dont il a investi son travail
actuel. L'accord du salarié est indispensable pour mener
à bien cette investigation.
Ce temps clinique, proposé et accepté par le
salarié, est appelé « clinique médicale
du travail » et fait référence à
la charte d'E-PAIRS. Il explore le travail microscopique et
pose la question : comment c'était quand cela allait
bien ?
A partir de l'analyse de 2 histoires cliniques débattues
au sein du GAPEP(Ndlr : l'exposé des cas cliniques ne
peut être développé ici), E Trescol nous
présente sous quelle forme ce travail clinique a été
ou n'a pu être réalisé. En effet, dans un
certain nombre d'observations, le constat d'un « travail
clinique empêché » a été fait
et l'analyse des raisons de ce « travail clinique empêché
» a été fait.
A contrario, lorsque le médecin a obtenu l'adhésion
du salarié et qu'il a pu conduire le travail clinique,
les répercussions sur sa pratique ont été
évaluées positivement. L'apport de la clinique
du travail se situe alors autant dans l'accompagnement du salarié,
que dans l'action préventive menée au sein de
l'entreprise (courrier d'alerte sur les TMS).
Par la clinique du travail les médecins de ce GAPEP
défendent avant tout le principe d'une aide à
l'élaboration du sens et à la « récupération
du pouvoir d'agir » par le salarié. Ce GAPEP insiste
sur l'importance de la clinique médicale du travail
B - Débat
après présentation GAPEP 07008
Question : comment vous vous organisez en pratique pour
faire les entretiens ?
Réponse : on se débrouille !...
Question de D. HUEZ : à votre réflexion
« sans clinique médicale du travail, pas de salut
», on doit s'interroger sur les limites de la clinique
médicale du travail : comment déployer une clinique
médicale compréhensive pour permettre de «
penser les situations », en s'arrêtant avant une
intervention substitutive à la pensée ?
L'instruction approfondie en clinique médicale du travail,
de quel point de vue est-elle faite : du point de vue du médecin
du travail, ou du point de vue d'une étude scientifique
ou d'une recherche comme SAMOTRACE ? Si la clinique médicale
du travail relève du quotidien d'une pratique de médecin
du travail, de quoi se nourrit-elle ?
Elle s'est beaucoup nourrie des pratiques nées des consultations
de pathologie professionnelle, mais aussi de l'expérience
clinique concrète des médecins du travail face
à la souffrance au travail. On ne peut pas faire l'impasse
de l'accompagnement clinique dans la quotidienneté, où
se joue la possibilité ou non de prendre soin de sa santé
face à un « travailler » malmenant.
Les médecins du travail sont confrontés dans leur
quotidien clinique à des figures enchevêtrées
: la possibilité d'interférences de pathologies
psychiatriques préexistantes avec le travailler, la prise
en compte du travail réel ou de sa représentation
prescrite, et l'articulation de ces deux éléments
; mais aussi les figures évolutives de ce qui est au
début hyperactivité exploitée par une entreprise,
et/ou auto-accélération anesthésiante,
puis activisme défensif pour ne pas penser ce qui fait
douleur.
Les médecins du travail sont face à une véritable
difficulté, celle du temps nécessaire : entendre
pour la comprendre la souffrance au travail demande de la disponibilité
dans la consultation, un temps parfois considérable.
Le risque en est que faute de pouvoir dégager/gérer
ce temps selon les situations, on en déduise qu'une pratique
clinique approfondie ne serait pas ouverte au médecin
du travail. Je ne le crois pas. Il nous faut inventer des réponses
professionnelles face à ce défit. La réponse
ne saurait être de faire appel, pour nombre de situations
malheureusement « ordinaires » de souffrance, à
des consultations spécialisées.
Réponse : nous avons travaillé à
partir de cas : c'est le travail approfondi, qui n'est pas au
quotidien, mais qui nous a permis d'évoluer dans nos
pratiques - et là on retrouve la clinique médicale
du travail dans le quotidien
D. HUEZ : Peut-on avec du recul et une analyse distanciée
et qui se donne le temps, penser qu'une pratique de clinique
médicale du travail approfondie aurait pu éviter
un suicide, au contraire d'un accompagnement clinique ordinaire
pratiqué dans les consultations de médecins du
travail ? Il faut certainement être prudent. Offrir la
possibilité, en s'en donnant les moyens, de penser les
situations, peut débloquer le « pouvoir d'agir
». Mais d'après mon expérience, il n'est
pas possible de le vérifier immédiatement après
une intervention clinique, et de nombreux facteurs intercurrents
jouent en parallèle, comme ce qui se passe au niveau
des coopérations et des solidarités professionnelles
et humaines. Ne laissons pas passer les opportunités
ouvertes par la spécificité du métier de
médecin du travail.
A. GROSSETETE : ce que je crois c'est que la pratique de la
clinique médicale du travail est absolument indispensable
quelque soit le temps disponible. Il n'y pas un temps où
l'on fait de la clinique médicale du travail et un temps
autre. Je suis absolument d'accord avec Dominique. La clinique
médicale du travail est une clinique qui peut être
utilisée par le médecin du travail. Sur le fait
déjà de cette posture évoquée, c'est
à dire de déployer ou pas du temps complémentaire
en dehors de l'espace du temps du travail, c'est une réelle
question. Cette intervention marque la contradiction d'un système
qui s'occupe de salariés qui n'en ont pas forcément
besoin et celui que l'on développe en « catimini
» pour pouvoir s'occuper de salariés qui en ont
réellement besoin.
A. CARRE : la clinique médicale du travail est entravée
mais pas empêchée. Mais il y a deux types d'exercice
: une médecine du travail qui est contrainte par le temps
puis une médecine du travail où l'on prend le
temps de détailler cette clinique médicale du
travail. Comment les collègues subvertissent-ils ? Comment
se donnent- ils des marges de manoeuvre ?
G. LUCAS : quelles marges de manoeuvre ? Comment agencer cela
? Sur la question de la gêne par rapport au suicide antérieur
? A la DDE, l'autopsie psychiatrique, la question du travail
a été introduite. Je préfère un
travail sur le questionnement du travail que sur cette autopsie
psychiatrique.
Question : ce que je n'ai pas vu dans l'exposé,
c'est le partage dans le GAPEP, le coté échanges
de pratique, l'avis du GAPEP ?
Réponse : on le retrouve dans les comptes rendus.
Ici c'était un autre exercice. Sur dix cas, nous en avons
choisis deux pour essayer de montrer pourquoi on ne rentre pas
dans la clinique médicale du travail.
V - GAPEP de TOURS
07002
Bernadette BERNERON
•présentation
•débat
A - Présentation du GAPEP
Depuis plus de 15 ans, des médecins du travail du département
d'Indre et Loire se retrouvent pour travailler collectivement
et analyser leurs pratiques en groupe de pairs, autour de la
question de la souffrance au travail qui est toujours plus d'actualité
dans les consultations.
Ce groupe de 11 à 15 médecins s'est réuni
pendant 15 ans hors temps de travail à raison d'une réunion
tous les 2 mois faisant l'objet d'un CR, rédigé
par les volontaires. Après une période d'apports
théoriques en PDT, le groupe a travaillé et discuté
autour de cas cliniques présentés par les médecins
qui le souhaitent - en raison de situations difficiles dont
la mise en débat aide à la compréhension
ou comme des cas exemplaires.
Mais, suite à l'obligation d' Evaluation des Pratiques
Professionnelles, le groupe est devenu GAPEP au sein de l'association
E-pairs, permettant au groupe de continuer à travailler
comme par le passé. Les membres ont déjà
expérimenté le fait que ce travail coopératif
permet d'apprendre tout en renforçant le soutien social
et la reconnaissance au sein de la profession.
Depuis plusieurs années maintenant, le groupe a orienté
sa réflexion sur l'analyse du travail à partir
de la santé mentale : instruire le rôle du travail
dans les manifestations de souffrance, voire les décompensations
mentales ou physiques et repérer, identifier et analyser
le lien éventuel entre les deux, dans une dimension individuelle
et collective.
Ce travail se fait autour d'un ou plusieurs cas cliniques exposés
au cours de la réunion par un ou plusieurs médecins
volontaires, cas non programmés par avance.
La présentation du cas concret peut se faire à
partir de notes, d'une observation rédigée, ou
simplement de mémoire pour les situations en cours. Il
s'agit souvent de cas graves où planent des risques de
perte d'emploi, de conflits, de suicides, mais aussi à
posteriori des cas qui interrogent les médecins du travail
sur leur rôle ou des cas emblématiques. Ces discussions
permettent aussi d'aborder le problème de l'alcool au
travail, de son lien avec le travail, de la posture du médecin
du travail face à ces situations.
Face à des formes cliniques non prévues, des
histoires incroyables- impensables, des cas de délire,
il s'agit d'investiguer le travailler avant de parler de folie.
Autour de l'histoire racontée, les collègues demandent
des précisions, se font décrire l'environnement,
le contexte, le fonctionnement du groupe, le contenu du travail,
la façon dont cela fonctionnait avant. Chacun suggère,
propose son interprétation.
On essaie de comprendre ce qui n'est pas explicite, de rechercher
les éléments clé qui permettent de «
penser » les processus défensifs contre la peur,
la honte (souffrance éthique).
Dans le domaine de la veille en santé mentale, thème
travaillé par le groupe, il est indispensable de :
1 - Laisser des traces
Quelles traces laissons nous dans le dossier médical
?
On écrit ce qu'on comprend ou pas mais dans le sens de
comprendre avec le salarié ce qui lui arrive.
La prise de notes médicales au fil de l'eau se fait pendant
l'entretien et après le temps de visite, on développe,
on décrypte, on fait une synthèse de ce qu'on
comprend et on peut revenir sur des notes antérieures
dont le sens peut être éclairé par les évènements
récents ; mais ce qu'on écrit doit être
respectueux du salarié comme s'il pouvait ou allait lire
; on note aussi nos questionnements.
On trace dans le dossier médical avec un minimum de notes
de synthèse ; l'écriture porte le reflet de nos
pratiques et autorise le médecin à énoncer
ce qu'il pense.
On trace les risques psychosociaux dans le cadre réglementaire,
à travers la fiche d'entreprise, le rapport annuel dans
les entreprises plus grandes, dans le cadre d'enquêtes.
2 - Rédiger des monographies
Il s'agit d'écrire une histoire clinique du point de
vue de la santé au travail en articulant 4 histoires
liées : Celle de la santé individuelle
Celle du travail du salarié
Celle de la santé du collectif de travail
Celle de l'histoire du collectif
Et sur les 2 plans les liens entre travail et santé et
pourquoi ;
Quelques règles sont à respecter : ne pas écrire
à la 1ère personne, ne pas donner la monographie
au salarié. Il n'est pas facile d'écrire une monographie.
Cela a été discuté dans le groupe monographies
de SAMOTRA-CE. On peut proposer un atelier d'écriture
pour apprendre à écrire une monographie mais en
se gardant de réécrire derrière les collègues
et inviter les collègues à mettre leur monographie
en discussion pour la retoucher.
La monographie est un exercice de style avec mise en débat
entre pairs
• Monographies SAMOTRA-CE : écrire dans le sens
de comprendre avec le salarié ce qui lui arrive ; le
but de ces monographies est d'apporter aux épidémiologistes
un matériel clinique qui éclaire le quantitatif,
pour ne pas rester sur des représentations, des interprétations
éloignées de la réalité. C'est ainsi
que des matériaux ont été apportés
sur la souffrance éthique.
3 - Veiller
• Nous avons au cours de plusieurs réunions évoqué
la place des indicateurs en matière de santé mentale
au travail pour une veille en risques psychosociaux, une veille
chiffrée et une veille qualitative :
• utilisation des indicateurs dans SUMER (double tâche,
souffrance, absentéisme, accident du travail), dans l'enquête
SAMOTRA-CE avec le rôle du score du GHQ et de son caractère
opérationnel (précédé de questions
sur la vie personnelle.)
• Questionnaire instantané qui ne donne pas la
même vision de l'état de santé du salarié
qu'un entretien médical déroulé durant
plusieurs années et relaté dans le dossier accompagné
de la vision collective qu'a le Médecin du travail. Il
devient intéressant quand il est complété
par la clinique, le qualitatif.
4 - Le cas du suicide
Ce grave sujet a été abordé autour de plusieurs
cas rencontrés dans une même entreprise.
Que doit faire le médecin du travail ? Que n'aurait il
pas fait ?
Le médecin doit toujours se poser la question de la place
du travail dans la survenue d'un suicide et ne pas se laisser
embarquer dans les arguments « il avait des problèmes
personnels, il était fragile » qui sont ceux de
l'employeur.
Il faut aller impérativement dans le dossier regarder
les traces inscrites même discrètes sur une fragilisation
de la santé du salarié en lien avec le travail.
Il faut aussi rechercher dans les dossiers médicaux du
collectif de travail les traces d'une atteinte individuelle
de la santé en lien avec le travail.
Quelle démarche doit il adopter ?
Toujours mettre en débat le travail dans la responsabilité
d'un acte de violence contre soi, toujours s'interroger sur
l'implication et le retentissement sur le collectif.
Il doit aussi se rendre disponible pour recevoir les collègues
de travail voire les convoquer en visite médicale. Ce
sont les salariés les plus engagés dans le travail
qui retournent la violence contre eux.
Le médecin du travail se retrouve dans une situation
difficile, s'il n'a pas veillé antérieurement,
s'il n'a pas parlé et pas alerté.
5 - Alerter
Le groupe a débattu de la nécessité d'alerter
dans la sphère collective, sous forme de rédaction
«d' une alerte pour danger grave et imminent ».
Cette alerte peut concerner un collectif de travail. Elle a
été pratiquée sous forme de consultation
collective avec rédaction d'un certificat médical
collectif, certificat médical de stress post traumatique,
attestant de la souffrance au travail qui est remis aux intéressés
et adressé par eux même s'ils le souhaitent à
l'inspection du travail et à l'employeur.
L'alerte est conditionnée par l'existence d'un recueil
d'informations systématisé qui portent sur les
souffrances des salariés et sur les risques psychopathologiques
du travail.
Lorsqu'une alerte de risque psychosocial est faite, c'est que
le médecin a rencontré plusieurs salariés
en très grande difficulté dans leur travail (stress
post traumatique, processus dépressif généré
par des dérives organisationnelles qui se déploient
dans un contexte collectif...)
6 - Déclarer en Accident du travail
La déclaration en accident du travail « stress
post traumatique», en maladie professionnelle de ce qui
a pu provoquer la décompensation mentale, le geste suicidaire
au niveau professionnel permet une mise en visibilité
sociale.
Il faut donc : • Déclarer en accident du travail
la décompensation aigue psycho pathologique en repérant
et notant l'évènement déclencheur même
à distance dans le temps : la santé peut être
atteinte de façon différée par rapport
à la déclaration éloignée référant
à un constat médical proche, cela pour limiter
les contestations de la CPAM : avoir à l'esprit que le
médecin doit rester en état de certifier médicalement
des constats médicaux issus d'une consultation clinique
contenant des matériaux qualitatifs et même avec
échelle ( Evrest...)
• Attester du lien avec le travail
• Rédiger un certificat où on croit comprendre
en tant que Médecin du travail (certificat médical
de stress post traumatique) ;
• Donner acte au salarié de l'effondrement de son
travailler tout en reconnaissant ses compétences anciennes.
• Ne pas intervenir dans les enquêtes AT qui sont
de la compétence du collectif.
Conclusion
Le groupe continue de travailler mais est actuellement préoccupé
par la réduction de son effectif à 7 membres en
raison de départs soit en retraite, soit dans une autre
région.
Le renouvellement du groupe semble difficile peut être
en raison de la longue histoire du groupe qui le fait paraître
moins accessible aux confrères.V Il nous faut peut être
avoir une méthode de travail plus structurée,
susceptible d'être plus rassurante pour les confrères
: un temps de travail sur des monographies qui auraient été
commandées à l'avance et donc envoyées
avant la réunion, un temps d'élaboration de repères
pour notre pratique, un temps pour traiter les situations urgentes.
B - Débat
D. HUEZ : Il faut souligner •le rôle de la formation
spécifique et des apports théoriques ;
•le « comment chacun se positionne » pour
respecter les pratiques « dévoilées »
des confrères ; jusqu'où ne pas aller trop loin
dans ce qu'on peut dire, dans ce qui peut être entendu,
en préservant toujours le respect qu'on doit au collègue
;
• la nécessité de prendre en compte la santé
même du médecin du travail qui « se dévoile
», parfois très malmené par la situation
qu'il rapporte ;
•Attention ! la monographie est un exercice de style abouti,
pour formaliser. C'est différent de la quotidienneté,
des notes, des questionnements : ne pas mélanger les
deux. La pensée en travail est bien plus riche dans le
travail d'un GAPEP !
•Notre groupe fonctionne un peu sur la spontanéité
: rôle des pairs.
A. DEVAUX : le retour des GAPEP en transversal, pour les membres
du groupe projet et les binômes, est enrichissant aussi
pour leur propre pratique.
G. LUCAS met en débat la question de la monographie
: la remise au salarié, qui ne s'est pas reconnu : est
ce que cela n'invalide pas notre travail ?
D.HUEZ : La question des notes médicales dans le dossier
d'un agent est importante ; chacun a ses pratiques. Moi je note
quelques éléments au fil de la consultation ;
à la fin je mets soit des synthèses quand je comprends,
soit des interrogations quand je ne comprends pas. C'est important
de noter quand on ne comprend pas. Cliniquement, ces situations
m'inquiètent. Il m'est arrivé, mais à longue
distance, dans des histoires de somatisation lourdes, de lire
à la personne le contenu de son dossier dont des choses
difficiles à entendre pour le salarié. Revisiter
une histoire à distance, quand la personne s'est un peu
« armaturée » peut être fort intéressant
pour mieux comprendre ensemble les difficultés de son
« travailler ». Mais la règle de base est
que tout ce qu'on écrit dans le dossier médical
doit être respectueux des personnes. Alors il n'est pas
besoin d'être inquiet du fait que les salariés
ou leurs ayant droits pourraient y avoir accès ; ce qui
est par ailleurs rarissime, mais légitime.
A. CARRE : je voudrais tempérer ce que dis Gérard
Lucas : quel est le pré requis pour recevoir une monographie
?
V. ARNAUDO : une mono n'a pas un but thérapeutique
pour le salarié : c'est ce que le médecin du travail
a compris de l'histoire de la personne.
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