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Les actes du colloque

du vendredi 20 juin 2014

E-Pairs6eme Colloque E-Pairs-Association SMTa-SMT

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« Les écrits des médecins du travail
et les liens santé travail»

Introduction

Le point de vue de la clinique

C’est à partir de l’activité clinique que les médecins du travail instruisent le lien santé-travail et que leurs écrits peuvent permettre la mise en visibilité des atteintes à la santé liées au travail. Depuis quelques années, ces écrits ont évolué à partir de la clinique médicale du travail.
Le travail clinique des médecins du travail produit d’autres connaissances sur le lien santé-travail que celles qui leurs ont été enseignées dans leur spécialité médicale. L’activité clinique en donnant la parole aux salariés permet une redistribution de l’expertise sur les questions du travail, et de nouvelles modalités de production de connaissances.
L’analyse clinique ne sépare pas les conditions de travail des salariés de l’évolution des rapports sociaux du travail et des organisations du travail, ni des conflits qui les accompagnent, y compris au sein même de la santé au travail.

Clinique, droit et déontologie

Dans son activité médicale, le médecin du travail est face à un sujet qui est à la fois salarié lié par un lien de subordination dans le cadre du contrat de travail, mais aussi agent ou opérateur engagé subjectivement dans une activité de travail et qui est aussi patient invité à ou sollicitant une consultation médicale en santé au travail.
La mission du médecin du travail, l’objet et le sujet de son activité, c’est la mise en visibilité du lien santé-travail.
Les écrits du médecin du travail prennent appui sur une démarche clinique qui ne se substitue pas à l’action du salarié, mais qui vise, par le travail d’élaboration du sujet, à la reconstruction de sa capacité à penser, débattre et agir.
Mais ces écrits nécessitent un éclairage spécifique du côté du droit du travail, du code de la santé publique et de la déontologie. Ceci nécessite de partir du travail prescrit, des textes réglementaires, du code de déontologie avant d’aborder la démarche clinique et les écrits en référence aux pratiques cliniques.

Pluralité des points de vue

Ce texte est un texte collectif, écrit à plusieurs, témoignant de styles différents, laissant émerger de possibles disputes professionnelles sur le métier, sur la forme et sur le contenu des écrits.
Il est impossible pour un médecin du travail dans les conditions actuelles d’organisation des services de santé au travail de réaliser l’ensemble de ses missions. Chacun trie, fait des choix, se donne des priorités. Notre propos est de cheminer en partant du droit et de l’exercice de la médecine du travail, en croisant les points de vue, au risque de se répéter, pour mieux comprendre afin d’examiner les pratiques des médecins du travail en matière d’écrits médicaux.

Huit « disputes professionnelles »

jalonnent ce document, comme étapes de débats entre pairs pour le colloque du 20 juin 2014.
L’objet des « disputes professionnelles » est de permettre l’ouverture à discussion sur les pratiques professionnelles en médecine du travail. Ce n’est pas la recherche d'une conduite à tenir ou d'un consensus.

dispute
"Disputes professionnelles"

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LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL ECRIRE COMME MEDECIN DU TRAVAIL

PREMIERE PARTIE
LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL : DU COTE DU DROIT ET DE L’EXERCICE
1. LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL ET LE DROIT
2. LES ECRITS CONCERNANT LE TRAVAILLEUR
Le dossier médical de médecine du travail
La traçabilité des risques professionnels du travailleur par le médecin du travail
Le diagnostic des effets des risques professionnels sur la santé du travailleur

3. LES ECRITS CONCERNANT LA COMMUNAUTE DE TRAVAIL

DEUXIEME PARTIE
LES ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL EN REFERENCE AUX PRATIQUES ET A LA CLINIQUE MEDICALE DU TRAVAIL
4. ELEMENTS DE CARACTERISATION D’UN ECRIT MEDICAL POUR LE DOSSIER MEDICAL
5. ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL ET REGLES DE METIER
6. LA MONOGRAPHIE CLINIQUE DE MEDECINE DU TRAVAIL
7. DES « RUSES DE METIER » POUR LES ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL ?
8. ECRIT MEDICAL COLLECTIF DE PLUSIEURS MEDECINS DU TRAVAIL
9.COOPERATIONS ET ECRITS DANS LE CADRE D’UNE EQUIPE MEDICALE OU PLURIDISCIPLINAIRE D’UN SST

Conclusion
Bibliographie

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PREMIERE PARTIE
LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL : DU COTE DU DROIT ET DE L’EXERCICE

La déontologie médicale, extension du serment d’Hippocrate, est un recueil des devoirs du médecin vis-à-vis du patient qui se confie à lui. C’est dans l’unique intérêt de la santé du patient qu’elle se déploie.
Comme tout médecin, le médecin du travail considère le travailleur comme un patient[1] et par conséquent agit vis-à-vis de lui conformément aux dispositions du code de la santé publique, du code du travail et du code civil. C’est un spécialiste à part entière des liens entre le travail et la santé.
C’est l’intérêt de la santé du travailleur qui le guide, y compris au péril d’éventuels conflits avec l’employeur, dès lors que le médecin constate que ce dernier ne répond pas, volontairement ou non, à ses obligations de prévention et d’obligation de sécurité de résultat.

1. LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL ET LE DROIT

1.1. L’exercice de la médecine du travail consiste à identifier la relation entre des altérations de la santé d’un travailleur et des éléments pathogènes de sa situation professionnelle

La médecine du travail est un exercice médical : à ce titre les praticiens procèdent comme tout médecin à l’établissement de diagnostics médicaux qui comportent l’identification de la ou des étiologies de l’affection en cause.

La médecine du travail est un exercice de spécialité et à ce titre les praticiens sont qualifiés pour identifier les liens entre les affections d’origine professionnelles et des éléments pathogènes liés au travail. Comme pour toute spécialité, pour ce faire, ils déploient des pratiques et un corpus de connaissances partagés et validés par les spécialistes en médecine du travail ou du champ de la santé au travail, notamment dans le cadre des échanges d’expériences et d’évaluations entre pairs faisant éventuellement l’objet, pour certaines d’entre elles, de recommandations de la haute autorité en santé.

L’objet de ces pratiques est précisé par le code du travail.
Elles se déploient tout d’abord dans un cadre collectif.
Chargé « …d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail… » (L4622-4 du CDT), le médecin du travail a le devoir de signaler l’existence d’un risque professionnel collectif et les remèdes à y apporter à toutes les composantes de la communauté de travail et aux autorités publiques (L4624-3 du CDT). Il conseille notamment la communauté de travail et les salariés sur « la protection des travailleurs contre l’ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d’accidents du travail ou d’exposition à des agents chimiques dangereux » (R4623-1 du CDT).
Ces éléments collectifs sur les risques professionnels et leurs effets sont consignés dans des documents ayant publicité dans l’entreprise et auprès des autorités publiques, telle la fiche d’entreprise rédigée et tenue à jour par chaque médecin du travail.

1.2. L’exercice de la médecine du travail impose au médecin du travail d’informer le travailleur des risques de sa situation professionnelle et de leurs liens, éventuellement pathogènes, à sa santé

Comme tout médecin, le médecin du travail « doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose… » (R4127-35 du CSP). Le droit à l’information du patient sur son état de santé porté par l’article L1111-2 [2] est un des éléments fondateurs de la révision du code de la santé publique de 2002.
En matière d’exercice de la médecine du travail les devoirs du médecin du travail en matière d’information collective sont étendus par le droit du travail à sa relation avec son patient : le travailleur.
Ainsi, le médecin du travail est chargé au cours de l’examen d’embauche « d’informer (le travailleur qu’il examine) sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire » (R4624-11 du CDT). Lors des examens périodiques il a obligation d’informer le travailleur « sur les conséquences des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire » (R4624-16 du CDT). Il peut dans ce cadre demander les examens complémentaires nécessaires « au dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle du salarié » (R4624-25 du CDT).

1.3. Le constat du lien entre sa santé et son travail par le médecin du travail doit être consigné par écrit dans le dossier médical ou donner lieu à la délivrance d’un certificat médical. Ce constat écrit est soit tenu à la disposition du travailleur, soit lui est accessible

Le médecin du travail établit un dossier en santé au travail qui « retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis… » (L4624-2 du CDT). Le dossier médical est accessible au salarié.
Comme à tout médecin l’article L461-6 du CSS s’impose au médecin du travail. « En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel… ».
Enfin, l’article R4127-50 du CSP impose à tout médecin de « faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit… » Cela peut nécessiter la rédaction d’un certificat médical.
Le constat du lien par le médecin du travail peut également être rédigé dans le cadre d’une action de prévention d’une aggravation ou de continuité du soin. Cet écrit peut ainsi être rédigé à l’attention d’un autre médecin, soit dans le cadre d’un avis complémentaire soit en direction du médecin traitant pour permettre par exemple une continuité de prise en charge. Là encore les règles déontologiques relatives au secret médical et l’article L1110-4 du CSP imposent que les liens entre les médecins soient assurés en toute connaissance de cause par le patient, lequel peut prendre connaissance des échanges si toutefois il les autorise.

2. LES ECRITS CONCERNANT LE TRAVAILLEUR

2.1. Le dossier médical de médecine du travail

2.1.1. L’écrit comme trace au dossier médical

Le contenu du dossier médical permet au médecin de retrouver les informations de santé relatives à l’état de santé du salarié et les expositions auxquelles il a été soumis, éléments indispensables pour le suivi en médecine du travail.
Tous ces éléments sont accessibles au salarié afin qu’il puisse comprendre le lien entre sa santé et son travail, et utiliser certaines informations pour un éventuel suivi post professionnel ou pour des démarches de reconnaissance ou de réparation.

Pour ces raisons il doit être complet et organisé de façon à étayer les rubriques :
- Informations socio administratives
- Informations concernant les emplois antérieurs et l’emploi actuel
En ce qui concerne les emplois antérieurs, l’objectif est de disposer rapidement dans le dossier d’un curriculum Laboris daté et comportant les postes occupés et les expositions professionnelles.
Le poste actuel est formalisé avec l’aide du salarié sous forme d’une fiche de poste recueillant la description des activités effectuées, des contraintes et des expositions. Cette fiche de poste est réactualisée et archivée dans le dossier médical.
- Les informations concernant la santé du salarié
Avec l’aide du salarié, il est particulièrement important de répertorier les antécédents médicaux et le statut vaccinal en lien avec les risques professionnels ou susceptibles d’avoir des répercussions sur le travail. Cela passe par une explication de l’objet de ces recherches.
Le recueil des données se fait à partir du vécu et du ressenti du salarié au travail et de l’examen clinique qui en découle et des éventuels examens complémentaires.
Cet écrit est fait dans l’objectif de garder les éléments importants pour la compréhension, le suivi et l’appréciation de l’état de santé actuel du salarié. Il permet de faire une synthèse à chaque début ou fin de consultation, pouvant servir d’échange avec le salarié dans le but de le rendre acteur de sa santé.
- Les propositions et avis du médecin du travail
Il nous parait important de formuler toutes les suggestions, réflexions, propositions, orientations émises par le médecin du travail ainsi que le retour du salarié, ce qui permet de préciser le cheminement qui amène à l’avis ou la conclusion de visite.

2.1.2. L’écrit « point d’étape d’une réflexion clinique »

La réflexion clinique part du recueil de données réalisé lors des consultations menées avec le salarié et retranscrites dans le dossier médical.
Ce point d’étape a trois intérêts :
Il permet au salarié d’apprécier l’évolution de son état de santé par rapport à la fois précédente, de repréciser des éléments de son discours ou de son vécu, d’avancer sur la compréhension du lien santé travail et sur sa réflexion concernant les pistes d’action.
Le médecin du travail utilise les écrits du dossier pour s’assurer avec du recul de la bonne compréhension de la situation du salarié. Il s’agit également pour lui de repartir de la synthèse pour préparer la prochaine consultation ou l’action qu’il entend mener pour le salarié ou dans l’entreprise.
Ces éléments écrits pourraient permettre l’échange avec les pairs de façon à enrichir les pratiques professionnelles.
Mais qu’est-ce qui provoque la lecture par le salarié de son dossier médical, en dehors de sa demande de communication pour un usage juridique ? Ce peut être le médecin lui-même, dans un but de soutien à l’élaboration, la sienne et celle du salarié. La lecture permet l’accès à la dimension historique du dossier de clinique médicale du travail où précisément les affaires cliniques se déploient dans la durée.
Il nous semble difficile voire préjudiciable au médecin du travail et au salarié de ne pas recueillir tous ces éléments au sein du seul dossier médical. L’utilisation d’autres supports présente des risques de perte, de non complétude, de dispersion des informations et des difficultés de synthèse.

Dispute professionnelle 1 :

Que peut-on écrire au dossier médical pour accompagner, comprendre avec le salarié, tracer médicalement, construire le métier ?

  • Que prioriser ? En fonction de quoi ?
  • Le travail et le « travailler » s’écrivent-ils ? Toutes les informations sur la santé doivent-elles être écrites ?
  • Ecrire le diagnostic « en construction » sur le lien santé-travail ? Ecrire nos incompréhensions ?
  • Ecrire toutes nos préconisations individuelles ?
  • Y inclure des éléments d’analyse collective de la situation du collectif de travail du salarié ?
  • Si ce dossier peut être lu, qu’est-ce une écriture respectueuse du salarié ?
    Lisons-nous parfois le dossier au salarié ?
    Pourrait-il le lire lui-même devant nous ?
    Comment le médecin du travail pourrait-il transcrire dans le dossier ce que sa lecture par le salarié lui donne à penser ?

Pour accéder aux réponses et "disputes" sur ce theme suivez ce lien  lien

2.1.3. Recommandation HAS dossier médical et repères pour la pratique

La HAS a élaboré une recommandation en 2009 sur le DMST dont elle donne une définition et des objectifs qui nous semblent intéressants synthèse HAS DMST :
« Le DMST peut être défini comme le lieu de recueil et de conservation des informations socio-administratives, médicales et professionnelles, formalisées et actualisées, nécessaires aux actions de prévention individuelle et collective en santé au travail, enregistrées, dans le respect du secret professionnel, pour tout travailleur exerçant une activité, à quelque titre que ce soit, dans une entreprise ou un organisme, quel que soit le secteur d’activité.
Le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être alimenté et consulté par les personnels infirmiers du travail collaborateurs du médecin du travail, sous la responsabilité et avec l’accord du médecin du travail, dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur mission.
Avec des objectifs principaux :
aider le médecin du travail à apprécier le lien entre l’état de santé du travailleur et le poste et les conditions de travail ...participer à la traçabilité des expositions professionnelles ... ».
La liste des informations recommandées concernant l'emploi, la santé des travailleurs et les propositions d'avis du médecin du travail, est logique, mais son application intégrale est dépendante de sa faisabilité dans le temps des consultations, de l'utilité, de la pertinence pour l'appropriation du lien santé travail et des pistes d'action sur les conditions de travail. La numérisation préconisée est en partie facilitatrice mais parfois une contrainte supplémentaire et limitative. Le médecin du travail doit donc faire des choix argumentés du point de vue des priorités de l’exercice de son métier. En effet, l'écriture exhaustive de tous les critères cités envahirait le temps de consultation au détriment de l'investigation de ce qui fait réellement lien santé travail.
Il convient de ne pas négliger les données socio administratives : noter l’existence ou non d’enfants, leur année de naissance, l’âge des parents et leur degré d’autonomie, le nombre de frère et sœur etc, permet souvent de comprendre des difficultés de santé, tant l’équilibre organisation de la vie privée et organisation du travail avec horaires variables peut être difficile, particulièrement pour les femmes.

Chacune des informations concernant l’emploi, le poste et les expositions peut-être utile dans certains cas pour le dévoilement du lien santé-travail, mais l'intelligence professionnelle n'est pas d'en faire une obsession, mais d'aller la chercher quand elle s'avère utile à la compréhension d'un impact sur la santé. Dans les critères cités, le vécu du travailleur n'est pas évoqué, alors qu'il est parfois essentiel pour l'évolution de la santé au travail et donc à noter. Par ailleurs, il apparaît que les informations sur l'exposition aux risques et à la pénibilité est une collecte qui relève de l'entreprise et qui pourrait faire l'objet une transmission lisible dans le dossier médical sans être à reconstituer plus ou moins empiriquement. Il restera toujours à comprendre ces risques pour la santé du travailleur et son appréhension, ainsi qu'à compléter par des pénibilités ou des risques authentiques du point de vue de la santé au travail alors qu'ils ne sont pas répertoriés par négligence ou non inclus dans les normes négociés à ce jour.

Concernant la santé des travailleurs, les antécédents médicaux personnels présentant un intérêt pour l’évaluation du lien entre l’état de santé du travailleur et le poste de travail ou pour le suivi de la santé du travailleur soumis à certaines expositions professionnelles, sont particulièrement importants. Certes, en sachant qu'une mention brève sera souvent suffisante, et que l'intérêt d'une déclinaison précise, sans inquisition, de ces antécédents serait là aussi fonction de la réalité et du niveau d'atteinte à la santé en cours ou potentiel. Les données actualisées sur les habitus (alcool, tabac, autres addictions) ne devraient pas omettre d’en analyser le lien avec le travail.
Dans le cas d’exposition, notamment à des reprotoxiques, les données actualisées sur une contraception en cours, une grossesse y sont importantes. Mais c'est le questionnement du travailleur sur le sujet qui est central avant toute investigation appuyée. L'arrêt de travail est évidemment un indicateur de santé majeur, mais devra être explicité dans le cadre de cette investigation santé travail.
L’existence ou absence de symptômes physiques ou psychiques, l’existence ou l’absence de signes cliniques, sont nécessaires par ce que destinés à évaluer le lien entre l’état de santé du travailleur et les expositions professionnelles antérieures. Ce sont alors des informations centrales pour le DMST. Il en est de même de l’avis éventuel d’un spécialiste concernant le suivi d’une pathologie spécifique, dans le cadre de l’évaluation du lien entre l’état de santé du travailleur et le poste de travail, ou la recherche d’une contre-indication à un poste de travail. Le renseignement de données à recueillir par écrit relève généralement d'une décision professionnelle orientée.
Mais l’action de prévention individuelle du médecin du travail devrait être attentivement tracée. Il en est ainsi des informations délivrées au travailleur par le médecin du travail ; des informations sur les expositions professionnelles, les risques identifiés et les moyens de protection ; de l’existence ou absence d’une pathologie en lien possible avec une exposition professionnelle ; de l’avis médical (fiche d’aptitude ou de suivi médical) ; de la proposition d’amélioration ou d’adaptation du poste ou des conditions de travail, de reclassement, etc.

Les recommandations et les incitations de l’HAS pour le DMST sont à comprendre comme un guide, un repère pour un problème de santé au travail spécifique. La formalisation systématique de renseignements écrits des dizaines de critères préconisés n'est pas dans les moyens des médecins de travail ou de leurs collaborateurs dans la configuration actuelle des services de santé au travail, et ce serait beaucoup d'énergie souvent sans raison. Même si nous souhaitons tous améliorer la lisibilité de nos dossiers médicaux, n'est-il pas illusoire de croire que dès demain un dossier médical parfait serait une source d'objectivation des liens santé travail ?
En revanche, l'approche de clinique médicale du travail déploie immanquablement le questionnement sur l'environnement de travail et l'itinéraire de santé qui ouvrira sur les critères de lien santé travail spécifiques à tracer à propos d'une situation complexe ou d'un événement. La forme de cette trace dans le dossier médical peut être très variable selon le scribe, l'atteinte à la santé accompagnée ou l'environnement.

Faire connaître au médecin du travail les expositions professionnelles d'un travailleur ne doit pas être un alibi pour faire reposer la traçabilité sur le DMST, mais, à partir des fiches d'expositions et de pénibilités individuelles élaborées dans l'entreprise et des DUERP, une pratique qui permet le questionnement la modération ou l'extension des liens santé travail avec le regard et l'analyse de la médecine du travail.
Beaucoup de médecins du travail ont des bons trucs pour visualiser en quelques secondes à partir de leurs notes les points importants du lien santé travail de salariés. Mais la lecture mutuelle avec l'infirmière santé au travail qui coopère avec lui n'est souvent pas si simple. La lisibilité par le confrère qui récupère le dossier médical après le changement de poste ou d'entreprise est encore moins évidente. La compréhension par le salarié qui a besoin de son dossier est parfois une gageure.
La numérisation résout parfois une partie de cette lisibilité mais crée ou laisse persister bien d'autres illisibilités. Qu'en est-il de la lecture des numérisations du dossier médical papier qui est transféré au service de santé au travail « entièrement informatisé » ? Qu'en est-il de la lisibilité du dossier médical informatisé sous forme papier, transféré à un médecin du travail non équipé du même logiciel ?
Parallèlement à des « yakas faucons » d'un DMST idéal, le travail d'écriture opportun et circonstancié et les participations à des croisements de données collectives, restent une priorité pour la mise en lisibilité des liens santé travail, de l’appropriation par les travailleurs de leur santé au travail, de leur pouvoir d'agir et de l'amélioration de leurs conditions de travail. Il fait l’objet d’un autre développement plus loin dans ce texte.

Le DMST collationne aussi tous les écrits professionnels remis au médecin du travail et qui concerneraient la santé au travail d’un salarié y compris les écrits électroniques adressés par les salariés, pour alerter le médecin du travail de difficultés rencontrées ponctuellement (nouveaux horaires, nouveaux produits, changement de poste). Cette collecte prend encore plus d’importance actuellement avec l’espacement des examens médicaux systématiques.

Le DMST c'est au moins cinq utilisations : une mémoire pour le médecin, une transmission pour d'autres professionnels de santé au travail, une trace accessible au bénéfice du travailleur, un argumentaire pour des tiers de la sphère travail et accessoirement un acte médico-légal. Les mises en forme de ces cinq utilisations ne sont pas figées et peuvent être transversales.

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2.2. La traçabilité des risques professionnels du travailleur

2.2.1. La première caractéristique de la traçabilité individuelle des expositions par le médecin du travail est qu’elle porte à la fois sur les risques et sur leurs conséquences c’est-à-dire sur le lien santé-travail.

Ainsi que cela a été indiqué dans le chapitre 1.2, comme médecin, il assure une traçabilité des risques et de leurs effets pour remplir ses obligations déontologiques d’information loyale de son patient notamment en application des articles R4127-35 et L1111-2 du code de la santé publique.
Comme médecin du travail, cette obligation est réitérée (R4624-11) et il lui est spécifiquement demandé d’assurer l’identification et le signalement du lien santé-travail (R4624-16). Toute latitude de prescription d’examens complémentaires lui est laissée dans ce cadre (R4624-25).

2.2.2. La deuxième caractéristique de la traçabilité individuelle de l’exposition aux risques par le médecin du travail est qu’elle est en partie rétrospective.

Du fait qu’elle engage la responsabilité du médecin il est particulièrement approprié que cette traçabilité soit formalisée.
Ainsi, le médecin du travail établit un dossier en santé au travail qui « retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis… » (L4624-2 du CDT). Le dossier médical est accessible au salarié.
Le dossier doit porter mention des expositions aux risques anciennes du salarié, pour mettre en place un suivi médical post exposition.
Concernant les ACD et les cancérogènes rappelons que les attestations, qu’il s’agisse de celle qui n’est plus obligatoire après janvier 2012 (mais doit néanmoins être remise pour les salariés exposés avant cette date) ou de celle prescrite par l’article D461-25 du code de la sécurité sociale, doivent être en partie rédigées par le médecin du travail et permettent la mise en œuvre du suivi médical post professionnel.
La circulaire DRT d’application du décret les instituant précisait, qu’en cas de désaccord avec l’employeur sur la nature de l’attestation, le médecin du travail peut rédiger un certificat médical d’attestation afin de permettre l’accès à un suivi post exposition ou post professionnel.
Ne pas signaler les expositions à un salarié, du fait que ce signalement ouvre un droit à la prévention secondaire, constitue une perte de chance pour le salarié ce qui engage la responsabilité de celui ou de celle qui se serait abstenu.

2.2.3. La troisième caractéristique de la traçabilité individuelle de l’exposition aux risques par le médecin du travail concerne le constat des effets de ces expositions qui est de la responsabilité du médecin du travail.

Comme cela a été examiné dans le chapitre 1.3, que ce soit en application du code de la sécurité sociale (L461-6) ou de ses obligations déontologiques (R4127-50 du CSP), le médecin du travail doit informer le travailleur du lien santé travail. Il peut le faire en rédigeant un certificat médical mais aussi en le signalant par courrier à un autre médecin, le médecin traitant par exemple, par le truchement du travailleur qui doit en avoir communication.

Dispute professionnelle 2 :

Comment identifier les risques délétères comme médecin du travail clinicien du travail ?

  • Quelle spécificité de l’identification des risques du médecin du travail face à l’évaluation des risques des employeurs ?

  • Quel constat des effets des expositions par le médecin du travail ?

  • Comment Identifier les risques du « seul point de vue » du médecin du travail ? Quelle spécificité pour la prévention primaire en médecine du travail ?

  • Quelles modalités d’écriture pour l’identification médicale des risques ?

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2.3. Le diagnostic des effets des risques professionnels sur la santé du travailleur

2.3.1. La formalisation médicale du diagnostic

2.3.1.1. L’écrit en urgence

On appelle urgence toute situation qui fait courir à un sujet un péril imminent de mort, de grave péril corporel ou psychique ou d'aggravation de son état.
Avant de traiter des écrits du médecin du travail dans le cadre de l’urgence, il faut rappeler que le médecin du travail rédige aussi des écrits sur l’urgence.
Du fait du principe de subordination, la prise en charge des salariés présentant une urgence médicale au travail est une obligation réglementaire des employeurs :
Ainsi, « l’employeur prend, après avis du médecin du travail, les dispositions nécessaires pour assurer les premiers secours… ».
Son rôle spécifique est bien tracé en matière de premiers secours. Il est dans ce domaine le conseiller de la communauté de travail et pratiquement il doit consacrer du temps d’activité en milieu de travail (R4624-1) à : « …5° La délivrance de conseils en matière d’organisation des secours et des services d’urgence ». La formalisation de ces conseils peut être l’objet d’intervention en CHSCT ou de courriers notamment repris dans la fiche d’entreprise à la rubrique prévue par l’arrêté du 29 mai 1989 : « Actions tendant à la réduction des risques ». Il lui appartient en cas de présence d’un infirmier dans l’entreprise de rédiger un protocole écrit de soins d’urgence à son attention à déployer en son absence c'est-à-dire : « les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin…. »
Comme tout médecin, le médecin du travail doit respecter l’article R4127-9 du code de la santé publique :« tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires ».
L’écrit du médecin du travail lors de la survenue d’une urgence ne doit pas prendre le pas sur l’action thérapeutique médicale du médecin qui a pour objet de maintenir ou d’améliorer l’état de santé physique ou mental de la victime.
Toutefois, une fois la situation stabilisée, l’écrit du médecin doit, notamment sur le dossier médical, tracer les indications diagnostiques ayant conduits à pratiquer les actes thérapeutiques. La continuité des soins impose également de décrire la situation et les actes effectués à l’attention d’autres praticiens (voir le paragraphe suivant).
Dans certaines situations, ces écrits, dès lors qu’ils tracent les liens entre la situation professionnelle à l’origine de l’urgence et cette dernière peuvent avoir une fonction thérapeutique essentielle.
Cette fonction est contestée dans son principe même par l’Ordre des médecins dont le rapport de 2006 sur les certificats médicaux, précise : « Il est interdit (au médecin) d’attester d’une relation causale entre les difficultés familiales ou professionnelles, … et l’état de santé présenté par le patient. » L’interdiction d’attester d’une relation causale entre des difficultés professionnelles et l’état de santé du patient, outre qu’elle semble outrepasser les compétences de l’institution, nous paraît fausse au regard des connaissances médicales, scientifiques et techniques actuelles.
Dans le cadre de certaines urgences, pour un médecin du travail, ne pas identifier et transmettre au travailleur le diagnostic étiologique professionnel pourrait tout au contraire relever d’une faute.

Pour illustrer ce propos, examinons les actes nécessaires du médecin du travail confronté à une décompensation psychopathologique réactionnelle à un évènement traumatique professionnel.
Les causes peuvent en être diverses et notamment naître, par exemple, de reproches d’un encadrant entrainant un trouble de la reconnaissance ou une situation d’injonction paradoxale ou encore d’un décalage entre l’objet ou la réalisation de la tâche et un système personnel de valeurs (souffrance éthique). Ces éléments relèvent des axes 4 et 5 des indicateurs de facteurs de risque psychosociaux du rapport d’expertise du ministère du travail sur les risques psychosociaux.
Cette situation peut naître d’un évènement unique ou d’évènements répétés de même nature ou de nature différente. L’état réactionnel peut être immédiat ou survenir à distance du traumatisme.
L’état psychopathologique réactionnel peut se présenter sous diverses formes par exemple : crise de larmes, agitation ou prostration, flots de paroles ou mutisme, propos incohérents ou délirants, violence vis-à-vis de tiers ou envers soi-même…
Une première prise en charge médicale initiale en urgence est nécessaire et doit prendre en compte l’histoire médicale et professionnelle et la valeur du soutien social,
Si elle survient en milieu de travail, il est recommandé que cette prise en charge médicale soit confiée au médecin du travail qui connaît la victime et son travail.
Un état psychopathologique réactionnel à un évènement traumatique au travail est un accident du travail (AT) qui doit être déclaré comme tel, car les éléments du travail qui en sont à l’origine se sont produit sur les lieux et ou dans le temps du travail et sont constatés par un préposé de l’employeur et/ou sont portés à la connaissance de l’employeur par des témoins, la victime ou ses ayants droits. Rappelons que si l’employeur refuse de déclarer l’accident la victime peut le déclarer.
Le médecin du travail, en première ligne du constat et parce qu’il peut médicalement accéder au diagnostic étiologique guidé par une clinique médicale du travail, soit par ses connaissances de l’entreprise ou d’évènements de même nature qui relèvent d’une anamnèse collective peut (doit) rédiger le certificat médical initial dans le cadre de cet accident du travail. Ce certificat relève des obligations inscrites à l’article R4127-50 du code de la santé publique.

Nous ne reviendrons pas dans ce paragraphe sur les conditions d’élaboration de ces écrits dans le cadre de pratiques inter-compréhensives. Mais l’objet de cet écrit formalisé, certificat médical ou courrier pour la continuité des soins, est précisément de donner acte au salarié des difficultés ou des évènements professionnels à l’origine de l’urgence. Cet écrit reposera notamment sur les notes cliniques accessibles dans le dossier médical.
Pour comprendre l’impact positif sur la santé du salarié de ces écrits, il faut considérer l’isolement voir le « désolement » (au sens qu’Hanna Arendt donne de cette notion) qu’engendre dans les entreprises le management actuel. Chaque salarié croit être seul à vivre ce qu’il vit.
Alors que parfois cette situation d’urgence peut déboucher sur la violence vis-à-vis des autres ou de soi-même, dans un contexte de culpabilité ou de colère, l’écrit qui donne acte notamment que les traumatismes professionnels (impossibilité d’arriver au bout de la tâche ou de faire un travail de qualité, conflit sur la nature ou l’objet du travail, climat relationnel très perturbé…) sont partagés par les autres travailleurs, est porteur un pouvoir thérapeutique que seul un professionnel maîtrisant le champ de la santé au travail est susceptible d’assurer. L’écrit permet à la victime de relativiser sa situation et parfois d’ouvrir des possibilités nouvelles en matière de pensée critique et d’action collective.
Ne pas écrire dans une telle situation serait alors pour le médecin du travail prendre la responsabilité de ne pas porter assistance à personne en péril.

2.3.1.2. Assurer la continuité des soins

« La santé (…) c’est d’avoir les moyens d’un cheminement personnel et original vers un état de bien-être physique mental et social ». Construire sa santé au travail est donc avant tout une affaire de marges de manœuvre. Travailler c’est, à chaque instant, s’affronter à la réalité. Cela ne peut se concevoir seul. Le travail n’est pas solitaire mais solidaire. On y construit son « existence au monde » par et pour les autres. Autour d’un système de valeurs construit collectivement sur le travail, la manière de le faire, son résultat…la maîtrise du travailleur sur son travail est un facteur personnel d’accomplissement puisqu’il confère la reconnaissance des autres professionnels. Les travailleurs en France se distinguent des autres par leur engagement personnel au travail qui structure le champ social. Cela explique qu’en France, quand on est privé de travail, par l’absence d’emploi par exemple, les effets sur la santé non seulement sociale mais aussi mentale et physique sont particulièrement négatifs.
Il en est de même lorsque, dans un emploi, les conditions de la construction de la santé au travail ne sont plus réunies. Absence de marges de manœuvre, déshérence des collectifs, isolement du salarié, conflits de valeurs, fausse réalité du management, mauvaises conditions de travail…la liste serait longue de ce qui va bloquer la construction de la santé au travail, c'est-à-dire, en l’absence de possibilité d’équilibre en matière de santé, engager un processus de déconstruction de la santé qui va l’altérer puis y atteindre.
Le rôle du médecin du travail est d’empêcher toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail. Il va porter la responsabilité de convaincre la communauté de travail de mettre en place ou de préserver les conditions de construction de la santé. Cette action sera développée plus loin en particulier à travers les écrits qu’elle impose. Notamment, nous examinerons un des versants thérapeutique (prévention secondaire ou tertiaire) de l’action du médecin du travail dès lors que les risques ont eu des effets.
C’est quand la prévention primaire a échoué et/ou que l’employeur n’a pas su « adapter le travail à l’Homme » (L4121-2 du code du travail), que le médecin va se trouver en situation thérapeutique individuelle pour le travailleur dont la santé s’altère, voire est atteinte. Hors nécessité d’un traitement médical en urgence, le paradoxe, c’est que ce médecin à l’exercice purement préventif va devoir déployer sa pratique dans le cadre du soin.
L’importance du travail dans la construction de la santé fixe l’objectif de ce « soin ». Il ne s’agit pas seulement, contrairement à la mission imposée par le législateur, de maintenir le salarié « dans l’emploi » voire, en facilitant par l’inaptitude au poste son licenciement, de le mettre « hors travail », mais bien de le maintenir au travail ou plutôt de « maintenir le travail », c'est-à-dire de le transformer pour qu’il puisse, à nouveau, être un facteur de construction de la santé du travailleur.
A ce titre, aménager le poste de travail constitue un acte thérapeutique et relève avant tout des pratiques du médecin du travail guidé par l’unique objectif de l’intérêt de la santé du travailleur. On est bien loin de la formalité réglementaire que constitue pour le législateur l’avis d’aptitude.
Cette situation peut se concrétiser lors de toute visite, par exemple périodique, mais aussi à la demande de l’employeur ou du salarié. Les écrits du médecin du travail dans ce cadre vont avoir pour objet de rendre concrets et de faire comprendre l’intérêt des aménagements de poste à la fois à l’employeur (cela peut être un courrier d’explications techniques sur la nature de l’aménagement dans le strict respect du secret médical) et au travailleur auquel un double sera remis.

Dès lors qu’il existe une atteinte à la santé retentissant sur le travail ou liée au travail, la continuité des soins impose d’écrire au médecin référent. Ce courrier est bien évidemment indispensable dans ce cadre, mais son intérêt est aussi que, remis au travailleur, celui-ci va le consulter et pouvoir prendre connaissance des éléments médicaux, du raisonnement diagnostique notamment étiologique qui a guidé la décision du médecin du travail. Ainsi, cet écrit peut comporter des considérants qui dépassent la situation individuelle et replacer le cas particulier dans un contexte plus général ouvrant ainsi au travailleur des pistes de solution.
Cette insertion du médecin du travail dans la continuité des soins est maintenant, depuis 2012, explicitement formalisée par l’importance réglementaire accrue de la visite de pré reprise (R4624-20 et R4624-21 du code du travail).
Avant 2012, simple facilité permettant d’anticiper sur les conditions de la reprise, la visite de pré reprise devient dans la nouvelle réglementation un redoutable instrument potentiel de sélection médicale de la main d’œuvre.
Demandée dès lors qu’un arrêt de travail est supérieur à trois mois, notamment par le médecin conseil de « l’assurance » maladie, même si le médecin traitant du salarié continue à prescrire des arrêts, rendue obligatoire pour le salarié dont le refus signifierait la suspension des indemnités journalières, cette visite constitue une potentialité d’instrumentalisation du médecin du travail.
En effet, même si le contrat de travail est suspendu par l’arrêt, le fait nouveau est que, lors de la visite de reprise, elle dispense réglementairement le médecin du travail de la seconde visite nécessaire, sauf danger immédiat, pour « constater l’inaptitude médicale au poste de travail » du travailleur, car « lorsqu’un examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ». Lors de la visite de pré-reprise, « sauf opposition du salarié, (le médecin du travail) informe l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du salarié ».

Parfois confronté à une situation médicale pour laquelle la reprise du travail serait délétère, le médecin du travail va devoir alors raisonner en termes de continuité des soins. Il va devoir évaluer tout d’abord si une reprise serait prématurée dans la mesure où le retour au travail n’est concevable que dès lors que les possibilités thérapeutiques ont obtenu leur plein effet. Avec l’accord du salarié il va, en informant le médecin traitant, pouvoir écrire au médecin conseil pour lui préciser que la reprise serait prématurée et que prescrire des aménagements de poste dans une situation non stabilisée n’aurait pas de sens. Le risque est ici de ne pas prendre en compte les possibilités potentielles d’amélioration de la santé par les soins en cours et de signifier, à tort, que le salarié est inapte à son poste de travail.
Si par contre, la situation de santé est stabilisée et dans le cadre du dialogue que nous avons défini dans un chapitre précédent en matière d’aptitude, il va être possible soit de prévoir des conditions de reprise sans aménagement de poste soit de plaider pour des aménagements du poste.
La participation du médecin du travail à la continuité des soins va consister, par conséquent, en tout premier lieu, à établir, du seul point de vue de la santé du travailleur, en lien avec lui et son médecin traitant, la meilleure stratégie d’intervention sur le travail.
Pendant cette période d’arrêt de travail qui peut être parfois longue, le lien avec le salarié peut être gardé, au-delà de la simple visite prévue par la nouvelle règlementation, par le recours à « l’écrit électronique », pour préparer le retour au travail, les aménagements de poste nécessaires, en lien avec les SAMETH. Ces liens et cette anticipation permettent, avec l’accord du salarié, de préparer l’entreprise à son retour. La connaissance de l’entreprise, du poste de travail, par le médecin du travail, son expérience de situations pathologiques similaires, lui permettent souvent d’anticiper les difficultés prévisibles du retour au travail, et en lien avec le salarié, de trouver des solutions à des situations handicapantes. Travailler très en amont tant avec le salarié qu’avec l’entreprise permet au salarié de se projeter dans l’avenir et de pouvoir faire des projets, ce qui est déterminant pour la santé et permet parfois à l’entreprise d’évoluer dans ses représentations.
Quels qu’ils soient, les écrits du médecin du travail dans ce cadre ont pour finalité principale d’agir sur le poste de travail pour qu’il réponde aux conditions nécessaires à la construction de la santé du travailleur.

2.3.2. Proposer des aménagements de poste : aptitude et inaptitude

Avant toute formalisation écrite de l’aptitude il convient d’examiner ce terme, sa signification actuelle et son évolution dans le temps.
Au commencement de la médecine du travail, sécurité juridique ou assurantielle pour l’employeur, dont les obligations de l’époque en matière de prévention étaient assez légères, l’aptitude fonctionnait sur un mode sélectif de tri, éloigné de toute pratique médicale.
D’où la mise en place autrefois de pratiques pseudo rationnelles de sélection médicale en élaborant des « profils de postes » et en éliminant celles ou ceux qui n’y correspondent pas.
C’est malheureusement cette image assez dévalorisante qui va durablement incarner la médecine du travail dans l’esprit des salariés, des employeurs et même des autres médecins.
L’aptitude va progressivement se vider de sa fonction de sélection, au point même qu’un récent rapport officiel de la cour des comptes préconise sa disparition. L’aptitude est victime de la convergence d’une plus grande responsabilité juridique des employeurs en matière de prévention dans le cadre d’une obligation de sécurité de résultat (directive européenne de 1989, jurisprudences de la cour de cassation de 2002) qui rend dérisoire la sécurité juridique de l’avis, et d’une évolution du métier de médecin du travail (travaux associatifs, évolutions juridiques, jurisprudences …) qui progressivement envisage non plus l’aptitude du salarié à son poste mais les conditions du poste compatibles avec la santé du salarié, dans l’objectif d’adapter le travail à l’Homme, devenu une obligation réglementaire et juridique des employeurs.
C’est alors que cette notion est en perte de sens, que le législateur, en retard d’une guerre ( ?), formalise par arrêté la forme écrite de l’aptitude, laissée jusqu’alors à l’initiative du médecin. L’avis doit réglementairement indiquer les recours permettant de le contester.
Cet écrit regroupe deux notions dont l’une « l’inaptitude » n’est pas l’envers de l’autre « l’aptitude ».
De nombreux articles du code du travail évoquent l’aptitude du salarié à son poste : ainsi l’examen d’embauche a pour finalité « de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter ». Les autres examens médicaux ont pour objet « de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale au poste auquel il est affecté ». Paradoxalement, aucune définition précise de l’aptitude n’est réglementairement disponible. Elle se distingue toutefois de la notion « d’absence de contrindication » exigée en cas d’affectation à des travaux exposant aux cancérogènes et qui est sensée la compléter.
L’inaptitude, entité complexe, est, quant à elle, bien définie par le législateur : « Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs (Article L. 4624-1 du CDT) ». La mission clairement définie est celle d’adapter le travail à l’homme et l’aptitude est ici celle du poste et de sa compatibilité avec la santé de ce salarié-là, à cet instant-là. En aucune façon il ne s’agit d’une sélection médicale de la main d’œuvre ou de la substitution à une aptitude technique au poste de travail.
Ainsi, en découle la première caractéristique de l’avis d’aptitude : comme tout écrit médical, il ne vaut que dans la situation de l’examen médical au moment où il a lieu. En aucun cas il ne peut avoir de valeur si les conditions qui ont présidées à sa rédaction venaient à être modifiées : soit du côté de la santé du salarié soit du côté des caractéristiques du poste de travail.
C’est un écrit médico-réglementaire qui intervient dans le contrat de travail et donc est aussi destiné à l’employeur, par conséquent sa rédaction doit répondre au garantie en matière de secret définies à l’article L 1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé… ».
Cet écrit s’adresse à un patient, le salarié et a des conséquences en matière de santé physique mentale voire sociale. Par conséquent cet avis doit prendre en considération l’article L1111-4 du code de la santé publique qui précise : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables... ». Cela impose donc au médecin du travail de se prononcer après avoir entendu le salarié sur ce qui lui paraît approprié et si possible d’en tenir compte. L’inaptitude est aujourd’hui particulièrement lourde de conséquences pour la composante sociale de la santé : 90% des inaptitudes au poste de travail entrainent le licenciement. Protéger la composante physique ou mentale de la santé du salarié peut-il se faire à ce prix ? De quelle connaissance ou compétence peut se prévaloir le médecin qui autoriserait qu’il choisisse telle ou telle solution ? Seule l’irrationalité de la position du salarié et des conséquences graves pour la santé qui ne seraient pas perçues peut autoriser à émettre un avis qui ne serait pas accepté par le travailleur. Le laconisme de l’avis doit être complété par une transcription exhaustive dans le dossier médical du raisonnement et des débats avec le salarié à l’origine de la rédaction de l’avis. C’est en fait la seule preuve que le médecin a déployé tous les moyens nécessaires à la pertinence de son avis et s’est bien conformé aux dispositions du code de la santé publique.
Notons que comme tout médecin, afin d’éclairer sa prise de décision le médecin du travail peut recourir à des examens complémentaires et notamment à des avis d’autres praticiens. Parmi ceux-ci, il a la possibilité réglementaire de s’entourer de l’avis du médecin inspecteur régional du travail
Un point particulier issu du décret de janvier 2012 mérite d’être signalé. Il s’agit des dispositions inscrites à l’article R4624-47 du CDT qui indique : « …Lorsque le médecin du travail constate que l’inaptitude du salarié est susceptible d’être en lien avec un accident ou une maladie d’origine professionnelle, il remet à ce dernier le formulaire de demande prévu à l’article D. 433-3 du code de la sécurité sociale. » ainsi, s’il estime que l’inaptitude est susceptible d’être en lien avec un AT ou une MP la délivrance de l’imprimé destiné à compenser une éventuelle perte de rémunération est une obligation pour le médecin du travail.
Enfin l’avis peut être accompagné d’autres écrits remis au salarié soit pour faire valoir ses droits (certificat médical,) soit pour assurer la continuité des soins (courrier à un autre praticien).
S’agissant d’un avis médical l’avis émis à l’issue de la consultation engage pleinement la responsabilité personnelle du médecin en matière de pertinence au regard de la situation de santé et du poste de travail et de compétence déployées lors de la prise de décision dans la perspective d’une obligation de moyens. Les conséquences de la décision, qu’elle comporte ou non des modifications du poste de travail, relèvent de la responsabilité du praticien. D’où l’extrême importance de faire figurer dans le dossier médical les motifs et le raisonnement ayant conduit à la prise de décision.
On peut donc conclure en remarquant que cet écrit, à l’origine blanc-seing pour l’employeur et couperet pour le salarié, s’est transformé en un outil pour agir dans le sens de la santé du salarié et qu’il y aurait un risque de mise en responsabilité du médecin du travail à le considérer d’une autre manière. Même s’il continue à être d’un poids juridique indubitable il faut considérer ses liens étroits avec les autres écrits du médecin du travail sans lesquels il serait vide de sens.

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2.3.3. Le « cadre » du Certificat de maladie professionnelle ou de MCP

Rédiger des certificats médicaux, et assurer ainsi l’effectivité du droit du travailleur et particulièrement de ses droits à réparation fait partie du devoir de tout médecin et spécialement de tout médecin du travail. Ce travail de rédaction de certificat trouve son origine dans le Code de santé publique et dans le Code de la sécurité sociale et notamment dans les articles suivants :
L’article 50 du Code de déontologie médicale, inscrit dans le Code de la santé publique, prescrit que tout « médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit… ».
L’article 76 du même code prescrit : « l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. ».
L’article L.461-6 du Code de la sécurité sociale «en vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. »
Une centaine de tableaux de maladies professionnelles, publiés par décret, décrivent les conditions de reconnaissance dans le cadre de la « présomption d’origine », c'est-à-dire qu’il suffit de répondre aux conditions du tableau : maladie, délai de prise en charge, travaux effectués, et pour certaines maladies (durée d’exposition) pour être reconnu et indemnisé. La preuve du lien entre le travail et la maladie n’a pas besoin d’être démontrée par le médecin du travail.
Si un des éléments est manquant, la reconnaissance implique l’intervention d’un comité médical, le comité régional de reconnaissance des MP (CRRMP). Dans ce cas, la présomption d’origine ne joue plus. Il faudra que le travailleur fasse la preuve du lien direct (et dans un certain nombre de cas du lien direct et essentiel) entre sa maladie et son travail. Il en est de même pour les maladies ne figurant pas dans les tableaux notamment celles touchant la santé mentale.
Quelle doit alors être la démarche du médecin du travail ? Il lui appartient de décrire l’histoire de la santé et celle du travail pour énoncer le lien entre les deux.

I – L’histoire de la santé :

Doit comprendre soit les manifestations pathologiques présentées par le salarié, soit le diagnostic précis de sa maladie.
Quels référentiels prendre pour le diagnostic notamment dans les pathologies touchant la santé mentale ?
Le rapport du Collège d’expertise sur le suivi statistique des RPS au travail d’octobre 2009 dirigé par Michel Gollac (ministère du travail et de la santé), est une référence indispensable pour appréhender les risques psychosociaux au travail que sont les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental.
L’évaluation des troubles mentaux peut se faire en se référant à un outil de classification reconnu. La CIM10 (classification internationale des maladies de l’OMS) utilisé plutôt dans les pays européens et le DSM (de l'anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders de l’APA , Association Américaine de Psychiatrie,) sont les outils les plus largement utilisés. De tels outils de référence proposent un langage commun pour une même compréhension des conclusions diagnostiques. La dernière mouture du DSM, le DSM-5 a été publié le 18 mai 2013 mais de nombreuses critiques sont émises sur cette dernière version interrogeant sa validité.

II – L’histoire du travail

Prenons l’exemple d’une atteinte psychique au travail.
Le médecin doit identifier les causes de la souffrance mentale du salarié constatées dans son travail, son environnement et son organisation pour affirmer l’existence d’un lien direct et essentiel entre sa pathologie et ses conditions de travail.
Cette étape sera le résultat d’une analyse clinique en santé au travail, individuelle et éventuellement collective, pour aboutir à l’affirmation d’un diagnostic étiologique telle que le ferait tout autre médecin spécialiste.

Que doit contenir le certificat sur cette histoire du travail :

  • Les dires du salarié, son vécu, son ressenti qui, comme toute expression d’un patient, ont valeur de symptôme et peuvent être rapportés sans enfreindre aucune disposition légale et sans que cela les « authentifie ».
  • Ces dires, ce vécu du salarié, seront confrontés à ce que le médecin peut connaître de l’objectivité des situations de travail, de son organisation, de l’entreprise, de ce que disent les autres salariés, de leur vécu, de ce que le médecin du travail peut connaitre également des situations semblables décrites par ses pairs ou retrouvées dans la littérature et notamment :

    • sur les critères proposés par le Rapport du collège d’expertise sur le suivi des risques psycho-sociaux:
    - L’intensité du travail et le temps de travail.
    - Les exigences émotionnelles.
    - Le manque d’autonomie.
    - La mauvaise qualité des rapports sociaux au travail.
    - La souffrance éthique.
    - L’insécurité de la situation de travail
    • Sur le type d’organisation de travail : une étude d’Antoine Valeyre*, chercheur de l’institut de l’emploi, démontre qu’il y a des degrés d’apparition de troubles psychiques en fonction des organisations. Il repère les quatre organisations de travail suivantes:
    - Organisation simplifiée ou artisanale
    - Organisation qualifiante ou apprenante
    - Organisation taylorisée
    - Organisation en « lean management »
    Le lean management et l’organisation taylorisée sont les plus délétères pour la santé des salariés parmi les quatre types d’organisations étudiées par A Valeyre [3] en 2007.

  • Il ne devrait pas contenir un vocabulaire de caractérisation juridique d’évènements du côté du travail. Par exemple, plutôt que parler de « harcèlement », il est préférable de parler de maltraitance managériale ou de maltraitance par un collectif de travail prenant un salarié comme bouc émissaire.
2.3.4. Quel type de certificat de MP pour une psychopathologie du travail

Si nos écrits sont utilisés par nos patients pour un droit assuranciel (AT, MP, MCP devant un CRRMP), des procédures spécifiques y sont prévues pour recueillir de façon contradictoire des éléments objectifs attestant des expositions professionnelles délétères dont la charge de la preuve juridique n’incombe pas au médecin du travail. Si nos écrits sont utilisés en droit prud’homal ou pénal, le juge apprécie, après instruction contradictoire, les éléments de preuve.
Nos écrits n’ont d’autre fonction juridique que d’apporter l’éclairage d’un médecin spécialisé en médecine du travail sur le lien santé-travail à partir d’un diagnostic positif dont l’étiologie est instruite par ce professionnel.

L’ordre des médecins énonce des principes concernant le certificat médical, spécialement dans le rapport approuvé en 2006, mais sans se préoccuper de leur incompatibilité avec le fonctionnement du système de prise en charge des MP, ni du fait que cela met les professionnels dans des situations impossibles.
Voilà ce qu’il en est écrit officiellement:
« Lorsque le médecin se voit demander expressément par le patient de mentionner l’affection dont il souffre, il doit être particulièrement prudent. A la lettre, rien ne le lui interdit puisqu’il n’y a pas de secret entre le patient et le médecin. Le plus souvent, ces certificats sont destinés à être versés dans des procédures en cours : divorce, contestation devant le conseil des prud’hommes, … pour démontrer que la situation vécue en couple, en famille, en milieu professionnel …, était si intolérable qu’elle a affecté l’état de santé de la personne et doit être réparée.
Le médecin doit convaincre le demandeur qu’il n’est pas de son intérêt à terme de livrer une telle information qui circulera tout au long de la procédure et dont rien ne permet d’affirmer qu’elle ne lui sera pas opposée plus tard.
S’il accepte néanmoins de délivrer ce certificat, le médecin devra être très prudent dans la rédaction. Il lui est interdit d’attester d’une relation causale entre les difficultés familiales ou professionnelles, ... et l’état de santé présenté par le patient. Il n’a pas non plus à «authentifier » en les notant dans le certificat sous forme de « dires » du patient les accusations de celui-ci contre un tiers, conjoint ou employeur [4]. »

Une analyse de ce paragraphe révèle des éléments problématiques :

• On y remarque tout d’abord que l’interdiction de noter les « dires » du patient est en contradiction avec la partie du rapport traitant de « la forme du certificat médical » (page 2) qui indique, dans le schéma d’un certificat, la présence des « doléances ou déclarations du patient ».

• De même la notion de « faits qu’il a constaté lui-même » paraît devoir être pesée au regard de l’état des connaissances scientifiques. Cette phrase a donné motif à poursuite (plainte retirée dans un second temps) d’un praticien qui avait attesté dans un certificat initial (en alinéa 2) du lien entre une pathologie liée à l’amiante et un poste de travail notoirement exposant au regard de plusieurs matrices emploi-exposition.

• On peut s’étonner que le CNOM puisse enjoindre a priori à un médecin de convaincre le patient qu’il ne serait pas de son intérêt de livrer des informations tendant à « démontrer que la situation vécue en couple, en famille, en milieu professionnel…, était si intolérable qu’elle a affecté l’état de santé de la personne et doit être réparée. » (page 3). On peut estimer que cette obligation est abusive en ce qui concerne le milieu professionnel et ne paraît pas conforme aux articles L1111-4, R4127-35, R4127-44, R4127-49 et R4127-50 du code de la santé publique.

• On peut s’interroger sur le lien constant fait dans ce rapport entre des situations vécues en couple ou en famille et des situations vécues en milieu professionnel, des difficultés qui seraient de nature familiale et des difficultés de nature professionnelles, ou entre la situation de conjoint et celle d’employeur. En effet, rien ne paraît justifier cette assimilation constante que fait ce rapport entre famille et entreprise.

Tout au contraire, le code de la santé publique et en particulier ses articles traitant de la déontologie médicale distinguent bien ces deux entités. Ainsi les articles R4127-51 et R4127-52 traitent spécifiquement de la famille et de la vie privée mais n’évoquent pas la vie professionnelle. Tout au contraire de la position prise dans ce rapport, l’article R4127-95 impose au médecin salarié une stricte indépendance vis-à-vis de l’entreprise et lui enjoint de considérer uniquement dans ses actes : « l'intérêt de la santé publique et (…) l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce ».

• Les compétences du conseil de l’ordre des médecins s’étendent-elles, au-delà de la déontologie médicale, aux pratiques des médecins, dont relève l’établissement « d’une relation causale » (c’est-à-dire d’un diagnostic étiologique) ? Cela ne serait-il pas plutôt du domaine de l’évaluation des pratiques professionnelles dont le détail implique des débats techniques entre pairs, notamment dans le cadre de la Haute Autorité en Santé (HAS) ?

• Plus particulièrement l’interdiction d’attester d’une relation causale entre des difficultés professionnelles et l’état de santé du patient, outre qu’elle semble outrepasser les compétences de l’institution, paraît scientifiquement fausse au regard des connaissances médicales et techniques actuelles.

Les médecins du travail, mais aussi les autres médecins sont désorientés devant ces préconisations ordinales inadaptées.
Il s’en suit deux stratégies en termes d’écrits, qui font « dispute professionnelle » :

• Dans la première stratégie, le médecin du travail ou le médecin spécialisé en pathologie professionnelle adresse au médecin traitant ou à un autre médecin un courrier expliquant, dans le détail, comment il comprend le lien entre le travail et la pathologie, avec toujours copie au salarié. Ce courrier est rédigé de telle façon que le juge (mais aussi l'avocat du sujet) puisse se construire une représentation sensible de la dramatique dans laquelle le sujet s'est trouvé pris. Si le salarié déclenche un processus juridique (MP, droit), ce courrier est en général joint à son dossier juridique.
Parallèlement, lorsqu'il faut déclencher le dispositif de reconnaissance de pathologie professionnelle, il remet un certificat laconique affirmant que « des éléments précis, sérieux et concordants sont en faveur d'un lien direct et essentiel entre la pathologie et les conditions du travail ». Ce type de certificat livre en quelque sorte le même type d'information que dans le formulaire de MP, simplement adapté au dispositif CRRMP alinéa 4.
Pour ces confrères leur instruction du lien santé-travail ne peut pas prendre la forme d'un certificat de MP du fait des contraintes de l’ordre, d'où l'utilisation de deux supports distincts, l’un pour l'amorce juridique, l'autre pour le sens. Ils pensent qu'il faut défendre des critères de validité distincts pour ces deux types de textes.

• Dans la seconde stratégie, le médecin du travail décrit de façon condensée sur un certificat de MP, le lien santé-travail qu’il a instruit et tracé par ailleurs dans son dossier. Il y adjoint éventuellement un courrier décrivant dans le détail ce qu’il a instruit du lien santé-travail ; courrier remis au salarié et au médecin inscrit dans un processus de soin éventuellement si le salarié en est d’accord.
Ou bien le médecin du travail met le mot « certificat de MP » en tête du contenu d’un courrier expliquant dans le détail, comment il a instruit le lien entre le travail et la pathologie, avec toujours copie au salarié.
Ce courrier adjoint au certificat est rédigé de telle façon que le lecteur dont les juristes qui pourraient en connaitre, puissent comprendre le processus délétère dont le diagnostic étiologique a été instruit par le médecin du travail.
Pour ces confrères, ces écrits déployés pour une MP (certificat descriptif et démonstratif de MP, avec ou non un courrier spécifique) ont les mêmes critères de validité et épousent les possibilités et contraintes de situations spécifiques selon les contextes. Ils constatent d’ailleurs de nombreuses plaintes devant l’ordre des médecins, d’employeurs concernent des écrits qui n’ont en aucune façon la dénomination de certificats.
Les contraintes de l’ordre des médecins pour la rédaction des certificats visent les certificats voulant apporter une « preuve juridique experte ». Ces conseils ordinaux ne peuvent être opposables en ce qui concerne l’exercice d’une spécialité médicale. Ils portent le risque de faire perdre le sens des pratiques, alors que le souci central des médecins est la santé de leur patient. L’ordre des médecins n’a jamais visé les certificats de MP ou MCP dans ses écrits. Le code de déontologie médicale ne comporte pas de références concernant l’entreprise ou le travail. Le code de déontologie médicale recommande d’ouvrir les droits médico-sociaux des patients.
Ces confrères considèrent que l’ordre des médecins doit adapter ses écrits à l’état des connaissances et pratiques médicales. D’autant que le métier de médecin du travail vise spécifiquement à instruire le lien santé-travail dans des formes, et moyens de diagnostic discutés dans la profession. La clinique médicale du travail renouvelle profondément cette instruction diagnostique.

Dispute professionnelle 3 :

Comment écrire le diagnostic du lien Santé – Travail ?

  • Comment un praticien en médecine du travail peut-il « coucher par écrit » son diagnostic du lien Santé - Travail A quel moment ?
  • Les modalités « opératoires » d’écriture procèdent-elles de la situation concrète du salarié, ou sont-elles dictées par les formes juridiques des certificats d’expert ?
  • Quelle différence entre une instruction médicale clinique en compétence et un document de preuve juridique au sens d’une expertise contradictoire ?
  • Peut-on écrire dans un certificat médical de façon « opératoire », un diagnostic étiologique sur le lien santé-travail dans l’intérêt du salarié ? Quelles limites de l’écriture ? Quel intérêt du cadre « certificat médical de MP » face aux injonctions « obsolètes » de certaines préconisations ordinales ?

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3. LES ECRITS CONCERNANT LA COMMUNAUTE DE TRAVAIL

3.1. La traçabilité collective des risques professionnels d’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail

3.1.1. L’identification des risques collectifs par le médecin du travail

La traçabilité collective réglementaire des expositions aux risques. Le médecin du travail doit explicitement participer à la « traçabilité des risques professionnels », soit comme délégataire avec d’autres membres du SST interentreprises, soit personnellement dans les services autonomes.
Ce rôle est lié aux missions de conseil du médecin du travail. l’article R4623-1 du CDT précise que « le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, notamment sur (…) 3° La protection des travailleurs contre l’ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d’accidents du travail ou d’exposition à des agents chimiques dangereux ».
Les trois étapes classiques de la démarche du médecin du travail dans ce domaine d’action sont :

• Le repérage des dangers et des risques d’altération de la santé et celui des postes de travail concernés ce qui permet un repérage des salariés exposés

• La veille médicale des effets éventuels des risques repérés sur la santé des salariés exposés et la mise en évidence du lien santé travail dès lors que surviendraient des effets

• Le signalement individuel à chaque salarié concerné et collectif à la communauté de travail du risque et de ses effets

Les visites médicales et l’action en milieu de travail nourrissent le repérage et la veille médicale. Le médecin du travail peut effectuer ou faire effectuer des prélèvements des mesures et des analyses, réaliser des études qui seront transmises à toute la communauté de travail (article R4624-7 et R4624-8 du CDT)
En matière de traçabilité collective les supports réglementaires formalisés sont assez anciens. Certaines rubriques du rapport annuel d’activité du médecin du travail ont longtemps été le seul support formalisé. A partir de 1986 apparait l’obligation pour le médecin du travail d’établir une fiche d’entreprise. Ce document est remis à l’employeur et présenté au CHSCT. Il est mis à jour en tant que de besoin par le médecin du travail.
Le contenu de cette fiche précisé par l’arrêté du 29 mai 1989, qui en fixe, dans le détail, chacune des rubriques, comporte une description de tous les risques existants y compris psychosociaux (dans la rubrique « autres risques ») et ceci en désignant les postes et l’effectif de salariés concernés par ces risques, leur impact et les mesures de prévention ainsi que le bilan de celles-ci. Elle comprend également un état des locaux de travail et un bilan des effets des risques.
Cette fiche participe de l’obligation de moyen du médecin du travail et constitue un élément objectif de son action en cas de mise en responsabilité.
Des pratiques de mises à jour par la rédaction de courriers remis à l’employeur et portant la mention de la participation du courrier à la fiche d’entreprise se sont mises en place avec le temps dès lors qu’un risque nouveau était repéré par le médecin du travail.
Cette formalisation de la traçabilité collective par le médecin du travail a été rendue encore plus formelle en Juillet 2011. Dorénavant le médecin du travail à une obligation de signalement écrit « motivé et circonstancié » dès lors qu’apparait un risque d’altération pour la santé des travailleurs au travail. Cette obligation nouvelle de signalement dans l’espace public de l’entreprise, même si elle est juste dans son principe, pose avant tout la question des moyens dont dispose le médecin du travail pour accomplir cette mission.
Dès lors qu’il ne dispose pas des moyens qu’il estime nécessaire, il est indispensable, après les avoir identifiés, qu’il les revendique formellement auprès de l’employeur, en en informant les IRP et les autorités de tutelle. En effet, cette mission d’alerte formalise la position de « sachant » du médecin du travail en matière de risques professionnels et de leur traçabilité. Il engage donc sa responsabilité personnelle et éventuellement pénale, ce que nous rappellent les mises en examen dans les affaires d’amiante.

3.1.2. Jusqu’où aller dans une préconisation du médecin du travail

Le métier du médecin du travail est de contribuer à remettre le travail réel en discussion, de mettre « le travailler ensemble» en débat, et de le situer au centre d’un projet d’amélioration de l’organisation du travail pour la santé. Il s’agit ainsi de permettre à l’employeur de mieux répondre à son obligation de sécurité de résultat et notamment à ses implications préventives, en prenant en compte les éléments tangibles des liens entre le travail et ses effets délétères pour la santé. Ce faisant, il permet à la collectivité de comprendre différemment la situation en intégrant la place déterminante de l’activité de travail, des relations sociales qui s’y nouent et de l’engagement subjectif des salariés. Les acteurs sociaux peuvent ainsi prendre leurs responsabilités, et les salariés réinvestir collectivement les discussions concernant l’organisation du travail et les règles professionnelles qu’ils y déploient en ce qu’elles concernent leur santé.
Le médecin du travail « endosse », comme c’est sa mission règlementaire, la responsabilité de l’investigation du « lien santé-travail », laissant la responsabilité de l’action de prévention à l’employeur. Il se doit donc d’agir exclusivement pour prévenir et dépister les altérations de la santé du fait du travail, du point de vue de la construction ou de la préservation de la santé au travail. Sa seule finalité est la santé des travailleurs. Il n’est pas en charge ni comptable des contraintes économiques contrairement à l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Aussi il ne doit pas être gestionnaire des risques en lieu et place de l’employeur, en prescrivant à l’employeur des « solutions », sinon sa posture, son efficacité et sa légitimité professionnelle seront altérées. Mais il doit donner à voir et à comprendre les mécanismes délétères précis du côté du travail pour en prévenir les causes.

3.1.3. Elaboration de documents réglementaires : Fiche d’entreprise, Rapport annuel d’activité

1- La Fiche d’entreprise

L’annulation par le Conseil d’état des articles du code du travail concernant la fiche d’entreprise et le rapport annuel, modifiés par un décret du 30 janvier 2012, pose la question de la responsabilité du médecin du travail dans l’établissement et la mise à jour de la fiche d’entreprise et dans la présentation du rapport annuel au contrôle social.
En effet les dispositions abrogées faisaient, en matière de fiche d’entreprise, une distinction, peu pertinente, entre le médecin du travail exerçant en service autonome chargé de l’établissement et de la mise à jour de la fiche d’entreprise, alors que le législateur confiait cette mission à l’équipe pluridisciplinaire dans le service interentreprises. Le fait que, dans ce dernier cadre, le médecin du travail soit l’animateur et coordonnateur de l’équipe pluridisciplinaire pourrait rendre cette distinction spécieuse, mais ce serait oublier que le véritable pouvoir de management sur cette équipe est en fait assuré par le directeur du service de santé au travail qui seul détient l’autorité et les moyens.
Il est peu probable que lors de la réécriture du texte, cet argument soit pris en compte par le législateur, vrai ou faux naïf dans ce domaine. D’où l’intérêt d’examiner la nature de ce document pour déterminer s’il s’agit d’un simple exercice réglementaire ou d’un document médical, c'est-à-dire d’un document qui engage la responsabilité du médecin.
Rappelons rapidement, car cela est déjà évoqué dans le présent document, que la mission du médecin du travail est une mission non subordonnée à l’employeur dont il n’est pas le préposé, de ce point de vue, mais seulement le salarié. Il s’agit d’une mission d’ordre public social exercée en pleine indépendance, c'est-à-dire en pleine responsabilité, mais dans le cadre d’une obligation de moyen.
L’un des déterminants de cette responsabilité est précisément un repérage à priori des facteurs de risque et dans la réalité des risques « d’altération » (et non seulement « d’atteinte ») de la santé par de étiologies d’origine professionnelles et une identification à la fois collective et individuelle (« études de postes ») des travailleurs exposés à ces risques.
Cela s’accompagne, et les textes le formalisent dorénavant, depuis 2012, d’une obligation écrite de signalement «motivé et circonstancié » de ces risques comportant des mesures propres à assurer leur prévention.
Comme tout médecin qui n’aurait pas déployé les moyens diagnostiques ou thérapeutiques pour l’un de ses patients, ne pas réclamer les moyens de rédiger pertinemment le signalement d’un risque, voire ne pas le rédiger, implique que la responsabilité médicale et pénale du médecin du travail pourrait être engagée dès lors que des atteintes à la santé surviendraient du fait de ce risque. Les motifs de mise en examen sont bien connus : complicité de mise en danger d’autrui et non-assistance à personne en péril.
Or, précisément peut être n’était-il pas besoin de nouvelles dispositions. On peut estimer, en effet, que la fiche d’entreprise remplit cette obligation depuis 1986. En témoigne l’arrêté du 29 mai 1989, souvent ignoré y compris des médecins du travail, qui en conditionne en partie la forme mais qui laisse à l’appréciation du médecin la rédaction.
L’étouffement par la multiplicité des tâches et les effectifs, travers ou stratégie constante du législateur, explique le peu d’assiduité, dénoncé et déploré par la cour des comptes en novembre 2012, à établir la fiche d’établissement dans les services interentreprises.
Dans l’hypothèse où elle serait rédigée, on peut imaginer qu’elle soit complétée, voire constituée, des divers écrits de signalement à l’employeur.
Comme il en est des maladies, il existe aussi des formes cliniques de rédaction de la fiche d’entreprise. Ainsi certains médecins du travail de services autonomes, dans un louable souci de dynamique de la fiche d’entreprise, réservent sa rédaction au chapitre « observations générales du médecin du travail » de leur rapport annuel. L’essentiel est ici que sous une forme ou sous une autre la fiche d’entreprise soit bien repérée comme telle et qu’elle remplisse sa mission. Toutefois remarquons que le rapport annuel est plutôt destiné au contrôle social et la fiche d’entreprise spécifiquement destinée au CHSCT.

Le contresens réglementaire est maintenant bien établi : document rédigé par un médecin dans le cadre de sa mission la fiche d’entreprise est un document médical qui relève par conséquent de l’exercice personnel du médecin et dont la rédaction et la production ne peuvent être partagées.
Il en est tout autrement bien évidemment de son établissement. Dans le cadre de son obligation de moyen, pour élaborer une telle somme, le médecin du travail a tout intérêt à bénéficier de la collaboration d’autres acteurs de prévention que ce soit les membres de l’équipe de médecine du travail du SST, les experts HSE de l’employeur et le CHSCT comme cela est prescrit en service autonome, ou les membres de l’équipe de médecine du travail et ceux de l’équipe pluridisciplinaire dans les services interentreprises.
Il reste néanmoins que les sources dont dispose le médecin du travail pour élaborer la fiche d’entreprise ne se limitent pas seulement à des éléments d’observations collectives issus notamment de l’action en milieu de travail. Son activité médicale clinique lors des consultations individuelles est une source précieuse à la fois comme ressource et possibilité de recoupements avec ce qu’il a pu observer en milieu de travail. Espacer les visites médicales est aussi un obstacle à la constitution d’une image opératoire sur le travail réel propice à la rédaction d’une fiche d’entreprise pertinente.
D’une fiche d’entreprise ainsi élaborée naissent des droits collectifs et individuels, nous y revenons lorsque nous traitons des écrits assurant la traçabilité qu’assure notamment la fiche d’entreprise.

Nous examinerons plus loin, pour éviter toute ambigüité, que l’intérêt des signalements du médecin du travail n’est pas de s’assurer que sa responsabilité ne sera pas engagée mais bien que les écrits sont partie intégrante de pratiques médicales guidées par une clinique médicale spécifique celle du travail. Leur rédaction, leur nature, leur objectif participent d’un métier dont ils constituent en partie la substance et qui impose leur mise en débat entre pairs.
L’ensemble du présent document témoigne de l’importance sociale et en santé publique des actions du médecin du travail. Médecin dont l’exercice est souvent incompris des autres médecins, balloté de réformes approximatives en réformes carrément délétères, plongé au cœur de la contradiction sociale qui, nolens volens, implique souvent de perdre sa vie à la gagner, et chargé, dans ce contexte, de la mission impossible d’éviter toute altération de la santé, il lui faut opiniâtrement tenter de convaincre la communauté de travail (et non seulement les employeurs) de l’existence des risques et de l’intérêt de leur prévention dans un climat de déni inconscient ou volontaire.
C’est un métier qui ne se conçoit pas sans engagement professionnel, engagement non pas syndical ou politique mais, comme le décrit Nicolas Dodier, celle d’un expert engagé du seul point de vue de la santé. C’est de tout cela que relève la rédaction de la fiche d’entreprise.
En effet, de ce point de vue, la fiche d’entreprise, ses annexes, ses mises à jour sont avant tout des instruments essentiels de persuasion.
Cela diffère d’autres documents qui relèvent d’autres obligations, telle l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, comme, par exemple, la notice de poste pour les salariés exposés aux agents chimiques dangereux ou le document unique d’évaluation des risques.
Loin du formalisme ou de préoccupations économiques, la fiche d’entreprise du médecin du travail constitue un aiguillon potentiel du débat entre les acteurs sociaux.
Cela implique que sa rédaction ne relève ni du catalogue, ni seulement du document technique, mais qu’elle soit destinée, guidée par le seul intérêt de la santé des travailleurs, à tracer de façon persuasive la réalité à la fois présente et dynamique du travail, de ses risques et de leur prévention.

2- Le Rapport annuel

Aucune ambigüité réglementaire sur l’engagement de responsabilité que représente, pour le médecin, le rapport annuel : le médecin du travail « établit » un rapport annuel de son activité.
Avant 2012, il était précisé qu’il devait le présenter personnellement au contrôle social. Les nouvelles dispositions abrogées par le Conseil d’état ne prévoyaient plus cette disposition. Toutefois la présence du médecin ou de ses représentants au contrôle social, dès lors que des questions de médecine du travail sont évoquées, permet de contourner cette modification. Il est en effet essentiel, à la fois pour la compréhension du rapport et parce qu’il ne peut déléguer sa responsabilité, que le médecin du travail présente personnellement son rapport annuel.
Le rapport annuel du médecin est remis au comité d’entreprise ou d’établissement compétent dans les services autonomes, et au conseil d’administration et à la commission de contrôle dans les services interentreprises (D4624-43 du code du travail). Toutefois le périmètre de rédaction est variable. Ainsi, « dans les entreprises ou établissements de plus de trois cents salariés, le médecin du travail établit un rapport annuel d’activité propre à l’entreprise. Ce rapport est transmis au comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article D. 4624-44 ainsi qu’au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il en est de même dans les autres entreprises ou établissements lorsque le comité intéressé en fait la demande ».
Ce rapport est donc destiné à informer le contrôle social des conditions d’exercice du médecin du travail. Il comporte toutefois des rubriques qui peuvent intéresser le CHSCT d’où la possibilité pour celui-ci d’y avoir accès. Par exemple, il comporte les effectifs de salariés susceptibles d’être victimes de maladies professionnelles ou encore les déclarations de maladies professionnelles ou de cas professionnel survenus depuis le dernier exercice.
Dans un contexte actuel d’extrême pénurie de moyens, le rapport annuel devient pour le médecin du travail un document éminemment « politique ». En effet, la tentation d’impliquer le médecin du travail dans une logique de résultat est de plus en plus forte pour un législateur et des acteurs sociaux englués dans des logiques où la santé au travail devient une variable de nature économique et où la question de l’emploi se substitue à celle du travail.
Le rapport annuel ne traite pas seulement du passé, il prépare l’avenir. Rapport sur l’activité déployée par le médecin dans l’année n-1, il comporte également un chapitre prospectif qui relève du pouvoir d’agir indépendant du médecin. Le médecin y expose ce qu’il estime nécessaire de mettre en œuvre de son point de vue spécifique. Cette fonction était formalisée avant 2012 par la présence dans le rapport annuel du plan d’activité en milieu de travail.
L’établissement et la rédaction du rapport annuel demande par conséquent des soins attentifs.
Il faut pour le médecin du travail se garder de céder à la logique du résultat, consubstantielle du management, pour rappeler avant tout la question des principes de son action (l’intérêt unique de la santé du travailleur) et la nature de moyen de ses obligations.
La rédaction du rapport annuel n’est pas seulement une occasion pour déplorer une pénurie de moyens mais une revendication offensive et argumentée des moyens nécessaires, lesquels relèvent de la responsabilité des employeurs, non pas en regard d’objectifs généraux ou fixés par des contrats d’objectifs ou des projets de services décidés par ailleurs, mais uniquement en correspondance avec ce que le médecin du travail estime relever de sa mission et de son exercice personnel. Cela découle directement de sa responsabilité personnelle dans ce cadre.
Bien évidemment, cela n’exclue pas que, s’étant concertés, des médecins du travail expriment des missions semblables et la nécessité de moyens de même nature. Cela n’en sera que plus efficace.

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3.1.4. Signalement ou « alerte collective » du médecin du travail, Devoir d’alerte, cadre réglementaire

1- Les écrits et la veille médicale du médecin du travail

Une « veille médicale en santé au travail » permet au médecin du travail d’accompagner les collectifs de travail, de rendre compte à la communauté de travail, direction et IRP, collectifs de travail, du risque délétère et d’ébaucher des pistes de compréhension concernant les organisations ou relations de travail, pour agir préventivement à partir de ce qui fait difficulté dans les situations de travail concernées.
Cette veille médicale est tracée individuellement au DMST qui en est le support.
Les éléments alors formalisés de la veille médicale nourrissent l’analyse des risques collectifs du médecin du travail : rapport annuel d’activité ou fiche d’entreprise. Ils ont à être présentés et discutés avec la direction de l’entreprise et les IRP dont les CE et CHSCT.

2- Le devoir d’alerte médicale du médecin du travail

Avec la loi du 3 juillet 2011 réorganisant la médecine du travail, un devoir d’alerte médicale formalisée, motivée et circonstanciée a fini par émerger réglementairement.
Selon l’article : L4624-3 « Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite ».
La notion d’alerte provient d’un réseau de médecins du travail. Elle a été reprise sur le fond par cet article, mais sans la nommer.
L’alerte médicale est un écrit pérenne pour saisir la gravité de la situation et agir en conséquence pour améliorer les conditions de travail. Le médecin du travail y assume seul la responsabilité de ses constats médicaux de gravité du fait de sa mission réglementaire. Ce devoir d’alerte du médecin du travail représente un nouveau cadre réglementaire opératoire essentiel en prévention médicale primaire. La diversité des écrits médicaux antérieurs du médecin du travail y est essentielle pour déployer ce devoir d’alerte.
Le médecin du travail adresse son alerte à l’employeur et la tient à disposition du CHSCT ou à défaut des représentants du personnel qu’il en informe. Il y identifie des risques du travail responsables des graves effets pour la santé qu’il veut prévenir ; il indique le processus qui permettrait de les supprimer, mais il n’arbitre pas les choix entre l’économique et la santé qui relèvent de l’employeur. Du fait de la mission réglementaire du médecin du travail, en cas d’obstacle à la prise en compte d’une alerte médicale, celle-ci peut être prise en compte par l’inspecteur du travail ou le juge.

3- Les finalités préventives de l’alerte médicale

Le rôle de l’alerte médicale est de prévenir les situations de travail qui font grande difficulté, dispute professionnelle ou empêchement pour la santé des travailleurs. Elle peut apparaître nécessaire du fait de la gravité d’une situation individuelle emblématique. Elle concerne aussi les situations de collectifs de travail que le médecin du travail considère comme grave du fait des risques potentiels ou avérés, notamment celles pour lesquelles les constats antérieurs du médecin du travail n’ont pas été pris en compte. Ce qui est visé est la reconnaissance par la direction, mais aussi par les salariés et l’encadrement, de ces situations concrètes de travail pour mettre en débat les questions d’organisation du travail.
Par son alerte médicale « réglementaire », le médecin du travail aide à remettre les conditions du travail réel en discussion, pour faciliter sa transformation dans un sens favorable à la santé. En procédant ainsi, il peut permettre la délibération sur des éléments très concrets de l’organisation du travail qu’il a repérés. Il contribue ainsi à ouvrir un certain nombre de pistes de prévention pour que l’employeur et les IRP puissent s’en saisir.

4- La forme nécessairement écrite de l’alerte médicale du médecin du travail

La réglementation préconise au médecin du travail un écrit motivé et circonstancié. Le médecin du travail décrit précisément ce qu’il constate et à quoi il se réfère pour affirmer un risque. L’alerte médicale comporte un constat concernant la gravité d’une situation de travail. Elle relate très concrètement ce qu’a compris ou constaté le médecin du travail des difficultés de réalisation du travail et de l’impact que cela a pour la santé des salariés. Elle décrit le lien que le médecin du travail fait entre les conditions de travail, environnementales, organisationnelles ou sociales de travail, et la santé au travail. L’argumentaire d’une l’alerte médicale est rédigé exclusivement du côté de qui fait difficulté dans l’activité de travail. Le médecin du travail confronte les éléments de santé qu’il a recueillis aux éléments de l’organisation qui sont susceptibles d’être à l’origine d’un processus délétère. Le médecin du travail trace alors par écrit son diagnostic de situation collective, et énonce éventuellement des recommandations de prévention médicale collective pour préserver la santé au travail.
L’aspect pérenne de « l’écrit » représente pour le médecin du travail une protection majeure face à d’éventuelles pressions, et peut paradoxalement faciliter le déploiement de l’obligation de sécurité de résultats de l’employeur. Le texte écrit de l’alerte médicale constitue une trace de l’intervention du médecin du travail et « fait date ».
En endossant seul un diagnostic d’effet du travail pour la santé comme sa mission réglementaire l’exige, le médecin du travail permet un débat sur le travail affranchi de l’arrière fond délétère qui souvent empêche d’agir.

3.2. Constater et écrire dès le stade d’altération pour prévenir l’atteinte

Comme tout préventeur un médecin du travail ne peut s’en tenir aux effets. Ecrire sur les effets c’est avant tout envisager les causes. C’est le diagnostic étiologique qui compte. Car agir sur des effets c’est avant tout agir sur leurs causes. Un médecin du travail qui s’en tiendrait à un catalogue des effets du travail sur la santé mentale sans lien avec le travail, à un dénombrement, n’accomplirait pas sa mission.
Cela signifie qu’écrire sur les effets du travail c’est interroger le travail.
L’écrit du médecin du travail destiné à mettre en visibilité les effets des risques professionnels pour la communauté de travail n’a ni la même finalité ni n’entraine les mêmes réactions selon que ces effets sont des altérations ou des atteintes à la santé.
La spécificité de la médecine du travail est qu’il s’agit d’une discipline médicale qui, en rupture avec d’autres disciplines médicales, ne s’intéresse pas en première intention aux atteintes à la santé, c'est-à-dire aux maladies. Afin de les prévenir elle cherche à anticiper sur la survenue d’altérations de la santé.
Le diagnostic du médecin du travail est « pré-symptomatique » car il est un diagnostic qui précède le diagnostic médical classique, et il est aussi un diagnostic étiologique car préventif. Pourtant la thérapeutique est présente ici. Elle est précisément assurée par la mise en visibilité écrite en direction de la communauté de travail.
Les douleurs intermittentes de l’appareil locomoteur (membres supérieurs, genoux, rachis) que les travailleurs signalent, si la question est posé, constituent les premiers signes d’appel d’une hyper sollicitation et annoncent les maladies professionnelles à venir. Il en est de même de petits signes fonctionnels de la sphère ORL et pulmonaire (rhinorrhée, épistaxis, sensation d’irritation pharyngée intermittents en fonction des produits manipulés). Ces signes fonctionnels très intermittents, minimes, que les salariés banalisent volontiers ou bien qui ne sont pas en première observation attribués au travail tels les manifestations inflammatoires pouvant toucher à peu près tous les organes (atteinte thyroïdienne, AVC, infarctus, myalgies, atteinte articulaire, etc.) doivent être notés dans les dossiers, explorées très finement dans leur lien possible avec le travail, et les situations de travail déclenchantes doivent être repérées. L’instruction du lien permettra le diagnostic étiologique et l’intervention sur la situation de travail.
Seuls les médecins du travail sont en situation de prendre en considération ces symptômes très discrets, symptômes qui ne motiveraient pas de consultation d’un médecin traitant, de les relier à la situation de travail et d’agir en direction de la communauté de travail. Le médecin du travail n’est pas toujours en capacité de faire un diagnostic mais il doit noter dans les dossiers médicaux les inquiétudes des salariés par exemple, l’inquiétude de salariés vidant des containers de cartons contenant des produits textiles d’importation, alertés par le nombre d’insectes morts trouvés, s’inquiétant sur les produits insecticides utilisés et leur rémanence.

Le repérage de ces altérations est au cœur du métier de médecin du travail et ne peut se faire que grâce à des échanges entre pairs puisque, en général, « ce n’est pas dans les livres ». Ce qui est dans les livres, ce sont des découpes en tranches de situations à risque, porteuses de grandes classes d’affections comme les affections cardio-vasculaires, identifiées après traitement épidémiologique. Ce n’est pas le travail, le travail considéré comme activité. Il est curieux de constater que la contribution des médecins du travail au niveau collectif, est recherchée par la seule épidémiologie. Leur contribution centrale, clinique, est totalement ignorée. A part la contribution des quelques rares médecins enseignants chercheurs qui n’ont de contact clinique que dans leurs consultations de psychopathologie, les praticiens du travail paraissent pourtant les mieux placés pour produire des connaissances sur les altérations.
Etre médecin du travail ce n’est pas seulement dresser la liste des atteintes à la santé, c’est avant tout s’intéresser à ce que vivent les travailleurs au travail, y compris quand eux-mêmes ne font pas le lien avec leur travail.
Ecrire que des salariés se plaignent d’insomnies de réveil dans lesquelles le travail est le thème dominant, que beaucoup disent ressentir une appréhension le dimanche soir à l’idée de revenir au travail, que certains se plaignent d’être moins bien « qu’avant » au travail, de s’y épuiser, qu’ils disent ne pas se retrouver dans les objectifs qu’on leur fixe, tout cela soulèvent parfois peu de réactions, souvent du déni péjoratif.
Travail et âge, travail et genre, travail et handicap, effets de la sous-traitance sur le travail, autant de thème que le médecin du travail peut explorer, dans l’entreprise dans laquelle il exerce.
Il est même recommandé que l’écrit précède les altérations, notamment lorsque se met en place une organisation du travail dont on a constaté qu’elle pouvait être délétère, tel le « lean-management » (management maigre) ou le « benchmarking » ou l’évaluation individuelle des salariés.
A ce stade, on reprochera souvent au médecin du travail « de faire de la philosophie » et de ne pas s’occuper de choses plus sérieuses comme les comportements individuels inadaptés ou les addictions si dangereuses pour la « sécurité ».
Et pourtant c’est à ce moment que les signalements du médecin du travail devraient être relayés par la communauté de travail pour éviter l’acutisation vers les atteintes à la santé.
Ecrire sur les altérations de la santé c’est avertir que l’organisation du travail dérape ou pourrait déraper et que des démarches préventives devraient être débattues dès ce stade.
C’est aussi, et surtout, mettre dans l’espace public de l’entreprise, des éléments du travail qui font difficulté, des ressentis que les salariés pensent être les seuls à vivre et leur donner à comprendre que les autres les vivent aussi. C’est leur ouvrir des portes pour agir à ce stade précoce. Collectivement c’est tenter, alors que le climat est encore favorable, de susciter un débat dans le champ social pour engager la prévention le plus en amont possible. En effet au stade du constat de l’atteinte, le droit prend fréquemment le pas sur la santé, jusqu’à obturer tout espace dédié à la discussion sur la santé, et à l’examen des impasses dans laquelle elle se trouve.

Dès lors que ce stade est dépassé et que le médecin du travail écrit pour exposer des atteintes à la santé et leurs étiologies, la tension est immédiatement présente. La prévention primaire que constitue le signalement des altérations et leurs causes n’a pas eu d’effet suffisant, écrire sur les atteintes à la santé relève alors de la prévention secondaire. Il convient de rappeler cette évidence par écrit.
Le genre est plus délicat. En effet, c’est d’un côté des responsabilités d’obligation de sécurité de résultat, de l’autre la défense des intérêts moraux et matériels des travailleurs qui vont se confronter. Le conflit social est très souvent présent dans l’exercice du médecin du travail. il ne s’agit pas de le nourrir mais d’y introduire un débat favorable à la santé au travail. L’écrit est alors d’une grande importance. Ecrire ce que l’on constate sur les effets et leurs causes de façon objective, documentée et compétente, comme médecin du travail, libère des procès d’intention. Il s’agit d’un acte médical à part entière qui s’inscrit dans une démarche diagnostique classique et thérapeutique c'est-à-dire qu’il doit être bordé par les compétences du praticien.
C’est ici la démonstration écrite du lien santé-travail nourrie de tout ce que le médecin sait, a entendu ou constaté qui soutient la pertinence et peut entrainer l’adhésion qui doit être recherchée.
Au-delà des débats que cet écrit va susciter, qui est, rappelons-le, une de ses principales finalités, au stade des atteintes à la santé, l’écrit du médecin du travail est aussi porteur de droit. Cela confère aux salariés qui présenteraient les effets et seraient soumis aux risques un lien causal essentiel.
C’est la traduction collective, dans l’espace public de l’entreprise, de l’obligation qu’a tout médecin de déclarer ce qu’il aurait constaté comme altération de la santé d’un patient en lien avec le travail.

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3.3. Ecrire :

3.3.1. A l’employeur ou aux experts HSE

C’est l’employeur qui est réglementairement destinataire de certains écrits du médecin du travail :

  • des signalements de risque (L4624-3 du CDT),
  • de la fiche d’entreprise (D4624-39 du CDT),
  • de la nature des prélèvements et résultats des mesures qu’il fait effectuer (R4624-7 du CDT),
  • des résultats des rapports et études (R4624-8 du CDT).

Bien évidemment cela ne limite pas les échanges de courrier avec l’employeur.
Nous pourrions, bien sûr, évoquer les sauvegardes de responsabilité dès lors que l’employeur fait preuve de mauvaise foi ou pire atteint à l’indépendance du médecin du travail.
Ce sont des situations difficiles où écrire est indispensable et même déontologiquement obligatoire [5].
Hors ces cas, malheureusement trop fréquents, les statuts juridiques du médecin du travail et de l’employeur sont assez distincts, à condition qu’ils soient bien connus des intéressés, pour que les conflits inutiles soient évités.
L’employeur, dans l’entreprise qu’il possède ou dans laquelle il bénéficie d’une réelle délégation de pouvoir comme dirigeant, est le « seul maître à bord », en référence à la subordination de droit romain. Ce pouvoir est toutefois exercé dans le respect des lois de la République.
Celles-ci imposent une prévention médicale primaire des risques pour la santé des travailleurs dans le cadre d’une mission d’ordre public social et d’une obligation de moyens. Cela signifie qu’un médecin du travail n’a d’autre mandat que celui concernant la santé du travailleur ce qui n’exclut pas qu’il considère la question économique dès lors qu’elle retentit négativement sur la santé des travailleurs.
Cela signifie également qu’il ne dispose dans l’entreprise d’aucun pouvoir décisionnaire, mais d’un pur rôle de conseil, ses avis devant « être pris en considération » par l’employeur. Le médecin ne doit pas, dans ses écrits, empiéter sur les prérogatives de l’employeur.
Réglementairement, l’employeur doit déployer des mesures de prévention des risques pour la santé des travailleurs dans le cadre d’une obligation de sécurité de résultat. Selon le législateur français, il serait chargé de la « gestion de la santé et de la sécurité ».
Mais, soit comme possesseur de l’entreprise, soit comme délégataire, il se trouve confronté à la nécessité de résultats économiques. Il lui faut donc assurer et ses obligations de prévention, et celles relevant d’obligations économiques. Ce n’est que lorsque la situation économique de l’entreprise est bonne que ces deux obligations sont mieux compatibles.
Si la situation économique se dégrade ou si la gestion prend le pouvoir dans l’entreprise sur toute autre considération, et exige des rendements économiques supérieurs du délégataire, la situation se tend jusqu’à ce que le dirigeant soit en injonction paradoxale. Pour ce qui concerne le dirigeant délégataire rappelons qu’en droit, une délégation de pouvoir n’est réelle que si le délégataire a bien l’autorité, la compétence et les moyens pour agir. Cette notion est cruciale en matière de prévention des risques pour la santé des travailleurs.
Hors des recommandations d’aptitude qui concernent les travailleurs individuellement, c’est pour conseiller l’employeur sur les questions de santé au travail (R4623-1 du CDT) et de prévention que le médecin du travail va lui écrire. Le point de vue de la prévention médicale apporte au chef d’entreprise des éléments de choix au regard de ses propres obligations. Ces écrits deviennent gênants pour l’employeur s’ils repèrent des risques ou s’ils recommandent des mesures de prévention qui portent sur de possibles atteintes à la santé ou encore s’ils tracent les effets de ces risques. Par exemple, tant qu’on en reste au « mal-être au travail », le chef d’entreprise conserve des marges de manœuvre, mais dès qu’apparait la notion de dépression tout change. En effet ne pas tenir compte de l’écrit du médecin du travail constitue alors une prise immédiate de risque assurantiel, juridique et pénal pour l’employeur. A contrario, dès qu’il a écrit et de façon pertinente, le médecin du travail a accompli une partie de son obligation de moyens et son mandat vis-à-vis de l’employeur dont il est le « sachant » dans son domaine spécifique.
Ce point de vue marque sa différence avec les experts, « hygiène sécurité environnement » (HSE), autres « sachants » mais préposés exclusifs de l’employeur pour l’aider dans sa « gestion de la santé et de la sécurité » en application de l’article 7 de la directive européenne de 1989 [6]. Il est de bon voisinage, notamment dans les services autonomes, que les écrits à l’employeur soient également adressés aux experts HSE, toutefois leur destinataire doit toujours être en premier lieu le chef d’établissement. Si le législateur prévoit que le médecin du travail agit dans les services autonomes en coordination avec les experts HSE (L4622-4 du code du travail) cela n’implique ni confusion des missions, ni a fortiori subordination.
Une situation particulière est l’investigation par des professionnels mandatés par l’employeur dans le cadre d’un « audit prévention ou sécurité ». Le document final n’ayant souvent pas de caractère public, il est indispensable que le médecin du travail écrive à l’employeur pour lui préciser la nature de ses conseils. Il en est de même en cas de participation, si elle est jugée par le médecin comme compatible avec ses missions, à des groupes spécifiques comme des comités de direction ou des groupes d’élaboration du document unique d’évaluation des risques. Ces situations sont particulièrement délicates car elles impliquent une très grande vigilance du médecin du travail pour conserver et faire respecter sa spécificité.
Certains employeurs délégataires vont pouvoir utiliser les écrits du médecin du travail pour obtenir un peu plus de moyens de prévention vis-à-vis de leur gestionnaire. Toutefois cette attitude est en perdition du fait du turn-over rapide des managers que l’organisation actuelle des entreprises a mise en place. Le risque personnel du manager est ainsi dilué du fait de l’absence de pérennité.
Les relations peuvent devenir tendues voire des pressions se perpétrer, notamment pour que cet écrit reste confidentiel. Car tant qu’il reste confidentiel, la représentation du personnel ne dispose pas de visibilité suffisante ou d’arguments supplémentaires pour revendiquer la prévention du risque.
Faudrait-il donc s’abstenir de tout signalement ou céder aux injonctions de confidentialité de l’employeur ? Le faire, conduit à nier en partie ce qui constitue le métier de médecin du travail. Comme médecin, le médecin du travail ne peut avoir comme intérêt à agir que celui de la santé des travailleurs. Or cet intérêt impose d’écrire à l’employeur et de faire connaître ses conseils aux représentants des travailleurs. Faut-il rappeler que, dans certaines circonstances, le médecin doit déontologiquement faire preuve d’abnégation [7] ?
Nous verrons, dans le paragraphe suivant, les éléments de droits qui imposent, in fine, d’avertir la représentation du personnel des signalements de risque et de leurs effets.
Les employeurs peuvent avoir, selon les circonstances, la primeur des écrits mais ils n’en ont pas l’exclusivité.

3.3.2. Aux représentants du personnel

Le médecin du travail peut avoir à communiquer avec plusieurs catégories de représentants du personnel :

• les représentants syndicaux, responsables d’une structure syndicale déclarée dans l’entreprise,

• les délégués du personnel, représentants des travailleurs à titre individuel, notamment pour préserver leurs droits individuels en matière de prévention mais qui peuvent se substituer pour la prévention collective au CHSCT dans les entreprises de petite taille,

• les représentants du personnel au comité d’établissement, d’entreprise ou comité central d’entreprise chargés de la surveillance du fonctionnement et de la gestion de l’entreprise ainsi que de ceux du service de santé au travail et dans les services de santé au travail interentreprises les membres représentants les travailleurs à la commission de contrôle ou au comité interentreprises et au conseil d’administration du service de santé au travail

• les représentants du personnel en CHSCT dont la mission concerne notamment les risques professionnels et leur prévention

Même si la mission du médecin du travail peut impliquer des rapports avec les représentants syndicaux et les délégués du personnel, les deux grandes catégories de destinataires d’écrits sont :

• d’une part des représentants du personnel chargés de surveiller la gestion et le fonctionnement du service médical du travail notamment à travers l’activité des médecins du travail et des équipes pluridisciplinaires, qui constituent, à côté d’un contrôle administratif de la puissance publique, ce qu’il est convenu d’appeler le contrôle social

• d’autre part des représentants du personnel chargés de l’hygiène et des conditions de travail. Cela détermine la nature respective des écrits :

• En direction du contrôle social, d’une part destinés à relater ou à préconiser des éléments de fonctionnement de l’activité du service de santé au travail, voire à décrire des dysfonctionnements ou à réclamer des modifications notamment en matière de moyens, d’autre part à apporter un éclairage spécifique de la prévention primaire médicale pour apporter une aide lors de la constitution des avis de l’organisme, dès lors qu’ils pourraient retentir sur la santé des travailleurs

• En direction des représentants du personnel chargés des missions d’hygiène et de sécurité pour les conseiller du point de vue de la prévention médicale primaire (et dès lors qu’elle est débordée du point de vue de la prévention secondaire) et pour les aider à analyser les risques et à assumer leur capacité de critique et proposition à l’employeur.

Le point de vue d’un représentant du personnel implique une confrontation à l’organisation qui l’a mandaté et directement au personnel qu’il représente. Faute de ce lien la représentation prend le risque de l’échec.
Toutefois pèse sur cette représentation la confrontation sociale qui implique une négociation de la force de travail, d’où la notion omniprésente de rapport des forces en présence.
Cela implique qu’il puisse y avoir, malgré un sentiment de proximité des objectifs en matière de santé, des différences très significatives entre la position professionnelle du médecin du travail et les actions du contrôle social et des représentants CHSCT.
Parfois même il peut être nécessaire de formaliser cette différence, dès lors que le médecin du travail estime que la représentation du personnel n’agit pas dans le sens de la santé des travailleurs.
Il est nécessaire au médecin du travail de dispenser des conseils écrits de même nature à l’employeur et à la représentation du personnel. Dans les services autonomes la coordination du médecin du travail avec le CHSCT est formellement de même nature que celle qui doit exister avec l’employeur et ses préposés.
Dès lors que le CHSCT fait appel à un expert, il est fréquent que le médecin du travail soit consulté dans ce cadre. Le rapport d’expertise sera, contrairement à l’audit, remis aux membres du CHSCT. Il peut néanmoins être utile de faire parvenir aux experts et au secrétaire du CHSCT un écrit de la position exprimée.
Enfin, même si la médiation de l’employeur est formalisée pour certaines transmissions de documents médicaux réglementaires, rien dans la réglementation n’interdit au médecin du travail de faire parvenir à la représentation du personnel copie des écrits à l’employeur. La notion de confidentialité, excipée par certains employeurs, pour reprocher cet envoi, est inconsistante dans la mesure où la représentation du personnel est elle aussi sous cette injonction.
Toutefois l’expression peut être spécifique à conditions que l’obligation de conseil à parité avec l’employeur (R4623-1 du CDT) soit bien remplie.
Cette transmission est explicite dans les signalements de risque liés à l’article L4624-3 du code du travail. Le signalement écrit motivé et circonstancié et la réponse de l’employeur sont « tenus à la disposition » du CHSCT ou des délégués du personnel. L’envoi est donc parfaitement logique, le minimum étant de signaler à la représentation du personnel qu’un signalement est tenu à leur disposition !

Dispute professionnelle 4 :

Quand et comment signaler le risque à la communauté de travail ?

  • Quand le médecin du travail signale-t-il un risque pour la santé ?

  • Peut-on faire un signalement médical ou une alerte, à partir des altérations de la santé, avant l’atteinte, la pathologie ?

  • Quelles altérations repérer pour une veille médicale, pour prévenir les causes ?

  • Comment faire un écrit sur des altérations de la santé ? Quel impact de cette pratique sur les connaissances concernant la santé psychique au travail ?

Pour accéder aux réponses et "disputes" sur ce theme suivez ce lien  lien

 

[1] Patient : qui subit ; agent : qui agit (Le Robert). Nous butons sur une désignation correcte de celui ou celle qui est pour les cliniciens le sujet de notre travail ! A consulter toutefois l'article " patient " du " Dictionnaire de la pensée médicale ", ouvrage collectif, PUF, 2004

[2] Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel…

[3] Les conditions de travail des salariés dans l'Union européenne à quinze selon les formes d'organisation, Antoine Valeyre (*) Travail et Emploi n° 112 o Octobre-décembre 2007

[4] Souligné dans le rapport approuvé

[5] Article R4127-95 du code de la santé publique :
Le fait pour un médecin d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n'enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions.
En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l'entreprise ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce.

[6] Voir notamment l'article L4644-1 du code du travail

[7] Article R4127-48 du code de la santé publique
Le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée, conformément à la loi.

Alain Carré, Dominique Huez, Odile Riquet, Alain Grossetête, Annie Deveaux, Alain Randon, Benoit de Labrusse, Mireille Chevallier, Huguette Martinez, Bernadette Berneron, Gérard Lucas

6° Colloque de E-Pairs et ass.SMT du 20 juin 2014,

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DEUXIEME PARTIE
LES ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL EN REFERENCE AUX PRATIQUES ET A LA CLINIQUE MEDICALE DU TRAVAIL

 

4. ELEMENTS DE CARACTERISATION D’UN ECRIT MEDICAL POUR LE DOSSIER MEDICAL

4.1. C’est un écrit qui s’inscrit dans le recueil des informations médicales

A l’éclairage de la clinique médicale du travail, l’écrit médical a une double nature :

• c’est une « trace médicale de ce qu’a élaboré le salarié » lors du travail clinique avec le médecin du travail
• mais c’est aussi « une compréhension médicale attestée » par le médecin du travail, individuelle ou collective, qui engage par là sa professionnalité et sa mission réglementaire.
Dans cette perspective, l’écrit médical :
• n’est pas une énonciation surplombant le salarié par un expert dont la connaissance ne devrait rien aux salariés, considérés alors comme objets d’étude, vides de sensibilité, de capacités d’analyses et de pouvoir d’agir sur leur santé.
• c’est un « moyen médical en situation » qui permet l’action pour les salariés pour leur permettre de recouvrer leur santé, et qui donne du sens aux actions et liaisons médicales dans cet intérêt exclusif.
Ce qui s’écrit dans le dossier médical s’inscrit ainsi:
• dans un cadre de droit, droit du travail, droits du patient, missions réglementaires du médecin du travail
• dans un cadre déontologique qui répond aux principes suivants:

- d’être utile au patient, au moins ne pas lui nuire. Assister moralement la personne qui vient demander de l’aide.
- de fonder sa démarche sur les connaissances actuelles de la médecine du travail

• dans un cadre clinique, c'est-à-dire un espace exigeant une démarche particulière de pensée et une formation adéquate : c’est une approche qui vise un changement, se tient dans la singularité et coproduit un sens de ce qui se passe, à partir de la clinique médicale du travail
• dans une éthique qui permet d’éprouver les limites de notre activité, la confrontation constante à ce qui résiste à la connaissance d’un côté, le « vouloir comprendre » qui pourrait se confondre avec un pouvoir sur cet « autre soi-même » de l’autre côté.

4.2. C’est un écrit médical qui a un contenu clinique

4.2.1. Comment la pratique quotidienne de la consultation en médecine du travail pourrait-elle s’écrire dans un dossier ?

Lorsqu'il s'agit de saisir la temporalité des situations et leur complexité qui empêche une causalité simple, la mise en visibilité du lien santé travail repose d'une part sur la parole et le dialogue médecin du travail - salarié et d'autre part sur « l’Ecrit médical » dans la pluralité de ses formes. Y-a-t-il une écriture spécifique de l’expérience et de la clinique ? Comment rendre compte du travail clinique du médecin du travail ?
Une démarche clinique est par nature, par orientation et par construction, attentive aux particularités et aux singularités, elle n’appartient pas à une seule discipline. En médecine, la clinique est avant tout une nouvelle manière de faire voir les atteintes à la santé. La maladie n’est pas seulement un ensemble de symptômes, c’est à dire visible, elle est aussi énonçable.
C’est parce que nous étions dans un cadre de droit, dans une mission, et que nous n’avions pas les mots pour rendre compte de cette clinique dans le dossier médical, que nous avons fait le choix d’écrire des monographies. La clinique s’écrit alors dans un genre différent de l’habituelle rédaction scientifique, plus proche de la littérature. Elle cherche le sens du possible et non le sens de la réalité, elle cherche la vraisemblance mais ne se prend pas pour la vérité. La monographie a été indispensable à la mise en visibilité des pratiques cliniques et à la construction du métier de médecin du travail. Mais elle ne peut pas être écrite pour chaque consultation.
Le descriptif symptomatique ou organique que nous avons tous connu non seulement n’est pas opérant, mais il ne prend pas en compte la clinique médicale du travail. La clinique articule ce qui se voit et ce qui se dit, elle réorganise les éléments qui constituent le phénomène pathologique. Elle situe un symptôme dans une histoire singulière, pour un sujet engagé dans une activité de travail dans un contexte historique, économique et social.
La clinique médicale du travail prend en compte l’engagement subjectif dans le travail et la relation que celui ou celle qui travaille entretient avec l’environnement, les autres et le monde. Comment l’énoncer dans le dossier, comment trouver les mots justes ?
Où la démarche clinique peut-elle s’écrire dans le DSMT ? Dans quelles cases: dans les données de « l’interrogatoire » : existence ou absence de symptômes physiques ou psychiques ou dans les données de « l’examen clinique » : existence ou absence de signes cliniques destinés à évaluer le lien entre l’état de santé du travailleur et le poste de travail actuel et les expositions antérieurs.

4.2.2. Selon quelle méthodologie ?

Il s’agit d’utiliser les mots de tous les jours, ceux que le salarié peut se réapproprier. Il faut reprendre les paramètres que nous avons négligés pendant longtemps avant de les réinvestir dans les monographies : l’activité de travail, les expériences antérieures, l’histoire singulière, les affects, les détails qui comptent.
Il faut passer par l’évènement. La singularité vient d’abord de l’évènement du travail, du récit. Pas d’évènement sans activité, sans fragments d’activité, sans détails. Pas d’évènement sans présences humaines, sans collègues, sans chef, sans intention, sans lien et sans conséquence. Pas d’évènement sans paroles : des paroles ont été adressées au salarié, des paroles ont été dites par le salarié, ou échangées entre d’autres salariés.
L‘évènement raconté est un bouleversement que le salarié a traversé, il intervient à l’articulation du collectif et de l’individuel, du psychique et du social, de l’humain et de la matière, il est porteur d’affect et d’émotion. Il s’agit de reconstruire son sens, donc son rapport aux circonstances, sa place dans l’engagement subjectif du sujet dans le travail. Il s’agit de savoir comment cet évènement a pris place dans son histoire singulière.
Impossible de tout mettre en mots, de reprendre l’évènement dans le dossier. Ce n’est plus l’évènement qui compte, mais sa marque, l’empreinte qu’il laisse, qu’il a laissé, l’émotion qu’il a suscitée. Faire avec l’évènement, c’est faire histoire, c’est ouvrir des possibles.
Ce qui s’écrit dans le dossier médical doit garder le lien entre singularité et objectivité. Reprendre les mots qui, dans le récit, ont fait surgir une émotion soustraite à la délibération et à la volonté du sujet. La justesse des mots vient de l’effet produit, de l’effet de transformation. Utiliser des mots de tous les jours, pas des mots techniques, scientifiques, écrire dans le dossier la reformulation proposée au salarié. Savoir écrire dans le dossier l’échec d’une démarche clinique.
Décider de ce qui ne doit pas s’écrire dans le dossier. Parfois au cœur de la démarche clinique à partir de l’activité de travail, au cours du récit, des blessures psychiques anciennes résonnent avec les évènements actuels du travail. Dans ce surgissement de l’intime, le secret qui a été déposé là, ne doit pas s’écrire. Ce qui compte, ce qui doit être écrit dans le dossier médical, ce sont les circonstances dans lesquelles l’intime a surgi, c’est l’émotion qui a permis la résonnance avec l’histoire singulière, c’est ce qui pourrait altérer le lien santé travail.

4.3. C’est un écrit médical qui a un destinataire et un objectif

Les écrits regroupés dans le dossier médical sont de deux types: soit ils concernent le salarié, soit ils concernent le collectif et ils sont destinés alors à l’espace public, même s’ils peuvent être conservés aussi dans le dossier médical.

Les écrits concernant le salarié

C’est le destinataire de l’écrit médical qui détermine l’objectif recherché.
Différents écrits peuvent être effectués par le médecin du travail :

• pour le dossier médical pour rendre compte du travail clinique et construire le lien santé-travail ; aussi pour assurer une traçabilité des évènements pathogènes ou positifs pour permettre de construire une temporalité du lien entre la santé et le travail ; cette temporalité a une finalité clinique pour le médecin mais peut également avoir pour fonction de jalonner à distance cette temporalité pour le travailleur ;
• pour le salarié comme traces de pratiques « inter-compréhensives ». Il s’agit alors d’un écrit spécifique destiné au salarié qui trace l’état d’un travail clinique, comme point d’étape, mais aussi comme état d’un constat médical sans préjuger de possibles utilisations ultérieures ;
• à l’attention d’un autre médecin pour mettre en visibilité le lien santé-travail ; ce courrier médical élaboré dans une pratique inter-compréhensive avec le salarié et remis au salarié a un contenu clinique, peut et doit garder le lien entre singularité et objectivité. Il peut permettre de faire le lien avec le médecin traitant pour lui permettre de prescrire à bon escient ;
• constituer une « thérapie préventive », dès lors que le salarié est en situation critique de doute sur lui-même, qu’il soit par exemple en situation de perte de l’estime de soi ou de souffrance éthique. Cet écrit du médecin du travail dont la fonction est « le soin préventif » tente d’éviter par exemple un passage à l’acte en donnant acte de la rationalité de la situation et en rendant visible les liens entre la situation professionnelle et les effets observés ;
• enfin ou en sus, une finalité réglementaire pour assurer les droits médico-sociaux du salarié pour attester, certifier, mettre en visibilité le lien santé-travail et les atteintes pathologiques liées au travail.

Les écrits concernant le collectif

Le médecin du travail émet ses préconisations médicales individuelles sur la fiche de suivi médical, dite « d’aptitude ». Mais au-delà il peut en nourrir ainsi son action de prévention collective primaire ou de sauvegarde. Ce document peut alors s’enrichir de mentions attirant l’attention de l’employeur sur le lien entre le changement d’organisation et l’état de santé très concret du salarié ou avec son arrêt de travail récent qui permettra une action de prévention collective.
Les écrits du médecin du travail « signalant un risque » peuvent permettre que s’y adosse spécifiquement une démarche de prévention collective. Ces écrits concernent l’identification médicale des risques, la veille ou l’alerte médicale des effets du travail pour la santé. Les différents acteurs qui œuvrent à la prévention collective, l’employeur mais aussi les représentants des salariés, peuvent y découvrir des effets délétères du travail pour la santé auxquels par nature ils n’ont pas accès. Des éléments de ces écrits peuvent trouver place au DMST.

Dispute professionnelle  5 :

Quels sont les éléments caractérisant un écrit médical pour le dossier médical ?

  • Quels sont les objectifs du recueil d’informations au DMST ?

  • Quelle pratique clinique pour instruire la temporalité des situations et leur complexité ?

  • Quel contenu clinique ? Comment trouver les mots justes ?

  • Pour quels destinataires ?

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5. ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL ET REGLES DE METIER

5.1. L’écrit du médecin du travail a pour objet d’identifier et de rendre visible le lien santé-travail

Dans un écrit médical, ce qui compte est son intérêt pour la santé du patient. Une veille médicale collective avec un suivi clinique individuel prenant l’organisation du travail comme grille de lecture, peut selon les circonstances ouvrir à l’amélioration de l’organisation du travail, ou quand cela est nécessaire, tenter de préserver la santé selon des modalités individuelles très différenciées sans jamais oublier le premier projet. Même en des circonstances de pratique de sauvegarde, le projet d’ouvrir à la compréhension la place du travail ne saurait être abandonné. Au contraire, c’est la seule façon de permettre aux sujets fragilisés, de recouvrer leur capacité d’agir, et à l’organisation du travail d’évoluer en un sens plus respectueux de la santé des femmes et des hommes. En effet le sujet pourrait retourner la violence contre lui-même, parce qu’il ne peut pas résister, parce qu’il se sent coupable de ne pas tenir, d’avoir cédé sur l’essentiel, parce que dans la façon dont il se représente ce qui lui arrive, il n’y a que des rapports individuels, inégalitaires du fait de la condition de travailleur salarié, où les coopérations, les collègues, les collectifs ont disparu.
La consultation médicale est ainsi une occasion pour le salarié de dé singulariser des histoires personnelles pour passer ensuite au collectif en s’adossant à des éléments issus des connaissances sur l'activité de travail. C’est aussi l’occasion de découvrir qu’il n'est pas le seul à énoncer ce qu'il énonce et que d'autres vivent la même chose.
Le lien santé-travail est exploré à partir de ce que sait le médecin de l’histoire de l’entreprise, de la trajectoire du salarié, des éléments de compréhension de l’organisation issus des entretiens cliniques avec d’autres salariés, et des difficultés et conflits rapportés par d’autres salariés de l’entreprise, ou par l’employeur. Ce travail médical où le passage à l’écrit est essentiel, pourra permettre que se déploie en écho, une mise en délibération collective des difficultés de la contribution des sujets dans leur travail. Ainsi, le médecin du travail contribuera à les rendre acteurs de la transformation de leur travail, en remettant le travail réel au centre de l’élaboration collective.

5.2. Règles de métier pour instruire le lien santé-travail et élaborer l’écrit médical

La spécialité du médecin du travail l’incite à prendre l’organisation du travail comme grille de lecture ; ainsi il passe du « comment va votre santé » au « comment va votre travail ».
C’est le sujet qu’on se propose d’aider à construire son récit, ce qui lui permet d’accéder au sens des évènements. C’est lui qui fait les liens avec les autres, le temps, l’organisation concrète, ce qu’il y jouait, ce qui le fait souffrir, qu’il n’accepte pas. C’est à travers ce récit ou la douleur affleure que se construit l’idée que ce qu’il vit, peut-être il n’est pas le seul à le vivre ! Non, il n’est pas fou ! Oui le praticien rencontre fréquemment des personnes dans sa situation ! Explorer en intercompréhension avec le sujet, la dynamique du « travailler ». Faire raconter par le sujet comment il fait concrètement pour arriver à travailler, comment il faisait antérieurement. Faciliter le récit par l’intérêt manifesté pour « comprendre avec ». Explorer le faire et le faire ensemble. Pourquoi ce n’est plus possible aujourd’hui et que c’était possible hier. Qu’est-ce qui a changé concrètement dans l’organisation du travail du sujet, organisation du travail au sens de division des tâches ou des rapports sociaux. Ainsi la clinique quotidienne du médecin a pour projet, devant une pathologie mentale, rhumatologique, cardiaque, respiratoire, digestive, d’explorer en intercompréhension avec le sujet, la dynamique du « travailler ».
La parole du sujet, sa contextualisation et le travail inter compréhensif entre le sujet et le médecin du travail, permet l’élaboration du sens de la souffrance. Il s’agit de faire émerger des analyses non encore pensées, et de donner des éléments pour aider à modifier l’activité de travail. La clinique médicale du travail entend aider le salarié qui se trouverait fragilisé dans sa santé et enfermé dans un conflit entre ce qu’il tente de soutenir et les impasses dans lesquelles l’organisation du travail le place. La clinique médicale du travail contribue ainsi aider le salarié à élucider les conflits nés des nouvelles organisations.
Les questions de santé au travail et de prévention se posent en termes de compréhension des mouvements contradictoires qui animent l’activité et déterminent les conditions matérielles, sociales et subjectives du travail. Il s’agit alors pour le médecin du travail d’aider le sujet à exprimer les dimensions de son engagement dans le travail. Elle permet ainsi au médecin du travail d’acquérir et d’accéder à une compréhension intime des tensions qui accompagnent le travail. L’objectif de ce travail clinique est la reconquête par le salarié de son pouvoir d’agir afin de lui permettre de recouvrer sa capacité à construire sa santé au travail. Cette démarche clinique ne se substitue pas à l’action du salarié, elle vise à la reconstruction de sa capacité à penser, débattre et agir. « Sentir » dans un récit de quoi il retourne, faire le vide, être disponible, sans a priori sur ce qui est relaté. Les affects, les émotions du sujet sont du matériel.
En clinique médicale du travail, comment à la fois être attentif, observer les postures, et prendre des notes ? Les émotions des collègues de travail, de l’employeur par exemple sa colère, sont du matériel clinique. L’employeur est aussi un individu au travail et ses réactions par exemple l’expression de son indignation, de sa colère vis-à-vis du médecin du travail, constituent aussi du matériel clinique dans le registre des émotions, comme celles du sujet reçu au cabinet médical. Les réunions de travail dans l’entreprise constituent aussi du matériel pour la clinique médicale du travail.
Ainsi de courtes notes cliniques ou des éléments beaucoup plus développés sont notés au dossier médical à la fin de la consultation. Dans les situations complexes, une synthèse y est rédigée à la suite des notes de travail. Les diagnostics argumentés ou les incertitudes cliniques y sont tracés.
La clinique médicale du travail ne peut naître et se déployer sans la prise en compte d’un tiers facteur qui est la temporalité. Le temps du travail clinique déployé sur la durée, est du matériau clinique. Il n’y a pas de temps privilégié. Le médecin du travail laisse la porte ouverte au récit, que ce soit lors d’une visite d’embauche, d’une visite systématique ou lors de visite spontanée. Le temps d’élaboration pour le sujet et le clinicien est une aide essentielle pour le travail clinique en médecine du travail. Le déroulement du temps permet aux évènements de travail de s’inscrire dans le corps, de s’y incorporer physiquement et psychiquement, d’y laisser des marques. Ces éléments, micro-histoire en rapport avec l’activité de travail réellement déployée, et dynamique de construction ou de fragilisation de la santé au travail ne peuvent être mis en relation et véritablement articulés, que si une observation régulière, avec prise en compte des faits notables et des non-faits, des bonheurs ou des malheurs ou tous autres bouleversements même minimes, est rendue possible par l’organisation systématisée des recueils. Cette compilation constitue un matériel précieux et utile, le moment venu, afin de permettre une analyse donnant accès au sens des constats délétères.
Lors du travail clinique d’accompagnement des sujets au travail, deux questions doivent être arbitrées par le médecin du travail :

- le travail, son organisation, les rapports sociaux qui s’y déploient, peuvent-ils expliquer tout, ou partie de l’histoire de la construction ou de la fragilisation des sujets qu’on accompagne médicalement ?

- en cas de trouble psychopathologique ou de somatisation importants pour un sujet, quel est le risque ou l’intérêt d’un éloignement temporaire ou définitif du travail à visée thérapeutique ?

C’est la prise en compte du sens de l’écrit médical au regard de son objet pour la santé du patient qui permet de résoudre pragmatiquement les obligations déontologiques du médecin du travail. Faute de cela, le médecin s’expose aux dérives idéologiques de ses écrits, sans même s’en rendre compte. C’est le cadre de toute praxis médicale déontologiquement conforme, qui évitera ainsi d’être agi par des intérêts autres que ceux de la santé des patients ou de la santé publique en santé au travail.

5.3. Elaboration par le sujet et risque de l’écrit médical

La médicalisation de l’écrit, focalisé à un instant « t » sur l’instruction du lien santé travail exploré, ne pourrait-il pas entrainer un risque de blocage de l’élaboration de la part du salarié consultant en souffrance ? L’énoncé écrit du lien santé-travail pourrait avoir cet effet, mais il n’y a pas de place dans cet écrit pour un diagnostic médico-légal sans travail clinique préalable avec le salarié, et l’inverse est soutenu, à savoir que l’écrit est destiné à aider le salarié à se repositionner du côté de son « travailler » en actant de tout ce qui est déployé comme contribution par lui, pour faire le travail. Ainsi le travail lors de la consultation de clinique médicale du travail est une intercompréhension « en construction » aux temporalités décalées pour chacun, médecin du travail et salarié. L’élaboration par le sujet par essence n’est jamais terminée.
Du point de vue du médecin du travail, cette tension pour « comprendre avec », peut achopper sur les procédures défensives du salarié. Il peut avoir un temps de décalage avec le salarié, face à ses procédures défensives fragilisées qui font brèche à l’irruption de la souffrance professionnelle, et perturbent encore son accès aux pistes explicatives qui émergeraient du côté du travail. Elles peuvent alors être accessibles au médecin du travail, et rester encore obscures pour le salarié.
Comment pour le médecin du travail ne pas brusquer le travail d’élaboration du salarié, tout en ne se faisant pas piéger par les effets des procédures défensives du salarié qui masquent encore partiellement le rôle du travail, de son organisation et des rapports sociaux, en emblématisant les rapports personnels ou de responsabilités individuelles dont la clé de compréhension du travail serait absente ? Les balises incontournables en sont probablement pour le médecin clinicien une attitude respectueuse et un écrit dans l’intérêt du salarié qui permettrait à ce dernier de s’y adosser pour continuer son travail d’élaboration, sans que pour autant le médecin du travail ne se fasse instrumentaliser par les défenses du salarié.

5.4. L’écrit médical comme étape pour le sujet d’un travail inter-compréhensif avec le médecin

Si la souffrance est un vécu individuel, c’est la compréhension de ses déterminants collectifs qui permet de sortir d’un vécu délétère. L’écrit médical dans la pluralité de ses formes peut y contribuer.
L’écrit médical peut être ainsi opérateur de santé. Les circonstances en sont plurielles. Le médecin du travail peut accepter du fait d’une « nécessité » qu’il apprécie en responsabilité, de transcrire dans un écrit médical spécifique remis au salarié, le point d’étape de ce qu’il a compris à partir d’un travail inter-compréhensif avec un salarié. Le salarié peut-être aussi demandeur d’écrits médicaux qui le favorisent : extrait de son dossier médical qui pourrait être remis en forme par le médecin du travail pour qu’il soit compréhensible, attestation médicale d’un travail clinique du médecin du travail auprès de ce salarié, en urgence ou étalé dans le temps en suivi d’une problématique clinique spécifique, « certificat de maladie professionnelle » argumenté concernant une psychopathologie du travail, ou écrit spécifique du médecin du travail à destination d’un C2RMP instruisant dans le détail le lien santé-travail.
Un certain nombre de médecins du travail consultant dans des consultations « Souffrances et travail », de leur initiative, systématiquement ou exceptionnellement, par un travail de clinique médicale du travail compréhensive, tracent par écrit l’histoire individuelle et collective du « travailler » d’un salarié au décours d’une phase médicale d’un travail clinique. N’ayant pas vocation à revoir le salarié, ils pensent que cette « trace médicale » d’un travail en quête de compréhension du rôle du travail, peut aider le salarié concerné à le poursuivre en y retrouvant les éléments marquants que le travail clinique a permis de faire émerger. Cet écrit à alors valeur thérapeutique tout en permettant au salarié d’en faire un support de liaison médicale avec les médecins le prenant en charge. Il peut parfois être utilisé comme le point de vue d’un spécialiste en médecine du travail chargé de son suivi clinique, par un salarié dans telle ou telle procédure médico légale le concernant.
Des médecins du travail dans leur pratique médicale ordinaire peuvent aussi utiliser un écrit médical dans un but proche.

- Ou bien au décours d’une relation clinique en urgence, où il leur parait nécessaire de « tracer médicalement » ce qu’ils ont analysé cliniquement d’une situation médicale, pensant que cette accroche à la réalité du travail qui est alors permise au salarié par le truchement de cet écrit, pourrait lui permettre de sortir d’un processus délétère d’où n’émerge alors que ce que le salarié penserait de sa propre insuffisance, responsabilité personnelle, processus fautif et culpabilisant, faisant obstacle à l’analyse du rôle du travail.

- Ou bien en liaison médicale dans le cadre d’un processus de soin, pour apporter leur point de vue de spécialiste de la santé au travail à un médecin traitant, pour y faire émerger les pistes étiologiques principales du travail et du travailler du sujet. L’accès par le salarié à cet écrit dont il est le vecteur, lui facilite la compréhension de l’attitude du médecin du travail, par son action de prévention primaire le concernant, et par son éclairage spécialisé au médecin traitant.

5.5. Le travailler des médecins du travail

Ce qui conduit à devoir faire un écrit dans une situation donnée, est le souci de défendre le point de vue de la santé. Les éléments essentiels sont collectés au cabinet, par le médecin ou l’infirmière, après avoir reçu un salarié, beaucoup plus qu’en visite de poste. L’écrit s’appuie sur ce qui vient d’être entendu au cabinet médical, « ce courrier, il est lu », et sur des écrits antérieurs qui sont mobilisés
Passer à l’écrit peut être ressenti comme une impérieuse nécessité, dans un engagement perceptible du côté du corps, c’est-à-dire du côté des émotions.
Ainsi le médecin peut s’appuyer sur la discussion de son GAPEP pour la rédaction d’un certificat de MP.
Ainsi un médecin se souvient-il des conditions dans lesquelles il a rédigé un écrit avec certificat, et pourquoi il l’a rédigé, se revoit-il parfaitement en situation de travailler. Il catégorise les trois étages d’un écrit : professionnel et réglementaire, éthique, et engagé au service de la santé au travail.
La métis, l’intelligence rusée s’invite dans la rédaction de l’écrit. Impérieuse nécessité et surgissement peuvent évoquer sa « naissance ».
Les écrits ont toujours comme projet de donner à comprendre, de « sédimenter » l’état des réflexions, de bien investiguer.
L’écrit peut aussi avoir pour fonction de déplacer des questions, pour qu’elles deviennent centrales dans un objectif de prévention des organisations du travail délétères.

5.6. L’écrit opératoire, ou écrit modeste

Les écrits modestes [8], dans le dossier médical.
Ecrits modestes, écrits opératoires, écrits essentiels ? Ils peinent à être nommés précisément, bien que présents un peu clandestinement dans le dossier médical, l’accent ayant été mis jusqu’à une date récente sur les monographies.
Les écrits modestes témoignent de la légitimité de l’hébergement des matériels de la clinique médicale du travail au sein du dossier médical. Ils sont la marque du cheminement pour le clinicien ; en pattes de mouche, celle « du travailler » du médecin du travail.

Les écrits modestes rédigés
Les écrits modestes peuvent provenir de traces cliniques relevées dans le dossier médical. Ce type d’écrit prend souvent une forme minimale, un style télégraphique, car la rédaction suit de peu l’échange avec le salarié. L’écrit peut être repris à distance, puis abandonné provisoirement.
Ces écrits constituent un matériel clinique. Quand les notes sont relues, le temps leur donne de l’épaisseur, les pièces cliniques peuvent trouver à s’emboîter. Un nouveau travail clinique peut commencer. Le destinataire est d’abord le salarié.

Ouvrir des droits, donner à comprendre
Certains placent l’écrit du côté des déterminants comportant des recommandations ou des préconisations. D’autres attestent que l’écrit ouvre des droits, avec une rédaction très pesée, pouvant n’intervenir qu’après plusieurs consultations, jamais à chaud, et soumise à son accord et entendement.
L’écrit pourrait être jugé sur sa capacité à faire avancer le travail d’élaboration individuelle, du fait de son projet direct ou de ses retombées.

Dispute professionnelle  6 :

Quelles règles de métier pour instruire le lien santé-travail ? Quel type d’écrit déployer pour le rendre visible ?

  • Comment construire des règles de métier pour élaborer un écrit médical sur le lien santé-travail

  • L’écrit médical a-t-il une place dans le travail inter-compréhensif entre le médecin et le salarié ? L’écrit médical peut-il être opérateur de santé ?

  • Pour son diagnostic étiologique, le médecin du travail doit-il s’appuyer exclusivement sur des références médicales opposables ? Ou peut-il apporter sa contribution à partir de la clinique médicale du travail ?

  • Comment arbitrer entre un écrit ramassé et opératoire, et une monographie ?

  • Ecrire comme « expert » écrivant en droit, ou bien comme praticien agissant exclusivement pour la santé de notre patient, « pour comprendre avec » ?

    Pour accéder aux réponses et "disputes" sur ce theme suivez ce lien  lien

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6. LA MONOGRAPHIE CLINIQUE DE MEDECINE DU TRAVAIL

6.1. La Monographie pour construire le métier entre pairs

La monographie acte d’un tournant dans les pratiques professionnelles avec le passage de « l’observation », à l’entretien de clinique médicale du travail dont la monographie écrite est la trace. La monographie, écriture travaillée, est le lieu d’hébergement d’une élaboration clinique rétrospective, qui ne trouvait pas sa place dans le dossier médical du salarié souvent très pauvrement alimenté. Le travail de rédaction est achevé avant d’être présenté. Quand c’est compliqué, il peut être utile de passer par l’écriture pour comprendre.

A partir de ce qu’il a entendu et questionné/objecté, le clinicien :

- note à la volée quelques éléments dans le dossier médical.

- tente de les reprendre à tête reposée en essayant de comprendre ce qu’il a entendu

- puis à partir de ses notes, rédige la trame d’un récit dans lequel il raconte une histoire, avec les éléments de sa réflexion clinique.

La monographie forme une histoire clinique, récit dans laquelle apparaît un salarié, son travail, avec ses risques, les aléas de son parcours et de son histoire professionnelle, son « travailler » avec ses affects et ses émotions, la relation avec ses collègues et la hiérarchie, la direction, et également, le travail du médecin du travail.
Dans une monographie, il est important de retrouver ce que dit le salarié, sans parler à sa place, et de distinguer le propos de son interprétation.
Le passage à l’écriture a pour objet de tenter de comprendre ce qui a été mis en scène dans un récit recueilli et explorer ce qui s’y joue au niveau de la santé. Les hypothèses formulées suite à sa présentation ne sont pas figées, peuvent évoluer, peuvent être revisitées, en fonction de l’expérience apportée par d’autres cas. Chaque monographie est vivante et ouvre à d’autres possibles.
Les monographies s’adressent à la communauté des professionnels : en arrière fond, ils tendent à faire avancer une réflexion en donnant matière à dispute professionnelle.
La monographie de clinique médicale du travail peut en rester :

- au niveau d’un travail individuel, par exemple une tentative d’écriture à partir d’éléments du dossier médical, pour chercher tout seul à y voir plus clair,
- ou collectif, présentation devant un petit groupe de pairs devant lequel l’histoire est présentée afin de recueillir son avis et son aide;
- ou encore d’essai de contribution à éclairer par la clinique des éléments apportés par la recherche épidémiologique.

6.2. La Monographie pour argumenter en responsabilité en C2RMP une psychopathologie

En dehors de la reconnaissance en Accident du travail, aujourd’hui les psychopathologies du travail ne peuvent être reconnues en maladie professionnelle qu’après instruction par un CRRMP. Dans le cadre de la procédure d’instruction de cette maladie professionnelle hors tableau, l’avis du médecin du travail doit être recueilli.
Les médecins du travail peuvent apporter leur « pierre » à la reconnaissance de cette pathologie professionnelle avec les traces de leurs interventions en CHSCT, ou leurs écrits spécifiques illustrant leur veille médicale ou leurs écrits éventuels d’alerte médicale pour le collectif de travail auquel appartient le salarié concerné. Ils peuvent aussi croiser ces données avec des éléments pertinents de leur fiche d’entreprise qui illustrerait la situation particulière de ce salarié.
Des médecins du travail utilisent la forme de la monographie comme « écrit médical spécifique » pour relater l’histoire médicale du lien santé-travail de ce salarié. Ce dernier est en effet inséré dans un collectif de travail auprès duquel le médecin du travail est le seul à avoir accès à la diversité des histoires médicales individuelles de ses membres, éclairées par le travail.
La force démonstrative pour instruire le lien santé-travail par la clinique médicale du travail, des monographies du médecin du travail, en sont :

- l’éclairage aujourd’hui de cette situation individuelle à la lumière de la santé au travail du collectif de travail concerné ;
- mais aussi la temporalité, la diachronie de l’histoire individuelle et collective de la santé au travail dans laquelle est insérée ce salarié.

6.3. Argumenter du point de vue du travail, auprès d’un C2RMP, un cancer professionnel

Un exemple de courrier médical au médecin conseil.
« Dossier MP demande de saisine du CRRMP :
Mr C., N°SS :
Informations complémentaires
Monsieur le Médecin-Conseil
Cher confrère,
J’ai établi un certificat médical concernant Monsieur C., décédé d’un cancer du larynx à l’âge de 66 ans, liée à son passé professionnel l’exposant essentiellement, dès l’âge de 15 ans à des poussières textiles et ce jusqu’à l’âge de 41 ans. De 41 ans à 57 ans, c’est à dire pendant sa fin de carrière, il a travaillé dans l’entreprise T, à un poste l’exposant, à un degré moindre sans doute, à la fois aux poussières textiles (contiguïté des ateliers) et aux poussières de bois (assemblage de pièces de bois dans un atelier contigu à une menuiserie). Monsieur S n’a jamais fumé.
Un de ses collègues de travail, Monsieur P., n°SS : qui avait eu un itinéraire professionnel similaire, est décédé à 62 ans d’un cancer du cavum (ni tabac, ni voyage en Asie du Sud-Est) et a fait l’objet d’une reconnaissance du caractère professionnel par le CRRMP en ce début d’année
Trajectoire professionnelle de Mr P: de l’âge de 14 ans à l’âge de 20 ans travail dans des tissages et tricotage de coton. A partir de 1962, travail dans l’entreprise T avec :de 1962 à 1965, travail au garnissage de matelas avec manipulation de matelassure puis à la finition des sommiers de 1973 à la fin de sa carrière, travail en finition de sommiers avec manipulation de feutre constitué de déchets textiles.
Si on compare avec la trajectoire de Mr C, on retrouve des similitudes
Pour Mr C :

- Un an apprenti-miroitier de 14 à 15 ans, avec sans doute une exposition nocive.
- De 1951 à 1979, travail dans des tissages de coton
- Depuis 1979 jusqu’à 1995, travail au montage de caisses de sommiers en bois, poste situé dans le même atelier que le poste de Monsieur P puis dans un atelier contigu, ouvert d’un côté sur l’atelier menuiserie, donc avec des poussières de bois et de l’autre côté sur l’atelier matelas et ses poussières textiles.
Vous trouverez ci-joint une photocopie tirée de l’ouvrage sur les cancers professionnels : poussières textiles et poussières de bois sont évoquées comme étant susceptibles d’intervenir dans les cancers du larynx

Le Médecin du travail
PJ : extrait de l’ouvrage « Les cancers professionnels » Editions Margaux, Pairon, Brochard, Le Bourgeois, Ruffié ».

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7. DES « RUSES DE METIER » POUR LES ECRITS DU MEDECIN DU TRAVAIL ?

7.1. Des écrits pour l’ensemble des destinataires des conseils du médecin du travail

Les écrits du médecin du travail sont organisés et cadrés tant dans leur contenu que dans leur diffusion par des règles présentes dans le code du travail et le code de la santé publique, et interprétés par le conseil de l'ordre des médecins.
Les alertes à l'employeur, dans le cadre de l'art L4624-3, sont supposées être transmises aux IRP, inspection du travail, CARSAT, par l'employeur, sur leur demande. La transmission de ses écrits, par le médecin du travail, aux IRP ou aux salariés concernés n’est interdite par aucun texte ni aucune jurisprudence. Le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel (Art. R. 4623-1 du code du travail). Comment pourrait-il les conseiller s’il ne peut pas leur adresser de façon égale les documents et alertes qui leur sont nécessaires pour comprendre et agir en matière de santé au travail.
Or il arrive fréquemment que ces écrits du médecin du travail ne sont pas communiqués par l'employeur aux DP, CHS-CT, qui sont un des moteurs de l'action en entreprise.
Comment pallier cette carence ?
Pour un gage d'efficacité, leur diffusion à l'ensemble des partenaires sociaux (DP-CHS-CT- Inspecteur du travail-CARSAT) est nécessaire. Comment faire ?

Des médecins du travail utilisent des "Trucs et astuces" pour faciliter la diffusion non prévue explicitement par la réglementation de leurs écrits. En effet le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel. L’ensemble de ses interlocuteurs doivent donc en être informés [9].

- Ainsi pour leur fiche d'entreprise, certains médecins y adjoignent en fin de fiche, tous les résultats d'éventuelles métrologies, les courriers et alertes adressés tant à l'employeur, qu'au CHSCT.

- Ainsi il peut être utile pour les courriers adressés à l’employeur, d’adjoindre systématiquement une "note de bas de page" rédigée comme suit :
« Ce document est constitutif de la « Fiche d’Entreprise » et à communiquer à la CARSAT, Inspection du Travail, CHS-CT ou aux délégués du personnel ».
La diffusion du document obéit alors aux règles concernant la fiche d'entreprise.

- Ainsi ils utilisent « la copie d’une analyse collective à un tiers lecteur » comme le secrétaire du CHSCT, un confrère concerné par la problématique analysée, le médecin inspecteur du travail, l’inspecteur du travail, ce qui peut faciliter la prise en compte de l’analyse en évitant ainsi sans rétention.

- Ainsi ils informent spécifiquement le salarié de son droit d’accès à son dossier médical [10]. Sont partie intégrante de ce dossier, les observations cliniques du médecin, les "dires" de ce salarié, ce que le médecin du travail a compris de l'ensemble de ses observations et examens des autres salariés, et le diagnostic explicite qui instruit le lien santé-travail.
Cette facilité règlementaire d’accès ouverte au patient peut grandement faciliter la circulation d’informations médicales.

- Ainsi du courrier entre deux médecins qui transite par le salarié sous pli non fermé, lequel peut donc y avoir accès. L'usage personnel que pourrait en faire le salarié, lui appartient.

7.2. Ecrit adressé à la direction du SST (protestation ou alerte sur l'impossibilité de remplir nos missions …)

Le code de la santé publique et les jurisprudences, prévoient que les médecins ne peuvent se dédouaner de leurs obligations, sous prétexte d'insuffisance de moyens.
Dans la plupart des SST, les médecins du travail n'arrivent plus à faire face aux nombreuses tâches demandées :

- pour essayer de se tenir à flot, ils abandonnent tous les temps de réflexions sur leur métier, rencontres professionnelles, séances de formation, d'EPP

- la pluridisciplinarité, censées alléger leur tâche en substituant des intervenants en entreprise, non seulement les éloigne du terrain, mais leur consomme du temps nécessaire à la coordination.

On constate que ne nombreux médecins s'isolent et en croyant se réfugier dans des examens médicaux ou le "tiers temps", et se noient dans un activisme forcené
Ils se trouvent confrontés à des injonctions paradoxales : effectuer une tâche impossible sans en avoir les moyens.
Comment s’en sortent-ils ?
Soit en s'épuisant à la tache c'est alors le burnout.
Soit en négligeant la tâche On fait des consultations "à la chaine" pour "voir tout son effectif" mais bien sûr on n'a pas le temps de poser des questions auxquelles il faudrait répondre. Il vaut mieux ne pas se poser des questions. Mais c'est alors difficile de s'arranger avec sa "conscience professionnelle ". Le médecin n'est pas fier d'avoir travaillé à la chaine, d'avoir été sourd et aveugle à la souffrance de certains salariés.

Une porte de sortie est d'alerter les responsables de la fourniture des moyens d'exercer correctement sa profession soit les dirigeants du service de santé au travail : Vous trouverez ci-dessous quelques éléments pour construire un courrier d'alerte à la direction du service de santé au travail.
L'objectif est de "prendre acte" de l'insuffisance de moyen qui empêche le médecin d'exécuter sa mission et pourrait le placer en responsabilité juridique.
Pour le médecin du travail, le risque juridique est nul dans la mesure où il est salarié subordonné dont les moyens d'exercer sa mission sont fournis par les employeurs dirigeant de SST. La responsabilité reste à ces dirigeants comme le montre un récent jugement [11] qui condamne la direction d'un SST, pour n'avoir pas fourni les RDV aux visites médicales demandées par une entreprise.
Certaines directions, face à cette situation, tentent de transférer le risque juridique vers les médecins du travail eux même en leur proposant :

- le statut de cadre au forfait jour. Ainsi la responsabilité d'exécution de la charge de travail serait transférer au médecin : à lui de trouver le temps de la réaliser,
- de devenir "manager chef de service" avec les responsabilités d'un dirigeant pour la bonne exécution de la tâche, mais avec les « moyens du bord ».

Cette démarche peut paraitre illusoire si son objectif est seulement une protection contre une éventuelle mise en cause juridique. Son objectif est tout autre : Rappeler aux dirigeants des SST leur responsabilité de fournir les moyens nécessaires à l'exercice des missions des médecins du travail, pour la protection de la santé des salariés. Elle sera d'autant plus efficace que sera communiquée à d'autres acteurs tels que les membres de la commission de contrôle ou l'inspection du travail chargée du contrôle du bon fonctionnement des SST.

Exemple de courrier adressé au président du service de santé au travail par chacun des médecins d'un service de santé au travail.

« Monsieur le président
Par ce courrier je vous alerte sur le fait que je ne suis plus en capacité d'assurer les multiples tâches prévues par le code du travail.
Les moyens dont je dispose sont insuffisants.

- Moyens humain en secrétariat en temps de secrétariat, en formation insuffisante de secrétaire, en changement de secrétaire qui nécessite des temps d'adaptation/formation
- Mon temps de travail est insuffisant pour effectuer toutes les tâches prévues.
- Le nombre d'entreprises et les effectifs attribués ne me permettent pas de suivre correctement la santé des salariés
- Je ne dispose pas du temps nécessaire pour effectuer les tâches administratives telles Fiche d'entreprise, analyse des comptes rendus de CHS-CT, de mesure en entreprise etc.
- Moyens informatiques déficient du fait d'une formation à l'utilisation insuffisante, d'un programme parfois inadapté, de son absence de flexibilité et de prise en compte de certaines évolutions, d'un temps de saisie incompatible avec mon temps de consultation des salariés. Absence de temps, de formation et de ressources externes pour exploiter les données saisies.
- A ce jour je n'arrive plus à effectuer les visites d'entreprises nécessaires et obligatoires à la réalisation d'étude de postes en vue de reclassement/inaptitude ou pour connaitre les postes de travail et établir le constat de la fiche d'entreprise.
- Le temps dont je dispose pour les "visites médicale" ne me permet plus de répondre au rythme légal de surveillance des salariés (Visites périodiques de reprise, d'embauche etc..). L'espacement des visites médicales ne me permet plus de suivre les évolutions globales de la santé au travail dans les entreprises. Le "colloque singulier" que constitue la consultation médicale est irremplaçable pour appréhender l'état de santé physique et psychique des salariés. Je ne suis donc plus en mesure d'assurer une prévention correcte des atteintes à la santé du fait du travail, fondement de mon métier.

La nouvelle loi du 20 juillet 2011 crée de nouvelles obligations telles la traçabilité des expositions que je suis encore moins en mesure de la réaliser
Certes la pluridisciplinarité peut nous apporter des aides à certaines taches mais elle nécessite des temps de formation, de coordination, de concertation de certains intervenants (Infirmières, assistantes Santé Travail IPRP) et elle ne peut remplacer la connaissance personnelle et intime des lieux et surtout des personnes présentes dans les entreprises
Je vous confirme que mon temps de travail ne me permet pas de remplir les nombreuses taches demandées par le code du travail ce qui est susceptibles d’engager ma responsabilité mais aussi la vôtre, puisque votre rôle est de me fournir les moyens d’exercer mon activité.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser les suites que vous compterez donner à ce courrier. En l’absence de solution satisfaisante je serai amené à en tirer les conséquences ».

8. ECRIT MEDICAL COLLECTIF DE PLUSIEURS MEDECINS DU TRAVAIL

Dans quel cadre peut-on les rencontrer ?
Le plus souvent il s’agit de groupes de travail de médecins qui s’autosaisissent d’une problématique qui les préoccupe dans leur pratique, ou répondent à une sollicitation ou à une interpellation du comité d’entreprise, du CHSCT ou de l’employeur .
Citons quelques exemples : L’inaptitude, les maladies professionnelles, la souffrance au travail, la prise en charge des RPS, le risque amiante, CMR etc.… Ces écrits nécessitent en préalable l’enquête, le débat entre pairs. Leurs élaborations s’appuient sur des constats, des observations tracées dans les dossiers médicaux, les fiches d’entreprises. Il faut instruire la controverse, lorsqu’elle existe.
L’écriture peut être rendue difficile par la recherche d’un consensus parmi les médecins impliqués dans la surveillance de la population des salariés concernés. Si cela apparaît impossible, n’y a –t-il pas lieu de nommer ce qui fait consensus, ce qui fait débat ? L’existence d’un collectif de médecins avec des valeurs, des règles de métiers, communes facilite leur réalisation.
Ces écrits sont spécifiques. Ses auteurs sont des médecins du travail. Par cet écrit médical ils engagent leur responsabilité. Ce qui est écrit pourra leur être opposé de même ce qu’ils auront omis d’écrire. Son contenu instruit le lien entre travail et santé. Il comporte un descriptif de la situation, une analyse du point de vue du médecin du travail et éventuellement des orientations pour l’action qui se situent exclusivement du côté de la santé, ce qui exclue toute approche gestionnaire des risques du travail.
Dans le cadre d’un groupe de travail incluant les partenaires sociaux (employeur et/ou représentant des salariés) l’écrit médical doit apparaître de façon distincte du rapport global afin d’éviter la confusion et la manipulation éventuelle (publication en version pdf ).
Ces écrits sont adressés. Ils contribuent à éclairer les partenaires sociaux sur des risques, des situations pouvant mettre en jeu la santé des travailleurs. Ils mettent également l’employeur en responsabilité, en l’informant de la façon la plus exhaustive possible.

On insistera sur l’importance des écrits cumulés et répétitifs des médecins du travail devant l’absence de leurs prises en compte par l’employeur. Ainsi le jugement du TGI de Lyon [12] est exemplaire par ses commentaires montrant leurs portées possibles: « attendu que les médecins du travail, tant dans leurs rapports 2008, 2009 ou 2010 ont stigmatisé le bench marking comme un facteur de risques psychosociaux ».
Un autre exemple de ce type d’écrit se rencontre dans les conclusions collectives de rapports annuels de médecins de SSTE, comme les rapports médicaux annuels collectifs des médecins du travail de Bourg en Bresse [13]. A l’observation on constate qu’ils correspondent alors à des actes de résistance collective face à des situations professionnelles plus que délétères et sont aussi destinés à alerter aussi bien dans l’espace public interne qu’externe : comité d‘entreprise, CHSCT, DIRRECTE, inspection du travail.

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9. COOPERATIONS ET ECRITS DANS LE CADRE D’UNE EQUIPE MEDICALE OU PLURIDISCIPLINAIRE D’UN SST

9.1. Coopérations et écrits dans le cadre de l’équipe médicale, médecin du travail – infirmière du travail

Une équipe pluridisciplinaire est composée de professionnels spécialistes du champ du travail. Cette équipe comporte une équipe médicale qui regroupe les professionnels dont l’exercice relève du code de la santé publique. Le médecin du travail est responsable technique de l’équipe médicale, dans le respect du rôle propre des infirmières. Il est dans cette équipe le seul à être responsable personnellement de la « mission réglementaire » confiée au médecin du travail. Seuls les membres de cette équipe médicale sont habilités à intervenir dans le domaine de la santé des personnes. Eux seuls ont, réglementairement, accès au DMST.
La compréhension de l’activité de travail du salarié et de ce qui peut faire difficulté dans celle-ci par la clinique médicale du travail, est pour l’infirmière comme pour le médecin du travail, la grille de lecture essentielle pour appréhender les «traces» du travail sur le corps, dans un objectif de prévention individuelle et collective. Cela permet de comprendre les difficultés du « travailler » et du « travailler ensemble ». La prise en compte du point de vue exclusif de la santé au travail structure les coopérations en clinique médicale du travail pour l’équipe médicale du travail.

L’Entretien Santé Travail Infirmier (ESTI) est réalisé sous la responsabilité du médecin et sur sa prescription (article R 4623-14 et R4623-30 du Code du travail). L’infirmière du travail en informe donc systématiquement le médecin du travail.
Le décret du 30 janvier 2012 précise que le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions.
L’ESTI est mis en œuvre sur la base d’un protocole élargi de délégation du médecin du travail concerné. Dans un SST, les fondations d’un tel protocole auraient intérêt à être « discutées » par plusieurs collectifs de « médecins-infirmiers ».
Le cadre écrit des traces des ESTI est borné par des règles de métier discutées entre IST, par le protocole de délégation du médecin du travail et le travail en coopération, selon les recommandations générales définies par la HAS [14]. Le contenu des entretiens infirmiers peut être tracé dans le dossier médical du salarié (DMST) si le médecin du travail en donne délégation.
L’ESTI contribue à la mission de suivi médical individuel et collectif, de veille et d’alerte du médecin du travail. C’est au médecin du travail, réglementairement protégé par le cadre de sa mission, d’en faire bénéficier l’exercice de l’infirmière du travail.
L’ESTI n’est pas une activité de substitution du médecin vers l’infirmier, mais un enrichissement de pratiques médicales reposant sur la coopération de deux métiers, à droits et devoirs spécifiques différents, réglementairement définis. Il s’appuie sur une approche clinique du salarié dans son travail et de sa parole, qui confère la capacité à organiser et à mettre en lien les déclarations de la personne avec les situations de travail et les rapports sociaux de travail.
L’ESTI investigue le travail et la santé dans le but de faire un lien Santé-Travail et aboutit à l’élaboration d’une contribution de l’infirmier dans ce projet. Il s’agit pour l’IST d’un travail de compréhension et d’analyse du travail du point de vue de ce qui compte pour le salarié, de ce qui fait difficulté ainsi que des retentissements sur lui.

L’équipe médicale du travail a pour projet de rendre visible les risques et leurs effets dans l’espace de prévention de l’entreprise pour leur prise en compte par les différents acteurs. Le médecin et l’infirmier du travail y tiendront un point de vue humaniste, compréhensif, clinique et exclusif de la santé au travail des salariés.
L’Infirmier en Santé-Travail (IST) contribue au recueil de données cliniques et épidémiologiques, assure un traçage des risques professionnels et participe par ce travail à la veille et l’alerte médicale permettant au médecin du travail de déployer des actions de prévention collective.
Les apports du recueil de données de facteurs de risque ou d’étude spécifique que le médecin du travail pourra confier à l’infirmière du travail, pourront nourrir sa « fiche d’entreprise » ou son « rapport annuel d’activité ». Dans ces documents, rien ne fait obstacle à ce que soit citée explicitement la contribution d’une infirmière du travail. Toutefois il est essentiel que le médecin du travail signe tout document auquel aurait contribué l’infirmière du travail et qui engagerait la « mission réglementaire » du médecin du travail. Il s’agit en la matière d’inscrire le travail de l’équipe médicale relevant du code de la santé publique, à la fois dans un cadre de droit protecteur pour l’infirmière du travail, mais aussi dans un cadre qui puisse permettre l’exercice de « plein droit » de la mission du médecin du travail auprès de chaque salarié, de l’employeur et de représentants des travailleurs. Un écrit d’une infirmière du travail hors de ce contexte, manque de tout support réglementaire et par conséquent est risqué pour cette dernière, et n’ouvre à aucun cadre de prise en compte réglementaire pour l’employeur ou la représentation sociale.
Les ESTI donnent lieu à des « staffs » périodiques qui ont pour fonction de faire le point sur les problèmes rencontrés au cours des entretiens (plaintes, souffrances.). Ils consolident les coopérations professionnelles.
La mise en place des ESTI demande l’élaboration de nouvelles modalités de travail et de coopération entre médecin et infirmières dans le cadre d’une organisation orientée vers la continuité du suivi de santé des salariés.
Le travail en coopération médecin-infirmière relève d’une construction d’une indispensable confiance réciproque. La coopération repose sur la possibilité de cette confiance assise sur des valeurs et règles professionnelles partagées qui font sens en prévention de la santé au travail. Pour construire la confiance, le médecin du travail doit donner à voir à l’infirmière avec qui il coopère, ses règles professionnelles clinique et d’intervention.
Cette coopération d’appui de l’infirmière au médecin du travail, est subordonnée à une compréhension partagée des règles et obligations réglementaires du métier de médecin du travail. Il y a une difficulté professionnelle éventuelle pour une infirmière, à travailler avec deux médecins du travail si elle doit alterner ses coopérations entre deux systèmes de règles professionnelles et normes, portés par chaque médecin.
Le cadre réglementaire de l’intervention de l’infirmière du travail, gagne à être précisé du point de vue de son métier par des délibérations entre pairs, pour le spécifier en médecine du travail.
Ces coopérations permettent aux IST de développer des savoir- faire spécifiques mais nécessitent une formation spécifique et une réflexion entre pairs sur les pratiques professionnelles d’une clinique infirmière en médecine du travail construisant des règles de métier partagées et s’articulant harmonieusement avec l’activité des médecins du travail.

Dispute professionnelle  7 :

Quelle écriture de l’infirmière du travail au DMST ?

  • Quelle place de la clinique médicale du travail pour l’équipe médicale autour de l’ESTI ?

  • Quelles sont les éléments d’une coopération respectueuse dans le cadre de l’ESTI entre IST et médecin du travail ?

  • Comment allier le cadre d’un protocole pour l’ESTI, et le respect des marges de manœuvre nécessaires du métier d’IST en construction ?

  • Quelle spécificité de l’écrit de l’IST au DMST ?

  • Le médecin du travail doit-il donner à voir à l’IST ses règles et valeurs professionnelles pour coopérer en confiance ?

  • Quelle place pour les groupes de pairs entre IST pour écrire au DMST ? Quelle dispute professionnelle, les IST pourraient discuter en priorité avec les groupes de pairs de médecin du travail ?

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9.2. Le Compte rendu d’un psychologue en SST pourrait rejoindre le DMST

Les membres de l’équipe pluridisciplinaire ne relevant pas du code de la santé publique ne peuvent accéder ni écrire au DMST. Ils disposent donc de leurs dossiers propres.
Les écrits se nourrissant de La clinique du travail sont probablement parmi les documents les plus importants élaborés par des membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Tout document remis es-qualité au médecin du travail et éclairant potentiellement le lien santé travail d’un salarié, peut, de la décision du médecin du travail responsable du DMST, rejoindre le dossier médical placé sous sa responsabilité.
Cela peut concerner ainsi le compte-rendu d’entretien individuel d’un psychologue en SST. Mais dans ce cadre il n’y a pas d’obligation réglementaire. Cela peut concerner aussi des éléments d’un rapport d’intervention collective du psychologue en SST, qui pourrait spécifiquement éclairer le contexte délétère de la situation du salarié.
Ainsi pour argumenter une alerte médicale collective, le médecin du travail peut s’appuyer sur ses dossiers médicaux (DMST) où il a noté spécifiquement sa compréhension des difficultés de santé au travail du salarié. Mais ce DMST peut avoir aussi collationné un compte rendu d’un entretien individuel d’un Psychologue en SST prescrit par le médecin du travail, ou un écrit à visée collective d’un psychologue en SST, concernant le collectif de travail de ce salarié.
Des écrits du psychologue en SST peuvent rejoindre ainsi dans le DMST, mais avec un statut différent, les « écrits au dossier qui font trace » du médecin du travail et ses écrits plus élaborés, écrits opératoires ou monographies, certificats de suivi médical ou de MP, ou extraits opératoires pertinents de la fiche d’entreprise impactant spécifiquement ce salarié.

9.3. Coordination avec l’IPRP et écrit du médecin du travail

L’IPRP est membre de l’équipe pluridisciplinaire mais ne relève pas du code de la santé publique. De ce fait il n’a pas accès aux éléments couvert par l’article L1110-4 de ce code. Toutefois, hors des missions de gestion de la santé et de la sécurité pour un employeur, il peut intervenir dans le respect de son indépendance technique, à la demande du médecin du travail qui en prescrit la mission et coordonne l’équipe pluridisciplinaire sur son secteur.
Il y a des conceptions différentes, des valeurs différentes pour des métiers différents. Comment travaille t'on ensemble quand il y a des désaccords ? Comment s'en débrouille-t-on ? Fait-on refaire son écrit à l'IPRP en cas de désaccord important ? Utilisons-nous alors ou pas ses écrits ?
Les écrits qui en résulteraient s’ils sont signés par les IPRP, devraient pouvoir n’être diffusés qu’avec l’accord du médecin du travail. Ou bien ce dernier devrait pouvoir y annexer un commentaire engageant sa responsabilité réglementaire.
L’animation de l’équipe pluridisciplinaire du médecin du travail pour son secteur médical, implique donc qu’il puisse se coordonner autour d’un projet commun avec l’IPRP en amont d’une étude ou intervention, dans le cadre d’une véritable collaboration professionnelle. En l’état en effet, seul le médecin du travail dispose d’une mission réglementaire indépendante de la contrainte économique de gestion des risques de l’employeur. Dans ce cadre, l’écrit spécifique du médecin du travail qui engage sa responsabilité réglementaire qu’est la fiche d’entreprise, a tout à gagner à s’enrichir des « apports coordonnés » des IPRP.
Les écrits d’IPRP en conseil à la gestion des risques d’un employeur spécifique, ne sont pas concernés par le présent commentaire, puisque d’une autre nature que celle de la mission du médecin du travail qui ne doit agir que dans le cadre de sa mission d’ordre public social concernant l’intérêt exclusif de la santé des salariés.

Dispute professionnelle  8 :

Quelle coordination avec un IPRP, dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés ?

  • Quelles bases pour une coordination respectueuse IPRP – médecin du travail ?

  • Comment travaille-t-on ensemble quand il y a des désaccords ? Comment s'en débrouille-t-on ?

  • En cas de désaccord important autour de l’écrit de l’IPRP, que faire comme médecin du travail ? Diffuser quand même, faire refaire, bloquer la diffusion, y adjoindre un commentaire engageant la responsabilité réglementaire du médecin du travail ?

 

[8] Désignés ainsi depuis décembre 2013, lors d'une séance du congrès de l'association SMT (Santé et Médecine du Travail).

[9]Article L4624-3
I.- Lorsque le médecin du travail constate la présence d'un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L'employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
II.- Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d'une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l'article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.
III.- Les propositions et les préconisations du médecin du travail et la réponse de l'employeur, prévues aux I et II du présent article, sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, de l'inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l'article L. 4643-1.

[10] Le Décret N°2002 637 du 30 avril 2002, relatif à la transmission du dossier médical stipule que tout malade ou ses ayants-droits peut demander la transmission du dossier médical à un médecin choisi par lui
- loi « Kouchner » du 4 mars 2002.

[11] Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 19 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-25056

[12] Tribunal de grande instance de Lyon, 4 septembre 2012, RG n° 11/05300 (un système d’évaluation permanente des salariés par rapport aux performances des autres présente un risque pour la santé des travailleurs)

[13] http://collectif-medecins-bourg-en-bresse.over-blog.com/categorie-11240901.html

[14] Synthèse des recommandations professionnelles de l’HAS concernant le dossier médical en santé au travail (DMST). Janvier 2009) :« le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être alimenté et consulté par les personnels infirmiers du travail, collaborateurs du médecin du travail, sous la responsabilité et avec l’accord du médecin du travail, dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur mission. »

 

Alain Carré, Dominique Huez, Odile Riquet, Alain Grossetête, Annie Deveaux, Alain Randon, Benoit de Labrusse, Mireille Chevallier, Huguette Martinez, Bernadette Berneron, Gérard Lucas

6° Colloque de E-Pairs et ass.SMT du 20 juin 2014,

CONCLUSION

Ce document « Repères pour les pratiques professionnelles » a été élaboré par l’association Santé et Médecine du Travail et l’association E-Pairs au long du premier semestre 2014, à partir de controverses professionnelles dans nos associations, de disputes professionnelles entre pairs thésaurisées par E-Pairs.

Ce document offre un support pour poursuivre le travail d’élaboration de règles professionnelles entre pairs dont le colloque du 20 juin 2014 est un point d’étape important pour développer une médecine du travail dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés. Le cadre règlementaire de la médecine du travail exercée dans les SST définit une mission professionnelle assise sur la déontologie médicale. Nous devons y adosser des règles professionnelles entre pairs pour y déployer les écrits médicaux en médecine du travail.

Ce document place au centre de la pratique clinique du médecin du travail l’instruction du lien Santé – Travail. Lorsqu'il s'agit de saisir la temporalité des situations et leur complexité qui empêche une causalité simple, la mise en visibilité du lien santé travail repose d'une part sur la parole et le dialogue médecin du travail - salarié et d'autre part sur « l’Ecrit médical » dans la pluralité de ses formes. Il rassemble des éléments facilitant l’écriture dans le dossier médical (DMST) afin d’accompagner le salarié, de tracer médicalement les liens entre sa santé et son travail, d’identifier les risques délétères, et de signaler le risque professionnel à la communauté de travail afin de permettre aux salariés de développer, conserver ou recouvrer leur pouvoir d’agir afin que le travail soit un opérateur de santé.

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BIBLIOGRAPHIE

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