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.LES ECRITS EN MEDECINE DU TRAVAIL ECRIRE COMME MEDECIN DU TRAVAILPREMIERE PARTIE DEUXIEME PARTIE .
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PREMIERE
PARTIE
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Que peut-on écrire au dossier médical pour accompagner, comprendre avec le salarié, tracer médicalement, construire le métier ?
Pour
accéder aux réponses et "disputes"
sur ce theme suivez ce lien |
La HAS a élaboré
une recommandation en 2009 sur le DMST dont elle donne une définition
et des objectifs qui nous semblent intéressants synthèse
HAS DMST :
« Le DMST peut être défini comme le lieu
de recueil et de conservation des informations socio-administratives,
médicales et professionnelles, formalisées et
actualisées, nécessaires aux actions de prévention
individuelle et collective en santé au travail, enregistrées,
dans le respect du secret professionnel, pour tout travailleur
exerçant une activité, à quelque titre
que ce soit, dans une entreprise ou un organisme, quel que soit
le secteur d’activité.
Le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être
alimenté et consulté par les personnels infirmiers
du travail collaborateurs du médecin du travail, sous
la responsabilité et avec l’accord du médecin
du travail, dans le respect du secret professionnel et dans
la limite de ce qui est strictement nécessaire à
l’exercice de leur mission.
Avec des objectifs principaux :
aider le médecin du travail à apprécier
le lien entre l’état de santé du travailleur
et le poste et les conditions de travail ...participer à
la traçabilité des expositions professionnelles
... ».
La liste des informations recommandées concernant l'emploi,
la santé des travailleurs et les propositions d'avis
du médecin du travail, est logique, mais son application
intégrale est dépendante de sa faisabilité
dans le temps des consultations, de l'utilité, de la
pertinence pour l'appropriation du lien santé travail
et des pistes d'action sur les conditions de travail. La numérisation
préconisée est en partie facilitatrice mais parfois
une contrainte supplémentaire et limitative. Le médecin
du travail doit donc faire des choix argumentés du point
de vue des priorités de l’exercice de son métier.
En effet, l'écriture exhaustive de tous les critères
cités envahirait le temps de consultation au détriment
de l'investigation de ce qui fait réellement lien santé
travail.
Il convient de ne pas négliger les données socio
administratives : noter l’existence ou non d’enfants,
leur année de naissance, l’âge des parents
et leur degré d’autonomie, le nombre de frère
et sœur etc, permet souvent de comprendre des difficultés
de santé, tant l’équilibre organisation
de la vie privée et organisation du travail avec horaires
variables peut être difficile, particulièrement
pour les femmes.
Chacune des informations concernant l’emploi, le poste et les expositions peut-être utile dans certains cas pour le dévoilement du lien santé-travail, mais l'intelligence professionnelle n'est pas d'en faire une obsession, mais d'aller la chercher quand elle s'avère utile à la compréhension d'un impact sur la santé. Dans les critères cités, le vécu du travailleur n'est pas évoqué, alors qu'il est parfois essentiel pour l'évolution de la santé au travail et donc à noter. Par ailleurs, il apparaît que les informations sur l'exposition aux risques et à la pénibilité est une collecte qui relève de l'entreprise et qui pourrait faire l'objet une transmission lisible dans le dossier médical sans être à reconstituer plus ou moins empiriquement. Il restera toujours à comprendre ces risques pour la santé du travailleur et son appréhension, ainsi qu'à compléter par des pénibilités ou des risques authentiques du point de vue de la santé au travail alors qu'ils ne sont pas répertoriés par négligence ou non inclus dans les normes négociés à ce jour.
Concernant la santé des
travailleurs, les antécédents médicaux
personnels présentant un intérêt pour l’évaluation
du lien entre l’état de santé du travailleur
et le poste de travail ou pour le suivi de la santé du
travailleur soumis à certaines expositions professionnelles,
sont particulièrement importants. Certes, en sachant
qu'une mention brève sera souvent suffisante, et que
l'intérêt d'une déclinaison précise,
sans inquisition, de ces antécédents serait là
aussi fonction de la réalité et du niveau d'atteinte
à la santé en cours ou potentiel. Les données
actualisées sur les habitus (alcool, tabac, autres addictions)
ne devraient pas omettre d’en analyser le lien avec le
travail.
Dans le cas d’exposition, notamment à des reprotoxiques,
les données actualisées sur une contraception
en cours, une grossesse y sont importantes. Mais c'est le questionnement
du travailleur sur le sujet qui est central avant toute investigation
appuyée. L'arrêt de travail est évidemment
un indicateur de santé majeur, mais devra être
explicité dans le cadre de cette investigation santé
travail.
L’existence ou absence de symptômes physiques ou
psychiques, l’existence ou l’absence de signes cliniques,
sont nécessaires par ce que destinés à
évaluer le lien entre l’état de santé
du travailleur et les expositions professionnelles antérieures.
Ce sont alors des informations centrales pour le DMST. Il en
est de même de l’avis éventuel d’un
spécialiste concernant le suivi d’une pathologie
spécifique, dans le cadre de l’évaluation
du lien entre l’état de santé du travailleur
et le poste de travail, ou la recherche d’une contre-indication
à un poste de travail. Le renseignement de données
à recueillir par écrit relève généralement
d'une décision professionnelle orientée.
Mais l’action de prévention individuelle du médecin
du travail devrait être attentivement tracée. Il
en est ainsi des informations délivrées au travailleur
par le médecin du travail ; des informations sur les
expositions professionnelles, les risques identifiés
et les moyens de protection ; de l’existence ou absence
d’une pathologie en lien possible avec une exposition
professionnelle ; de l’avis médical (fiche d’aptitude
ou de suivi médical) ; de la proposition d’amélioration
ou d’adaptation du poste ou des conditions de travail,
de reclassement, etc.
Les recommandations et les incitations
de l’HAS pour le DMST sont à comprendre comme un
guide, un repère pour un problème de santé
au travail spécifique. La formalisation systématique
de renseignements écrits des dizaines de critères
préconisés n'est pas dans les moyens des médecins
de travail ou de leurs collaborateurs dans la configuration
actuelle des services de santé au travail, et ce serait
beaucoup d'énergie souvent sans raison. Même si
nous souhaitons tous améliorer la lisibilité de
nos dossiers médicaux, n'est-il pas illusoire de croire
que dès demain un dossier médical parfait serait
une source d'objectivation des liens santé travail ?
En revanche, l'approche de clinique médicale du travail
déploie immanquablement le questionnement sur l'environnement
de travail et l'itinéraire de santé qui ouvrira
sur les critères de lien santé travail spécifiques
à tracer à propos d'une situation complexe ou
d'un événement. La forme de cette trace dans le
dossier médical peut être très variable
selon le scribe, l'atteinte à la santé accompagnée
ou l'environnement.
Faire connaître au médecin
du travail les expositions professionnelles d'un travailleur
ne doit pas être un alibi pour faire reposer la traçabilité
sur le DMST, mais, à partir des fiches d'expositions
et de pénibilités individuelles élaborées
dans l'entreprise et des DUERP, une pratique qui permet le questionnement
la modération ou l'extension des liens santé travail
avec le regard et l'analyse de la médecine du travail.
Beaucoup de médecins du travail ont des bons trucs pour
visualiser en quelques secondes à partir de leurs notes
les points importants du lien santé travail de salariés.
Mais la lecture mutuelle avec l'infirmière santé
au travail qui coopère avec lui n'est souvent pas si
simple. La lisibilité par le confrère qui récupère
le dossier médical après le changement de poste
ou d'entreprise est encore moins évidente. La compréhension
par le salarié qui a besoin de son dossier est parfois
une gageure.
La numérisation résout parfois une partie de cette
lisibilité mais crée ou laisse persister bien
d'autres illisibilités. Qu'en est-il de la lecture des
numérisations du dossier médical papier qui est
transféré au service de santé au travail
« entièrement informatisé » ? Qu'en
est-il de la lisibilité du dossier médical informatisé
sous forme papier, transféré à un médecin
du travail non équipé du même logiciel ?
Parallèlement à des « yakas faucons »
d'un DMST idéal, le travail d'écriture opportun
et circonstancié et les participations à des croisements
de données collectives, restent une priorité pour
la mise en lisibilité des liens santé travail,
de l’appropriation par les travailleurs de leur santé
au travail, de leur pouvoir d'agir et de l'amélioration
de leurs conditions de travail. Il fait l’objet d’un
autre développement plus loin dans ce texte.
Le DMST collationne aussi tous les écrits professionnels remis au médecin du travail et qui concerneraient la santé au travail d’un salarié y compris les écrits électroniques adressés par les salariés, pour alerter le médecin du travail de difficultés rencontrées ponctuellement (nouveaux horaires, nouveaux produits, changement de poste). Cette collecte prend encore plus d’importance actuellement avec l’espacement des examens médicaux systématiques.
Le DMST c'est au moins cinq utilisations : une mémoire pour le médecin, une transmission pour d'autres professionnels de santé au travail, une trace accessible au bénéfice du travailleur, un argumentaire pour des tiers de la sphère travail et accessoirement un acte médico-légal. Les mises en forme de ces cinq utilisations ne sont pas figées et peuvent être transversales.
Ainsi que cela a été
indiqué dans le chapitre 1.2, comme médecin, il
assure une traçabilité des risques et de leurs
effets pour remplir ses obligations déontologiques d’information
loyale de son patient notamment en application des articles
R4127-35 et L1111-2 du code de la santé publique.
Comme médecin du travail, cette obligation est réitérée
(R4624-11) et il lui est spécifiquement demandé
d’assurer l’identification et le signalement du
lien santé-travail (R4624-16). Toute latitude de prescription
d’examens complémentaires lui est laissée
dans ce cadre (R4624-25).
Du fait qu’elle engage
la responsabilité du médecin il est particulièrement
approprié que cette traçabilité soit formalisée.
Ainsi, le médecin du travail établit un dossier
en santé au travail qui « retrace dans le respect
du secret médical les informations relatives à
l’état de santé du travailleur, aux expositions
auxquelles il a été soumis… » (L4624-2
du CDT). Le dossier médical est accessible au salarié.
Le dossier doit porter mention des expositions aux risques anciennes
du salarié, pour mettre en place un suivi médical
post exposition.
Concernant les ACD et les cancérogènes rappelons
que les attestations, qu’il s’agisse de celle qui
n’est plus obligatoire après janvier 2012 (mais
doit néanmoins être remise pour les salariés
exposés avant cette date) ou de celle prescrite par l’article
D461-25 du code de la sécurité sociale, doivent
être en partie rédigées par le médecin
du travail et permettent la mise en œuvre du suivi médical
post professionnel.
La circulaire DRT d’application du décret les instituant
précisait, qu’en cas de désaccord avec l’employeur
sur la nature de l’attestation, le médecin du travail
peut rédiger un certificat médical d’attestation
afin de permettre l’accès à un suivi post
exposition ou post professionnel.
Ne pas signaler les expositions à un salarié,
du fait que ce signalement ouvre un droit à la prévention
secondaire, constitue une perte de chance pour le salarié
ce qui engage la responsabilité de celui ou de celle
qui se serait abstenu.
Comme cela a été examiné dans le chapitre 1.3, que ce soit en application du code de la sécurité sociale (L461-6) ou de ses obligations déontologiques (R4127-50 du CSP), le médecin du travail doit informer le travailleur du lien santé travail. Il peut le faire en rédigeant un certificat médical mais aussi en le signalant par courrier à un autre médecin, le médecin traitant par exemple, par le truchement du travailleur qui doit en avoir communication.
Dispute professionnelle 2 : Comment identifier les risques délétères comme médecin du travail clinicien du travail ?
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2.3. Le diagnostic des effets des risques professionnels sur la santé du travailleur
2.3.1.1. L’écrit en urgence
On appelle urgence toute situation
qui fait courir à un sujet un péril imminent de
mort, de grave péril corporel ou psychique ou d'aggravation
de son état.
Avant de traiter des écrits du médecin du travail
dans le cadre de l’urgence, il faut rappeler que le médecin
du travail rédige aussi des écrits sur l’urgence.
Du fait du principe de subordination, la prise en charge des
salariés présentant une urgence médicale
au travail est une obligation réglementaire des employeurs
:
Ainsi, « l’employeur prend, après avis du
médecin du travail, les dispositions nécessaires
pour assurer les premiers secours… ».
Son rôle spécifique est bien tracé en matière
de premiers secours. Il est dans ce domaine le conseiller de
la communauté de travail et pratiquement il doit consacrer
du temps d’activité en milieu de travail (R4624-1)
à : « …5° La délivrance de conseils
en matière d’organisation des secours et des services
d’urgence ». La formalisation de ces conseils peut
être l’objet d’intervention en CHSCT ou de
courriers notamment repris dans la fiche d’entreprise
à la rubrique prévue par l’arrêté
du 29 mai 1989 : « Actions tendant à la réduction
des risques ». Il lui appartient en cas de présence
d’un infirmier dans l’entreprise de rédiger
un protocole écrit de soins d’urgence à
son attention à déployer en son absence c'est-à-dire
: « les actes conservatoires nécessaires jusqu'à
l'intervention d'un médecin…. »
Comme tout médecin, le médecin du travail doit
respecter l’article R4127-9 du code de la santé
publique :« tout médecin qui se trouve en présence
d’un malade ou d’un blessé en péril,
ou informé qu’un malade ou un blessé est
en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer
qu’il reçoit les soins nécessaires ».
L’écrit du médecin du travail lors de la
survenue d’une urgence ne doit pas prendre le pas sur
l’action thérapeutique médicale du médecin
qui a pour objet de maintenir ou d’améliorer l’état
de santé physique ou mental de la victime.
Toutefois, une fois la situation stabilisée, l’écrit
du médecin doit, notamment sur le dossier médical,
tracer les indications diagnostiques ayant conduits à
pratiquer les actes thérapeutiques. La continuité
des soins impose également de décrire la situation
et les actes effectués à l’attention d’autres
praticiens (voir le paragraphe suivant).
Dans certaines situations, ces écrits, dès lors
qu’ils tracent les liens entre la situation professionnelle
à l’origine de l’urgence et cette dernière
peuvent avoir une fonction thérapeutique essentielle.
Cette fonction est contestée dans son principe même
par l’Ordre des médecins dont le rapport de 2006
sur les certificats médicaux, précise : «
Il est interdit (au médecin) d’attester d’une
relation causale entre les difficultés familiales ou
professionnelles, … et l’état de santé
présenté par le patient. » L’interdiction
d’attester d’une relation causale entre des difficultés
professionnelles et l’état de santé du patient,
outre qu’elle semble outrepasser les compétences
de l’institution, nous paraît fausse au regard des
connaissances médicales, scientifiques et techniques
actuelles.
Dans le cadre de certaines urgences, pour un médecin
du travail, ne pas identifier et transmettre au travailleur
le diagnostic étiologique professionnel pourrait tout
au contraire relever d’une faute.
Pour illustrer ce propos, examinons les actes nécessaires
du médecin du travail confronté à une décompensation
psychopathologique réactionnelle à un évènement
traumatique professionnel.
Les causes peuvent en être diverses et notamment naître,
par exemple, de reproches d’un encadrant entrainant un
trouble de la reconnaissance ou une situation d’injonction
paradoxale ou encore d’un décalage entre l’objet
ou la réalisation de la tâche et un système
personnel de valeurs (souffrance éthique). Ces éléments
relèvent des axes 4 et 5 des indicateurs de facteurs
de risque psychosociaux du rapport d’expertise du ministère
du travail sur les risques psychosociaux.
Cette situation peut naître d’un évènement
unique ou d’évènements répétés
de même nature ou de nature différente. L’état
réactionnel peut être immédiat ou survenir
à distance du traumatisme.
L’état psychopathologique réactionnel peut
se présenter sous diverses formes par exemple : crise
de larmes, agitation ou prostration, flots de paroles ou mutisme,
propos incohérents ou délirants, violence vis-à-vis
de tiers ou envers soi-même…
Une première prise en charge médicale initiale
en urgence est nécessaire et doit prendre en compte l’histoire
médicale et professionnelle et la valeur du soutien social,
Si elle survient en milieu de travail, il est recommandé
que cette prise en charge médicale soit confiée
au médecin du travail qui connaît la victime et
son travail.
Un état psychopathologique réactionnel à
un évènement traumatique au travail est un accident
du travail (AT) qui doit être déclaré comme
tel, car les éléments du travail qui en sont à
l’origine se sont produit sur les lieux et ou dans le
temps du travail et sont constatés par un préposé
de l’employeur et/ou sont portés à la connaissance
de l’employeur par des témoins, la victime ou ses
ayants droits. Rappelons que si l’employeur refuse de
déclarer l’accident la victime peut le déclarer.
Le médecin du travail, en première ligne du constat
et parce qu’il peut médicalement accéder
au diagnostic étiologique guidé par une clinique
médicale du travail, soit par ses connaissances de l’entreprise
ou d’évènements de même nature qui
relèvent d’une anamnèse collective peut
(doit) rédiger le certificat médical initial dans
le cadre de cet accident du travail. Ce certificat relève
des obligations inscrites à l’article R4127-50
du code de la santé publique.
Nous ne reviendrons pas dans
ce paragraphe sur les conditions d’élaboration
de ces écrits dans le cadre de pratiques inter-compréhensives.
Mais l’objet de cet écrit formalisé, certificat
médical ou courrier pour la continuité des soins,
est précisément de donner acte au salarié
des difficultés ou des évènements professionnels
à l’origine de l’urgence. Cet écrit
reposera notamment sur les notes cliniques accessibles dans
le dossier médical.
Pour comprendre l’impact positif sur la santé du
salarié de ces écrits, il faut considérer
l’isolement voir le « désolement »
(au sens qu’Hanna Arendt donne de cette notion) qu’engendre
dans les entreprises le management actuel. Chaque salarié
croit être seul à vivre ce qu’il vit.
Alors que parfois cette situation d’urgence peut déboucher
sur la violence vis-à-vis des autres ou de soi-même,
dans un contexte de culpabilité ou de colère,
l’écrit qui donne acte notamment que les traumatismes
professionnels (impossibilité d’arriver au bout
de la tâche ou de faire un travail de qualité,
conflit sur la nature ou l’objet du travail, climat relationnel
très perturbé…) sont partagés par
les autres travailleurs, est porteur un pouvoir thérapeutique
que seul un professionnel maîtrisant le champ de la santé
au travail est susceptible d’assurer. L’écrit
permet à la victime de relativiser sa situation et parfois
d’ouvrir des possibilités nouvelles en matière
de pensée critique et d’action collective.
Ne pas écrire dans une telle situation serait alors pour
le médecin du travail prendre la responsabilité
de ne pas porter assistance à personne en péril.
2.3.1.2. Assurer la continuité des soins
« La santé (…)
c’est d’avoir les moyens d’un cheminement
personnel et original vers un état de bien-être
physique mental et social ». Construire sa santé
au travail est donc avant tout une affaire de marges de manœuvre.
Travailler c’est, à chaque instant, s’affronter
à la réalité. Cela ne peut se concevoir
seul. Le travail n’est pas solitaire mais solidaire. On
y construit son « existence au monde » par et pour
les autres. Autour d’un système de valeurs construit
collectivement sur le travail, la manière de le faire,
son résultat…la maîtrise du travailleur sur
son travail est un facteur personnel d’accomplissement
puisqu’il confère la reconnaissance des autres
professionnels. Les travailleurs en France se distinguent des
autres par leur engagement personnel au travail qui structure
le champ social. Cela explique qu’en France, quand on
est privé de travail, par l’absence d’emploi
par exemple, les effets sur la santé non seulement sociale
mais aussi mentale et physique sont particulièrement
négatifs.
Il en est de même lorsque, dans un emploi, les conditions
de la construction de la santé au travail ne sont plus
réunies. Absence de marges de manœuvre, déshérence
des collectifs, isolement du salarié, conflits de valeurs,
fausse réalité du management, mauvaises conditions
de travail…la liste serait longue de ce qui va bloquer
la construction de la santé au travail, c'est-à-dire,
en l’absence de possibilité d’équilibre
en matière de santé, engager un processus de déconstruction
de la santé qui va l’altérer puis y atteindre.
Le rôle du médecin du travail est d’empêcher
toute altération de la santé du travailleur du
fait de son travail. Il va porter la responsabilité de
convaincre la communauté de travail de mettre en place
ou de préserver les conditions de construction de la
santé. Cette action sera développée plus
loin en particulier à travers les écrits qu’elle
impose. Notamment, nous examinerons un des versants thérapeutique
(prévention secondaire ou tertiaire) de l’action
du médecin du travail dès lors que les risques
ont eu des effets.
C’est quand la prévention primaire a échoué
et/ou que l’employeur n’a pas su « adapter
le travail à l’Homme » (L4121-2 du code du
travail), que le médecin va se trouver en situation thérapeutique
individuelle pour le travailleur dont la santé s’altère,
voire est atteinte. Hors nécessité d’un
traitement médical en urgence, le paradoxe, c’est
que ce médecin à l’exercice purement préventif
va devoir déployer sa pratique dans le cadre du soin.
L’importance du travail dans la construction de la santé
fixe l’objectif de ce « soin ». Il ne s’agit
pas seulement, contrairement à la mission imposée
par le législateur, de maintenir le salarié «
dans l’emploi » voire, en facilitant par l’inaptitude
au poste son licenciement, de le mettre « hors travail
», mais bien de le maintenir au travail ou plutôt
de « maintenir le travail », c'est-à-dire
de le transformer pour qu’il puisse, à nouveau,
être un facteur de construction de la santé du
travailleur.
A ce titre, aménager le poste de travail constitue un
acte thérapeutique et relève avant tout des pratiques
du médecin du travail guidé par l’unique
objectif de l’intérêt de la santé
du travailleur. On est bien loin de la formalité réglementaire
que constitue pour le législateur l’avis d’aptitude.
Cette situation peut se concrétiser lors de toute visite,
par exemple périodique, mais aussi à la demande
de l’employeur ou du salarié. Les écrits
du médecin du travail dans ce cadre vont avoir pour objet
de rendre concrets et de faire comprendre l’intérêt
des aménagements de poste à la fois à l’employeur
(cela peut être un courrier d’explications techniques
sur la nature de l’aménagement dans le strict respect
du secret médical) et au travailleur auquel un double
sera remis.
Dès lors qu’il
existe une atteinte à la santé retentissant sur
le travail ou liée au travail, la continuité des
soins impose d’écrire au médecin référent.
Ce courrier est bien évidemment indispensable dans ce
cadre, mais son intérêt est aussi que, remis au
travailleur, celui-ci va le consulter et pouvoir prendre connaissance
des éléments médicaux, du raisonnement
diagnostique notamment étiologique qui a guidé
la décision du médecin du travail. Ainsi, cet
écrit peut comporter des considérants qui dépassent
la situation individuelle et replacer le cas particulier dans
un contexte plus général ouvrant ainsi au travailleur
des pistes de solution.
Cette insertion du médecin du travail dans la continuité
des soins est maintenant, depuis 2012, explicitement formalisée
par l’importance réglementaire accrue de la visite
de pré reprise (R4624-20 et R4624-21 du code du travail).
Avant 2012, simple facilité permettant d’anticiper
sur les conditions de la reprise, la visite de pré reprise
devient dans la nouvelle réglementation un redoutable
instrument potentiel de sélection médicale de
la main d’œuvre.
Demandée dès lors qu’un arrêt de travail
est supérieur à trois mois, notamment par le médecin
conseil de « l’assurance » maladie, même
si le médecin traitant du salarié continue à
prescrire des arrêts, rendue obligatoire pour le salarié
dont le refus signifierait la suspension des indemnités
journalières, cette visite constitue une potentialité
d’instrumentalisation du médecin du travail.
En effet, même si le contrat de travail est suspendu par
l’arrêt, le fait nouveau est que, lors de la visite
de reprise, elle dispense réglementairement le médecin
du travail de la seconde visite nécessaire, sauf danger
immédiat, pour « constater l’inaptitude médicale
au poste de travail » du travailleur, car « lorsqu’un
examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai
de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale
peut être délivré en un seul examen ».
Lors de la visite de pré-reprise, « sauf opposition
du salarié, (le médecin du travail) informe l’employeur
et le médecin conseil de ces recommandations afin que
toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser
le maintien dans l’emploi du salarié ».
Parfois confronté à
une situation médicale pour laquelle la reprise du travail
serait délétère, le médecin du travail
va devoir alors raisonner en termes de continuité des
soins. Il va devoir évaluer tout d’abord si une
reprise serait prématurée dans la mesure où
le retour au travail n’est concevable que dès lors
que les possibilités thérapeutiques ont obtenu
leur plein effet. Avec l’accord du salarié il va,
en informant le médecin traitant, pouvoir écrire
au médecin conseil pour lui préciser que la reprise
serait prématurée et que prescrire des aménagements
de poste dans une situation non stabilisée n’aurait
pas de sens. Le risque est ici de ne pas prendre en compte les
possibilités potentielles d’amélioration
de la santé par les soins en cours et de signifier, à
tort, que le salarié est inapte à son poste de
travail.
Si par contre, la situation de santé est stabilisée
et dans le cadre du dialogue que nous avons défini dans
un chapitre précédent en matière d’aptitude,
il va être possible soit de prévoir des conditions
de reprise sans aménagement de poste soit de plaider
pour des aménagements du poste.
La participation du médecin du travail à la continuité
des soins va consister, par conséquent, en tout premier
lieu, à établir, du seul point de vue de la santé
du travailleur, en lien avec lui et son médecin traitant,
la meilleure stratégie d’intervention sur le travail.
Pendant cette période d’arrêt de travail
qui peut être parfois longue, le lien avec le salarié
peut être gardé, au-delà de la simple visite
prévue par la nouvelle règlementation, par le
recours à « l’écrit électronique
», pour préparer le retour au travail, les aménagements
de poste nécessaires, en lien avec les SAMETH. Ces liens
et cette anticipation permettent, avec l’accord du salarié,
de préparer l’entreprise à son retour. La
connaissance de l’entreprise, du poste de travail, par
le médecin du travail, son expérience de situations
pathologiques similaires, lui permettent souvent d’anticiper
les difficultés prévisibles du retour au travail,
et en lien avec le salarié, de trouver des solutions
à des situations handicapantes. Travailler très
en amont tant avec le salarié qu’avec l’entreprise
permet au salarié de se projeter dans l’avenir
et de pouvoir faire des projets, ce qui est déterminant
pour la santé et permet parfois à l’entreprise
d’évoluer dans ses représentations.
Quels qu’ils soient, les écrits du médecin
du travail dans ce cadre ont pour finalité principale
d’agir sur le poste de travail pour qu’il réponde
aux conditions nécessaires à la construction de
la santé du travailleur.
Avant toute formalisation écrite
de l’aptitude il convient d’examiner ce terme, sa
signification actuelle et son évolution dans le temps.
Au commencement de la médecine du travail, sécurité
juridique ou assurantielle pour l’employeur, dont les
obligations de l’époque en matière de prévention
étaient assez légères, l’aptitude
fonctionnait sur un mode sélectif de tri, éloigné
de toute pratique médicale.
D’où la mise en place autrefois de pratiques pseudo
rationnelles de sélection médicale en élaborant
des « profils de postes » et en éliminant
celles ou ceux qui n’y correspondent pas.
C’est malheureusement cette image assez dévalorisante
qui va durablement incarner la médecine du travail dans
l’esprit des salariés, des employeurs et même
des autres médecins.
L’aptitude va progressivement se vider de sa fonction
de sélection, au point même qu’un récent
rapport officiel de la cour des comptes préconise sa
disparition. L’aptitude est victime de la convergence
d’une plus grande responsabilité juridique des
employeurs en matière de prévention dans le cadre
d’une obligation de sécurité de résultat
(directive européenne de 1989, jurisprudences de la cour
de cassation de 2002) qui rend dérisoire la sécurité
juridique de l’avis, et d’une évolution du
métier de médecin du travail (travaux associatifs,
évolutions juridiques, jurisprudences …) qui progressivement
envisage non plus l’aptitude du salarié à
son poste mais les conditions du poste compatibles avec la santé
du salarié, dans l’objectif d’adapter le
travail à l’Homme, devenu une obligation réglementaire
et juridique des employeurs.
C’est alors que cette notion est en perte de sens, que
le législateur, en retard d’une guerre ( ?), formalise
par arrêté la forme écrite de l’aptitude,
laissée jusqu’alors à l’initiative
du médecin. L’avis doit réglementairement
indiquer les recours permettant de le contester.
Cet écrit regroupe deux notions dont l’une «
l’inaptitude » n’est pas l’envers de
l’autre « l’aptitude ».
De nombreux articles du code du travail évoquent l’aptitude
du salarié à son poste : ainsi l’examen
d’embauche a pour finalité « de s’assurer
que le salarié est médicalement apte au poste
de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter
». Les autres examens médicaux ont pour objet «
de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale
au poste auquel il est affecté ». Paradoxalement,
aucune définition précise de l’aptitude
n’est réglementairement disponible. Elle se distingue
toutefois de la notion « d’absence de contrindication
» exigée en cas d’affectation à des
travaux exposant aux cancérogènes et qui est sensée
la compléter.
L’inaptitude, entité complexe, est, quant à
elle, bien définie par le législateur : «
Le médecin du travail est habilité à proposer
des mesures individuelles telles que mutations ou transformations
de postes, justifiées par des considérations relatives
notamment à l'âge, à la résistance
physique ou à l'état de santé physique
et mentale des travailleurs (Article L. 4624-1 du CDT) ».
La mission clairement définie est celle d’adapter
le travail à l’homme et l’aptitude est ici
celle du poste et de sa compatibilité avec la santé
de ce salarié-là, à cet instant-là.
En aucune façon il ne s’agit d’une sélection
médicale de la main d’œuvre ou de la substitution
à une aptitude technique au poste de travail.
Ainsi, en découle la première caractéristique
de l’avis d’aptitude : comme tout écrit médical,
il ne vaut que dans la situation de l’examen médical
au moment où il a lieu. En aucun cas il ne peut avoir
de valeur si les conditions qui ont présidées
à sa rédaction venaient à être modifiées
: soit du côté de la santé du salarié
soit du côté des caractéristiques du poste
de travail.
C’est un écrit médico-réglementaire
qui intervient dans le contrat de travail et donc est aussi
destiné à l’employeur, par conséquent
sa rédaction doit répondre au garantie en matière
de secret définies à l’article L 1110-4
du code de la santé publique : « Toute personne
prise en charge par un professionnel, un établissement,
un réseau de santé ou tout autre organisme participant
à la prévention et aux soins a droit au respect
de sa vie privée et secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation, expressément
prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations
concernant la personne venues à la connaissance du professionnel
de santé… ».
Cet écrit s’adresse à un patient, le salarié
et a des conséquences en matière de santé
physique mentale voire sociale. Par conséquent cet avis
doit prendre en considération l’article L1111-4
du code de la santé publique qui précise : «
Toute personne prend, avec le professionnel de santé
et compte tenu des informations et des préconisations
qu’il lui fournit, les décisions concernant sa
santé. Le médecin doit respecter la volonté
de la personne après l’avoir informée des
conséquences de ses choix. Si la volonté de la
personne de refuser ou d’interrompre un traitement met
sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre
pour la convaincre d’accepter les soins indispensables...
». Cela impose donc au médecin du travail de se
prononcer après avoir entendu le salarié sur ce
qui lui paraît approprié et si possible d’en
tenir compte. L’inaptitude est aujourd’hui particulièrement
lourde de conséquences pour la composante sociale de
la santé : 90% des inaptitudes au poste de travail entrainent
le licenciement. Protéger la composante physique ou mentale
de la santé du salarié peut-il se faire à
ce prix ? De quelle connaissance ou compétence peut se
prévaloir le médecin qui autoriserait qu’il
choisisse telle ou telle solution ? Seule l’irrationalité
de la position du salarié et des conséquences
graves pour la santé qui ne seraient pas perçues
peut autoriser à émettre un avis qui ne serait
pas accepté par le travailleur. Le laconisme de l’avis
doit être complété par une transcription
exhaustive dans le dossier médical du raisonnement et
des débats avec le salarié à l’origine
de la rédaction de l’avis. C’est en fait
la seule preuve que le médecin a déployé
tous les moyens nécessaires à la pertinence de
son avis et s’est bien conformé aux dispositions
du code de la santé publique.
Notons que comme tout médecin, afin d’éclairer
sa prise de décision le médecin du travail peut
recourir à des examens complémentaires et notamment
à des avis d’autres praticiens. Parmi ceux-ci,
il a la possibilité réglementaire de s’entourer
de l’avis du médecin inspecteur régional
du travail
Un point particulier issu du décret de janvier 2012 mérite
d’être signalé. Il s’agit des dispositions
inscrites à l’article R4624-47 du CDT qui indique
: « …Lorsque le médecin du travail constate
que l’inaptitude du salarié est susceptible d’être
en lien avec un accident ou une maladie d’origine professionnelle,
il remet à ce dernier le formulaire de demande prévu
à l’article D. 433-3 du code de la sécurité
sociale. » ainsi, s’il estime que l’inaptitude
est susceptible d’être en lien avec un AT ou une
MP la délivrance de l’imprimé destiné
à compenser une éventuelle perte de rémunération
est une obligation pour le médecin du travail.
Enfin l’avis peut être accompagné d’autres
écrits remis au salarié soit pour faire valoir
ses droits (certificat médical,) soit pour assurer la
continuité des soins (courrier à un autre praticien).
S’agissant d’un avis médical l’avis
émis à l’issue de la consultation engage
pleinement la responsabilité personnelle du médecin
en matière de pertinence au regard de la situation de
santé et du poste de travail et de compétence
déployées lors de la prise de décision
dans la perspective d’une obligation de moyens. Les conséquences
de la décision, qu’elle comporte ou non des modifications
du poste de travail, relèvent de la responsabilité
du praticien. D’où l’extrême importance
de faire figurer dans le dossier médical les motifs et
le raisonnement ayant conduit à la prise de décision.
On peut donc conclure en remarquant que cet écrit, à
l’origine blanc-seing pour l’employeur et couperet
pour le salarié, s’est transformé en un
outil pour agir dans le sens de la santé du salarié
et qu’il y aurait un risque de mise en responsabilité
du médecin du travail à le considérer d’une
autre manière. Même s’il continue à
être d’un poids juridique indubitable il faut considérer
ses liens étroits avec les autres écrits du médecin
du travail sans lesquels il serait vide de sens.
Rédiger des certificats
médicaux, et assurer ainsi l’effectivité
du droit du travailleur et particulièrement de ses droits
à réparation fait partie du devoir de tout médecin
et spécialement de tout médecin du travail. Ce
travail de rédaction de certificat trouve son origine
dans le Code de santé publique et dans le Code de la
sécurité sociale et notamment dans les articles
suivants :
L’article 50 du Code de déontologie médicale,
inscrit dans le Code de la santé publique, prescrit que
tout « médecin doit, sans céder à
aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient
des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit…
».
L’article 76 du même code prescrit : « l’exercice
de la médecine comporte normalement l’établissement
par le médecin, conformément aux constations médicales
qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations
et documents dont la production est prescrite par les textes
législatifs et réglementaires. ».
L’article L.461-6 du Code de la sécurité
sociale «en vue, tant de la prévention des maladies
professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie
professionnelle et de l'extension ou de la révision des
tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine
qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins
du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation
toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère
professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté
interministériel, après avis du conseil supérieur
de la prévention des risques professionnels.
Il doit également déclarer tout symptôme
et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent,
à son avis, un caractère professionnel. »
Une centaine de tableaux de maladies professionnelles, publiés
par décret, décrivent les conditions de reconnaissance
dans le cadre de la « présomption d’origine
», c'est-à-dire qu’il suffit de répondre
aux conditions du tableau : maladie, délai de prise en
charge, travaux effectués, et pour certaines maladies
(durée d’exposition) pour être reconnu et
indemnisé. La preuve du lien entre le travail et la maladie
n’a pas besoin d’être démontrée
par le médecin du travail.
Si un des éléments est manquant, la reconnaissance
implique l’intervention d’un comité médical,
le comité régional de reconnaissance des MP (CRRMP).
Dans ce cas, la présomption d’origine ne joue plus.
Il faudra que le travailleur fasse la preuve du lien direct
(et dans un certain nombre de cas du lien direct et essentiel)
entre sa maladie et son travail. Il en est de même pour
les maladies ne figurant pas dans les tableaux notamment celles
touchant la santé mentale.
Quelle doit alors être la démarche du médecin
du travail ? Il lui appartient de décrire l’histoire
de la santé et celle du travail pour énoncer le
lien entre les deux.
I – L’histoire de la santé :
Doit comprendre soit les manifestations
pathologiques présentées par le salarié,
soit le diagnostic précis de sa maladie.
Quels référentiels prendre pour le diagnostic
notamment dans les pathologies touchant la santé mentale
?
Le rapport du Collège d’expertise sur le suivi
statistique des RPS au travail d’octobre 2009 dirigé
par Michel Gollac (ministère du travail et de la santé),
est une référence indispensable pour appréhender
les risques psychosociaux au travail que sont les risques pour
la santé mentale, physique et sociale, engendrés
par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels
et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement
mental.
L’évaluation des troubles mentaux peut se faire
en se référant à un outil de classification
reconnu. La CIM10 (classification internationale des maladies
de l’OMS) utilisé plutôt dans les pays européens
et le DSM (de l'anglais Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders de l’APA , Association Américaine
de Psychiatrie,) sont les outils les plus largement utilisés.
De tels outils de référence proposent un langage
commun pour une même compréhension des conclusions
diagnostiques. La dernière mouture du DSM, le DSM-5 a
été publié le 18 mai 2013 mais de nombreuses
critiques sont émises sur cette dernière version
interrogeant sa validité.
II – L’histoire du travail
Prenons l’exemple d’une
atteinte psychique au travail.
Le médecin doit identifier les causes de la souffrance
mentale du salarié constatées dans son travail,
son environnement et son organisation pour affirmer l’existence
d’un lien direct et essentiel entre sa pathologie et ses
conditions de travail.
Cette étape sera le résultat d’une analyse
clinique en santé au travail, individuelle et éventuellement
collective, pour aboutir à l’affirmation d’un
diagnostic étiologique telle que le ferait tout autre
médecin spécialiste.
Que doit contenir le certificat sur cette histoire du travail :
• sur les critères proposés par le Rapport du collège d’expertise sur le suivi des risques psycho-sociaux:
- L’intensité du travail et le temps de travail.
- Les exigences émotionnelles.
- Le manque d’autonomie.
- La mauvaise qualité des rapports sociaux au travail.
- La souffrance éthique.
- L’insécurité de la situation de travail
• Sur le type d’organisation de travail : une étude d’Antoine Valeyre*, chercheur de l’institut de l’emploi, démontre qu’il y a des degrés d’apparition de troubles psychiques en fonction des organisations. Il repère les quatre organisations de travail suivantes:
- Organisation simplifiée ou artisanale
- Organisation qualifiante ou apprenante
- Organisation taylorisée
- Organisation en « lean management »
Le lean management et l’organisation taylorisée sont les plus délétères pour la santé des salariés parmi les quatre types d’organisations étudiées par A Valeyre [3] en 2007.
Si nos écrits sont utilisés
par nos patients pour un droit assuranciel (AT, MP, MCP devant
un CRRMP), des procédures spécifiques y sont prévues
pour recueillir de façon contradictoire des éléments
objectifs attestant des expositions professionnelles délétères
dont la charge de la preuve juridique n’incombe pas au
médecin du travail. Si nos écrits sont utilisés
en droit prud’homal ou pénal, le juge apprécie,
après instruction contradictoire, les éléments
de preuve.
Nos écrits n’ont d’autre fonction juridique
que d’apporter l’éclairage d’un médecin
spécialisé en médecine du travail sur le
lien santé-travail à partir d’un diagnostic
positif dont l’étiologie est instruite par ce professionnel.
L’ordre des médecins
énonce des principes concernant le certificat médical,
spécialement dans le rapport approuvé en 2006,
mais sans se préoccuper de leur incompatibilité
avec le fonctionnement du système de prise en charge
des MP, ni du fait que cela met les professionnels dans des
situations impossibles.
Voilà ce qu’il en est écrit officiellement:
« Lorsque le médecin se voit demander expressément
par le patient de mentionner l’affection dont il souffre,
il doit être particulièrement prudent. A la lettre,
rien ne le lui interdit puisqu’il n’y a pas de secret
entre le patient et le médecin. Le plus souvent, ces
certificats sont destinés à être versés
dans des procédures en cours : divorce, contestation
devant le conseil des prud’hommes, … pour démontrer
que la situation vécue en couple, en famille, en milieu
professionnel …, était si intolérable qu’elle
a affecté l’état de santé de la personne
et doit être réparée.
Le médecin doit convaincre le demandeur qu’il n’est
pas de son intérêt à terme de livrer une
telle information qui circulera tout au long de la procédure
et dont rien ne permet d’affirmer qu’elle ne lui
sera pas opposée plus tard.
S’il accepte néanmoins de délivrer ce certificat,
le médecin devra être très prudent dans
la rédaction. Il lui est interdit d’attester
d’une relation causale entre les difficultés familiales
ou professionnelles, ... et l’état de santé
présenté par le patient. Il n’a pas non
plus à «authentifier » en les notant dans
le certificat sous forme de « dires » du patient
les accusations de celui-ci contre un tiers, conjoint ou employeur
[4]. »
Une analyse de ce paragraphe révèle des éléments problématiques :
• On y remarque tout d’abord que l’interdiction de noter les « dires » du patient est en contradiction avec la partie du rapport traitant de « la forme du certificat médical » (page 2) qui indique, dans le schéma d’un certificat, la présence des « doléances ou déclarations du patient ».
• De même la notion de « faits qu’il a constaté lui-même » paraît devoir être pesée au regard de l’état des connaissances scientifiques. Cette phrase a donné motif à poursuite (plainte retirée dans un second temps) d’un praticien qui avait attesté dans un certificat initial (en alinéa 2) du lien entre une pathologie liée à l’amiante et un poste de travail notoirement exposant au regard de plusieurs matrices emploi-exposition.
• On peut s’étonner que le CNOM puisse enjoindre a priori à un médecin de convaincre le patient qu’il ne serait pas de son intérêt de livrer des informations tendant à « démontrer que la situation vécue en couple, en famille, en milieu professionnel…, était si intolérable qu’elle a affecté l’état de santé de la personne et doit être réparée. » (page 3). On peut estimer que cette obligation est abusive en ce qui concerne le milieu professionnel et ne paraît pas conforme aux articles L1111-4, R4127-35, R4127-44, R4127-49 et R4127-50 du code de la santé publique.
• On peut s’interroger sur le lien constant fait dans ce rapport entre des situations vécues en couple ou en famille et des situations vécues en milieu professionnel, des difficultés qui seraient de nature familiale et des difficultés de nature professionnelles, ou entre la situation de conjoint et celle d’employeur. En effet, rien ne paraît justifier cette assimilation constante que fait ce rapport entre famille et entreprise.
Tout au contraire, le code de la santé publique et en particulier ses articles traitant de la déontologie médicale distinguent bien ces deux entités. Ainsi les articles R4127-51 et R4127-52 traitent spécifiquement de la famille et de la vie privée mais n’évoquent pas la vie professionnelle. Tout au contraire de la position prise dans ce rapport, l’article R4127-95 impose au médecin salarié une stricte indépendance vis-à-vis de l’entreprise et lui enjoint de considérer uniquement dans ses actes : « l'intérêt de la santé publique et (…) l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce ».
• Les compétences du conseil de l’ordre des médecins s’étendent-elles, au-delà de la déontologie médicale, aux pratiques des médecins, dont relève l’établissement « d’une relation causale » (c’est-à-dire d’un diagnostic étiologique) ? Cela ne serait-il pas plutôt du domaine de l’évaluation des pratiques professionnelles dont le détail implique des débats techniques entre pairs, notamment dans le cadre de la Haute Autorité en Santé (HAS) ?
• Plus particulièrement l’interdiction d’attester d’une relation causale entre des difficultés professionnelles et l’état de santé du patient, outre qu’elle semble outrepasser les compétences de l’institution, paraît scientifiquement fausse au regard des connaissances médicales et techniques actuelles.
Les médecins du travail,
mais aussi les autres médecins sont désorientés
devant ces préconisations ordinales inadaptées.
Il s’en suit deux stratégies en termes d’écrits,
qui font « dispute professionnelle » :
• Dans la première stratégie, le médecin du travail ou le médecin spécialisé en pathologie professionnelle adresse au médecin traitant ou à un autre médecin un courrier expliquant, dans le détail, comment il comprend le lien entre le travail et la pathologie, avec toujours copie au salarié. Ce courrier est rédigé de telle façon que le juge (mais aussi l'avocat du sujet) puisse se construire une représentation sensible de la dramatique dans laquelle le sujet s'est trouvé pris. Si le salarié déclenche un processus juridique (MP, droit), ce courrier est en général joint à son dossier juridique.
Parallèlement, lorsqu'il faut déclencher le dispositif de reconnaissance de pathologie professionnelle, il remet un certificat laconique affirmant que « des éléments précis, sérieux et concordants sont en faveur d'un lien direct et essentiel entre la pathologie et les conditions du travail ». Ce type de certificat livre en quelque sorte le même type d'information que dans le formulaire de MP, simplement adapté au dispositif CRRMP alinéa 4.
Pour ces confrères leur instruction du lien santé-travail ne peut pas prendre la forme d'un certificat de MP du fait des contraintes de l’ordre, d'où l'utilisation de deux supports distincts, l’un pour l'amorce juridique, l'autre pour le sens. Ils pensent qu'il faut défendre des critères de validité distincts pour ces deux types de textes.• Dans la seconde stratégie, le médecin du travail décrit de façon condensée sur un certificat de MP, le lien santé-travail qu’il a instruit et tracé par ailleurs dans son dossier. Il y adjoint éventuellement un courrier décrivant dans le détail ce qu’il a instruit du lien santé-travail ; courrier remis au salarié et au médecin inscrit dans un processus de soin éventuellement si le salarié en est d’accord.
Ou bien le médecin du travail met le mot « certificat de MP » en tête du contenu d’un courrier expliquant dans le détail, comment il a instruit le lien entre le travail et la pathologie, avec toujours copie au salarié.
Ce courrier adjoint au certificat est rédigé de telle façon que le lecteur dont les juristes qui pourraient en connaitre, puissent comprendre le processus délétère dont le diagnostic étiologique a été instruit par le médecin du travail.
Pour ces confrères, ces écrits déployés pour une MP (certificat descriptif et démonstratif de MP, avec ou non un courrier spécifique) ont les mêmes critères de validité et épousent les possibilités et contraintes de situations spécifiques selon les contextes. Ils constatent d’ailleurs de nombreuses plaintes devant l’ordre des médecins, d’employeurs concernent des écrits qui n’ont en aucune façon la dénomination de certificats.
Les contraintes de l’ordre des médecins pour la rédaction des certificats visent les certificats voulant apporter une « preuve juridique experte ». Ces conseils ordinaux ne peuvent être opposables en ce qui concerne l’exercice d’une spécialité médicale. Ils portent le risque de faire perdre le sens des pratiques, alors que le souci central des médecins est la santé de leur patient. L’ordre des médecins n’a jamais visé les certificats de MP ou MCP dans ses écrits. Le code de déontologie médicale ne comporte pas de références concernant l’entreprise ou le travail. Le code de déontologie médicale recommande d’ouvrir les droits médico-sociaux des patients.
Ces confrères considèrent que l’ordre des médecins doit adapter ses écrits à l’état des connaissances et pratiques médicales. D’autant que le métier de médecin du travail vise spécifiquement à instruire le lien santé-travail dans des formes, et moyens de diagnostic discutés dans la profession. La clinique médicale du travail renouvelle profondément cette instruction diagnostique.
Dispute professionnelle 3 : Comment écrire le diagnostic du lien Santé – Travail ?
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La traçabilité
collective réglementaire des expositions aux risques.
Le médecin du travail doit explicitement participer à
la « traçabilité des risques professionnels
», soit comme délégataire avec d’autres
membres du SST interentreprises, soit personnellement dans les
services autonomes.
Ce rôle est lié aux missions de conseil du médecin
du travail. l’article R4623-1 du CDT précise que
« le médecin du travail est le conseiller de l’employeur,
des travailleurs, des représentants du personnel et des
services sociaux, notamment sur (…) 3° La protection
des travailleurs contre l’ensemble des nuisances, et notamment
contre les risques d’accidents du travail ou d’exposition
à des agents chimiques dangereux ».
Les trois étapes classiques de la démarche du
médecin du travail dans ce domaine d’action sont
:
• Le repérage des dangers et des risques d’altération de la santé et celui des postes de travail concernés ce qui permet un repérage des salariés exposés
• La veille médicale des effets éventuels des risques repérés sur la santé des salariés exposés et la mise en évidence du lien santé travail dès lors que surviendraient des effets
• Le signalement individuel à chaque salarié concerné et collectif à la communauté de travail du risque et de ses effets
Les visites médicales
et l’action en milieu de travail nourrissent le repérage
et la veille médicale. Le médecin du travail peut
effectuer ou faire effectuer des prélèvements
des mesures et des analyses, réaliser des études
qui seront transmises à toute la communauté de
travail (article R4624-7 et R4624-8 du CDT)
En matière de traçabilité collective les
supports réglementaires formalisés sont assez
anciens. Certaines rubriques du rapport annuel d’activité
du médecin du travail ont longtemps été
le seul support formalisé. A partir de 1986 apparait
l’obligation pour le médecin du travail d’établir
une fiche d’entreprise. Ce document est remis à
l’employeur et présenté au CHSCT. Il est
mis à jour en tant que de besoin par le médecin
du travail.
Le contenu de cette fiche précisé par l’arrêté
du 29 mai 1989, qui en fixe, dans le détail, chacune
des rubriques, comporte une description de tous les risques
existants y compris psychosociaux (dans la rubrique «
autres risques ») et ceci en désignant les postes
et l’effectif de salariés concernés par
ces risques, leur impact et les mesures de prévention
ainsi que le bilan de celles-ci. Elle comprend également
un état des locaux de travail et un bilan des effets
des risques.
Cette fiche participe de l’obligation de moyen du médecin
du travail et constitue un élément objectif de
son action en cas de mise en responsabilité.
Des pratiques de mises à jour par la rédaction
de courriers remis à l’employeur et portant la
mention de la participation du courrier à la fiche d’entreprise
se sont mises en place avec le temps dès lors qu’un
risque nouveau était repéré par le médecin
du travail.
Cette formalisation de la traçabilité collective
par le médecin du travail a été rendue
encore plus formelle en Juillet 2011. Dorénavant le médecin
du travail à une obligation de signalement écrit
« motivé et circonstancié » dès
lors qu’apparait un risque d’altération pour
la santé des travailleurs au travail. Cette obligation
nouvelle de signalement dans l’espace public de l’entreprise,
même si elle est juste dans son principe, pose avant tout
la question des moyens dont dispose le médecin du travail
pour accomplir cette mission.
Dès lors qu’il ne dispose pas des moyens qu’il
estime nécessaire, il est indispensable, après
les avoir identifiés, qu’il les revendique formellement
auprès de l’employeur, en en informant les IRP
et les autorités de tutelle. En effet, cette mission
d’alerte formalise la position de « sachant »
du médecin du travail en matière de risques professionnels
et de leur traçabilité. Il engage donc sa responsabilité
personnelle et éventuellement pénale, ce que nous
rappellent les mises en examen dans les affaires d’amiante.
Le métier du médecin
du travail est de contribuer à remettre le travail réel
en discussion, de mettre « le travailler ensemble»
en débat, et de le situer au centre d’un projet
d’amélioration de l’organisation du travail
pour la santé. Il s’agit ainsi de permettre à
l’employeur de mieux répondre à son obligation
de sécurité de résultat et notamment à
ses implications préventives, en prenant en compte les
éléments tangibles des liens entre le travail
et ses effets délétères pour la santé.
Ce faisant, il permet à la collectivité de comprendre
différemment la situation en intégrant la place
déterminante de l’activité de travail, des
relations sociales qui s’y nouent et de l’engagement
subjectif des salariés. Les acteurs sociaux peuvent ainsi
prendre leurs responsabilités, et les salariés
réinvestir collectivement les discussions concernant
l’organisation du travail et les règles professionnelles
qu’ils y déploient en ce qu’elles concernent
leur santé.
Le médecin du travail « endosse », comme
c’est sa mission règlementaire, la responsabilité
de l’investigation du « lien santé-travail
», laissant la responsabilité de l’action
de prévention à l’employeur. Il se doit
donc d’agir exclusivement pour prévenir et dépister
les altérations de la santé du fait du travail,
du point de vue de la construction ou de la préservation
de la santé au travail. Sa seule finalité est
la santé des travailleurs. Il n’est pas en charge
ni comptable des contraintes économiques contrairement
à l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
Aussi il ne doit pas être gestionnaire des risques en
lieu et place de l’employeur, en prescrivant à
l’employeur des « solutions », sinon sa posture,
son efficacité et sa légitimité professionnelle
seront altérées. Mais il doit donner à
voir et à comprendre les mécanismes délétères
précis du côté du travail pour en prévenir
les causes.
1- La Fiche d’entreprise
L’annulation par le Conseil
d’état des articles du code du travail concernant
la fiche d’entreprise et le rapport annuel, modifiés
par un décret du 30 janvier 2012, pose la question de
la responsabilité du médecin du travail dans l’établissement
et la mise à jour de la fiche d’entreprise et dans
la présentation du rapport annuel au contrôle social.
En effet les dispositions abrogées faisaient, en matière
de fiche d’entreprise, une distinction, peu pertinente,
entre le médecin du travail exerçant en service
autonome chargé de l’établissement et de
la mise à jour de la fiche d’entreprise, alors
que le législateur confiait cette mission à l’équipe
pluridisciplinaire dans le service interentreprises. Le fait
que, dans ce dernier cadre, le médecin du travail soit
l’animateur et coordonnateur de l’équipe
pluridisciplinaire pourrait rendre cette distinction spécieuse,
mais ce serait oublier que le véritable pouvoir de management
sur cette équipe est en fait assuré par le directeur
du service de santé au travail qui seul détient
l’autorité et les moyens.
Il est peu probable que lors de la réécriture
du texte, cet argument soit pris en compte par le législateur,
vrai ou faux naïf dans ce domaine. D’où l’intérêt
d’examiner la nature de ce document pour déterminer
s’il s’agit d’un simple exercice réglementaire
ou d’un document médical, c'est-à-dire d’un
document qui engage la responsabilité du médecin.
Rappelons rapidement, car cela est déjà évoqué
dans le présent document, que la mission du médecin
du travail est une mission non subordonnée à l’employeur
dont il n’est pas le préposé, de ce point
de vue, mais seulement le salarié. Il s’agit d’une
mission d’ordre public social exercée en pleine
indépendance, c'est-à-dire en pleine responsabilité,
mais dans le cadre d’une obligation de moyen.
L’un des déterminants de cette responsabilité
est précisément un repérage à priori
des facteurs de risque et dans la réalité des
risques « d’altération » (et non seulement
« d’atteinte ») de la santé par de
étiologies d’origine professionnelles et une identification
à la fois collective et individuelle (« études
de postes ») des travailleurs exposés à
ces risques.
Cela s’accompagne, et les textes le formalisent dorénavant,
depuis 2012, d’une obligation écrite de signalement
«motivé et circonstancié » de ces
risques comportant des mesures propres à assurer leur
prévention.
Comme tout médecin qui n’aurait pas déployé
les moyens diagnostiques ou thérapeutiques pour l’un
de ses patients, ne pas réclamer les moyens de rédiger
pertinemment le signalement d’un risque, voire ne pas
le rédiger, implique que la responsabilité médicale
et pénale du médecin du travail pourrait être
engagée dès lors que des atteintes à la
santé surviendraient du fait de ce risque. Les motifs
de mise en examen sont bien connus : complicité de mise
en danger d’autrui et non-assistance à personne
en péril.
Or, précisément peut être n’était-il
pas besoin de nouvelles dispositions. On peut estimer, en effet,
que la fiche d’entreprise remplit cette obligation depuis
1986. En témoigne l’arrêté du 29 mai
1989, souvent ignoré y compris des médecins du
travail, qui en conditionne en partie la forme mais qui laisse
à l’appréciation du médecin la rédaction.
L’étouffement par la multiplicité des tâches
et les effectifs, travers ou stratégie constante du législateur,
explique le peu d’assiduité, dénoncé
et déploré par la cour des comptes en novembre
2012, à établir la fiche d’établissement
dans les services interentreprises.
Dans l’hypothèse où elle serait rédigée,
on peut imaginer qu’elle soit complétée,
voire constituée, des divers écrits de signalement
à l’employeur.
Comme il en est des maladies, il existe aussi des formes cliniques
de rédaction de la fiche d’entreprise. Ainsi certains
médecins du travail de services autonomes, dans un louable
souci de dynamique de la fiche d’entreprise, réservent
sa rédaction au chapitre « observations générales
du médecin du travail » de leur rapport annuel.
L’essentiel est ici que sous une forme ou sous une autre
la fiche d’entreprise soit bien repérée
comme telle et qu’elle remplisse sa mission. Toutefois
remarquons que le rapport annuel est plutôt destiné
au contrôle social et la fiche d’entreprise spécifiquement
destinée au CHSCT.
Le contresens réglementaire
est maintenant bien établi : document rédigé
par un médecin dans le cadre de sa mission la fiche d’entreprise
est un document médical qui relève par conséquent
de l’exercice personnel du médecin et dont la rédaction
et la production ne peuvent être partagées.
Il en est tout autrement bien évidemment de son établissement.
Dans le cadre de son obligation de moyen, pour élaborer
une telle somme, le médecin du travail a tout intérêt
à bénéficier de la collaboration d’autres
acteurs de prévention que ce soit les membres de l’équipe
de médecine du travail du SST, les experts HSE de l’employeur
et le CHSCT comme cela est prescrit en service autonome, ou
les membres de l’équipe de médecine du travail
et ceux de l’équipe pluridisciplinaire dans les
services interentreprises.
Il reste néanmoins que les sources dont dispose le médecin
du travail pour élaborer la fiche d’entreprise
ne se limitent pas seulement à des éléments
d’observations collectives issus notamment de l’action
en milieu de travail. Son activité médicale clinique
lors des consultations individuelles est une source précieuse
à la fois comme ressource et possibilité de recoupements
avec ce qu’il a pu observer en milieu de travail. Espacer
les visites médicales est aussi un obstacle à
la constitution d’une image opératoire sur le travail
réel propice à la rédaction d’une
fiche d’entreprise pertinente.
D’une fiche d’entreprise ainsi élaborée
naissent des droits collectifs et individuels, nous y revenons
lorsque nous traitons des écrits assurant la traçabilité
qu’assure notamment la fiche d’entreprise.
Nous examinerons plus loin,
pour éviter toute ambigüité, que l’intérêt
des signalements du médecin du travail n’est pas
de s’assurer que sa responsabilité ne sera pas
engagée mais bien que les écrits sont partie intégrante
de pratiques médicales guidées par une clinique
médicale spécifique celle du travail. Leur rédaction,
leur nature, leur objectif participent d’un métier
dont ils constituent en partie la substance et qui impose leur
mise en débat entre pairs.
L’ensemble du présent document témoigne
de l’importance sociale et en santé publique des
actions du médecin du travail. Médecin dont l’exercice
est souvent incompris des autres médecins, balloté
de réformes approximatives en réformes carrément
délétères, plongé au cœur de
la contradiction sociale qui, nolens volens, implique souvent
de perdre sa vie à la gagner, et chargé, dans
ce contexte, de la mission impossible d’éviter
toute altération de la santé, il lui faut opiniâtrement
tenter de convaincre la communauté de travail (et non
seulement les employeurs) de l’existence des risques et
de l’intérêt de leur prévention dans
un climat de déni inconscient ou volontaire.
C’est un métier qui ne se conçoit pas sans
engagement professionnel, engagement non pas syndical ou politique
mais, comme le décrit Nicolas Dodier, celle d’un
expert engagé du seul point de vue de la santé.
C’est de tout cela que relève la rédaction
de la fiche d’entreprise.
En effet, de ce point de vue, la fiche d’entreprise, ses
annexes, ses mises à jour sont avant tout des instruments
essentiels de persuasion.
Cela diffère d’autres documents qui relèvent
d’autres obligations, telle l’obligation de sécurité
de résultat de l’employeur, comme, par exemple,
la notice de poste pour les salariés exposés aux
agents chimiques dangereux ou le document unique d’évaluation
des risques.
Loin du formalisme ou de préoccupations économiques,
la fiche d’entreprise du médecin du travail constitue
un aiguillon potentiel du débat entre les acteurs sociaux.
Cela implique que sa rédaction ne relève ni du
catalogue, ni seulement du document technique, mais qu’elle
soit destinée, guidée par le seul intérêt
de la santé des travailleurs, à tracer de façon
persuasive la réalité à la fois présente
et dynamique du travail, de ses risques et de leur prévention.
2- Le Rapport annuel
Aucune ambigüité
réglementaire sur l’engagement de responsabilité
que représente, pour le médecin, le rapport annuel
: le médecin du travail « établit »
un rapport annuel de son activité.
Avant 2012, il était précisé qu’il
devait le présenter personnellement au contrôle
social. Les nouvelles dispositions abrogées par le Conseil
d’état ne prévoyaient plus cette disposition.
Toutefois la présence du médecin ou de ses représentants
au contrôle social, dès lors que des questions
de médecine du travail sont évoquées, permet
de contourner cette modification. Il est en effet essentiel,
à la fois pour la compréhension du rapport et
parce qu’il ne peut déléguer sa responsabilité,
que le médecin du travail présente personnellement
son rapport annuel.
Le rapport annuel du médecin est remis au comité
d’entreprise ou d’établissement compétent
dans les services autonomes, et au conseil d’administration
et à la commission de contrôle dans les services
interentreprises (D4624-43 du code du travail). Toutefois le
périmètre de rédaction est variable. Ainsi,
« dans les entreprises ou établissements de plus
de trois cents salariés, le médecin du travail
établit un rapport annuel d’activité propre
à l’entreprise. Ce rapport est transmis au comité
d’entreprise dans les conditions prévues à
l’article D. 4624-44 ainsi qu’au comité d’hygiène,
de sécurité et des conditions de travail. Il en
est de même dans les autres entreprises ou établissements
lorsque le comité intéressé en fait la
demande ».
Ce rapport est donc destiné à informer le contrôle
social des conditions d’exercice du médecin du
travail. Il comporte toutefois des rubriques qui peuvent intéresser
le CHSCT d’où la possibilité pour celui-ci
d’y avoir accès. Par exemple, il comporte les effectifs
de salariés susceptibles d’être victimes
de maladies professionnelles ou encore les déclarations
de maladies professionnelles ou de cas professionnel survenus
depuis le dernier exercice.
Dans un contexte actuel d’extrême pénurie
de moyens, le rapport annuel devient pour le médecin
du travail un document éminemment « politique ».
En effet, la tentation d’impliquer le médecin du
travail dans une logique de résultat est de plus en plus
forte pour un législateur et des acteurs sociaux englués
dans des logiques où la santé au travail devient
une variable de nature économique et où la question
de l’emploi se substitue à celle du travail.
Le rapport annuel ne traite pas seulement du passé, il
prépare l’avenir. Rapport sur l’activité
déployée par le médecin dans l’année
n-1, il comporte également un chapitre prospectif qui
relève du pouvoir d’agir indépendant du
médecin. Le médecin y expose ce qu’il estime
nécessaire de mettre en œuvre de son point de vue
spécifique. Cette fonction était formalisée
avant 2012 par la présence dans le rapport annuel du
plan d’activité en milieu de travail.
L’établissement et la rédaction du rapport
annuel demande par conséquent des soins attentifs.
Il faut pour le médecin du travail se garder de céder
à la logique du résultat, consubstantielle du
management, pour rappeler avant tout la question des principes
de son action (l’intérêt unique de la santé
du travailleur) et la nature de moyen de ses obligations.
La rédaction du rapport annuel n’est pas seulement
une occasion pour déplorer une pénurie de moyens
mais une revendication offensive et argumentée des moyens
nécessaires, lesquels relèvent de la responsabilité
des employeurs, non pas en regard d’objectifs généraux
ou fixés par des contrats d’objectifs ou des projets
de services décidés par ailleurs, mais uniquement
en correspondance avec ce que le médecin du travail estime
relever de sa mission et de son exercice personnel. Cela découle
directement de sa responsabilité personnelle dans ce
cadre.
Bien évidemment, cela n’exclue pas que, s’étant
concertés, des médecins du travail expriment des
missions semblables et la nécessité de moyens
de même nature. Cela n’en sera que plus efficace.
1- Les écrits et la veille médicale du médecin du travail
Une « veille médicale
en santé au travail » permet au médecin
du travail d’accompagner les collectifs de travail, de
rendre compte à la communauté de travail, direction
et IRP, collectifs de travail, du risque délétère
et d’ébaucher des pistes de compréhension
concernant les organisations ou relations de travail, pour agir
préventivement à partir de ce qui fait difficulté
dans les situations de travail concernées.
Cette veille médicale est tracée individuellement
au DMST qui en est le support.
Les éléments alors formalisés de la veille
médicale nourrissent l’analyse des risques collectifs
du médecin du travail : rapport annuel d’activité
ou fiche d’entreprise. Ils ont à être présentés
et discutés avec la direction de l’entreprise et
les IRP dont les CE et CHSCT.
2- Le devoir d’alerte médicale du médecin du travail
Avec la loi du 3 juillet 2011
réorganisant la médecine du travail, un devoir
d’alerte médicale formalisée, motivée
et circonstanciée a fini par émerger réglementairement.
Selon l’article : L4624-3 « Lorsque le médecin
du travail constate la présence d’un risque pour
la santé des travailleurs, il propose par un écrit
motivé et circonstancié des mesures visant à
la préserver. L’employeur prend en considération
ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par
écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il
y soit donné suite ».
La notion d’alerte provient d’un réseau de
médecins du travail. Elle a été reprise
sur le fond par cet article, mais sans la nommer.
L’alerte médicale est un écrit pérenne
pour saisir la gravité de la situation et agir en conséquence
pour améliorer les conditions de travail. Le médecin
du travail y assume seul la responsabilité de ses constats
médicaux de gravité du fait de sa mission réglementaire.
Ce devoir d’alerte du médecin du travail représente
un nouveau cadre réglementaire opératoire essentiel
en prévention médicale primaire. La diversité
des écrits médicaux antérieurs du médecin
du travail y est essentielle pour déployer ce devoir
d’alerte.
Le médecin du travail adresse son alerte à l’employeur
et la tient à disposition du CHSCT ou à défaut
des représentants du personnel qu’il en informe.
Il y identifie des risques du travail responsables des graves
effets pour la santé qu’il veut prévenir
; il indique le processus qui permettrait de les supprimer,
mais il n’arbitre pas les choix entre l’économique
et la santé qui relèvent de l’employeur.
Du fait de la mission réglementaire du médecin
du travail, en cas d’obstacle à la prise en compte
d’une alerte médicale, celle-ci peut être
prise en compte par l’inspecteur du travail ou le juge.
3- Les finalités préventives de l’alerte médicale
Le rôle de l’alerte
médicale est de prévenir les situations de travail
qui font grande difficulté, dispute professionnelle ou
empêchement pour la santé des travailleurs. Elle
peut apparaître nécessaire du fait de la gravité
d’une situation individuelle emblématique. Elle
concerne aussi les situations de collectifs de travail que le
médecin du travail considère comme grave du fait
des risques potentiels ou avérés, notamment celles
pour lesquelles les constats antérieurs du médecin
du travail n’ont pas été pris en compte.
Ce qui est visé est la reconnaissance par la direction,
mais aussi par les salariés et l’encadrement, de
ces situations concrètes de travail pour mettre en débat
les questions d’organisation du travail.
Par son alerte médicale « réglementaire
», le médecin du travail aide à remettre
les conditions du travail réel en discussion, pour faciliter
sa transformation dans un sens favorable à la santé.
En procédant ainsi, il peut permettre la délibération
sur des éléments très concrets de l’organisation
du travail qu’il a repérés. Il contribue
ainsi à ouvrir un certain nombre de pistes de prévention
pour que l’employeur et les IRP puissent s’en saisir.
4- La forme nécessairement écrite de l’alerte médicale du médecin du travail
La réglementation préconise
au médecin du travail un écrit motivé et
circonstancié. Le médecin du travail décrit
précisément ce qu’il constate et à
quoi il se réfère pour affirmer un risque. L’alerte
médicale comporte un constat concernant la gravité
d’une situation de travail. Elle relate très concrètement
ce qu’a compris ou constaté le médecin du
travail des difficultés de réalisation du travail
et de l’impact que cela a pour la santé des salariés.
Elle décrit le lien que le médecin du travail
fait entre les conditions de travail, environnementales, organisationnelles
ou sociales de travail, et la santé au travail. L’argumentaire
d’une l’alerte médicale est rédigé
exclusivement du côté de qui fait difficulté
dans l’activité de travail. Le médecin du
travail confronte les éléments de santé
qu’il a recueillis aux éléments de l’organisation
qui sont susceptibles d’être à l’origine
d’un processus délétère. Le médecin
du travail trace alors par écrit son diagnostic de situation
collective, et énonce éventuellement des recommandations
de prévention médicale collective pour préserver
la santé au travail.
L’aspect pérenne de « l’écrit
» représente pour le médecin du travail
une protection majeure face à d’éventuelles
pressions, et peut paradoxalement faciliter le déploiement
de l’obligation de sécurité de résultats
de l’employeur. Le texte écrit de l’alerte
médicale constitue une trace de l’intervention
du médecin du travail et « fait date ».
En endossant seul un diagnostic d’effet du travail pour
la santé comme sa mission réglementaire l’exige,
le médecin du travail permet un débat sur le travail
affranchi de l’arrière fond délétère
qui souvent empêche d’agir.
Comme tout préventeur
un médecin du travail ne peut s’en tenir aux effets.
Ecrire sur les effets c’est avant tout envisager les causes.
C’est le diagnostic étiologique qui compte. Car
agir sur des effets c’est avant tout agir sur leurs causes.
Un médecin du travail qui s’en tiendrait à
un catalogue des effets du travail sur la santé mentale
sans lien avec le travail, à un dénombrement,
n’accomplirait pas sa mission.
Cela signifie qu’écrire sur les effets du travail
c’est interroger le travail.
L’écrit du médecin du travail destiné
à mettre en visibilité les effets des risques
professionnels pour la communauté de travail n’a
ni la même finalité ni n’entraine les mêmes
réactions selon que ces effets sont des altérations
ou des atteintes à la santé.
La spécificité de la médecine du travail
est qu’il s’agit d’une discipline médicale
qui, en rupture avec d’autres disciplines médicales,
ne s’intéresse pas en première intention
aux atteintes à la santé, c'est-à-dire
aux maladies. Afin de les prévenir elle cherche à
anticiper sur la survenue d’altérations de la santé.
Le diagnostic du médecin du travail est « pré-symptomatique
» car il est un diagnostic qui précède le
diagnostic médical classique, et il est aussi un diagnostic
étiologique car préventif. Pourtant la thérapeutique
est présente ici. Elle est précisément
assurée par la mise en visibilité écrite
en direction de la communauté de travail.
Les douleurs intermittentes de l’appareil locomoteur (membres
supérieurs, genoux, rachis) que les travailleurs signalent,
si la question est posé, constituent les premiers signes
d’appel d’une hyper sollicitation et annoncent les
maladies professionnelles à venir. Il en est de même
de petits signes fonctionnels de la sphère ORL et pulmonaire
(rhinorrhée, épistaxis, sensation d’irritation
pharyngée intermittents en fonction des produits manipulés).
Ces signes fonctionnels très intermittents, minimes,
que les salariés banalisent volontiers ou bien qui ne
sont pas en première observation attribués au
travail tels les manifestations inflammatoires pouvant toucher
à peu près tous les organes (atteinte thyroïdienne,
AVC, infarctus, myalgies, atteinte articulaire, etc.) doivent
être notés dans les dossiers, explorées
très finement dans leur lien possible avec le travail,
et les situations de travail déclenchantes doivent être
repérées. L’instruction du lien permettra
le diagnostic étiologique et l’intervention sur
la situation de travail.
Seuls les médecins du travail sont en situation de prendre
en considération ces symptômes très discrets,
symptômes qui ne motiveraient pas de consultation d’un
médecin traitant, de les relier à la situation
de travail et d’agir en direction de la communauté
de travail. Le médecin du travail n’est pas toujours
en capacité de faire un diagnostic mais il doit noter
dans les dossiers médicaux les inquiétudes des
salariés par exemple, l’inquiétude de salariés
vidant des containers de cartons contenant des produits textiles
d’importation, alertés par le nombre d’insectes
morts trouvés, s’inquiétant sur les produits
insecticides utilisés et leur rémanence.
Le repérage de ces altérations
est au cœur du métier de médecin du travail
et ne peut se faire que grâce à des échanges
entre pairs puisque, en général, « ce n’est
pas dans les livres ». Ce qui est dans les livres, ce
sont des découpes en tranches de situations à
risque, porteuses de grandes classes d’affections comme
les affections cardio-vasculaires, identifiées après
traitement épidémiologique. Ce n’est pas
le travail, le travail considéré comme activité.
Il est curieux de constater que la contribution des médecins
du travail au niveau collectif, est recherchée par la
seule épidémiologie. Leur contribution centrale,
clinique, est totalement ignorée. A part la contribution
des quelques rares médecins enseignants chercheurs qui
n’ont de contact clinique que dans leurs consultations
de psychopathologie, les praticiens du travail paraissent pourtant
les mieux placés pour produire des connaissances sur
les altérations.
Etre médecin du travail ce n’est pas seulement
dresser la liste des atteintes à la santé, c’est
avant tout s’intéresser à ce que vivent
les travailleurs au travail, y compris quand eux-mêmes
ne font pas le lien avec leur travail.
Ecrire que des salariés se plaignent d’insomnies
de réveil dans lesquelles le travail est le thème
dominant, que beaucoup disent ressentir une appréhension
le dimanche soir à l’idée de revenir au
travail, que certains se plaignent d’être moins
bien « qu’avant » au travail, de s’y
épuiser, qu’ils disent ne pas se retrouver dans
les objectifs qu’on leur fixe, tout cela soulèvent
parfois peu de réactions, souvent du déni péjoratif.
Travail et âge, travail et genre, travail et handicap,
effets de la sous-traitance sur le travail, autant de thème
que le médecin du travail peut explorer, dans l’entreprise
dans laquelle il exerce.
Il est même recommandé que l’écrit
précède les altérations, notamment lorsque
se met en place une organisation du travail dont on a constaté
qu’elle pouvait être délétère,
tel le « lean-management » (management maigre) ou
le « benchmarking » ou l’évaluation
individuelle des salariés.
A ce stade, on reprochera souvent au médecin du travail
« de faire de la philosophie » et de ne pas s’occuper
de choses plus sérieuses comme les comportements individuels
inadaptés ou les addictions si dangereuses pour la «
sécurité ».
Et pourtant c’est à ce moment que les signalements
du médecin du travail devraient être relayés
par la communauté de travail pour éviter l’acutisation
vers les atteintes à la santé.
Ecrire sur les altérations de la santé c’est
avertir que l’organisation du travail dérape ou
pourrait déraper et que des démarches préventives
devraient être débattues dès ce stade.
C’est aussi, et surtout, mettre dans l’espace public
de l’entreprise, des éléments du travail
qui font difficulté, des ressentis que les salariés
pensent être les seuls à vivre et leur donner à
comprendre que les autres les vivent aussi. C’est leur
ouvrir des portes pour agir à ce stade précoce.
Collectivement c’est tenter, alors que le climat est encore
favorable, de susciter un débat dans le champ social
pour engager la prévention le plus en amont possible.
En effet au stade du constat de l’atteinte, le droit prend
fréquemment le pas sur la santé, jusqu’à
obturer tout espace dédié à la discussion
sur la santé, et à l’examen des impasses
dans laquelle elle se trouve.
Dès lors que ce stade
est dépassé et que le médecin du travail
écrit pour exposer des atteintes à la santé
et leurs étiologies, la tension est immédiatement
présente. La prévention primaire que constitue
le signalement des altérations et leurs causes n’a
pas eu d’effet suffisant, écrire sur les atteintes
à la santé relève alors de la prévention
secondaire. Il convient de rappeler cette évidence par
écrit.
Le genre est plus délicat. En effet, c’est d’un
côté des responsabilités d’obligation
de sécurité de résultat, de l’autre
la défense des intérêts moraux et matériels
des travailleurs qui vont se confronter. Le conflit social est
très souvent présent dans l’exercice du
médecin du travail. il ne s’agit pas de le nourrir
mais d’y introduire un débat favorable à
la santé au travail. L’écrit est alors d’une
grande importance. Ecrire ce que l’on constate sur les
effets et leurs causes de façon objective, documentée
et compétente, comme médecin du travail, libère
des procès d’intention. Il s’agit d’un
acte médical à part entière qui s’inscrit
dans une démarche diagnostique classique et thérapeutique
c'est-à-dire qu’il doit être bordé
par les compétences du praticien.
C’est ici la démonstration écrite du lien
santé-travail nourrie de tout ce que le médecin
sait, a entendu ou constaté qui soutient la pertinence
et peut entrainer l’adhésion qui doit être
recherchée.
Au-delà des débats que cet écrit va susciter,
qui est, rappelons-le, une de ses principales finalités,
au stade des atteintes à la santé, l’écrit
du médecin du travail est aussi porteur de droit. Cela
confère aux salariés qui présenteraient
les effets et seraient soumis aux risques un lien causal essentiel.
C’est la traduction collective, dans l’espace public
de l’entreprise, de l’obligation qu’a tout
médecin de déclarer ce qu’il aurait constaté
comme altération de la santé d’un patient
en lien avec le travail.
C’est l’employeur qui est réglementairement destinataire de certains écrits du médecin du travail :
Bien évidemment cela
ne limite pas les échanges de courrier avec l’employeur.
Nous pourrions, bien sûr, évoquer les sauvegardes
de responsabilité dès lors que l’employeur
fait preuve de mauvaise foi ou pire atteint à l’indépendance
du médecin du travail.
Ce sont des situations difficiles où écrire est
indispensable et même déontologiquement obligatoire
[5].
Hors ces cas, malheureusement trop fréquents, les statuts
juridiques du médecin du travail et de l’employeur
sont assez distincts, à condition qu’ils soient
bien connus des intéressés, pour que les conflits
inutiles soient évités.
L’employeur, dans l’entreprise qu’il possède
ou dans laquelle il bénéficie d’une réelle
délégation de pouvoir comme dirigeant, est le
« seul maître à bord », en référence
à la subordination de droit romain. Ce pouvoir est toutefois
exercé dans le respect des lois de la République.
Celles-ci imposent une prévention médicale primaire
des risques pour la santé des travailleurs dans le cadre
d’une mission d’ordre public social et d’une
obligation de moyens. Cela signifie qu’un médecin
du travail n’a d’autre mandat que celui concernant
la santé du travailleur ce qui n’exclut pas qu’il
considère la question économique dès lors
qu’elle retentit négativement sur la santé
des travailleurs.
Cela signifie également qu’il ne dispose dans l’entreprise
d’aucun pouvoir décisionnaire, mais d’un
pur rôle de conseil, ses avis devant « être
pris en considération » par l’employeur.
Le médecin ne doit pas, dans ses écrits, empiéter
sur les prérogatives de l’employeur.
Réglementairement, l’employeur doit déployer
des mesures de prévention des risques pour la santé
des travailleurs dans le cadre d’une obligation de sécurité
de résultat. Selon le législateur français,
il serait chargé de la « gestion de la santé
et de la sécurité ».
Mais, soit comme possesseur de l’entreprise, soit comme
délégataire, il se trouve confronté à
la nécessité de résultats économiques.
Il lui faut donc assurer et ses obligations de prévention,
et celles relevant d’obligations économiques. Ce
n’est que lorsque la situation économique de l’entreprise
est bonne que ces deux obligations sont mieux compatibles.
Si la situation économique se dégrade ou si la
gestion prend le pouvoir dans l’entreprise sur toute autre
considération, et exige des rendements économiques
supérieurs du délégataire, la situation
se tend jusqu’à ce que le dirigeant soit en injonction
paradoxale. Pour ce qui concerne le dirigeant délégataire
rappelons qu’en droit, une délégation de
pouvoir n’est réelle que si le délégataire
a bien l’autorité, la compétence et les
moyens pour agir. Cette notion est cruciale en matière
de prévention des risques pour la santé des travailleurs.
Hors des recommandations d’aptitude qui concernent les
travailleurs individuellement, c’est pour conseiller l’employeur
sur les questions de santé au travail (R4623-1 du CDT)
et de prévention que le médecin du travail va
lui écrire. Le point de vue de la prévention médicale
apporte au chef d’entreprise des éléments
de choix au regard de ses propres obligations. Ces écrits
deviennent gênants pour l’employeur s’ils
repèrent des risques ou s’ils recommandent des
mesures de prévention qui portent sur de possibles atteintes
à la santé ou encore s’ils tracent les effets
de ces risques. Par exemple, tant qu’on en reste au «
mal-être au travail », le chef d’entreprise
conserve des marges de manœuvre, mais dès qu’apparait
la notion de dépression tout change. En effet ne pas
tenir compte de l’écrit du médecin du travail
constitue alors une prise immédiate de risque assurantiel,
juridique et pénal pour l’employeur. A contrario,
dès qu’il a écrit et de façon pertinente,
le médecin du travail a accompli une partie de son obligation
de moyens et son mandat vis-à-vis de l’employeur
dont il est le « sachant » dans son domaine spécifique.
Ce point de vue marque sa différence avec les experts,
« hygiène sécurité environnement
» (HSE), autres « sachants » mais préposés
exclusifs de l’employeur pour l’aider dans sa «
gestion de la santé et de la sécurité »
en application de l’article 7 de la directive européenne
de 1989 [6]. Il est de bon voisinage, notamment
dans les services autonomes, que les écrits à
l’employeur soient également adressés aux
experts HSE, toutefois leur destinataire doit toujours être
en premier lieu le chef d’établissement. Si le
législateur prévoit que le médecin du travail
agit dans les services autonomes en coordination avec les experts
HSE (L4622-4 du code du travail) cela n’implique ni confusion
des missions, ni a fortiori subordination.
Une situation particulière est l’investigation
par des professionnels mandatés par l’employeur
dans le cadre d’un « audit prévention ou
sécurité ». Le document final n’ayant
souvent pas de caractère public, il est indispensable
que le médecin du travail écrive à l’employeur
pour lui préciser la nature de ses conseils. Il en est
de même en cas de participation, si elle est jugée
par le médecin comme compatible avec ses missions, à
des groupes spécifiques comme des comités de direction
ou des groupes d’élaboration du document unique
d’évaluation des risques. Ces situations sont particulièrement
délicates car elles impliquent une très grande
vigilance du médecin du travail pour conserver et faire
respecter sa spécificité.
Certains employeurs délégataires vont pouvoir
utiliser les écrits du médecin du travail pour
obtenir un peu plus de moyens de prévention vis-à-vis
de leur gestionnaire. Toutefois cette attitude est en perdition
du fait du turn-over rapide des managers que l’organisation
actuelle des entreprises a mise en place. Le risque personnel
du manager est ainsi dilué du fait de l’absence
de pérennité.
Les relations peuvent devenir tendues voire des pressions se
perpétrer, notamment pour que cet écrit reste
confidentiel. Car tant qu’il reste confidentiel, la représentation
du personnel ne dispose pas de visibilité suffisante
ou d’arguments supplémentaires pour revendiquer
la prévention du risque.
Faudrait-il donc s’abstenir de tout signalement ou céder
aux injonctions de confidentialité de l’employeur
? Le faire, conduit à nier en partie ce qui constitue
le métier de médecin du travail. Comme médecin,
le médecin du travail ne peut avoir comme intérêt
à agir que celui de la santé des travailleurs.
Or cet intérêt impose d’écrire à
l’employeur et de faire connaître ses conseils aux
représentants des travailleurs. Faut-il rappeler que,
dans certaines circonstances, le médecin doit déontologiquement
faire preuve d’abnégation [7]
?
Nous verrons, dans le paragraphe suivant, les éléments
de droits qui imposent, in fine, d’avertir la représentation
du personnel des signalements de risque et de leurs effets.
Les employeurs peuvent avoir, selon les circonstances, la primeur
des écrits mais ils n’en ont pas l’exclusivité.
Le médecin du travail peut avoir à communiquer avec plusieurs catégories de représentants du personnel :
• les représentants syndicaux, responsables d’une structure syndicale déclarée dans l’entreprise,
• les délégués du personnel, représentants des travailleurs à titre individuel, notamment pour préserver leurs droits individuels en matière de prévention mais qui peuvent se substituer pour la prévention collective au CHSCT dans les entreprises de petite taille,
• les représentants du personnel au comité d’établissement, d’entreprise ou comité central d’entreprise chargés de la surveillance du fonctionnement et de la gestion de l’entreprise ainsi que de ceux du service de santé au travail et dans les services de santé au travail interentreprises les membres représentants les travailleurs à la commission de contrôle ou au comité interentreprises et au conseil d’administration du service de santé au travail
• les représentants du personnel en CHSCT dont la mission concerne notamment les risques professionnels et leur prévention
Même si la mission du médecin du travail peut impliquer des rapports avec les représentants syndicaux et les délégués du personnel, les deux grandes catégories de destinataires d’écrits sont :
• d’une part des représentants du personnel chargés de surveiller la gestion et le fonctionnement du service médical du travail notamment à travers l’activité des médecins du travail et des équipes pluridisciplinaires, qui constituent, à côté d’un contrôle administratif de la puissance publique, ce qu’il est convenu d’appeler le contrôle social
• d’autre part des représentants du personnel chargés de l’hygiène et des conditions de travail. Cela détermine la nature respective des écrits :
• En direction du contrôle social, d’une part destinés à relater ou à préconiser des éléments de fonctionnement de l’activité du service de santé au travail, voire à décrire des dysfonctionnements ou à réclamer des modifications notamment en matière de moyens, d’autre part à apporter un éclairage spécifique de la prévention primaire médicale pour apporter une aide lors de la constitution des avis de l’organisme, dès lors qu’ils pourraient retentir sur la santé des travailleurs
• En direction des représentants du personnel chargés des missions d’hygiène et de sécurité pour les conseiller du point de vue de la prévention médicale primaire (et dès lors qu’elle est débordée du point de vue de la prévention secondaire) et pour les aider à analyser les risques et à assumer leur capacité de critique et proposition à l’employeur.
Le point de vue d’un
représentant du personnel implique une confrontation
à l’organisation qui l’a mandaté et
directement au personnel qu’il représente. Faute
de ce lien la représentation prend le risque de l’échec.
Toutefois pèse sur cette représentation la confrontation
sociale qui implique une négociation de la force de travail,
d’où la notion omniprésente de rapport des
forces en présence.
Cela implique qu’il puisse y avoir, malgré un sentiment
de proximité des objectifs en matière de santé,
des différences très significatives entre la position
professionnelle du médecin du travail et les actions
du contrôle social et des représentants CHSCT.
Parfois même il peut être nécessaire de formaliser
cette différence, dès lors que le médecin
du travail estime que la représentation du personnel
n’agit pas dans le sens de la santé des travailleurs.
Il est nécessaire au médecin du travail de dispenser
des conseils écrits de même nature à l’employeur
et à la représentation du personnel. Dans les
services autonomes la coordination du médecin du travail
avec le CHSCT est formellement de même nature que celle
qui doit exister avec l’employeur et ses préposés.
Dès lors que le CHSCT fait appel à un expert,
il est fréquent que le médecin du travail soit
consulté dans ce cadre. Le rapport d’expertise
sera, contrairement à l’audit, remis aux membres
du CHSCT. Il peut néanmoins être utile de faire
parvenir aux experts et au secrétaire du CHSCT un écrit
de la position exprimée.
Enfin, même si la médiation de l’employeur
est formalisée pour certaines transmissions de documents
médicaux réglementaires, rien dans la réglementation
n’interdit au médecin du travail de faire parvenir
à la représentation du personnel copie des écrits
à l’employeur. La notion de confidentialité,
excipée par certains employeurs, pour reprocher cet envoi,
est inconsistante dans la mesure où la représentation
du personnel est elle aussi sous cette injonction.
Toutefois l’expression peut être spécifique
à conditions que l’obligation de conseil à
parité avec l’employeur (R4623-1 du CDT) soit bien
remplie.
Cette transmission est explicite dans les signalements de risque
liés à l’article L4624-3 du code du travail.
Le signalement écrit motivé et circonstancié
et la réponse de l’employeur sont « tenus
à la disposition » du CHSCT ou des délégués
du personnel. L’envoi est donc parfaitement logique, le
minimum étant de signaler à la représentation
du personnel qu’un signalement est tenu à leur
disposition !
Dispute professionnelle 4 : Quand et comment signaler le risque à la communauté de travail ?
|
[1] Patient : qui subit ; agent : qui agit (Le Robert). Nous butons sur une désignation correcte de celui ou celle qui est pour les cliniciens le sujet de notre travail ! A consulter toutefois l'article " patient " du " Dictionnaire de la pensée médicale ", ouvrage collectif, PUF, 2004
[2] Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel…
[3] Les conditions de travail des salariés dans l'Union européenne à quinze selon les formes d'organisation, Antoine Valeyre (*) Travail et Emploi n° 112 o Octobre-décembre 2007
[4] Souligné dans le rapport approuvé
[5] Article R4127-95
du code de la santé publique :
Le fait pour un médecin d'être lié dans
son exercice professionnel par un contrat ou un statut à
un autre médecin, une administration, une collectivité
ou tout autre organisme public ou privé n'enlève
rien à ses devoirs professionnels et en particulier à
ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance
de ses décisions.
En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de
limitation à son indépendance dans son exercice
médical de la part du médecin, de l'entreprise
ou de l'organisme qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité,
dans l'intérêt de la santé publique et dans
l'intérêt des personnes et de leur sécurité
au sein des entreprises ou des collectivités où
il exerce.
[6] Voir notamment l'article L4644-1 du code du travail
[7] Article R4127-48
du code de la santé publique
Le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas
de danger public, sauf sur ordre formel donné par une
autorité qualifiée, conformément à
la loi.
Alain Carré, Dominique Huez, Odile Riquet, Alain Grossetête, Annie Deveaux, Alain Randon, Benoit de Labrusse, Mireille Chevallier, Huguette Martinez, Bernadette Berneron, Gérard Lucas
6° Colloque de E-Pairs et ass.SMT du 20 juin 2014,
A l’éclairage de la clinique médicale du travail, l’écrit médical a une double nature :
• c’est une « trace médicale de ce qu’a élaboré le salarié » lors du travail clinique avec le médecin du travail
• mais c’est aussi « une compréhension médicale attestée » par le médecin du travail, individuelle ou collective, qui engage par là sa professionnalité et sa mission réglementaire.
Dans cette perspective, l’écrit médical :
• n’est pas une énonciation surplombant le salarié par un expert dont la connaissance ne devrait rien aux salariés, considérés alors comme objets d’étude, vides de sensibilité, de capacités d’analyses et de pouvoir d’agir sur leur santé.
• c’est un « moyen médical en situation » qui permet l’action pour les salariés pour leur permettre de recouvrer leur santé, et qui donne du sens aux actions et liaisons médicales dans cet intérêt exclusif.
Ce qui s’écrit dans le dossier médical s’inscrit ainsi:
• dans un cadre de droit, droit du travail, droits du patient, missions réglementaires du médecin du travail
• dans un cadre déontologique qui répond aux principes suivants:- d’être utile au patient, au moins ne pas lui nuire. Assister moralement la personne qui vient demander de l’aide.
- de fonder sa démarche sur les connaissances actuelles de la médecine du travail• dans un cadre clinique, c'est-à-dire un espace exigeant une démarche particulière de pensée et une formation adéquate : c’est une approche qui vise un changement, se tient dans la singularité et coproduit un sens de ce qui se passe, à partir de la clinique médicale du travail
• dans une éthique qui permet d’éprouver les limites de notre activité, la confrontation constante à ce qui résiste à la connaissance d’un côté, le « vouloir comprendre » qui pourrait se confondre avec un pouvoir sur cet « autre soi-même » de l’autre côté.
Lorsqu'il s'agit de saisir la temporalité des situations
et leur complexité qui empêche une causalité
simple, la mise en visibilité du lien santé travail
repose d'une part sur la parole et le dialogue médecin
du travail - salarié et d'autre part sur « l’Ecrit
médical » dans la pluralité de ses formes.
Y-a-t-il une écriture spécifique de l’expérience
et de la clinique ? Comment rendre compte du travail clinique
du médecin du travail ?
Une démarche clinique est par nature, par orientation
et par construction, attentive aux particularités et
aux singularités, elle n’appartient pas à
une seule discipline. En médecine, la clinique est avant
tout une nouvelle manière de faire voir les atteintes
à la santé. La maladie n’est pas seulement
un ensemble de symptômes, c’est à dire visible,
elle est aussi énonçable.
C’est parce que nous étions dans un cadre de droit,
dans une mission, et que nous n’avions pas les mots pour
rendre compte de cette clinique dans le dossier médical,
que nous avons fait le choix d’écrire des monographies.
La clinique s’écrit alors dans un genre différent
de l’habituelle rédaction scientifique, plus proche
de la littérature. Elle cherche le sens du possible et
non le sens de la réalité, elle cherche la vraisemblance
mais ne se prend pas pour la vérité. La monographie
a été indispensable à la mise en visibilité
des pratiques cliniques et à la construction du métier
de médecin du travail. Mais elle ne peut pas être
écrite pour chaque consultation.
Le descriptif symptomatique ou organique que nous avons tous
connu non seulement n’est pas opérant, mais il
ne prend pas en compte la clinique médicale du travail.
La clinique articule ce qui se voit et ce qui se dit, elle réorganise
les éléments qui constituent le phénomène
pathologique. Elle situe un symptôme dans une histoire
singulière, pour un sujet engagé dans une activité
de travail dans un contexte historique, économique et
social.
La clinique médicale du travail prend en compte l’engagement
subjectif dans le travail et la relation que celui ou celle
qui travaille entretient avec l’environnement, les autres
et le monde. Comment l’énoncer dans le dossier,
comment trouver les mots justes ?
Où la démarche clinique peut-elle s’écrire
dans le DSMT ? Dans quelles cases: dans les données de
« l’interrogatoire » : existence ou absence
de symptômes physiques ou psychiques ou dans les données
de « l’examen clinique » : existence ou absence
de signes cliniques destinés à évaluer
le lien entre l’état de santé du travailleur
et le poste de travail actuel et les expositions antérieurs.
Il s’agit d’utiliser les mots de tous les jours,
ceux que le salarié peut se réapproprier. Il faut
reprendre les paramètres que nous avons négligés
pendant longtemps avant de les réinvestir dans les monographies
: l’activité de travail, les expériences
antérieures, l’histoire singulière, les
affects, les détails qui comptent.
Il faut passer par l’évènement. La singularité
vient d’abord de l’évènement du travail,
du récit. Pas d’évènement sans activité,
sans fragments d’activité, sans détails.
Pas d’évènement sans présences humaines,
sans collègues, sans chef, sans intention, sans lien
et sans conséquence. Pas d’évènement
sans paroles : des paroles ont été adressées
au salarié, des paroles ont été dites par
le salarié, ou échangées entre d’autres
salariés.
L‘évènement raconté est un bouleversement
que le salarié a traversé, il intervient à
l’articulation du collectif et de l’individuel,
du psychique et du social, de l’humain et de la matière,
il est porteur d’affect et d’émotion. Il
s’agit de reconstruire son sens, donc son rapport aux
circonstances, sa place dans l’engagement subjectif du
sujet dans le travail. Il s’agit de savoir comment cet
évènement a pris place dans son histoire singulière.
Impossible de tout mettre en mots, de reprendre l’évènement
dans le dossier. Ce n’est plus l’évènement
qui compte, mais sa marque, l’empreinte qu’il laisse,
qu’il a laissé, l’émotion qu’il
a suscitée. Faire avec l’évènement,
c’est faire histoire, c’est ouvrir des possibles.
Ce qui s’écrit dans le dossier médical doit
garder le lien entre singularité et objectivité.
Reprendre les mots qui, dans le récit, ont fait surgir
une émotion soustraite à la délibération
et à la volonté du sujet. La justesse des mots
vient de l’effet produit, de l’effet de transformation.
Utiliser des mots de tous les jours, pas des mots techniques,
scientifiques, écrire dans le dossier la reformulation
proposée au salarié. Savoir écrire dans
le dossier l’échec d’une démarche
clinique.
Décider de ce qui ne doit pas s’écrire dans
le dossier. Parfois au cœur de la démarche clinique
à partir de l’activité de travail, au cours
du récit, des blessures psychiques anciennes résonnent
avec les évènements actuels du travail. Dans ce
surgissement de l’intime, le secret qui a été
déposé là, ne doit pas s’écrire.
Ce qui compte, ce qui doit être écrit dans le dossier
médical, ce sont les circonstances dans lesquelles l’intime
a surgi, c’est l’émotion qui a permis la
résonnance avec l’histoire singulière, c’est
ce qui pourrait altérer le lien santé travail.
Les écrits regroupés dans le dossier médical sont de deux types: soit ils concernent le salarié, soit ils concernent le collectif et ils sont destinés alors à l’espace public, même s’ils peuvent être conservés aussi dans le dossier médical.
Les écrits concernant le salarié
C’est le destinataire de l’écrit médical
qui détermine l’objectif recherché.
Différents écrits peuvent être effectués
par le médecin du travail :
• pour le dossier médical pour rendre compte du travail clinique et construire le lien santé-travail ; aussi pour assurer une traçabilité des évènements pathogènes ou positifs pour permettre de construire une temporalité du lien entre la santé et le travail ; cette temporalité a une finalité clinique pour le médecin mais peut également avoir pour fonction de jalonner à distance cette temporalité pour le travailleur ;
• pour le salarié comme traces de pratiques « inter-compréhensives ». Il s’agit alors d’un écrit spécifique destiné au salarié qui trace l’état d’un travail clinique, comme point d’étape, mais aussi comme état d’un constat médical sans préjuger de possibles utilisations ultérieures ;
• à l’attention d’un autre médecin pour mettre en visibilité le lien santé-travail ; ce courrier médical élaboré dans une pratique inter-compréhensive avec le salarié et remis au salarié a un contenu clinique, peut et doit garder le lien entre singularité et objectivité. Il peut permettre de faire le lien avec le médecin traitant pour lui permettre de prescrire à bon escient ;
• constituer une « thérapie préventive », dès lors que le salarié est en situation critique de doute sur lui-même, qu’il soit par exemple en situation de perte de l’estime de soi ou de souffrance éthique. Cet écrit du médecin du travail dont la fonction est « le soin préventif » tente d’éviter par exemple un passage à l’acte en donnant acte de la rationalité de la situation et en rendant visible les liens entre la situation professionnelle et les effets observés ;
• enfin ou en sus, une finalité réglementaire pour assurer les droits médico-sociaux du salarié pour attester, certifier, mettre en visibilité le lien santé-travail et les atteintes pathologiques liées au travail.
Les écrits concernant le collectif
Le médecin du travail émet ses préconisations
médicales individuelles sur la fiche de suivi médical,
dite « d’aptitude ». Mais au-delà il
peut en nourrir ainsi son action de prévention collective
primaire ou de sauvegarde. Ce document peut alors s’enrichir
de mentions attirant l’attention de l’employeur
sur le lien entre le changement d’organisation et l’état
de santé très concret du salarié ou avec
son arrêt de travail récent qui permettra une action
de prévention collective.
Les écrits du médecin du travail « signalant
un risque » peuvent permettre que s’y adosse spécifiquement
une démarche de prévention collective. Ces écrits
concernent l’identification médicale des risques,
la veille ou l’alerte médicale des effets du travail
pour la santé. Les différents acteurs qui œuvrent
à la prévention collective, l’employeur
mais aussi les représentants des salariés, peuvent
y découvrir des effets délétères
du travail pour la santé auxquels par nature ils n’ont
pas accès. Des éléments de ces écrits
peuvent trouver place au DMST.
Dispute professionnelle 5 : Quels sont les éléments caractérisant un écrit médical pour le dossier médical ?
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Dans un écrit médical, ce qui compte est son
intérêt pour la santé du patient. Une veille
médicale collective avec un suivi clinique individuel
prenant l’organisation du travail comme grille de lecture,
peut selon les circonstances ouvrir à l’amélioration
de l’organisation du travail, ou quand cela est nécessaire,
tenter de préserver la santé selon des modalités
individuelles très différenciées sans jamais
oublier le premier projet. Même en des circonstances de
pratique de sauvegarde, le projet d’ouvrir à la
compréhension la place du travail ne saurait être
abandonné. Au contraire, c’est la seule façon
de permettre aux sujets fragilisés, de recouvrer leur
capacité d’agir, et à l’organisation
du travail d’évoluer en un sens plus respectueux
de la santé des femmes et des hommes. En effet le sujet
pourrait retourner la violence contre lui-même, parce
qu’il ne peut pas résister, parce qu’il se
sent coupable de ne pas tenir, d’avoir cédé
sur l’essentiel, parce que dans la façon dont il
se représente ce qui lui arrive, il n’y a que des
rapports individuels, inégalitaires du fait de la condition
de travailleur salarié, où les coopérations,
les collègues, les collectifs ont disparu.
La consultation médicale est ainsi une occasion pour
le salarié de dé singulariser des histoires personnelles
pour passer ensuite au collectif en s’adossant à
des éléments issus des connaissances sur l'activité
de travail. C’est aussi l’occasion de découvrir
qu’il n'est pas le seul à énoncer ce qu'il
énonce et que d'autres vivent la même chose.
Le lien santé-travail est exploré à partir
de ce que sait le médecin de l’histoire de l’entreprise,
de la trajectoire du salarié, des éléments
de compréhension de l’organisation issus des entretiens
cliniques avec d’autres salariés, et des difficultés
et conflits rapportés par d’autres salariés
de l’entreprise, ou par l’employeur. Ce travail
médical où le passage à l’écrit
est essentiel, pourra permettre que se déploie en écho,
une mise en délibération collective des difficultés
de la contribution des sujets dans leur travail. Ainsi, le médecin
du travail contribuera à les rendre acteurs de la transformation
de leur travail, en remettant le travail réel au centre
de l’élaboration collective.
La spécialité du médecin du travail l’incite
à prendre l’organisation du travail comme grille
de lecture ; ainsi il passe du « comment va votre santé
» au « comment va votre travail ».
C’est le sujet qu’on se propose d’aider à
construire son récit, ce qui lui permet d’accéder
au sens des évènements. C’est lui qui fait
les liens avec les autres, le temps, l’organisation concrète,
ce qu’il y jouait, ce qui le fait souffrir, qu’il
n’accepte pas. C’est à travers ce récit
ou la douleur affleure que se construit l’idée
que ce qu’il vit, peut-être il n’est pas le
seul à le vivre ! Non, il n’est pas fou ! Oui le
praticien rencontre fréquemment des personnes dans sa
situation ! Explorer en intercompréhension avec le sujet,
la dynamique du « travailler ». Faire raconter par
le sujet comment il fait concrètement pour arriver à
travailler, comment il faisait antérieurement. Faciliter
le récit par l’intérêt manifesté
pour « comprendre avec ». Explorer le faire et le
faire ensemble. Pourquoi ce n’est plus possible aujourd’hui
et que c’était possible hier. Qu’est-ce qui
a changé concrètement dans l’organisation
du travail du sujet, organisation du travail au sens de division
des tâches ou des rapports sociaux. Ainsi la clinique
quotidienne du médecin a pour projet, devant une pathologie
mentale, rhumatologique, cardiaque, respiratoire, digestive,
d’explorer en intercompréhension avec le sujet,
la dynamique du « travailler ».
La parole du sujet, sa contextualisation et le travail inter
compréhensif entre le sujet et le médecin du travail,
permet l’élaboration du sens de la souffrance.
Il s’agit de faire émerger des analyses non encore
pensées, et de donner des éléments pour
aider à modifier l’activité de travail.
La clinique médicale du travail entend aider le salarié
qui se trouverait fragilisé dans sa santé et enfermé
dans un conflit entre ce qu’il tente de soutenir et les
impasses dans lesquelles l’organisation du travail le
place. La clinique médicale du travail contribue ainsi
aider le salarié à élucider les conflits
nés des nouvelles organisations.
Les questions de santé au travail et de prévention
se posent en termes de compréhension des mouvements contradictoires
qui animent l’activité et déterminent les
conditions matérielles, sociales et subjectives du travail.
Il s’agit alors pour le médecin du travail d’aider
le sujet à exprimer les dimensions de son engagement
dans le travail. Elle permet ainsi au médecin du travail
d’acquérir et d’accéder à une
compréhension intime des tensions qui accompagnent le
travail. L’objectif de ce travail clinique est la reconquête
par le salarié de son pouvoir d’agir afin de lui
permettre de recouvrer sa capacité à construire
sa santé au travail. Cette démarche clinique ne
se substitue pas à l’action du salarié,
elle vise à la reconstruction de sa capacité à
penser, débattre et agir. « Sentir » dans
un récit de quoi il retourne, faire le vide, être
disponible, sans a priori sur ce qui est relaté. Les
affects, les émotions du sujet sont du matériel.
En clinique médicale du travail, comment à la
fois être attentif, observer les postures, et prendre
des notes ? Les émotions des collègues de travail,
de l’employeur par exemple sa colère, sont du matériel
clinique. L’employeur est aussi un individu au travail
et ses réactions par exemple l’expression de son
indignation, de sa colère vis-à-vis du médecin
du travail, constituent aussi du matériel clinique dans
le registre des émotions, comme celles du sujet reçu
au cabinet médical. Les réunions de travail dans
l’entreprise constituent aussi du matériel pour
la clinique médicale du travail.
Ainsi de courtes notes cliniques ou des éléments
beaucoup plus développés sont notés au
dossier médical à la fin de la consultation. Dans
les situations complexes, une synthèse y est rédigée
à la suite des notes de travail. Les diagnostics argumentés
ou les incertitudes cliniques y sont tracés.
La clinique médicale du travail ne peut naître
et se déployer sans la prise en compte d’un tiers
facteur qui est la temporalité. Le temps du travail clinique
déployé sur la durée, est du matériau
clinique. Il n’y a pas de temps privilégié.
Le médecin du travail laisse la porte ouverte au récit,
que ce soit lors d’une visite d’embauche, d’une
visite systématique ou lors de visite spontanée.
Le temps d’élaboration pour le sujet et le clinicien
est une aide essentielle pour le travail clinique en médecine
du travail. Le déroulement du temps permet aux évènements
de travail de s’inscrire dans le corps, de s’y incorporer
physiquement et psychiquement, d’y laisser des marques.
Ces éléments, micro-histoire en rapport avec l’activité
de travail réellement déployée, et dynamique
de construction ou de fragilisation de la santé au travail
ne peuvent être mis en relation et véritablement
articulés, que si une observation régulière,
avec prise en compte des faits notables et des non-faits, des
bonheurs ou des malheurs ou tous autres bouleversements même
minimes, est rendue possible par l’organisation systématisée
des recueils. Cette compilation constitue un matériel
précieux et utile, le moment venu, afin de permettre
une analyse donnant accès au sens des constats délétères.
Lors du travail clinique d’accompagnement des sujets au
travail, deux questions doivent être arbitrées
par le médecin du travail :
- le travail, son organisation, les rapports sociaux qui s’y déploient, peuvent-ils expliquer tout, ou partie de l’histoire de la construction ou de la fragilisation des sujets qu’on accompagne médicalement ?
- en cas de trouble psychopathologique ou de somatisation importants pour un sujet, quel est le risque ou l’intérêt d’un éloignement temporaire ou définitif du travail à visée thérapeutique ?
C’est la prise en compte du sens de l’écrit médical au regard de son objet pour la santé du patient qui permet de résoudre pragmatiquement les obligations déontologiques du médecin du travail. Faute de cela, le médecin s’expose aux dérives idéologiques de ses écrits, sans même s’en rendre compte. C’est le cadre de toute praxis médicale déontologiquement conforme, qui évitera ainsi d’être agi par des intérêts autres que ceux de la santé des patients ou de la santé publique en santé au travail.
La médicalisation de l’écrit, focalisé
à un instant « t » sur l’instruction
du lien santé travail exploré, ne pourrait-il
pas entrainer un risque de blocage de l’élaboration
de la part du salarié consultant en souffrance ? L’énoncé
écrit du lien santé-travail pourrait avoir cet
effet, mais il n’y a pas de place dans cet écrit
pour un diagnostic médico-légal sans travail clinique
préalable avec le salarié, et l’inverse
est soutenu, à savoir que l’écrit est destiné
à aider le salarié à se repositionner du
côté de son « travailler » en actant
de tout ce qui est déployé comme contribution
par lui, pour faire le travail. Ainsi le travail lors de la
consultation de clinique médicale du travail est une
intercompréhension « en construction » aux
temporalités décalées pour chacun, médecin
du travail et salarié. L’élaboration par
le sujet par essence n’est jamais terminée.
Du point de vue du médecin du travail, cette tension
pour « comprendre avec », peut achopper sur les
procédures défensives du salarié. Il peut
avoir un temps de décalage avec le salarié, face
à ses procédures défensives fragilisées
qui font brèche à l’irruption de la souffrance
professionnelle, et perturbent encore son accès aux pistes
explicatives qui émergeraient du côté du
travail. Elles peuvent alors être accessibles au médecin
du travail, et rester encore obscures pour le salarié.
Comment pour le médecin du travail ne pas brusquer le
travail d’élaboration du salarié, tout en
ne se faisant pas piéger par les effets des procédures
défensives du salarié qui masquent encore partiellement
le rôle du travail, de son organisation et des rapports
sociaux, en emblématisant les rapports personnels ou
de responsabilités individuelles dont la clé de
compréhension du travail serait absente ? Les balises
incontournables en sont probablement pour le médecin
clinicien une attitude respectueuse et un écrit dans
l’intérêt du salarié qui permettrait
à ce dernier de s’y adosser pour continuer son
travail d’élaboration, sans que pour autant le
médecin du travail ne se fasse instrumentaliser par les
défenses du salarié.
Si la souffrance est un vécu individuel, c’est
la compréhension de ses déterminants collectifs
qui permet de sortir d’un vécu délétère.
L’écrit médical dans la pluralité
de ses formes peut y contribuer.
L’écrit médical peut être ainsi opérateur
de santé. Les circonstances en sont plurielles. Le médecin
du travail peut accepter du fait d’une « nécessité
» qu’il apprécie en responsabilité,
de transcrire dans un écrit médical spécifique
remis au salarié, le point d’étape de ce
qu’il a compris à partir d’un travail inter-compréhensif
avec un salarié. Le salarié peut-être aussi
demandeur d’écrits médicaux qui le favorisent
: extrait de son dossier médical qui pourrait être
remis en forme par le médecin du travail pour qu’il
soit compréhensible, attestation médicale d’un
travail clinique du médecin du travail auprès
de ce salarié, en urgence ou étalé dans
le temps en suivi d’une problématique clinique
spécifique, « certificat de maladie professionnelle
» argumenté concernant une psychopathologie du
travail, ou écrit spécifique du médecin
du travail à destination d’un C2RMP instruisant
dans le détail le lien santé-travail.
Un certain nombre de médecins du travail consultant dans
des consultations « Souffrances et travail », de
leur initiative, systématiquement ou exceptionnellement,
par un travail de clinique médicale du travail compréhensive,
tracent par écrit l’histoire individuelle et collective
du « travailler » d’un salarié au décours
d’une phase médicale d’un travail clinique.
N’ayant pas vocation à revoir le salarié,
ils pensent que cette « trace médicale »
d’un travail en quête de compréhension du
rôle du travail, peut aider le salarié concerné
à le poursuivre en y retrouvant les éléments
marquants que le travail clinique a permis de faire émerger.
Cet écrit à alors valeur thérapeutique
tout en permettant au salarié d’en faire un support
de liaison médicale avec les médecins le prenant
en charge. Il peut parfois être utilisé comme le
point de vue d’un spécialiste en médecine
du travail chargé de son suivi clinique, par un salarié
dans telle ou telle procédure médico légale
le concernant.
Des médecins du travail dans leur pratique médicale
ordinaire peuvent aussi utiliser un écrit médical
dans un but proche.
- Ou bien au décours d’une relation clinique en urgence, où il leur parait nécessaire de « tracer médicalement » ce qu’ils ont analysé cliniquement d’une situation médicale, pensant que cette accroche à la réalité du travail qui est alors permise au salarié par le truchement de cet écrit, pourrait lui permettre de sortir d’un processus délétère d’où n’émerge alors que ce que le salarié penserait de sa propre insuffisance, responsabilité personnelle, processus fautif et culpabilisant, faisant obstacle à l’analyse du rôle du travail.
- Ou bien en liaison médicale dans le cadre d’un processus de soin, pour apporter leur point de vue de spécialiste de la santé au travail à un médecin traitant, pour y faire émerger les pistes étiologiques principales du travail et du travailler du sujet. L’accès par le salarié à cet écrit dont il est le vecteur, lui facilite la compréhension de l’attitude du médecin du travail, par son action de prévention primaire le concernant, et par son éclairage spécialisé au médecin traitant.
Ce qui conduit à devoir faire un écrit dans une
situation donnée, est le souci de défendre le
point de vue de la santé. Les éléments
essentiels sont collectés au cabinet, par le médecin
ou l’infirmière, après avoir reçu
un salarié, beaucoup plus qu’en visite de poste.
L’écrit s’appuie sur ce qui vient d’être
entendu au cabinet médical, « ce courrier, il est
lu », et sur des écrits antérieurs qui sont
mobilisés
Passer à l’écrit peut être ressenti
comme une impérieuse nécessité, dans un
engagement perceptible du côté du corps, c’est-à-dire
du côté des émotions.
Ainsi le médecin peut s’appuyer sur la discussion
de son GAPEP pour la rédaction d’un certificat
de MP.
Ainsi un médecin se souvient-il des conditions dans lesquelles
il a rédigé un écrit avec certificat, et
pourquoi il l’a rédigé, se revoit-il parfaitement
en situation de travailler. Il catégorise les trois étages
d’un écrit : professionnel et réglementaire,
éthique, et engagé au service de la santé
au travail.
La métis, l’intelligence rusée s’invite
dans la rédaction de l’écrit. Impérieuse
nécessité et surgissement peuvent évoquer
sa « naissance ».
Les écrits ont toujours comme projet de donner à
comprendre, de « sédimenter » l’état
des réflexions, de bien investiguer.
L’écrit peut aussi avoir pour fonction de déplacer
des questions, pour qu’elles deviennent centrales dans
un objectif de prévention des organisations du travail
délétères.
Les écrits modestes [8], dans le dossier
médical.
Ecrits modestes, écrits opératoires, écrits
essentiels ? Ils peinent à être nommés précisément,
bien que présents un peu clandestinement dans le dossier
médical, l’accent ayant été mis jusqu’à
une date récente sur les monographies.
Les écrits modestes témoignent de la légitimité
de l’hébergement des matériels de la clinique
médicale du travail au sein du dossier médical.
Ils sont la marque du cheminement pour le clinicien ; en pattes
de mouche, celle « du travailler » du médecin
du travail.
Les écrits modestes rédigés
Les écrits modestes peuvent provenir de traces cliniques
relevées dans le dossier médical. Ce type d’écrit
prend souvent une forme minimale, un style télégraphique,
car la rédaction suit de peu l’échange avec
le salarié. L’écrit peut être repris
à distance, puis abandonné provisoirement.
Ces écrits constituent un matériel clinique. Quand
les notes sont relues, le temps leur donne de l’épaisseur,
les pièces cliniques peuvent trouver à s’emboîter.
Un nouveau travail clinique peut commencer. Le destinataire
est d’abord le salarié.
Ouvrir des droits, donner à comprendre
Certains placent l’écrit du côté des
déterminants comportant des recommandations ou des préconisations.
D’autres attestent que l’écrit ouvre des
droits, avec une rédaction très pesée,
pouvant n’intervenir qu’après plusieurs consultations,
jamais à chaud, et soumise à son accord et entendement.
L’écrit pourrait être jugé sur sa
capacité à faire avancer le travail d’élaboration
individuelle, du fait de son projet direct ou de ses retombées.
Dispute professionnelle 6 : Quelles règles de métier pour instruire le lien santé-travail ? Quel type d’écrit déployer pour le rendre visible ?
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La monographie acte d’un tournant dans les pratiques professionnelles avec le passage de « l’observation », à l’entretien de clinique médicale du travail dont la monographie écrite est la trace. La monographie, écriture travaillée, est le lieu d’hébergement d’une élaboration clinique rétrospective, qui ne trouvait pas sa place dans le dossier médical du salarié souvent très pauvrement alimenté. Le travail de rédaction est achevé avant d’être présenté. Quand c’est compliqué, il peut être utile de passer par l’écriture pour comprendre.
A partir de ce qu’il a entendu et questionné/objecté, le clinicien :
- note à la volée quelques éléments dans le dossier médical.
- tente de les reprendre à tête reposée en essayant de comprendre ce qu’il a entendu
- puis à partir de ses notes, rédige la trame d’un récit dans lequel il raconte une histoire, avec les éléments de sa réflexion clinique.
La monographie forme une histoire clinique, récit dans
laquelle apparaît un salarié, son travail, avec
ses risques, les aléas de son parcours et de son histoire
professionnelle, son « travailler » avec ses affects
et ses émotions, la relation avec ses collègues
et la hiérarchie, la direction, et également,
le travail du médecin du travail.
Dans une monographie, il est important de retrouver ce que dit
le salarié, sans parler à sa place, et de distinguer
le propos de son interprétation.
Le passage à l’écriture a pour objet de
tenter de comprendre ce qui a été mis en scène
dans un récit recueilli et explorer ce qui s’y
joue au niveau de la santé. Les hypothèses formulées
suite à sa présentation ne sont pas figées,
peuvent évoluer, peuvent être revisitées,
en fonction de l’expérience apportée par
d’autres cas. Chaque monographie est vivante et ouvre
à d’autres possibles.
Les monographies s’adressent à la communauté
des professionnels : en arrière fond, ils tendent à
faire avancer une réflexion en donnant matière
à dispute professionnelle.
La monographie de clinique médicale du travail peut en
rester :
- au niveau d’un travail individuel, par exemple une tentative d’écriture à partir d’éléments du dossier médical, pour chercher tout seul à y voir plus clair,
- ou collectif, présentation devant un petit groupe de pairs devant lequel l’histoire est présentée afin de recueillir son avis et son aide;
- ou encore d’essai de contribution à éclairer par la clinique des éléments apportés par la recherche épidémiologique.
En dehors de la reconnaissance en Accident du travail, aujourd’hui
les psychopathologies du travail ne peuvent être reconnues
en maladie professionnelle qu’après instruction
par un CRRMP. Dans le cadre de la procédure d’instruction
de cette maladie professionnelle hors tableau, l’avis
du médecin du travail doit être recueilli.
Les médecins du travail peuvent apporter leur «
pierre » à la reconnaissance de cette pathologie
professionnelle avec les traces de leurs interventions en CHSCT,
ou leurs écrits spécifiques illustrant leur veille
médicale ou leurs écrits éventuels d’alerte
médicale pour le collectif de travail auquel appartient
le salarié concerné. Ils peuvent aussi croiser
ces données avec des éléments pertinents
de leur fiche d’entreprise qui illustrerait la situation
particulière de ce salarié.
Des médecins du travail utilisent la forme de la monographie
comme « écrit médical spécifique
» pour relater l’histoire médicale du lien
santé-travail de ce salarié. Ce dernier est en
effet inséré dans un collectif de travail auprès
duquel le médecin du travail est le seul à avoir
accès à la diversité des histoires médicales
individuelles de ses membres, éclairées par le
travail.
La force démonstrative pour instruire le lien santé-travail
par la clinique médicale du travail, des monographies
du médecin du travail, en sont :
- l’éclairage aujourd’hui de cette situation individuelle à la lumière de la santé au travail du collectif de travail concerné ;
- mais aussi la temporalité, la diachronie de l’histoire individuelle et collective de la santé au travail dans laquelle est insérée ce salarié.
Un exemple de courrier médical au médecin conseil.
« Dossier MP demande de saisine du CRRMP :
Mr C., N°SS :
Informations complémentaires
Monsieur le Médecin-Conseil
Cher confrère,
J’ai établi un certificat médical concernant
Monsieur C., décédé d’un cancer du
larynx à l’âge de 66 ans, liée à
son passé professionnel l’exposant essentiellement,
dès l’âge de 15 ans à des poussières
textiles et ce jusqu’à l’âge de 41
ans. De 41 ans à 57 ans, c’est à dire pendant
sa fin de carrière, il a travaillé dans l’entreprise
T, à un poste l’exposant, à un degré
moindre sans doute, à la fois aux poussières textiles
(contiguïté des ateliers) et aux poussières
de bois (assemblage de pièces de bois dans un atelier
contigu à une menuiserie). Monsieur S n’a jamais
fumé.
Un de ses collègues de travail, Monsieur P., n°SS
: qui avait eu un itinéraire professionnel similaire,
est décédé à 62 ans d’un cancer
du cavum (ni tabac, ni voyage en Asie du Sud-Est) et a fait
l’objet d’une reconnaissance du caractère
professionnel par le CRRMP en ce début d’année
Trajectoire professionnelle de Mr P: de l’âge de
14 ans à l’âge de 20 ans travail dans des
tissages et tricotage de coton. A partir de 1962, travail dans
l’entreprise T avec :de 1962 à 1965, travail au
garnissage de matelas avec manipulation de matelassure puis
à la finition des sommiers de 1973 à la fin de
sa carrière, travail en finition de sommiers avec manipulation
de feutre constitué de déchets textiles.
Si on compare avec la trajectoire de Mr C, on retrouve des similitudes
Pour Mr C :
- Un an apprenti-miroitier de 14 à 15 ans, avec sans doute une exposition nocive.
- De 1951 à 1979, travail dans des tissages de coton
- Depuis 1979 jusqu’à 1995, travail au montage de caisses de sommiers en bois, poste situé dans le même atelier que le poste de Monsieur P puis dans un atelier contigu, ouvert d’un côté sur l’atelier menuiserie, donc avec des poussières de bois et de l’autre côté sur l’atelier matelas et ses poussières textiles.
Vous trouverez ci-joint une photocopie tirée de l’ouvrage sur les cancers professionnels : poussières textiles et poussières de bois sont évoquées comme étant susceptibles d’intervenir dans les cancers du larynx
Le Médecin du travail
PJ : extrait de l’ouvrage « Les cancers professionnels
» Editions Margaux, Pairon, Brochard, Le Bourgeois, Ruffié
».
Les écrits du médecin du travail sont organisés
et cadrés tant dans leur contenu que dans leur diffusion
par des règles présentes dans le code du travail
et le code de la santé publique, et interprétés
par le conseil de l'ordre des médecins.
Les alertes à l'employeur, dans le cadre de l'art L4624-3,
sont supposées être transmises aux IRP, inspection
du travail, CARSAT, par l'employeur, sur leur demande. La transmission
de ses écrits, par le médecin du travail, aux
IRP ou aux salariés concernés n’est interdite
par aucun texte ni aucune jurisprudence. Le médecin du
travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs,
des représentants du personnel (Art. R. 4623-1 du code
du travail). Comment pourrait-il les conseiller s’il ne
peut pas leur adresser de façon égale les documents
et alertes qui leur sont nécessaires pour comprendre
et agir en matière de santé au travail.
Or il arrive fréquemment que ces écrits du médecin
du travail ne sont pas communiqués par l'employeur aux
DP, CHS-CT, qui sont un des moteurs de l'action en entreprise.
Comment pallier cette carence ?
Pour un gage d'efficacité, leur diffusion à l'ensemble
des partenaires sociaux (DP-CHS-CT- Inspecteur du travail-CARSAT)
est nécessaire. Comment faire ?
Des médecins du travail utilisent des "Trucs et astuces" pour faciliter la diffusion non prévue explicitement par la réglementation de leurs écrits. En effet le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel. L’ensemble de ses interlocuteurs doivent donc en être informés [9].
- Ainsi pour leur fiche d'entreprise, certains médecins y adjoignent en fin de fiche, tous les résultats d'éventuelles métrologies, les courriers et alertes adressés tant à l'employeur, qu'au CHSCT.
- Ainsi il peut être utile pour les courriers adressés à l’employeur, d’adjoindre systématiquement une "note de bas de page" rédigée comme suit :
« Ce document est constitutif de la « Fiche d’Entreprise » et à communiquer à la CARSAT, Inspection du Travail, CHS-CT ou aux délégués du personnel ».
La diffusion du document obéit alors aux règles concernant la fiche d'entreprise.
- Ainsi ils utilisent « la copie d’une analyse collective à un tiers lecteur » comme le secrétaire du CHSCT, un confrère concerné par la problématique analysée, le médecin inspecteur du travail, l’inspecteur du travail, ce qui peut faciliter la prise en compte de l’analyse en évitant ainsi sans rétention.
- Ainsi ils informent spécifiquement le salarié de son droit d’accès à son dossier médical [10]. Sont partie intégrante de ce dossier, les observations cliniques du médecin, les "dires" de ce salarié, ce que le médecin du travail a compris de l'ensemble de ses observations et examens des autres salariés, et le diagnostic explicite qui instruit le lien santé-travail.
Cette facilité règlementaire d’accès ouverte au patient peut grandement faciliter la circulation d’informations médicales.- Ainsi du courrier entre deux médecins qui transite par le salarié sous pli non fermé, lequel peut donc y avoir accès. L'usage personnel que pourrait en faire le salarié, lui appartient.
Le code de la santé publique et les jurisprudences,
prévoient que les médecins ne peuvent se dédouaner
de leurs obligations, sous prétexte d'insuffisance de
moyens.
Dans la plupart des SST, les médecins du travail n'arrivent
plus à faire face aux nombreuses tâches demandées
:
- pour essayer de se tenir à flot, ils abandonnent tous les temps de réflexions sur leur métier, rencontres professionnelles, séances de formation, d'EPP
- la pluridisciplinarité, censées alléger leur tâche en substituant des intervenants en entreprise, non seulement les éloigne du terrain, mais leur consomme du temps nécessaire à la coordination.
On constate que ne nombreux médecins s'isolent et en
croyant se réfugier dans des examens médicaux
ou le "tiers temps", et se noient dans un activisme
forcené
Ils se trouvent confrontés à des injonctions paradoxales
: effectuer une tâche impossible sans en avoir les moyens.
Comment s’en sortent-ils ?
Soit en s'épuisant à la tache c'est alors le burnout.
Soit en négligeant la tâche On fait des consultations
"à la chaine" pour "voir tout son effectif"
mais bien sûr on n'a pas le temps de poser des questions
auxquelles il faudrait répondre. Il vaut mieux ne pas
se poser des questions. Mais c'est alors difficile de s'arranger
avec sa "conscience professionnelle ". Le médecin
n'est pas fier d'avoir travaillé à la chaine,
d'avoir été sourd et aveugle à la souffrance
de certains salariés.
Une porte de sortie est d'alerter les responsables de la fourniture
des moyens d'exercer correctement sa profession soit les dirigeants
du service de santé au travail : Vous trouverez ci-dessous
quelques éléments pour construire un courrier
d'alerte à la direction du service de santé au
travail.
L'objectif est de "prendre acte" de l'insuffisance
de moyen qui empêche le médecin d'exécuter
sa mission et pourrait le placer en responsabilité juridique.
Pour le médecin du travail, le risque juridique est nul
dans la mesure où il est salarié subordonné
dont les moyens d'exercer sa mission sont fournis par les employeurs
dirigeant de SST. La responsabilité reste à ces
dirigeants comme le montre un récent jugement [11]
qui condamne la direction d'un SST, pour n'avoir pas fourni
les RDV aux visites médicales demandées par une
entreprise.
Certaines directions, face à cette situation, tentent
de transférer le risque juridique vers les médecins
du travail eux même en leur proposant :
- le statut de cadre au forfait jour. Ainsi la responsabilité d'exécution de la charge de travail serait transférer au médecin : à lui de trouver le temps de la réaliser,
- de devenir "manager chef de service" avec les responsabilités d'un dirigeant pour la bonne exécution de la tâche, mais avec les « moyens du bord ».
Cette démarche peut paraitre illusoire si son objectif est seulement une protection contre une éventuelle mise en cause juridique. Son objectif est tout autre : Rappeler aux dirigeants des SST leur responsabilité de fournir les moyens nécessaires à l'exercice des missions des médecins du travail, pour la protection de la santé des salariés. Elle sera d'autant plus efficace que sera communiquée à d'autres acteurs tels que les membres de la commission de contrôle ou l'inspection du travail chargée du contrôle du bon fonctionnement des SST.
Exemple de courrier adressé au président du service de santé au travail par chacun des médecins d'un service de santé au travail.
« Monsieur le président
Par ce courrier je vous alerte sur le fait que je ne suis plus
en capacité d'assurer les multiples tâches prévues
par le code du travail.
Les moyens dont je dispose sont insuffisants.
- Moyens humain en secrétariat en temps de secrétariat, en formation insuffisante de secrétaire, en changement de secrétaire qui nécessite des temps d'adaptation/formation
- Mon temps de travail est insuffisant pour effectuer toutes les tâches prévues.
- Le nombre d'entreprises et les effectifs attribués ne me permettent pas de suivre correctement la santé des salariés
- Je ne dispose pas du temps nécessaire pour effectuer les tâches administratives telles Fiche d'entreprise, analyse des comptes rendus de CHS-CT, de mesure en entreprise etc.
- Moyens informatiques déficient du fait d'une formation à l'utilisation insuffisante, d'un programme parfois inadapté, de son absence de flexibilité et de prise en compte de certaines évolutions, d'un temps de saisie incompatible avec mon temps de consultation des salariés. Absence de temps, de formation et de ressources externes pour exploiter les données saisies.
- A ce jour je n'arrive plus à effectuer les visites d'entreprises nécessaires et obligatoires à la réalisation d'étude de postes en vue de reclassement/inaptitude ou pour connaitre les postes de travail et établir le constat de la fiche d'entreprise.
- Le temps dont je dispose pour les "visites médicale" ne me permet plus de répondre au rythme légal de surveillance des salariés (Visites périodiques de reprise, d'embauche etc..). L'espacement des visites médicales ne me permet plus de suivre les évolutions globales de la santé au travail dans les entreprises. Le "colloque singulier" que constitue la consultation médicale est irremplaçable pour appréhender l'état de santé physique et psychique des salariés. Je ne suis donc plus en mesure d'assurer une prévention correcte des atteintes à la santé du fait du travail, fondement de mon métier.
La nouvelle loi du 20 juillet 2011 crée de nouvelles
obligations telles la traçabilité des expositions
que je suis encore moins en mesure de la réaliser
Certes la pluridisciplinarité peut nous apporter des
aides à certaines taches mais elle nécessite des
temps de formation, de coordination, de concertation de certains
intervenants (Infirmières, assistantes Santé Travail
IPRP) et elle ne peut remplacer la connaissance personnelle
et intime des lieux et surtout des personnes présentes
dans les entreprises
Je vous confirme que mon temps de travail ne me permet pas de
remplir les nombreuses taches demandées par le code du
travail ce qui est susceptibles d’engager ma responsabilité
mais aussi la vôtre, puisque votre rôle est de me
fournir les moyens d’exercer mon activité.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser
les suites que vous compterez donner à ce courrier. En
l’absence de solution satisfaisante je serai amené
à en tirer les conséquences ».
Dans quel cadre peut-on les rencontrer ?
Le plus souvent il s’agit de groupes de travail de médecins
qui s’autosaisissent d’une problématique
qui les préoccupe dans leur pratique, ou répondent
à une sollicitation ou à une interpellation du
comité d’entreprise, du CHSCT ou de l’employeur
.
Citons quelques exemples : L’inaptitude, les maladies
professionnelles, la souffrance au travail, la prise en charge
des RPS, le risque amiante, CMR etc.… Ces écrits
nécessitent en préalable l’enquête,
le débat entre pairs. Leurs élaborations s’appuient
sur des constats, des observations tracées dans les dossiers
médicaux, les fiches d’entreprises. Il faut instruire
la controverse, lorsqu’elle existe.
L’écriture peut être rendue difficile par
la recherche d’un consensus parmi les médecins
impliqués dans la surveillance de la population des salariés
concernés. Si cela apparaît impossible, n’y
a –t-il pas lieu de nommer ce qui fait consensus, ce qui
fait débat ? L’existence d’un collectif de
médecins avec des valeurs, des règles de métiers,
communes facilite leur réalisation.
Ces écrits sont spécifiques. Ses auteurs sont
des médecins du travail. Par cet écrit médical
ils engagent leur responsabilité. Ce qui est écrit
pourra leur être opposé de même ce qu’ils
auront omis d’écrire. Son contenu instruit le lien
entre travail et santé. Il comporte un descriptif de
la situation, une analyse du point de vue du médecin
du travail et éventuellement des orientations pour l’action
qui se situent exclusivement du côté de la santé,
ce qui exclue toute approche gestionnaire des risques du travail.
Dans le cadre d’un groupe de travail incluant les partenaires
sociaux (employeur et/ou représentant des salariés)
l’écrit médical doit apparaître de
façon distincte du rapport global afin d’éviter
la confusion et la manipulation éventuelle (publication
en version pdf ).
Ces écrits sont adressés. Ils contribuent à
éclairer les partenaires sociaux sur des risques, des
situations pouvant mettre en jeu la santé des travailleurs.
Ils mettent également l’employeur en responsabilité,
en l’informant de la façon la plus exhaustive possible.
On insistera sur l’importance des écrits cumulés
et répétitifs des médecins du travail devant
l’absence de leurs prises en compte par l’employeur.
Ainsi le jugement du TGI de Lyon [12] est
exemplaire par ses commentaires montrant leurs portées
possibles: « attendu que les médecins du travail,
tant dans leurs rapports 2008, 2009 ou 2010 ont stigmatisé
le bench marking comme un facteur de risques psychosociaux ».
Un autre exemple de ce type d’écrit se rencontre
dans les conclusions collectives de rapports annuels de médecins
de SSTE, comme les rapports médicaux annuels collectifs
des médecins du travail de Bourg en Bresse [13].
A l’observation on constate qu’ils correspondent
alors à des actes de résistance collective face
à des situations professionnelles plus que délétères
et sont aussi destinés à alerter aussi bien dans
l’espace public interne qu’externe : comité
d‘entreprise, CHSCT, DIRRECTE, inspection du travail.
Une équipe pluridisciplinaire est composée de
professionnels spécialistes du champ du travail. Cette
équipe comporte une équipe médicale qui
regroupe les professionnels dont l’exercice relève
du code de la santé publique. Le médecin du travail
est responsable technique de l’équipe médicale,
dans le respect du rôle propre des infirmières.
Il est dans cette équipe le seul à être
responsable personnellement de la « mission réglementaire
» confiée au médecin du travail. Seuls les
membres de cette équipe médicale sont habilités
à intervenir dans le domaine de la santé des personnes.
Eux seuls ont, réglementairement, accès au DMST.
La compréhension de l’activité de travail
du salarié et de ce qui peut faire difficulté
dans celle-ci par la clinique médicale du travail, est
pour l’infirmière comme pour le médecin
du travail, la grille de lecture essentielle pour appréhender
les «traces» du travail sur le corps, dans un objectif
de prévention individuelle et collective. Cela permet
de comprendre les difficultés du « travailler »
et du « travailler ensemble ». La prise en compte
du point de vue exclusif de la santé au travail structure
les coopérations en clinique médicale du travail
pour l’équipe médicale du travail.
L’Entretien Santé Travail Infirmier (ESTI) est
réalisé sous la responsabilité du médecin
et sur sa prescription (article R 4623-14 et R4623-30 du Code
du travail). L’infirmière du travail en informe
donc systématiquement le médecin du travail.
Le décret du 30 janvier 2012 précise que le médecin
du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions.
L’ESTI est mis en œuvre sur la base d’un protocole
élargi de délégation du médecin
du travail concerné. Dans un SST, les fondations d’un
tel protocole auraient intérêt à être
« discutées » par plusieurs collectifs de
« médecins-infirmiers ».
Le cadre écrit des traces des ESTI est borné par
des règles de métier discutées entre IST,
par le protocole de délégation du médecin
du travail et le travail en coopération, selon les recommandations
générales définies par la HAS [14].
Le contenu des entretiens infirmiers peut être tracé
dans le dossier médical du salarié (DMST) si le
médecin du travail en donne délégation.
L’ESTI contribue à la mission de suivi médical
individuel et collectif, de veille et d’alerte du médecin
du travail. C’est au médecin du travail, réglementairement
protégé par le cadre de sa mission, d’en
faire bénéficier l’exercice de l’infirmière
du travail.
L’ESTI n’est pas une activité de substitution
du médecin vers l’infirmier, mais un enrichissement
de pratiques médicales reposant sur la coopération
de deux métiers, à droits et devoirs spécifiques
différents, réglementairement définis.
Il s’appuie sur une approche clinique du salarié
dans son travail et de sa parole, qui confère la capacité
à organiser et à mettre en lien les déclarations
de la personne avec les situations de travail et les rapports
sociaux de travail.
L’ESTI investigue le travail et la santé dans le
but de faire un lien Santé-Travail et aboutit à
l’élaboration d’une contribution de l’infirmier
dans ce projet. Il s’agit pour l’IST d’un
travail de compréhension et d’analyse du travail
du point de vue de ce qui compte pour le salarié, de
ce qui fait difficulté ainsi que des retentissements
sur lui.
L’équipe médicale du travail a pour projet
de rendre visible les risques et leurs effets dans l’espace
de prévention de l’entreprise pour leur prise en
compte par les différents acteurs. Le médecin
et l’infirmier du travail y tiendront un point de vue
humaniste, compréhensif, clinique et exclusif de la santé
au travail des salariés.
L’Infirmier en Santé-Travail (IST) contribue au
recueil de données cliniques et épidémiologiques,
assure un traçage des risques professionnels et participe
par ce travail à la veille et l’alerte médicale
permettant au médecin du travail de déployer des
actions de prévention collective.
Les apports du recueil de données de facteurs de risque
ou d’étude spécifique que le médecin
du travail pourra confier à l’infirmière
du travail, pourront nourrir sa « fiche d’entreprise
» ou son « rapport annuel d’activité
». Dans ces documents, rien ne fait obstacle à
ce que soit citée explicitement la contribution d’une
infirmière du travail. Toutefois il est essentiel que
le médecin du travail signe tout document auquel aurait
contribué l’infirmière du travail et qui
engagerait la « mission réglementaire » du
médecin du travail. Il s’agit en la matière
d’inscrire le travail de l’équipe médicale
relevant du code de la santé publique, à la fois
dans un cadre de droit protecteur pour l’infirmière
du travail, mais aussi dans un cadre qui puisse permettre l’exercice
de « plein droit » de la mission du médecin
du travail auprès de chaque salarié, de l’employeur
et de représentants des travailleurs. Un écrit
d’une infirmière du travail hors de ce contexte,
manque de tout support réglementaire et par conséquent
est risqué pour cette dernière, et n’ouvre
à aucun cadre de prise en compte réglementaire
pour l’employeur ou la représentation sociale.
Les ESTI donnent lieu à des « staffs » périodiques
qui ont pour fonction de faire le point sur les problèmes
rencontrés au cours des entretiens (plaintes, souffrances.).
Ils consolident les coopérations professionnelles.
La mise en place des ESTI demande l’élaboration
de nouvelles modalités de travail et de coopération
entre médecin et infirmières dans le cadre d’une
organisation orientée vers la continuité du suivi
de santé des salariés.
Le travail en coopération médecin-infirmière
relève d’une construction d’une indispensable
confiance réciproque. La coopération repose sur
la possibilité de cette confiance assise sur des valeurs
et règles professionnelles partagées qui font
sens en prévention de la santé au travail. Pour
construire la confiance, le médecin du travail doit donner
à voir à l’infirmière avec qui il
coopère, ses règles professionnelles clinique
et d’intervention.
Cette coopération d’appui de l’infirmière
au médecin du travail, est subordonnée à
une compréhension partagée des règles et
obligations réglementaires du métier de médecin
du travail. Il y a une difficulté professionnelle éventuelle
pour une infirmière, à travailler avec deux médecins
du travail si elle doit alterner ses coopérations entre
deux systèmes de règles professionnelles et normes,
portés par chaque médecin.
Le cadre réglementaire de l’intervention de l’infirmière
du travail, gagne à être précisé
du point de vue de son métier par des délibérations
entre pairs, pour le spécifier en médecine du
travail.
Ces coopérations permettent aux IST de développer
des savoir- faire spécifiques mais nécessitent
une formation spécifique et une réflexion entre
pairs sur les pratiques professionnelles d’une clinique
infirmière en médecine du travail construisant
des règles de métier partagées et s’articulant
harmonieusement avec l’activité des médecins
du travail.
Dispute professionnelle 7 : Quelle écriture de l’infirmière du travail au DMST ?
|
Les membres de l’équipe pluridisciplinaire ne
relevant pas du code de la santé publique ne peuvent
accéder ni écrire au DMST. Ils disposent donc
de leurs dossiers propres.
Les écrits se nourrissant de La clinique du travail sont
probablement parmi les documents les plus importants élaborés
par des membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Tout document remis es-qualité au médecin du travail
et éclairant potentiellement le lien santé travail
d’un salarié, peut, de la décision du médecin
du travail responsable du DMST, rejoindre le dossier médical
placé sous sa responsabilité.
Cela peut concerner ainsi le compte-rendu d’entretien
individuel d’un psychologue en SST. Mais dans ce cadre
il n’y a pas d’obligation réglementaire.
Cela peut concerner aussi des éléments d’un
rapport d’intervention collective du psychologue en SST,
qui pourrait spécifiquement éclairer le contexte
délétère de la situation du salarié.
Ainsi pour argumenter une alerte médicale collective,
le médecin du travail peut s’appuyer sur ses dossiers
médicaux (DMST) où il a noté spécifiquement
sa compréhension des difficultés de santé
au travail du salarié. Mais ce DMST peut avoir aussi
collationné un compte rendu d’un entretien individuel
d’un Psychologue en SST prescrit par le médecin
du travail, ou un écrit à visée collective
d’un psychologue en SST, concernant le collectif de travail
de ce salarié.
Des écrits du psychologue en SST peuvent rejoindre ainsi
dans le DMST, mais avec un statut différent, les «
écrits au dossier qui font trace » du médecin
du travail et ses écrits plus élaborés,
écrits opératoires ou monographies, certificats
de suivi médical ou de MP, ou extraits opératoires
pertinents de la fiche d’entreprise impactant spécifiquement
ce salarié.
L’IPRP est membre de l’équipe pluridisciplinaire
mais ne relève pas du code de la santé publique.
De ce fait il n’a pas accès aux éléments
couvert par l’article L1110-4 de ce code. Toutefois, hors
des missions de gestion de la santé et de la sécurité
pour un employeur, il peut intervenir dans le respect de son
indépendance technique, à la demande du médecin
du travail qui en prescrit la mission et coordonne l’équipe
pluridisciplinaire sur son secteur.
Il y a des conceptions différentes, des valeurs différentes
pour des métiers différents. Comment travaille
t'on ensemble quand il y a des désaccords ? Comment s'en
débrouille-t-on ? Fait-on refaire son écrit à
l'IPRP en cas de désaccord important ? Utilisons-nous
alors ou pas ses écrits ?
Les écrits qui en résulteraient s’ils sont
signés par les IPRP, devraient pouvoir n’être
diffusés qu’avec l’accord du médecin
du travail. Ou bien ce dernier devrait pouvoir y annexer un
commentaire engageant sa responsabilité réglementaire.
L’animation de l’équipe pluridisciplinaire
du médecin du travail pour son secteur médical,
implique donc qu’il puisse se coordonner autour d’un
projet commun avec l’IPRP en amont d’une étude
ou intervention, dans le cadre d’une véritable
collaboration professionnelle. En l’état en effet,
seul le médecin du travail dispose d’une mission
réglementaire indépendante de la contrainte économique
de gestion des risques de l’employeur. Dans ce cadre,
l’écrit spécifique du médecin du
travail qui engage sa responsabilité réglementaire
qu’est la fiche d’entreprise, a tout à gagner
à s’enrichir des « apports coordonnés
» des IPRP.
Les écrits d’IPRP en conseil à la gestion
des risques d’un employeur spécifique, ne sont
pas concernés par le présent commentaire, puisque
d’une autre nature que celle de la mission du médecin
du travail qui ne doit agir que dans le cadre de sa mission
d’ordre public social concernant l’intérêt
exclusif de la santé des salariés.
Dispute professionnelle 8 : Quelle coordination avec un IPRP, dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés ?
|
[8] Désignés ainsi depuis décembre 2013, lors d'une séance du congrès de l'association SMT (Santé et Médecine du Travail).
[9]Article L4624-3
I.- Lorsque le médecin du travail constate la présence
d'un risque pour la santé des travailleurs, il propose
par un écrit motivé et circonstancié des
mesures visant à la préserver. L'employeur prend
en considération ces propositions et, en cas de refus,
fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent
à ce qu'il y soit donné suite.
II.- Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur
d'une question relevant des missions qui lui sont dévolues
en application de l'article L. 4622-3, il fait connaître
ses préconisations par écrit.
III.- Les propositions et les préconisations du médecin
du travail et la réponse de l'employeur, prévues
aux I et II du présent article, sont tenues, à
leur demande, à la disposition du comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail ou, à
défaut, des délégués du personnel,
de l'inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin
inspecteur du travail ou des agents des services de prévention
des organismes de sécurité sociale et des organismes
mentionnés à l'article L. 4643-1.
[10] Le Décret
N°2002 637 du 30 avril 2002, relatif à la transmission
du dossier médical stipule que tout malade ou ses ayants-droits
peut demander la transmission du dossier médical à
un médecin choisi par lui
- loi « Kouchner » du 4 mars 2002.
[11] Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 19 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-25056
[12] Tribunal de grande instance de Lyon, 4 septembre 2012, RG n° 11/05300 (un système d’évaluation permanente des salariés par rapport aux performances des autres présente un risque pour la santé des travailleurs)
[13] http://collectif-medecins-bourg-en-bresse.over-blog.com/categorie-11240901.html
[14] Synthèse des recommandations professionnelles de l’HAS concernant le dossier médical en santé au travail (DMST). Janvier 2009) :« le DMST est tenu par le médecin du travail. Il peut être alimenté et consulté par les personnels infirmiers du travail, collaborateurs du médecin du travail, sous la responsabilité et avec l’accord du médecin du travail, dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur mission. »
Alain Carré, Dominique Huez, Odile Riquet, Alain Grossetête, Annie Deveaux, Alain Randon, Benoit de Labrusse, Mireille Chevallier, Huguette Martinez, Bernadette Berneron, Gérard Lucas
6° Colloque de E-Pairs et ass.SMT du 20 juin 2014,
Ce
document « Repères pour les pratiques professionnelles
» a été élaboré par l’association
Santé et Médecine du Travail et l’association
E-Pairs au long du premier semestre 2014, à partir de
controverses professionnelles dans nos associations, de disputes
professionnelles entre pairs thésaurisées par
E-Pairs.
Ce
document offre un support pour poursuivre le travail d’élaboration
de règles professionnelles entre pairs dont le colloque
du 20 juin 2014 est un point d’étape important
pour développer une médecine du travail dans l’intérêt
exclusif de la santé des salariés. Le cadre règlementaire
de la médecine du travail exercée dans les SST
définit une mission professionnelle assise sur la déontologie
médicale. Nous devons y adosser des règles professionnelles
entre pairs pour y déployer les écrits médicaux
en médecine du travail.
Ce
document place au centre de la pratique clinique du médecin
du travail l’instruction du lien Santé –
Travail.
Lorsqu'il
s'agit de saisir la temporalité des situations et leur
complexité qui empêche une causalité simple,
la mise en visibilité du lien santé travail repose
d'une part sur la parole et le dialogue médecin du travail
- salarié et d'autre part sur « l’Ecrit médical
» dans la pluralité de ses formes. Il rassemble
des éléments facilitant l’écriture
dans le dossier médical (DMST) afin d’accompagner
le salarié, de tracer médicalement les liens entre
sa santé et son travail, d’identifier les risques
délétères, et de signaler le risque professionnel
à la communauté de travail afin de permettre aux
salariés de développer, conserver ou recouvrer
leur pouvoir d’agir afin que le travail soit un opérateur
de santé.
Pour accéder aux réponses et "disputes" sur ce theme suivez ce lien
- Association SMT, coll, (1998), Des médecins du travail prennent la parole, un métier en débat, Editions Syros, 400 pages, coord. D Huez, F Bardot, A Carré, O Riquet, N Sandret
- Bardot F., Huez. D. (2003), Clinique médicale du travail et souffrance au travail, les dépressions réactionnelles professionnelles ; Travail et Emploi n 96
- Carré C., Huez D, octobre 2013, « Les écrits du médecin du travail », Cahier SMT N° 27, p 65 à 70
- Davezies P, Deveaux A., Torres. C, (2006) Repères pour une clinique médicale du travail Archives des maladies professionnelles et de l’environnement. vol 67 :119-125
- Dejours C (2008)- Travail, usure mentale, essai de psychopathologie du travail. Editions Bayard.
- Huez D. (2003) Ethique, Clinique du travail et témoignage, Construire nos règles professionnelles en médecine du travail, Communication à la Société de Médecine du Travail et d’ergonomie de Franche-Comté, Besançon
- Huez D, Riquet O, (2008), Savoir-faire clinique et action en médecine du travail. Archives des Maladies Professionnelles, 30 ème journées de Santé et Médecine du travail de TOURS, juin 2008, pp 373-379
- Loubet-Deveaux A. Bardot F. (2003) Une nouvelle pratique : la clinique médicale du travail Travailler 2003/2, Editions Martin-média
- Molinier P. (2008) Les enjeux psychiques du travail. Ed. Payot
- Valeyre A., (2007), « Les conditions de travail des salariés dans l’Union européenne à quinze selon les formes d’organisation », Travail et Emploi, n° 112
- Cahier SMT n°15/2000 Rendre visible les expositions, témoigner des risques, P Abécassis, Bardot, A Carré, D Huez, F Leroux, C Schucht, G Seitz
- Cahier SMT n°18/2003 Clinique Médicale du Travail : Éthique et Pluridisciplinarité. G Lucas, A Deveaux, F Thébaud, D Huez, A Carré,
- Cahier SMT n° 19/2004 La clinique médicale au cœur de la consultation de médecine du travail. J Machefer, D Parent, A Deveaux, V Arnaudo, D Huez, F Bardot, P Davezies, I Lagny, D Teysseyre, O Riquet, Ch Bertin
- Cahier SMT n° 20/2005 Somatisation, les Mots du travail. F Bardot, C Bertin, A Carré, J Crémon, J Machefer, I Lagny, A Loubet-Deveaux, D Parent, D Ramaut, N Sandret, F Thébaud,
- Cahier SMT n° 21/2006 Clinique médicale du travail. V Arnaudo, B Berneron, G Lucas, F Bardot, J Machefer, A Deveaux,
- Cahier SMT n° 22/2007 Pratiques professionnelles cliniques pour agir. V Arnaudo, F Bardot, D Huez, Ch Bertin, O Riquet, D Parent, O Riquet, N Sandret, A Deveaux, F Jégou, J Crémon, JM Eber
- Cahier SMT n° 23/2009 Les consultations cliniques en médecine du travail. N Sandret, D Huez, F Thébaud, B Berneron, A Deveaux, A Grossetête, B de Labrusse, V Arnaudo, O Riquet
- Cahier SMT n° 26/2012 Clinique médicale du travail. A Deveaux, D Huez, K Djémil, M Besnard, N Sandret,
- Cahier SMT n° 27/2013 Clinique médicale du travail, Ecrits du médecins du travail, actes du colloque avec E-Pairs du 14 juin 2013, A Carré, N Sandret, H Martinez, A Deveaux, A Grossetête, O Riquet, D Huez, F Jégou, G Lucas, Th Buret
- http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/site/Rapport-College-SRPST.pdf : 11 avril 2011 : rapport final du collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psycho-sociaux au travail
- http://taurus.unine.ch/icd10 : aide à la classification avec la CIM 10
- http://cercle-d-excellence-psy.org/OLD/Classif_internationales.html: Les classifications internationales : la CIM-10 et le DSM4R (janvier 2008)
- http://www.ordrepsy.qc.ca/pdf/Psy_Qc_Nov2013_ChroniquePP_Le_DSM_5_et_levaluation_des_troubles_mentaux.pdf : Pierre DESJARDINS, novembre 2013, psychologie Québec, Pratique Professionnelle : « le DSM-5 et l’évaluation des troubles mentaux », volume 30, N° 6
- http://www.inrs.fr: Les maladies professionnelles : guide d'accès aux tableaux du régime général et du régime agricole de la Sécurité sociale
- http://www.conseil-national.medecin.fr: code de déontologie médicale, édition novembre 2012
- http://www.a-smt.org/cahiers/cahiers/cahiers.htm; Site des Cahiers SMT
- http://www.e-pairs.org/colloque2013/2013-06-14/0-clinique-medicale.html - Actes du Colloque E-Pairs – ass.SMT du 14 juin 2013
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