Les actes du colloque
du vendredi 20 juin 2014
|
6eme
Colloque E-Pairs-Association SMT
« Les écrits
des médecins du travailet les liens santé travail»
|
DISPUTES PROFESSIONNELLES
|
L’objet des « disputes professionnelles
» est de permettre l’ouverture à discussion
sur les pratiques professionnelles en médecine
du travail. Ce n’est pas la recherche d'une conduite
à tenir ou d'un consensus. |
Premiere
Partie
|
1-LE
DOSSIER MÉDICAL DE MÉDECINE DU TRAVAIL
Dispute
professionnelle 1 :
Que
peut-on écrire au dossier médical pour accompagner,
comprendre avec le salarié, tracer médicalement,
construire le métier ?
- Que prioriser ? En
fonction de quoi ?
- Le travail et le «
travailler » s’écrivent-ils ? Toutes
les informations sur la santé doivent-elles être
écrites ?
- Ecrire le diagnostic
« en construction » sur le lien santé-travail
? Ecrire nos incompréhensions ?
- Ecrire toutes nos préconisations
individuelles ?
- Y inclure des éléments
d’analyse collective de la situation du collectif
de travail du salarié ?
- Si ce dossier peut
être lu, qu’est-ce une écriture respectueuse
du salarié ?
Lisons-nous parfois le dossier au salarié ?
Pourrait-il le lire lui-même devant nous ?
Comment le médecin du travail pourrait-il transcrire
dans le dossier ce que sa lecture par le salarié
lui donne à penser ?
|
Q :
qu’est-ce qu’on écrit, qu’est-ce qu’on
peut écrire ? Le salarié doit-il avoir accès
à toutes nos réflexions ? Qu’est-ce qu’une
écriture respectueuse du salarié ? Que mettre
qui soit compatible avec l’accès du salarié
à son dossier pour qu’on puisse le lire ? Tout
ne peut pas être écrit.
R : préciser ce que vous voulez dire ? Quelles réflexions
auxquelles le salarié ne pourrait pas accéder
: votre réflexion ou le cheminement ?
Q : il ne peut pas y avoir de transparence totale, notamment
pour tout ce qui est de l’ordre psychiatrique. J’ai
un exemple récent de ce qui me gênerait de mettre
dans le dossier. J’ai une salariée avec une pathologie
psychiatrique à qui j’ai proposé un poste
avec son accord et l’accord de la direction. Je reçois
2 jours après un mail de la direction m’informant
du refus de la salariée à occuper ce poste. La
salariée me dit qu’elle ne veut plus y aller car
elle va s’ennuyer. Ce qui me gêne c’est de
mettre quelque chose dans le dossier qui pourrait être
négatif pour la salariée. On lui a proposé
un poste parfaitement adapté à sa santé
et elle n’en veut plus, elle sort en pleurs de mon bureau.
J’ai l’impression qu’elle me manipule. Je
veux bien tout noter dans le dossier mais ce qui me gêne
c’est que toute ma réflexion soit transmise et
que tout soit consigné dans son dossier, surtout si elle
demande copie de son dossier : il y aura peut-être contestation.
R : s’il y a une contestation de votre aptitude, la première
chose que regardera le médecin inspecteur c’est
le dossier médical. On pourrait vous accuser de ne pas
avoir motivé votre avis. N'est-ce pas une raison pour
justement tracer votre interrogation, votre incompréhension
?
Q : j’ai peur que si c’est noté, cela accentue
son mal être en lisant cela dans son dossier médical.
R : pourquoi ne pas inscrire vos interrogations : en quoi cela
nuirait-il que vous écriviez que vous n’avez pas
compris ?
Q : lors d’un travail dans notre Service de Santé
au Travail avec des avocats, les conseils donnés, c’était
que si on avait le sentiment d’être manipulé
ou le sentiment que quelque chose nous échappe, de le
noter sur un post-it et de noter également sur un post-it
nos réflexions subjectives et personnelles. Moi je ne
les note pas dans le dossier.
Q : je vous remercie vraiment pour ce débat mais je ne
suis pas tout à fait d’accord avec ce qui a été
dit : on est sensé retranscrire nos observations, ce
qui est dit, ce qu’on entend et ce qu’on comprend
: c’est notre travail de retranscrire tout çà.
Mais transcrire nos cogitations, je ne sais pas. Par exemple,
il arrive quelquefois qu’il y ait des données très
personnelles y compris des abus sexuels qui nous sont confiées.
Doit-on vraiment consigner cela dans le dossier médical
?
R : ce qui nous est confié n’est pas fortuit, ce
sont des éléments cliniques y compris les abus
sexuels : on ne peut pas couper les gens en rondelles. Il faut
noter ce que le salarié nous confie, car j’ai l’exemple
d’une salariée qui avait des problèmes avec
son employeur et a demandé copie de son dossier médical.
Le médecin avait enlevé la feuille où étaient
notés les problèmes qu’elle lui avait confiés
et elle n’était pas contente que cela ne soit pas
dans son dossier. Les confidences sont des éléments
cliniques. La sortie en pleurs aussi.
R : on entend des inquiétudes sur la manipulation
: on a çà à l’esprit sans être
parano. Je pense à la salariée qui refuse le poste
et qui sort en pleurs : cela ne peut pas choquer la salariée
si c’est retransmis dans son dossier.
Q : j’ai un autre exemple, il s’agit d’une
étude de notaire dont les salariées sont très
diplômées (bac + 5). Ce sont des juristes qui connaissent
bien le droit du travail. Je vois 4 visites de pré reprise
lors d’arrêt de travail pour souffrance morale :
la question que je me pose : est ce qu’elles souffrent
autant qu’elles le disent ? Elles rapportent que le N+1
est parano, et le N+2 pervers qui enregistrerait les conversations
téléphoniques. Je ne peux pas écrire ces
affirmations dans le dossier.
R : moi, je n’essaye jamais de me poser la question de
la manipulation. Je fais une conclusion dans le dossier après
chaque consultation pour qu’en cas de contestation, le
médecin inspecteur ait accès à ces conclusions
pour comprendre comment j’ai instruit mon dossier.
R : j’ai reçu un agent que je ne connaissais pas
sur un secteur que je ne connaissais pas. Pour moi, c’est
important de tout noter car quand le confrère va le revoir,
il aura des informations complètes. Je ne suis pas parfaite
mais je veux que mon dossier puisse servir au suivi et à
la transmission au confrère : c’est pour ça
que cela ne peut pas être mis sur un post-it.
R : il faut essayer de retranscrire dans le dossier tout ce
qui est dans l’intérêt du salarié
que le médecin du travail a compris.
R : quand on écrit dans un dossier : on doit avoir une
écriture respectueuse. On ne peut pas être dans
le jugement de valeur, sinon on ne peut pas parler de pratique
médicale qui doit être fondée sur l’intérêt
exclusif de la santé de nos patients. Je ne pense pas
avoir rencontré de salarié avec un projet manipulatoire
pour ma pratique, même s’il y a des choses que je
ne comprends pas dans sa pratique professionnelle. Jusqu’à
preuve du contraire, les actes des travailleurs ont un sens
du côté du travail qu’il nous faut instruire.
Il faut tout noter sans jugement de valeur. La personne doit
pouvoir lire ce que l’on a écrit. Pour la question
de l’intime : ce qui doit y avoir dans le dossier, c’est
ce qui peut étayer les liens santé travail. Pas
de diagnostic médical concernant les collègues
et la hiérarchie : quand on pense qu’on pourrait
écrire cela, il y a un problème. Il peut y avoir
des décompensations paranoïdes comme système
de défense : il faut essayer de comprendre ce qui se
passe avec la grille de lecture du travail. Il faut savoir écrire
ses doutes comme «je ne comprends pas. »
L’élément central : on n’écrit
que du côté du travail et sur ce que l’on
ne comprend pas. Quand on pense être manipulé c’est
que l’on est en difficultés professionnelles et
que l’on ne comprend pas tout.
Q : moi quand ce sont des problèmes personnels, je demande
au salarié si on l’écrit dans le dossier
; de même dans une situation difficile je prends des notes
et je demande au salarié en lui relisant ce que j’ai
écrit si cela retrace bien ce qu’il a dit.
2-LA
TRAÇABILITÉ DES RISQUES PROFESSIONNELS DU TRAVAILLEUR
Dispute
professionnelle 2 :
Comment
identifier les risques délétères
comme médecin du travail clinicien du travail ?
-
Quelle
spécificité de l’identification
des risques du médecin du travail face à
l’évaluation des risques des employeurs
?
-
Quel
constat des effets des expositions par le médecin
du travail ?
-
Comment
Identifier les risques du « seul point de vue
» du médecin du travail ? Quelle spécificité
pour la prévention primaire en médecine
du travail ?
-
Quelles
modalités d’écriture pour l’identification
médicale des risques ?
|
Q : si l’employeur ne met pas SMR, qui a
la priorité : l’employeur ou le médecin
du travail ?
Q : c’est difficile quand rien n’est indiqué
dans un dossier et quand il y a une grande mobilité professionnelle
par exemple un salarié de 50 ans qui vient d’un
autre département et en récupérant ses
8 ou 9 dossiers, je ne trouve aucune information sur le travail
et les expositions professionnelles. Ce n’est pas facile
de demander au salarié chaque bout de poste qu’il
a occupé et de retracer son curriculum laboris.
R : c’est plutôt une difficulté technique.
R : pour moi, il y a l’évaluation des risques par
l’employeur qui doit déclarer les risques au SST
pour informer le médecin du travail. Dans le code du
travail, l’employeur déclare les expositions et
si désaccord avec le médecin du travail, c’est
l’inspecteur du travail qui tranche.
R : en droit, il y a une distinction très nette entre
les obligations des employeurs et celles du médecin du
travail. L’employeur est comptable des expositions auxquelles
il soumet le salarié. Nous sommes comptables de la totalité
du repérage des expositions du salarié pendant
toute sa vie professionnelle.
Q : j’ai un salarié d’une entreprise de transport
en commun qui souffrait d’une intoxication au CO liée
à une fuite des gaz d’échappement dans la
cabine. Il n’y a pas eu de prise en compte de cette affection
déclarée ensuite en MCP et notée dans le
dossier.
Q : je suis confrontée à une population féminine,
de jeunes ingénieures en âge de procréer
effectuant des prélèvements sur des sites pollués
et on ne sait pas en amont à quels risques elles vont
être confrontées. L’employeur fournit les
fiches d’exposition : comment être sûre de
la justesse des informations données par l’employeur
? Comment savoir si le bilan que je prescris est complet ?
Q : la méconnaissance des conditions du travail et des
risques professionnels peut poser des problèmes éthiques
et moraux : j’ai surveillé une fonderie pendant
28 ans. J’avais la liste des produits chimiques, les salariés
étaient surveillés pour les poussières
de fer et de silice mais je n’avais pas de notion d’exposition
à l’amiante. Il m’a fallu 8 ans pour comprendre
qu’il y avait de l’amiante dans les fours de fonderie,
et je me suis sentie coupable. A partir du moment où
j’ai eu cette notion, je m’en suis occupée
mais avant je n’avais pas notion. Le problème c’est
que nous ne connaissons pas toutes les expositions des salariées
malgré la présence d’infirmières
qui font un gros travail de recherches des risques. Et actuellement
nous suivons une multiplicité d’entreprises et
nous n’avons pas les moyens d’aller sur les lieux
de travail. S’il y a des recours en justice, que ferons-nous
?
Q : je surveille une grande entreprise de plasturgie : j’ai
mentionné dans mon rapport annuel l’exposition
aux risques de vibration des caristes pour lesquels l’employeur
n’avait pas noté ce facteur de pénibilité
au prétexte qu’il n’étaient pas exposés
pendant tout leur temps de travail.
Q : on ne peut pas faire l'impasse sur l’évaluation
à postériori des expositions. Pour moi, dès
que je vois un salarié à l’embauche, je
recherche les expositions passées. Un électricien,
c’est toujours une exposition à l’amiante.
On doit se servir des matrices emploi exposition. Puis on met
en place la prévention primaire pour les expositions
nouvelles. Pour moi, il faut qu’il y ait l’essentiel
: le curriculum laboris représente une partie importante
de ma consultation. A nous de mettre en place des mesures de
prévention, des documentations disponibles, de faire
des écrits : c’est une obligation, on ne peut pas
se contenter de dire que c’est difficile.
Q : le vrai problème dans les dossiers, ce sont les salariés
qui «vadrouillent ». Il y a aussi des problèmes
avec les dossiers car il y a des pertes d’information
quand on passe du dossier papier au dossier informatisé.
J’essaie de ruser et je fais appel à intelligence
et à la mémoire des salariés : ils savent
beaucoup plus de choses qu’on ne pense et peuvent permettre
de retrouver des expositions anciennes. Le problème,
c’est le manque de temps. Quand je revois les gens, je
ne tiens pas forcément compte de ce qu’il y a dans
le dossier. Je demande au salarié, y compris pour un
même poste, dans quelle entreprise cela a été
le plus dur ? Car pour un même métier pour lequel
la fiche d’exposition sera identique, le vécu du
salarié pourra être différent. Comme on
ne peut pas tout savoir, on va valoriser l’histoire du
salarié. Les listes des entreprises ne sont pas utiles,
le réel du travail passe par la déclaration du
salarié.
Q : j’ai une interrogation car à Paris nous avons
beaucoup de consultants qui vont à l’étranger
en mission dans différentes entreprises et pour lesquelles
nous n’avons aucune notion des expositions y compris aux
produits à risque CMR. On signe des fiches sans avoir
pu faire l’étude des postes. On essaie de travailler
avec l’ingénieur de sécurité.
Q : je suis gêné sur le plan éthique, par
les nouvelles fiches d’aptitude où l’on doit
noter la date de l’étude de poste et de la réalisation
de la fiche d’entreprise : c’est impossible, nous
n’avons pas tous ces éléments pour chacune
de nos entreprises.
3-LE DIAGNOSTIC
DES EFFETS DES RISQUES PROFESSIONNELS SUR LA SANTÉ DU
TRAVAILLEUR
Dispute
professionnelle 3 :
Comment
écrire le diagnostic du lien Santé –
Travail ?
- Comment
un praticien en médecine du travail peut-il «
coucher par écrit » son diagnostic du lien
Santé - Travail A quel moment ?
- Les
modalités « opératoires »
d’écriture procèdent-elles de la
situation concrète du salarié, ou sont-elles
dictées par les formes juridiques des certificats
d’expert ?
- Quelle
différence entre une instruction médicale
clinique en compétence et un document de preuve
juridique au sens d’une expertise contradictoire
?
- Peut-on
écrire dans un certificat médical de façon
« opératoire », un diagnostic étiologique
sur le lien santé-travail dans l’intérêt
du salarié ? Quelles limites de l’écriture
? Quel intérêt du cadre « certificat
médical de MP » face aux injonctions «
obsolètes » de certaines préconisations
ordinales ?
|
Q : quel type de certificat de maladie professionnelle
faire pour une psychopathologie du travail ? Si on lit intégralement
le texte du CNOM de 2006, il y a une contradiction interne et
il n’y a pas, semble-t-il, d’accord dans la communauté
sur la stratégie à utiliser, même s’il
n’y a pas de doute sur la nécessité de faire
un certificat. Mais comment procéder pour faire un certificat
ou attester du lien santé-travail dans ces cas-là
?
R : je ne pense pas que du bien des recommandations de l’ordre
à ce sujet car je suis une deuxième fois attaquée
par le Conseil de l’Ordre pour un certificat médical
datant de 2011. L’année dernière, c’était
pour un courrier médical à un médecin traitant
: j’avais donné la copie à la salariée
qui a porté plainte devant le conseil des Prud’hommes.
L’employeur de la salariée a porté plainte
contre moi à l’Ordre des médecins mais il
n’y a pas eu de suite. Cette année, le Conseil
de l’Ordre m’a dit que sur ce certificat de 2011,
je serai convoqué car il est contraire aux recommandations
de l’Ordre.
R : je suis surprise qu’un courrier échangé
entre médecins ne donne pas lieu à condamnation.
Alors que cela n’a pas été le cas dans le
Vaucluse.
Q : J’ai vu une salariée de commerce avec un burn
out ayant entrainé son licenciement par inaptitude. Elle
a déposé plainte et m’a demandé une
copie de son dossier médical. J’ai reçu
ensuite un courrier de sa part me disant que mon dossier médical
n’était pas assez explicite et elle me demandait
d’attester que son burn-out était lié à
son travail : qu’est-ce qu’on fait dans un cas comme
çà?
R : il peut y avoir la possibilité d'une extraction «
compréhensible » du dossier médical. Normalement,
toute communication à un autre médecin se fait
par l’intermédiaire du salarié.
R : qu’est ce qu’un certificat ? C’est un
document produit en justice qui peut donner ouverture à
des droits médicolégaux. Or quelquefois les médecins
font appel à des éléments qu’ils
n’ont pas constatés eux mêmes. Dans le code
de déontologie, il n’y a pas de conseils sur l’écriture
des certificats. Or le conseil de l’ordre, pour protéger
les médecins, demande de ne pas faire de certificats
médicaux notant le lien santé travail. L’ordre
dit que le médecin ne peut noter que ce qu’il a
observé. Pourtant pour l’instruction diagnostique,
l’anamnèse, il y a d’innombrables exemples
où les médecins font appel à des choses
qu’ils n’ont pas vues, par exemple avec les examens
de plombémie. La présence avérée
de plomb sanguin permet de déclarer une maladie professionnelle
sans que le médecin ait lui-même constaté
la réalité des conditions de travail.
Comment la situation peut-elle évoluer à partir
de ce colloque ? A partir du moment où on peut mettre
en mots notre démarche diagnostique, les recommandations
ordinales pourront prendre en compte l’apport de la clinique
médicale du travail. Les chambres disciplinaires ne peuvent
pas demander l’accès à nos dossiers médicaux
même si les liens santé travail y sont tracés,
puisque nos patients ne sont pas partie aux plaintes d’employeur
contre le médecin. Il faut pourtant continuer de tracer
par écrit les liens santé travail car c’est
notre mission réglementaire. Le grand risque c’est
de stopper cet écrit. Ce qu’on ne dit pas c’est
que l’omission de coucher par écrit est aussi une
faute et pas seulement déontologique.
Q : on parle dans les certificats médicaux de ce que
l’on a constaté personnellement. Les études
de postes, peuvent elles être contestées ? Qu’en
est-il des études de poste que l’on fait entre
les deux avis d’inaptitude et qui peuvent aussi être
contestées : les laisser dans les dossiers ? Il y a des
risques de dérives de même type. Dans notre service
de prévention dans la fonction publique, dès qu’il
y a suspicion de souffrance au travail, on travaille en collectif
avec deux médecins. On rencontre les salariés
en collectif, les organisations syndicales, les responsables.
On fait des études de postes et on présente nos
travaux au CHSCT. Aujourd’hui je suis attaquée
personnellement sur ce travail collectif alors que ce sont des
éléments que nous avons observés.
R : j‘en reviens à toutes ces plaintes, à
tous ces certificat contestés non pas devant les prud’hommes
ou au pénal, mais au Conseil de l’Ordre des médecins
: les plaintes auprès du Conseil de l’Ordre ou
dans le cas qui vient d’être cité, ce sont
des contestations sur la forme car le fond n’est pas attaquable.
Il faut dénoncer ces attaques sur la forme : ce qui importe
c’est notre connaissance du poste et des liens santé
travail.
Q : moi j’ai dû faire face à deux attaques
de Conseil de l’Ordre. La première fois, sur une
déclaration de MCP, je n’avais pas différencié
les syndromes constatés et les dires du salarié.
Il y a eu une contestation des troubles du sommeil car je n’avais
pas fait d’enregistrement poly somnographique.
La deuxième contestation portait sur un compte rendu
de consultation de pathologie professionnelle. L’employeur,
pharmacien, m’a reproché de ne pas avoir utilisé
suffisamment le conditionnel. Sur le 2ème rendez vous,
dans le compte rendu, je n’avais pas re noté que
les éléments étaient basés sur les
propos de la patiente. Est-ce que la contestation d’un
compte rendu peut être faite par un employeur avec l’accord
du conseil de l’ordre ?
Q : qu’en est-il des dossiers que nous faisons pour justifier
les arrêts de travail auprès des médecins
conseils et des certificats pour la MDPH ? Beaucoup de confrères
ont peur et ne notent plus rien dans les dossiers. Moi j’ai
été attaqué par un employeur auprès
du conseil de l’Ordre sur une fiche d’entreprise.
R : c’est bien une attaque idéologique, le but
est de faire disparaître les écrits sous quelque
forme que ce soit, mais si on n’écrit rien, on
n’aura pas la paix car on pourra toujours nous reprocher
de ne pas avoir fait d’écrit. Nous avons l’obligation
d’écrire, de tracer et de faire les liens santé
travail.
Q : quelle solution pour s’en sortir : on ne peut pas
être témoins de tous les éléments
du travail ; je fais le lien par rapport au vécu du salarié.
R : la clinique médicale du travail permet de faire des
diagnostics. Si on ne peut plus faire de diagnostic, il n’y
a plus de pratiques psychiatriques, il n’y a plus de médecine.
Il faut écrire et assumer. Si nous acceptons que le juridique
modèle notre pratique, alors il n’y a plus de médecine.
De toute façon le droit va passer. L’instruction
par la clinique médicale est une vraie pratique médicale.
Q : je voudrais avoir le talent de Molière : on se demande
comment on n’arrive pas à sombrer dans le ridicule.
R : le risque principal pour nous médecins ce n’est
pas face au CNOM, c’est la complicité de mise en
danger d’autrui. La vraie condamnation ce serait de ne
pas rendre comme médecin, ce que je dois à mes
patients.
4.
LES ECRITS CONCERNANT LA COMMUNAUTE DE TRAVAIL
Dispute
professionnelle 4 :
Quand
et comment signaler le risque à la communauté
de travail ?
-
Quand
le médecin du travail signale-t-il un risque
pour la santé ?
-
Peut-on
faire un signalement médical ou une alerte,
à partir des altérations de la santé,
avant l’atteinte, la pathologie ?
-
Quelles
altérations repérer pour une veille
médicale, pour prévenir les causes ?
-
Comment
faire un écrit sur des altérations de
la santé ? Quel impact de cette pratique sur
les connaissances concernant la santé psychique
au travail ?
|
Q : Le collectif, c’est à partir
de combien de salariés ?
R : cela dépend de la taille de l’entreprise :
mais dès qu’il y a deux salariés c’est
un collectif.
Q : j’ai constaté un cas de souffrance faite aux
femmes dans un collectif comptant peu de femmes. Comment faire
une alerte quand les salariées s’opposent de peur
que ce soit pire après ? Dans ce laboratoire, il n’y
a pas de lieu de paroles collectif. Le collectif féminin
est divisé et l’organisation du travail est pathogène.
R : il faut essayer de retravailler cette question avec les
salariées. On pourrait choisir de traiter cela sur un
plan théorique : Genre et Travail.
R : c’est le problème de la veille et du signalement
: quand il y a une restriction d’aptitude on est dans
la prévention individuelle. En prévention collective,
on ne négocie pas avec qui que ce soit, on se débrouille
pour assurer seul ses constats en matière de santé
sans même les mettre en discussion dans l’entreprise
: on met en discussion les hypothèses. Ça plaide
en réalité sur le fait qu’il faille intervenir
largement en amont. Notre art médical est de verrouiller
du côté des constats médicaux et d’ouvrir
à tous les possibles du côté de l’interprétation.
Q : j’ai le cas d’une clinique parisienne où
j’observe la surcharge de travail et les mauvaises conditions
de travail : j’ai fait une alerte au travers du rapport
annuel et au CHSCT. L’inspecteur du travail est totalement
absent et ne vient pas aux réunions du CHSCT. Rien ne
change. Maintenant je demande des aménagements de poste
sur mes fiches et l’employeur demande à changer
de médecin du travail. Je ne sais plus quoi faire pour
préserver la santé au travail des salariés
de cette clinique et je voudrais des conseils.
R : as-tu fait une alerte écrite qui oblige l’employeur
à faire une réponse écrite?
Q : non les représentants du personnel commencent à
bouger un tout petit peu. Ça bouge un peu dans les services
où les patients font des commentaires mais les remontées
des salariés ne font rien changer. La réponse
de l’employeur est toujours la même : on est dans
la norme. Il y a aussi le problème des vacataires.
R : Ici, il y a beaucoup d’éléments pour
faire une alerte écrite à l’employeur «
je dispose d’un faisceau d’arguments » qui
atteste des relations entre les risques et les atteintes à
la santé des salariés avec éventuellement
une copie à l’inspection du travail.
Q : Moi je veux qu’ils lisent les éléments
que l’on a sur la santé et les éléments
sur les risques. Les faits santé, il nous appartient
de les écrire. On pourrait nous reprocher de ne pas avoir
fait d’alerte.
Q : sur certains risques, en particulier les risques psychosociaux,
beaucoup d’entreprises ont intégré leur
risque juridique : ils mettent ce thème à l’ordre
du jour des CHSCT et veulent nous intégrer dans le dispositif
notamment avec des démarches questionnaires type Karasek,
Sigriest, etc.…Il faut être très prudent
là-dessus. On veut nous instrumentaliser et c’est
très dangereux.
Q : j’ai une entreprise où il y a un Plan de Sauvegarde
pour l’Emploi en cours et j’ai eu accès à
un document confidentiel où il est noté «
suppression des postes = suppression des TMS ». Nous savons
tous que c’est l’inverse qui risque de se produire
car il y a des menaces de licenciements dans ce cas précis.
Q : j’ai l’exemple d’un courrier avec copie
au CHSCT que j’ai pu faire dans un EHPAD dans lequel était
noté « je suis très alertée de constater
des dégâts sur la santé de vos salariés
avec les maltraitances organisationnelles » pour porter
le débat en CHSCT, l’inspecteur du travail est
présent et en parle à chaque réunion.
Q : j’ai un autre exemple : il faut toujours mettre en
avant la santé. Moi, j’ai une entreprise qui vient
d’être rachetée par une autre et dans laquelle
les 35 heures de travail de la semaine sont effectuées
en 4 jours. On m’a demandé mon avis et je suis
plutôt favorable aux 35 heures de travail sur 5 jours
contrairement à la majorité des salariés.
. |
Deuxieme
Partie
5. ELEMENTS DE CARACTERISATION
D’UN ECRIT MEDICAL POUR LE DOSSIER MEDICAL
Dispute
professionnelle 5 :
Quels sont les
éléments caractérisant un écrit
médical pour le dossier médical ?
-
Quels sont les objectifs du
recueil d’informations au DMST ?
-
Quelle pratique clinique pour
instruire la temporalité des situations et
leur complexité ?
-
Quel contenu clinique ? Comment
trouver les mots justes ?
-
Pour quels destinataires ?
|
Q : quels éléments garde-t-on ?
Est-ce qu’on note le cheminement clinique ? On fait référence
au colloque de l’an dernier.
Q : question sur un point de friction, ne s’agit-il que
d’éléments objectifs ? Ou y a-t-il une place
pour les éléments subjectifs ? Est-ce que nous
nous autorisons collectivement à franchir le pas et à
considérer que les éléments subjectifs
font partie de la clinique médicale ?
Q : il faut aussi s’interroger sur la place de la subjectivité
du médecin. Il faut se rappeler qu’on est médecin
face à quelqu’un qui ne nous a pas choisis. Il
faut aussi parler de ce qui construit la santé et pas
seulement de ce qui altère sa santé. On est alors
au delà de la position de la peur et des défenses.
Si le dossier est bien rempli, le médecin peut se défendre
face à l’ordre et au MIRT en cas de contestation
d’aptitude.
R : il faut noter la clinique et en coopération avec
le sujet.
Q : la question de l’intime c’est quand le salarié
est venu pour parler d’une situation de travail et tout
d’un coup cet élément vient faire résonance
avec son histoire personnelle. Donc il y a des choses qu’il
ne faut pas noter car ce dossier va ensuite être vu par
d’autres médecins et cela peut le mettre en danger
ultérieurement. Ce qu’il faut faire, c’est
noter que face à certaines situations de travail des
éléments de la vie intime non notés dans
le dossier ont surgi.
Q : j’ai une petite ruse professionnelle : pour savoir
si ce que j’écris est satisfaisant ou pas, je relis
avec les salariés ce que j’ai écrit la fois
précédente.
Q : je suis mal à l’aise quand les salariés
viennent me voir car je pense être dans une relation d’aide
comme médecin. Et je ne suis pas sûre que si on
reste au niveau individuel sans passage au collectif, on les
aide. Nous avons intérêt à remettre en question
notre côté sachant. Dans notre service, on a une
psychologue qui ne voit que les salariés et s’engouffre
dans le discours. En allant sur les lieux de travail, on voit
le collectif et l’ensemble des salariés en relation
avec ce salarié. On est plus aidant qu’en restant
uniquement dans le cabinet et en s’en tenant aux paroles
du salarié.
R : est-ce que notre travail est une relation d’aide ?
Ce n’est pas sûr du tout, c’est un point qui
fait débat. On est plus dans le soin. En allant voir
le travail, on accède partiellement au travail. La clinique
médicale accède également au travail mais
aussi à l’engagement subjectif dans le travail,
à son « travailler » ; et il y a aussi un
certain nombre de gens qui disent ou pensent que la réalité
du travail se saisit aussi du fait du recueil au cabinet médical
et quant à la santé elle-même on sait combien
tout est intriqué. Si notre but est de permettre au collectif
de construire sa santé, la question est comment mettre
le travail en débat mais aussi prendre en compte les
singularités et les temporalités. Il faut tracer
des choses où la co construction d’une réalité
en mouvement puisse passer par l’écrit médical.
R : Nous nous aidons mutuellement à mieux comprendre
ce qui se joue. Le mot aide n’est pas connoté,
il fait référence aux questions du cure et du
care : le cure est assez court, mais pour nous porte sur le
poste du travail et le care porte sur l’aide à
la compréhension de ce qui se passe. Il faut construire
des pratiques communes.
6-ECRITS DU MEDECIN
DU TRAVAIL ET REGLES DE METIER
Dispute
professionnelle 6 :
Quelles règles
de métier pour instruire le lien santé-travail
? Quel type d’écrit déployer pour
le rendre visible ?
-
Comment construire
des règles de métier pour élaborer
un écrit médical sur le lien santé-travail
-
L’écrit médical
a-t-il une place dans le travail inter-compréhensif
entre le médecin et le salarié ? L’écrit
médical peut-il être opérateur
de santé ?
-
Pour son diagnostic étiologique,
le médecin du travail doit-il s’appuyer
exclusivement sur des références médicales
opposables ? Ou peut-il apporter sa contribution à
partir de la clinique médicale du travail ?
-
Comment arbitrer entre un écrit
ramassé et opératoire, et une monographie
?
-
Ecrire comme « expert
» écrivant en droit, ou bien comme praticien
agissant exclusivement pour la santé de notre
patient, « pour comprendre avec » ?
|
Q : pour moi il y a un préalable : il faut informer le
salarié de notre fonction lors de la visite d’embauche
car pour ceux qui ne nous connaissent pas il y a l’Epée
de Damoclès de l’aptitude. Moi, je donne la fiche
d'aptitude avant l'entretien quitte à revenir dessus
après. Je dis que je ne suis pas le médecin choisi.
Je ne regarde pas le dossier et je pars sur un dialogue avec
le salarié sur son travail. Certains salariés
ne savent pas bien verbaliser leur histoire contrairement au
médecin.
Q : je travaille dans un hôpital. Une infirmière
du service de gériatrie est venue me voir. Elle m’avait
déjà signalé sa souffrance face à
une collègue qu’elle jugeait maltraitante vis-à-vis
des personnes âgées. Une action avait été
initiée avec la psychologue du travail pour que cette
maltraitance cesse. J’avais tout noté dans son
dossier. Elle m’a dit qu’elle allait être
mutée prochainement et que cela la dérangeait
que tous ces éléments soient notés car
son dossier allait la suivre. J’ai réécrit
son dossier en gardant le récit dans mes notes personnelles.
R : dans la question d’un travail clinique, si on donne
l’écrit au salarié, est ce que l’écrit
est opérateur de santé ? Je pense qu’il
y a un avant dialogue et un après. Il se passe des choses
et ces temps doivent être libres pour ne pas bloquer l’élaboration
du salarié.
Quand on est dans un processus thérapeutique ou dans
un cadre d’urgence, nous savons que des points d’étape
sont essentiels et nécessaires. Quand on est en remplacement
de collègue ou quand on ne reverra pas les gens, de par
le principe de réalité, certains disent que ce
n’est pas utile d’écrire mais d’autres
praticiens préfèrent écrire. Si le médecin
pense qu’il faut écrire, alors il faut écrire.
Est-ce que dans notre écriture de certificat d’aptitude
ne pouvons-nous pas écrire des choses sur le travail
ou à visée pour le collectif ? L’écrit
s’inscrit dans un accompagnement. Attention : dans quelque
temps, peut être que du fait de l’évolution
du travail, les médecins ne verront plus les salariés
qui seront vus par des infirmières du travail : ils seront
obligés d’écrire pour transmettre.
Q : on n’a pas parlé d’informatisation et
des thésaurus. Avec l’informatisation, on restreint
les écrits et l’introduction des thésaurus
va encore restreindre les informations et formater les comportements.
Quels sont les éléments qui vont être utilisés
? Comment vous en sortez vous ? J’utilise moins le thésaurus
et j’ai continué à écrire. Le contenu
des écrits informatiques est moins riche que les écrits
du dossier papier.
R : il faut ruser ? Comment vous vous en sortez ?
Q : je prends le temps de taper et de saisir
R : on peut subvertir les dossiers informatiques mais il faut
écrire : on peut et j’ai été content
de le constater
Q : je suis surprise qu’avec l’informatique il n’y
a aucune garantie sur la confidentialité et sur la reprise
des données. Si seulement 20% de médecins saisissent
des données, alors elles ne sont pas forcément
reprises et de plus rien ne garantit que dans 10 ans ce qui
est stocké sera lisible.
Q : moi je suis de la vieille école je prends tout sur
papier et quand je fais la saisie il y a une perte d’informations
importante.
Q : certes c’est nous qui décidons si nous utilisons
le dossier papier ou le dossier informatique, mais il y a des
pressions et des avantages à utiliser l’informatique.
R : d’accord il y a des pressions mais ça fait
30 ans que je la subis, il faut faire la part des choses : en
cas de souffrance au travail, il faut repasser par l’écrit.
Q : je fais partie du comité informatique de mon service.
J’ai participé à un projet de changement
de logiciel et au moment de la migration on se rend compte qu’un
certain nombre de données ne peuvent pas être transférées
ce qui entraine des pertes de données. De plus, en raison
des coûts toutes les données ne sont pas conservées
car cela revient trop cher.
DH : je rappelle le thème de la dispute : quel type d’écrit
pour instruire le lien santé travail…
R : j’ai souvenir qu’on ne s’est pas toujours
intéressé à ces questions. Dans mes onze
premières années je ne m’intéressais
pas beaucoup au subjectif. Dans ces années-là,
la question des subjectifs était plus ou moins prise
en compte au sein des collectifs. Cette question de la souffrance
nous est confiée parce qu’il n’y a plus de
collectif et cela nous revient.
Q : Je fais partie d’un comité de pilotage et notre
service a réussi à obtenir le 3ème volet
de la certification du CISME portant sur le dossier médical.
Je ne sais ce que cela contient.
Q : ce sont des pressions pour que tout le monde fasse la même
chose, et pour mettre tout le monde au pas…: beaucoup
veulent maitriser le contenant et nous avons besoin du contenu.
Il faut déployer une écriture du coté de
la réalité et de la compréhension.
Q : je voudrais ré-insister sur la manière d’organiser
pour instruire les liens santé travail : nous n’ignorons
pas que des forces sont à l’œuvre…Et
les seules alternatives seront du côté de «
comment traçons-nous » comment faisons-nous pour
instruire le lien santé travail. Que devons-nous inscrire
en responsabilité, que le dossier soit papier ou informatisé.
Abandonnons-nous notre responsabilité clinique ? Y a-t-il
des choses opposables ? Il faut dire des choses là-dessus.
Si on n’est pas convaincu de ce qui est important dans
nos pratiques cliniques, on ne pourra pas subvertir. On est
au cœur du débat.
Q : ce n’est pas le rôle de l’employeur de
dire ce que l’on doit noter dans le dossier. Qu’est
ce qu’on comprend de ce que dit le salarié ? Comment
trace-t-on notre travail clinique ? Comment je travaille pour
la consultation d’une entreprise d’état ?
Je donne des écrits de la situation au salarié.
Cela n’a jamais enrayé l’élaboration
du salarié mais c’était plutôt le
contraire. Je fais des consultations assez longues, et j’ai
le temps d’écrire.
Q : personne n‘a rebondi sur le fait de soumettre la reformulation
au salarié.
Q : Très régulièrement je demande la reconnaissance
du handicap et je demande au salarié de faire faire le
dossier médical par le médecin traitant. Moi,
je fais un certificat sur les conséquences du handicap
sur le travail.
Q : quand vous écrivez cela, notez-vous si cette demande
est faite du point de vue du travail ? J’insiste parce
qu’il y a une partie des interventions où on ne
voit pas la question du travail.
Q : c’est le salarié qui construit sa santé
au travail, ce n’est pas nous : nous, on est là
pour étayer.
Q : pour instruire le lien santé travail, il y a un écrit
que comprend l’employeur, c’est la fiche d’aptitude
car quand je fais des remarques sur la fiche d’aptitude,
deux jours après je reçois une lettre recommandée
de l’employeur pour me demander ce que je veux dire par
la. Et c’est aussi important que des fiches d’entreprise
que je ne fais plus parce que je n’ai plus le temps. Quand
dans un atelier, il y a plusieurs salariés dans le même
cas, cela peut lancer la discussion dans des CHSCT, les délégués
s’en emparent. Et face à l’employeur, ce
ne sont pas des restrictions, ce sont des propositions qui seront
faites.
Q : Ce qui est évident c’est la confiance qui compte
surtout. Les salariés ne nous ont pas choisis donc ils
ne nous parleront que quand ils auront confiance. Je fais la
fiche avec eux.
Q : c’est plus difficile d’être médecin
du travail que médecin généraliste, il
faut construire la confiance, apprivoiser et faire comprendre
que les propositions d’aménagements sont faites
pour rendre le poste apte (tous les salariés sont aptes).
Q : je n’ai pas envie de couler avec les dossiers informatiques
mais il est essentiel que les dossiers soient lisibles d’un
lecteur à l’autre, d’un service à
l’autre…. Le dossier informatisé m’a
donné des insomnies. Nous pouvons tout faire passer par
des fichiers textes et ne pas nous focaliser sur les thésaurus.
7-COOPÉRATIONS
ET ÉCRITS DANS LE CADRE DE L’ÉQUIPE MÉDICALE,
MÉDECIN DU TRAVAIL – INFIRMIÈRE DU TRAVAIL
Dispute
professionnelle 7 :
Quelle écriture
de l’infirmière du travail au DMST ?
-
Quelle place de la clinique
médicale du travail pour l’équipe
médicale autour de l’ESTI ?
-
Quelles sont les éléments
d’une coopération respectueuse dans le
cadre de l’ESTI entre IST et médecin
du travail ?
-
Comment allier le cadre d’un
protocole pour l’ESTI, et le respect des marges
de manœuvre nécessaires du métier
d’IST en construction ?
-
Quelle spécificité
de l’écrit de l’IST au DMST ?
-
Le médecin du travail
doit-il donner à voir à l’IST
ses règles et valeurs professionnelles pour
coopérer en confiance ?
-
Quelle place pour les groupes
de pairs entre IST pour écrire au DMST ? Quelle
dispute professionnelle, les IST pourraient discuter
en priorité avec les groupes de pairs de médecin
du travail ?
|
Q : Je travaille dans une entreprise avec 2 infirmières
d’entreprise où je vais une fois par semaine. Les
infirmières reçoivent les salariés et écrivent
sur des feuilles volantes. Ce n’est pas dans le cadre
de l’ESTI car il n’y a pas de protocoles écrits.
Dans quelle mission ces infirmières travaillent-elles
?
R : s’il y a des protocoles, la responsabilité
du médecin est engagée. S’il n’y a
pas de protocoles, la responsabilité du médecin
n’est pas engagée. Il faut toujours poser le cadre
juridique. Je propose de discuter cette affirmation «
dans une dispute médecin du travail et infirmière
du travail, c’est toujours l’infirmière qui
a raison et le médecin tort. ». Cela signifie que
c’est au médecin du travail qui bénéficie
d’un statut, d’un cadre réglementaire et
d’une mission de permettre de déployer un cadre
pour le « travailler ensemble en coopération »
avec l’infirmière du travail qui n’en dispose
pas.
R : Il y a une singularité médecin infirmière.
Dans mon esprit il n’y a pas d’ambigüité
: l’infirmière d’entreprise n’est pas
infirmière en santé au travail : elle ne devient
infirmière en santé au travail que sur délégation
du médecin du travail. L’infirmière ne peut
être que du côté du prendre soin. Elle est
astreinte au secret professionnel. A partir du moment où
on accepte une infirmière en santé au travail,
il faut accepter le lien de subordination qui est de fait protecteur
vis-à-vis de l’exercice professionnel de l’infirmière.
Pour éviter le conflit avec les infirmières, le
rappel du code de la santé publique est pacificateur.
R : moi je travaille avec une infirmière, il faut instaurer
une relation de confiance et l’infirmière doit
accepter la façon de travailler : alors elle peut écrire
dans le dossier médical. Elle écrit dans le dossier
médical dans l’intérêt du salarié
et l’infirmière peut être d’une grande
aide au médecin. S’il n’y a pas de confiance
établie entre l’infirmière et le médecin,
ce n’est pas possible de travailler ensemble. L’infirmière
ne peut pas écrire dans le dossier médical, elle
garde alors son rôle de soin. Si l’infirmière
ne doit pas écrire dans le dossier, elle peut toutefois
avoir accès au dossier si le médecin en prend
la responsabilité.
Q : est-ce possible qu’une infirmière écrive
dans le dossier médical si elle ne fait pas d’ESTI
avec des protocoles ?
Q : il doit y avoir des protocoles à chaque changement
de médecin ou d’infirmière.
Q : est-ce que le médecin a le droit de refuser l’accès
au dossier médical à l’infirmière
?
R : il n’y a pas de problème pour l'accès
au DMST si la confiance est là.
R : moi j’avais une fonction de chef de service et les
infirmières avaient accès au dossier médical
avec mon accord. Quand je suis parti à la retraite, j’ai
scellé les dossiers médicaux et je leur ai fait
une lettre juridique pour leur interdire l’accord au dossier
pour les protéger de l’employeur. Elles avaient
un double du dossier pour écrire en cas d’urgence.
C’est un rapport de confiance entre les personnels. Nous
sommes médecin, l’art est difficile et il faut
savoir prendre ses responsabilités.
Q : je suis surprise d’entendre ce que j’entends.
Si c’est pour faire des soins, on ne voit pas l’intérêt
de l’accès au dossier. Mais en cas d’urgence,
il peut y avoir un intérêt à avoir accès
au dossier médical.
Q : celui qui est responsable du dossier : c’est le médecin.
Sans délégation, l’infirmière peut-elle
avoir une délégation en cas d’urgence ?
Dans mon entreprise, c’est l’infirmière qui
remplit le dossier médical. Dans une autre entreprise,
l’infirmière de l’entreprise a un dossier
à elle car les dossiers ne sont pas dans l’entreprise
et les salariés sont vus par mon infirmière du
SST.
Q : pour le dossier médical, le salarié doit donner
son avis pour savoir s’il accepte que l’infirmière
puisse avoir accès au dossier médical. Il faut
également l’accord du salarié pour que son
dossier soit transféré à un autre médecin
R : attention, ce n’est pas un débat sur ce que
l’on en pense, il y a le droit : la recommandation de
la HAS : le dossier est placé sous la responsabilité
du médecin du travail. Les infirmières en entreprise
ne sont pas dans l’équipe médicale comme
les infirmières en santé au travail d’un
SST.
CONCLUSION. |
Discussion
sur notre façon de travailler pour conclure après
un rappel sur le Développement Professionnel Continu
(DPC) qui remplace la FMC et l’évaluation des pratiques
professionnelles. |
Devons
nous travailler uniquement sur les preuves ? E-Pairs a écrit
des repères pour nous confronter à nos pratiques
professionnelles. Que faut-il lancer pour nourrir les débats
dans les GAPEP ? Aujourd’hui, si nous ne construisons
pas des repères pour la pratique, nous allons avoir des
recommandations qui pourraient oublier la santé des salariés.
Nous devons développer une clinique inter-compréhensive
et non pas experte et surplombante.
J’ai appris beaucoup de choses. Je ne pensais pas que
la réflexion était aussi avancée. Par rapport
au colloque précédent la qualité est meilleure.
Il y a eu un effort d'élaboration de repères et
de disputes. La moitié de la salle est intervenue.
Si on est venu là, c’est qu’on était
intéressé par la question. Il y a un biais de
sélection. Dans les services, il y a un laminage avec
des jeunes qui quittent le métier. Le problème
c’est comment rebondir. On est pris par le quotidien mais
il y a un rouleau compresseur redoutable qui formate les pratiques.
J’ai trouvé cette journée intéressante
car dans mon service ce sujet est attendu : les collègues
étaient très intéressés par le sujet
mais n’ont pas pu venir. La société Midi
Pyrénées avait fait une journée sur ce
sujet avec des juristes qui regardent les écrits sous
forme juridique et sous l’angle de la non exposition au
risque judiciaire sans aborder ce type de questionnement.
. |
Vous pouvez télécharger le texte intégral
des "Disputes"
Les disputes
|
|
Tous les Actes des Colloques
précédents (2009-2010-2011-2012-2013)
Suivez
ce lien
|
|