Plan du Colloque
Alain GROSSETETE
Secrétaire du Groupe Projet de E-Pairs
Matin
Ière Partie
Pratiques cliniques en médecine générale
et Expériences de groupes de pairs médecin
du travail et infirmier en santé au travail en
clinique médicale du travail
Pluralité de situations cliniques nécessitant
un travail en coordination. Quelles règles de coopération
dans le but d’être utile à la santé
du patient ?
Quelle place pour l’analyse du travail et de ses
aspects délétères ?
Quelles recherches de synergie des deux filières
médecine générale et du travail,
avec les autres partenaires de santé, les médecins
spécialistes, les consultations de pathologies
professionnelles, les médecins conseils et de contrôle
?
Présentations de cas cliniques individuels ou
collectifs plus ou moins partagés, ou de carence
de coopération ? En quoi l’analyse du travail
et de l’engagement du travailleur qui s’y
déploie facilite la coopération pour la
prévention et les soins.
-
Visite de pré-reprise/ préparation
à la reprise après maladie ou accident
grave
-
Quelle déclaration en MP
et quand, pour des pathologies d’usure professionnelle
-
Arrêt de travail ou non face
à un travail délétère qui
cherche un appui et soutien médical lorsque sa
capacité de prendre soin de sa santé s’épuise
- Quelles ressources pour pouvoir établir un certificat
médical de MP pour un salarié retraité.
- Urgence psychopathologique du fait ou au travail
-
Quelles coopérations pour
le maintien au travail et y construire sa santé
1-Communications 9h45 – 11h : 25 minutes
par communications avec questions
Présidente : Madeleine RUHLMANN
Réflexions à partir de trois cas cliniques
de médecine générale sur les conditions
de coopération entre médecin généraliste
et médecin du travail.
UNE POSTURE D'EQUILIBRISTE ou « Comment un
salarié patient impulsif peut interférer,
à son corps défendant, dans la relation entre
son médecin du travail et son médecin traitant,
au détriment de l'équilibre de sa santé
»
3- Michele Weber,
Médecin du travail, Srasbourg, GAPEP
La coopération entre les équipes médicales
du travail et la médecine générale
au travers de deux cas clinique vus en GAPEP
Pause
2-Discussion entre
pairs – Dispute/Repères professionnels
11h15 – 12h15 Modérateur
-Gérard LUCAS
Après-midi
IIème Partie
Règles professionnelles en médecine
générale et Expériences de groupes
de pairs médecin du travail et infirmier en santé
au travail pour construire des Repères de coopération
Quels ressorts pour la coopération entre généralistes
et médecins du travail ?
Quels blocages de représentation, de méconnaissance
du travail des acteurs du réseau de soins, …
y font obstacle ?
Quelle place à l’analyse du travail et des
inégalités sociales de santé pour
les surmonter ?
Quelle déclinaison et construction des références
éthiques et réglementaires de coopération
?
Par qui et comment le milieu de travail peut-il être
interpelé ?
-
Comment les questions de santé
au travail se posent dans nos pratiques ?
-
Comment se font les contacts entre
généralistes et les équipes médicales
du travail ?
-
Comment construire la confiance
pour coopérer ensemble ?
- Quelles conditions et modalités d’une
coopération dans l’intérêt de
la santé des sujets ?
3-Communications 13h45 – 15h ; 25 minutes
par communications avec questions
Président : Alain GROSSETETE
Médecins généralistes et équipes
médicales du travail : travailler ensemble pour la
santé des patient(e)s
A propos d’un exemple de collaboration entre
équipe pluridisciplinaire et médecin traitant,
réflexion sur le développement possible de
ce type d’approche
Coopération entre médecin du travail et
médecin généraliste traitant dans le
parcours de soin d’un salarié patient présentant
un état de stress aigu suite à une agression
au travail.
Pause
4-Discussion
entre pairs – Dispute/Repères professionnels
15h15 – 16h15
Modérateur – Dominique
HUEZ
5-Conclusion du colloque
Mireille CHEVALIER
Présidente de E-Pairs
6-Premier retour sur le Colloque
E-Pairs 2017 - Et maintenant, comment poursuivre ?
E-Pairs
COLLOQUE
Introduction au colloque
Alain Grossetête
Le
colloque de 2017 de E-Pairs porte sur les pratiques professionnelles
de l’équipe médicale de santé
au travail (médecin du travail, médecin collaborateur,
interne et infirmiers du travail) concernant les coopérations
avec les généralistes. Il faut en effet penser
la question avec l’arrivée dans les services
de santé au travail des infirmières du travail.
Quelles pratiques, règles professionnelles, les infirmières
vont-elles dégager pour leur part, dans l’équipe
médicale en direction des généralistes
? On voit que l’examen des pratiques coopératives
avec les généralistes réinterroge aussi
les coopérations au sein de l’équipe
médicale médecin du travail/infirmières.
La présentation de Jean-Luc JULINET et Yann FENIOU
en groupe mixte d’analyse des pratiques (GAPEM) introduit
la question.
Trois
généralistes ont rédigé deux
contributions essentielles pour la tenue de ce colloque.
Qu’elle soit constatée en premier chez le généraliste
ou au cabinet de médecine du travail, la survenue
d’un épisode de crise professionnelle chez
un salarié-patient, accompagnée d’une
atteinte à sa santé peut initier cette coopération,
ou encore lors de toute autre circonstance dans laquelle
le travail est concerné. Le plus souvent, l’échange
débute par un courrier.
La
coopération entre équipe médicale du
travail et généralistes est considérée
généralement comme délicate. Marie-Françoise
HUEZ-ROBERT en donne trois exemples au travers de sa réflexion
de généraliste; Michèle WEBER expose
deux cas au cabinet de médecine du travail.
Lorsque
du côté des médecins du travail, l’approche
de la santé au travail est une approche dominante
par les risques, aux dépens d’une approche
par la clinique, l’investigation du travail du point
de vue de la subjectivité du salarié-patient
peut être quasi absente. Il n’y a alors guère
de place pour le travail clinique. Est-ce là l’héritage
d’une pratique encore dominée par la détermination
de l’aptitude ? Cette approche loin du travail est
un obstacle à la coopération. Au contraire
tenir une posture de clinicien du travail, dans laquelle
la parole du salarié est inscrite, et dont il est
le pivot, permet de s’adresser plus facilement à
un autre clinicien, qui est le généraliste.
Cette
question de la place du patient salarié au centre
de la coopération va probablement faire l’objet
de débats.
Il est essentiel, en clinique médicale du travail,
que le salarié-patient, pour sortir de l’impasse
dans laquelle il se trouve et pouvoir aller mieux, puisse
élaborer sa pensée propre sur ce qui lui arrive
dans sa santé, aux côtés de la pensée
en travail des cliniciens. Comment l’aider ?
L’intitulé
même du colloque : « La question du travail
au cœur de la coopération », montre que
c’est d’abord l’entrée par la question
du travail qui est choisie. Nous suggérons de «
prendre le travail comme grille de lecture » : mais
comment interroger le travail, ou plus exactement, le «
travailler » du patient ou du salarié, chacun
selon son propre exercice comme généraliste,
médecin ou infirmière du travail ? Le «
travailler » renseigne sur la tâche, mais surtout
sur l’activité, c’est à dire sur
les ressorts de son engagement dans le travail. En prenant
le travail comme grille de lecture il est possible de débrouiller
une histoire de travail plus ou moins compliquée
dans laquelle la santé est affectée. C’est
à la fois le « travailler » du patient
et le nôtre qui s’y trouvent impliqués.
Comment explorer le « travailler » ? Prenons
par exemple, la survenue d’une dépression au
début, dont on peut penser qu’elle a pour origine
le travail. Le patient ou le salarié se trouve généralement
en difficulté pour penser ce qui lui arrive au travail:
il est invité à en faire le récit,
parfois il est interrompu avec un questionnement sur ce
qu’il dit quand le clinicien ne le comprend pas. Le
patient salarié se remet dans l’action de son
« travailler ». Il se « voit » travailler.
Il ne fait pas que raconter, il élabore une pensée
qui explore son « travailler » et construit
sa propre compréhension. Dans le « travailler
», les enjeux du travail apparaissent également
comme enjeux pour sa santé : les mobiles de l’engagement
subjectif dans le travail, l’engagement du corps,
ses traces et atteintes, les émotions. Ce qui compte
est la compréhension qu’acquiert le patient
vis-à-vis de la situation qu’il expose. S’aider
à faire le lien entre santé et travail, permet
de soutenir une élaboration lorsqu’elle est
en difficulté de la part du salarié. Faire
ce lien est possible de la part de chaque professionnel.
Et le faire est une contribution thérapeutique.
Ce
travail clinique de soutien à l’élaboration
par un récit est fondamental car il ouvre des issues
favorables à la santé et il peut être
mené en médecine générale (comme
le montre l’intervention de Marie KAYSER et Martine
LALANDE) et en médecine du travail.
Entre généralistes, médecins et infirmières
du travail, s’aider à comprendre ce qui se
joue dans le travail vis-à-vis de la santé
du « patient-salarié » afin de soutenir
sa santé, est donc un enjeu important de la coopération
entre professionnels, dont dépend la qualité
de l’aide clinique proposée.
La
place de l’écrit n’est pas la même
selon généraliste et équipe médicale
de santé au travail, ainsi que le montre notamment
la présentation de Nathalie PENNEQUIN. Le médecin
du travail ou l’infirmière tente de recueillir
et construire par la clinique médicale du travail
ce qui va former un récit de la part du salarié
patient. Que ce récit fasse l’objet d’un
écrit ou pas, son étayage apparaît comme
particulièrement important dans son travail d’élaboration
(le sien et celui du clinicien).
Quelles sont les règles professionnelles pour cela,
existantes ou à créer ? L’une traverse
toutes les présentations : le patient doit être
le « fil rouge » de l’échange,
est-il indiqué dans une contribution.
Un élément important est
la confiance que ce patient salarié place, ou non,
dans ses relations avec l’équipe médicale,
qu’elle soit généraliste ou du travail.
Elle en est même la condition. La question de la confiance
du salarié patient dans ses deux interlocuteurs médecins
sera posée et explorée dans une contribution
de médecins du travail (Marie PARENT et Anne GAVOILLE)
au travers de la restitution d’une dispute professionnelle
lors d’une de leurs séances de GAPEP. Croiser
les regards entre professionnels, voire les confronter en
posant alors les termes d’une dispute professionnelle
au sujet du patient salarié et à son seul
bénéfice, relève de la délibération
médicale et d’un exercice médical de
qualité.
Telles sont une parties des questions que le colloque voudrait
mettre en débat.
I°
Partie - Pratiques cliniques en médecine générale
et Expériences de groupes de pairs médecin
du travail et infirmier en santé au travail en clinique
médicale du travail
1- COMMUNICATIONS
1° Communication –
Réflexions à partir de
trois cas cliniques de médecine générale
sur les conditions de coopération entre médecin
généraliste et médecin du travail
Marie Françoise HUEZ-ROBERT
médecin généraliste, Société
Française de Documentation et de Recherche en Médecine
générale, SFDRMG -UNAFORMEC
Teléchargez
la présentation
11 diapos
Introduction
La présentation de trois situations cliniques et
sociales vécues avec un statut de médecin
généraliste voudrait permettre de poser des
questions sur des coopérations souhaitées,
mais difficiles à réaliser entre médecin
généraliste et médecin du travail,
tous les deux médecins de premier recours. La pratique
quotidienne en médecine générale s’articule
autour la demande du patient, l’analyse clinique du
médecin, le contexte socio environnemental et la
décision du patient. Le Médecin généraliste
remplit des missions de diagnostic, de soins, de prévention
et d’ouverture des droits sociaux pour les usagers
, dans le respect de la législation.
Premier
Cas : Une situation de préparation
à la reprise après un arrêt de
travail prolongé en maladie professionnelle
d’une salariée.
Le temps clinique et social
avec le MG
Une ouvrière de 50ans vient consulter
pour des violentes douleurs de l’épaule
D nuit et jour, rendant impossible certains mouvements
du bras, avec blocage de certaines amplitudes. Elle
décrit qu’elle effectue des gestes
répétées avec le bras droit
et le bras gauche pour monter des objets reçus
en pièces détachées, puis les
conditionner dans des cartons, ceci depuis plus
de 20 ans. L’examen clinique montre une pathologie
de la coiffe des rotateurs. Ses antécédents
HTA traité par IEC
-Taches immédiates : examen clinique, annonce
de l’hypothèse diagnostique :TMS de
l’épaule, prescription un traitement
antalgique, d’un arrêt de travail et
d’une échographie de l’épaule.
-Taches au fil des consultations :
- accompagner la patiente dans sa démarche
de déclaration de MP
- gérer sa douleur sans escalade des médicaments
- éviter qu’elle choisisse des thérapeutiques
agressives
- prescrire les arrêts de travail sur des
temps longs mais pas trop pour avoir des contacts
avec elle et voir l’évolution de la
douleur.
Au bout de plus de 4mois d’’évolution
de sa PSH, nous avons décidé ensemble
qu’elle demanderait la reprise de travail
avant la guérison complète avec une
demande de changement de poste temporaire préparée
par une visite de pré reprise auprès
de son médecin du travail avec une lettre
de ma part .
La rencontre du salarié
avec le médecin du travail
Après sa visite de pré-reprise elle
me dit « Le médecin du travail va soumettre
la demande de changement de poste à la direction,
et il me reverra dans 15j pour me donner la réponse
et qu’il faut que je vous demande une prolongation
». Elle ne me transmet pas de courrier.
Quinze jours plus tard elle revient consulter pour
m’annoncer que le changement de poste n’était
pas possible. Par ailleurs elle souffrait dès
qu’elle faisait des gestes répétés
(ménage, rangement) et estimait que la reprise
à temps plein à son poste habituel
était impossible. C’est pourquoi elle
me demandait de la prolonger d’un mois comme
lui avait conseillé le médecin du
travail en lui disant : « revenez quand vous
serez apte à votre poste de travail. »
Ensuite elle a repris son ancien poste sans faire
de rechute de PSH ou une autre TMS. « Je me
protège, mon patron est cool avec moi »
m’a-t-elle dit.
Deuxième cas : Une situation
de licenciement pour inaptitude après un arrêt
de travail prolongé en accident de travail
d’un salarié d’une entreprise de
travaux publics.
Le temps clinique et social
avec le MG
Ce patient, conducteur d’engin de travaux
publics, est venu consulter pour la survenue brutale
d’une lombosciatique L5-S1, hyperalgique,
survenue après quelques journées de
travail dans une équipe sur un chantier au
sol avec port de charges lourdes, parce que son
engin habituel n’avait pas d’affectation
sur un chantier. Il a accepté de déclarer
sa pathologie en accident du travail avec un arrêt
de travail. Ce patient venait me voir deux fois
l’an pour les prescriptions de contrôles
biologiques de son hémochromatose et de saignées.
Pas d’autre antécédent notable.
Il était fier de son travail et de son engagement
syndical. Mais il n’en parlait pas.
Malheureusement la douleur lombosciatique a augmenté
rapidement avec paraparésie des releveurs
, et au bout de 4 à 6 semaines, malgré
des antalgiques morphiniques il devenait impératif
pour le patient de demander une IRM et de voir un
chirurgien qui pose le diagnostic de hernie discale
et décide de l’opérer environ
2,5 mois après le début de la douleur.
Les suites opératoires se passent bien sauf
du côté de la douleur qui est toujours
très intense et qui sera seulement un peu
soulagée à la pose d’une sonde
rachidienne pour neurostimulation médullaire.
La rencontre du salarié
avec le médecin du travail avec une lettre
du MG
Au bout plus un an d’arrêt de travail
en accident de travail, il accepte d’envisager
sa reprise avec une demande de changement de poste.
Il lui est difficile d’obtenir un RDV de visite
de pré-reprise avec un délai raisonnable
auprès du secrétariat du service médical
de son entreprise.
Il transmet mon courrier expliquant l’évolution
de sa pathologie et de ses incapacités au
médecin du travail qui lui dit de retourner
me voir pour un arrêt de travail car il ne
peut le changer de poste pour le moment. Il ne me
transmet pas de courrier.
Par ailleurs il reçoit une convocation du
Médecin Conseil qui accepte les prolongations
d’arrêt de travail en accident du travail
sans limitation temporelle. Mais il avait rencontré
auparavant l’assistante sociale de la CARSAT
chargée des arrêts de travail de longue
durée.
Le patient qui est délégué
syndical me dit qu’il pourrait travailler
à un poste dans les bureaux ou à la
pesée des camions. A ce stade le patient
est actif à la maison et se déplace
à l’extérieur avec utilisation
de la stimulation à la demande associée
à la baisse des antalgiques.
Après plusieurs semaines d’attente,
et plusieurs rendez-vous reportés, il est
convoqué par le médecin du travail
qui dit « qu’il n’a pas obtenu
de la direction un changement de poste et qu’il
veut lui faire faire un essai de reprise du poste
de conducteur de son engin ». S’il ne
peut pas occuper ce poste, le médecin du
travail lui indique qu’il demandera un licenciement
pour inaptitude au poste de travail. De nouveau
je n’ai pas de courrier transmis. Je fais
le certificat de reprise avec soins. Il revient
me voir au bout de 10j de travail avec des douleurs
importantes de lombalgie et de sciatalgie. Je déclare
une rechute d’accident du travail et la procédure
de licenciement par inaptitude au poste de travail
sera lancée, sans que le patient me transmette
un courrier de ce médecin du travail. Le
patient m’a seulement transmis ses deux messages
: faire la consolidation de l’accident de
travail avec soins, et ne pas faire d’arrêt
de travail dans la période des 15J avant
la confirmation du licenciement .
Au final :
- le patient était anéanti par la
perte de son travail, digne et silencieux.
- le MG était dépitée qu’il
n’ait pas pu conserver son emploi malgré
son ancienneté. Le patient aurait voulu négocier
avec la direction parce qu’il estimait qu’il
y avait un emploi possible pour lui dans cette entreprise.
Par ailleurs je n’ai pas eu d’hypothèse
fournie par le chirurgien ni par le spécialiste
de la consultation douleurs sur l’origine
de cette sciatique si hyperalgique.
Troisième cas :
Une demande d’arrêt de travail d’une
salariée pour une situation d’après
elle insupportable et épuisante au travail.
Le temps clinique et social
avec le MG
Un lundi après-midi une jeune femme d’environ
30ans me consulte pour la première fois pour
un état de grande fatigue, des insomnies,
une irritabilité vis-à-vis de son
bébé et de son compagnon tout cela
depuis quelques semaines. A mes questions sur son
travail elle me répond qu’elle travaille
sur une plateforme téléphonique qui
assure le service commercial d’un opérateur
téléphonique. Elle veut arrêter
de travailler quelques jours car son manager de
plateforme la surveille en permanence quand elle
répond aux clients : il ne veut pas qu’elle
réponde comme elle le fait et lui fait des
réflexions acerbes sans cesse. « Je
ne supporte pas de ne pas pouvoir répondre
aux questions des clients immédiatement quand
j’ai la réponse, ni de reconnaître
qu’il y a une erreur de facturation quand
la personne a une énorme augmentation de
sa facture, car mon travail est de noter dans son
dossier et transférer sa demande à
un autre service qui doit la rappeler. Je sais que
je ne fais pas le chiffre des appels de ceux de
mon groupe. Il faut que je me calme, je pourrai
peut-être y retourner ensuite pour finir mon
contrat, le 3eme de 6 mois, ensuite je les quitte.
» Elle ne présente pas de symptômes
dépressifs, et a exposé son problème
de façon calme, mais avec conviction sans
accuser son chef de plateforme de tous les maux.
Elle n’a jamais rencontré le médecin
du travail de ce sous-traitant.
La situation exposée me paraissant très
claire du côté du retentissement psychique
d’une organisation managériale comportant
harcèlement et obligation de mentir au client,
j’ai fait une prescription d’arrêt
de travail de 7jours, avec une boite de 7cp d’un
somnifère . Elle est revenue 7j après
me dire qu’elle ne pouvait pas retourner au
travail, que son contrat finissait dans 2 semaines
et qu’elle ne le renouvelait pas, mais qu’elle
allait mieux. Sa demande : un arrêt de travail
de deux semaines jusqu’à la fin du
contrat, ce que j’ai fait avec comme motif
d’arrêt : état d’anxiété
généralisé .Je ne l’ai
plus revue . Sa plateforme était à
3km de mon cabinet.
|
Réflexions sur ces cas sur les
conditions de coopération autour des situations d’arrêt
de travail et de licenciement pour inaptitude au poste
1-Les deux professions sont bloquées
dans des rôles pré écrits par le système
:
-Le Mg détenteur de bons à tirer pour arrêt
de travail, mais dont les arrêts de travail de longue
durée sont sous le regard du médecin conseil.
-Le médecin du travail « sélectionneur
de main d’œuvre apte à travailler à
tous postes » sinon arrêt de travail ou licenciement
sous couverture d’une procédure longue entre
la médecine du travail et la direction, sans que
le salarié puisse se défendre.
Le Médecin doit faire le maximum pour les droits
de son patient, c’est dans le code de la santé
publique.
2- L’application du principe «
le médecin traitant communique au confrère
avec l’accord du patient les informations médicales
seulement nécessaires à l’objectif de
la consultation avec l’accord du patient » est
une tâche qui est due au patient, pas toujours facile
à réaliser rapidement. Est cela la cause du
manque de transmission d’information du médecin
généraliste vers le médecin du travail
?
3-Les réponses du médecin
du travail uniquement orales au patient sont frustrantes
pour le généraliste et source de mauvaise
compréhension de son expertise et de ses décisions.
Pourquoi certains médecins du travail ne tracent
pas l’argumentation de leur avis d’aptitude
?
4-S’il m’a été
facile de poser un diagnostic de souffrance au travail
pour cette personne qui avait fait elle-même le lien
de ses symptômes avec ses conditions de travail, d’autres
souffrances sont plus difficiles à identifier au
milieu de multiples symptômes physiques ou psychiques,
de demandes d’arrêts de travail pour des motifs
très banaux, de relations et situations de travail
actuelles ou antérieures complexes à comprendre.
Cette prescription d’arrêt de travail est une
mise à l’abri de la personne dans le secret
total de la consultation.
Par ailleurs je n’ai pas demandé à cette
personne de voir son médecin du travail car elle
ne l’avait jamais vu, et elle avait décidé
de quitter cette entreprise, ce qui est très souvent
les cas des personnes en CDD .
Suggestions d’information et de coopération
médecin généraliste - médecin
du travail :
1. En 34 ans de MG aucun de mes patients
n’a eu un certificat initial de maladie professionnelle
fait par un médecin du travail ou une information
argumentée sur cette possibilité. Une information
du salarié sur la procédure de la déclaration
de sa possible maladie professionnelle avec l’argumentation
peut-elle être faite plus systématiquement
par le médecin du travail avec transmission au
médecin traitant ?
2. L’information du médecin
du travail en direction des femmes susceptibles d’être
enceintes exposées à une substance foeto-toxique
qui est faite pourrait-elle être transmise sous
forme d’un document par la femme à son médecin
traitant ?
3. La méthode de recherche de
signes de souffrance au travail est un sujet qui intéresse
certains médecins généralistes. Pouvez-vous
transmettre ces connaissances ainsi que vos avis sur la
prise en charge (soins primaire ou consultation dédiée)
par les moyens de formation de la profession ? 4. La Coopération
avec l’équipe de santé au travail
: les médecins généralistes ne connaissant
pas le cadre de coopération avec les infirmiers
de santé au travail , ne pourront pas l’utiliser.
Pour conclure : La coopération
entre les équipes médicales du travail et
les médecins généralistes est essentielle
pour contribuer au maintien de la santé des personnes,
à la fois salariés et patients en connaissant
les missions et compétences spécifiques de
chaque groupe professionnel. La réflexion doit être
poursuivie avec les deux professions.
2°
Communication
UNE POSTURE D'EQUILIBRISTE ou « Comment un salarié
patient impulsif peut interférer, à son corps
défendant, dans la relation entre son médecin
du travail et son médecin traitant, au détriment
de l'équilibre de sa santé » Marie
Parent et Anne Gavoille médecins du travail,
GAPEP
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la présentation
15 diapos
Cette
observation étant le fruit d’un travail collectif
en GAPEP (Groupe d’Analyse des Pratiques Entre Pairs),
nous expliquerons d’abord le mode de fonctionnement
spécifique au GAPEP.
Nous
sommes 2 médecins du travail de l'AGEMETRA, SST de
la métropole Lyonnaise. Notre GAPEP, composé
de 8 médecins du travail du service, fonctionne depuis
plusieurs années, avec 5 réunions par an au
cours desquelles nous réfléchissons autour
d'une observation en clinique médicale du travail,
préparée par l'un d'entre nous. Le compte
rendu est ensuite relu et travaillé par un binôme
au sein d'E Pairs.
Le travail suivant a été réalisé
sous l’angle de la collaboration médecin généraliste/
médecin du travail.
Il
s’agit du cas de Sébastien, 30 ans.
C’est un ancien sportif de haut niveau, qui
a pour principal antécédent un spondylolisthésis.
Après un niveau bac pro en maintenance des
systèmes automatisés, il est embauché
en 2005 comme agent de fabrication dans une entreprise
de traitement thermique des métaux, sous-traitante
de la métallurgie.
Pendant plusieurs années, il occupe ce poste
en 3X8 et poursuit la gymnastique ; qu’il
doit cependant interrompre en 2009 suite à
des problèmes de santé.
En
février 2015, on lui propose un poste de
nuit de 18H à 6H les vendredi, samedi et
dimanche. Cela suppose une formation complémentaire.
La première année se passe bien.
Lors de la visite périodique d’avril
2016, il présente des troubles de santé
: troubles du sommeil et cervicalgies (dans un contexte
d’accident de voiture, puis ensuite lors d’un
accident du travail, en février 2016, sans
arrêts).
Il
revient en juillet 2016 à sa demande : il
a fait un bilan cardio pulmonaire en raison d’une
douleur thoracique et d’une dyspnée
; il se sent isolé et n’a plus de vie
sociale. Il a demandé un changement d’horaire
à son employeur, qui a refusé. Avec
son accord, une demande de changement d’horaire
est précisée sur le certificat d’aptitude.
48 H après, Sébastien téléphone
au médecin du travail : il lui demande une
contre-indication médicale à la peinture
du fait des discrètes anomalies retrouvées
au scanner thoracique (foyer de condensation paraissant
séquellaire) : le médecin refuse cette
demande qui ne lui paraît pas justifiée
médicalement.
Cet
événement interroge le médecin
du travail sur la possible recherche d’avantage
social de la part du salarié ; la connaissance
de l’entreprise peut faire envisager le poste
de peinture comme une sanction : la question du
conflit entre le salarié et l’employeur,
déjà amorcée lors du refus
du changement d’horaire, réapparaît,
et le médecin du travail s’y trouve
engagé, malgré lui. Commence alors
un travail « d’équilibriste »
pour le médecin du travail, entre salarié,
employeur, puis le médecin traitant, dont
le fil conducteur devrait être la protection
de la santé.
En
octobre 2016, Sébastien revient en visite
à sa demande, muni d’un courrier du
médecin traitant demandant l’arrêt
du 2X8 et le passage en poste du matin. En effet,
il s’avère qu’il a travaillé
très peu de temps en journée, et qu’il
est assez rapidement passé en 2X8 ; lorsqu’il
travaille le soir, il dort très peu, il est
donc fatigué et peine à gérer
sa vie familiale. Il est en arrêt de travail
depuis le matin même.
La
question se pose de savoir si c’est une question
médicale ou sociale (à partir de quand
l’organisation de la vie personnelle devient-elle
une question de santé ?) ; on retrouve une
même attitude du salarié demandant
ici à ses deux médecins de trouver
une solution pour lui.
Le
médecin du travail se voit dans une posture
de répondre à la prescription du médecin
généraliste, accédant ainsi
à la demande du salarié ; est-ce possible
de ne pas y répondre sans altérer
la confiance qu’a le salarié vis-à-vis
de son médecin ? En restant confraternel
? Comment entendre la demande en faisant valoir
le point de vue du médecin du travail, quitte
à modifier la réponse ?
On
peut se demander pourquoi le salarié a demandé
un courrier à son médecin traitant
et un certificat à son médecin du
travail.
Quoi qu’il en soit, dans cette histoire, il
s’agit d’un moment pivot : celui de
l’acceptation par le médecin du travail
des conclusions du médecin généraliste.
Le certificat de pré reprise est rédigé
ainsi, une étude de poste est également
demandée par écrit ; il sera toujours
le temps d’un réajustement lors de
la reprise effective ; commence alors une série
d’échanges tendus avec l’employeur.
Dans
un deuxième temps, le médecin traitant
prescrit un arrêt à temps partiel thérapeutique
à partir de fin octobre. L’arrêt
est envoyé à l’entreprise. Il
n’y a pas d’échange entre les
deux praticiens.
En
fait, le salarié est prolongé, et
la visite de reprise a lieu début novembre
: le certificat prend en compte les différentes
prescriptions du médecin traitant : temps
partiel thérapeutique, et contre-indication
au travail de nuit.
L’employeur refuse le mi-temps thérapeutique
et demande au médecin du travail «
d’en tirer les conséquences sur l’aptitude
».
Il
est probable que les prescriptions successives,
restrictives et non coordonnées entre les
deux médecins sont de nature à fragiliser
la posture médicale vis-à-vis de l’employeur,
lui laissant plus de pouvoir pour faire pression
sur le médecin du travail.
Il est décidé d’attendre l’étude
de poste prévue mi-novembre pour envisager
les conditions de reprise de Sébastien. L’arrêt
de travail va se poursuivre.
Dans
ce contexte, un entretien long de clinique médicale
du travail a lieu avec Sébastien : il s’agit
d’explorer plus finement les enjeux subjectifs
du rapport au travail, dans ce contexte de conflit,
d’arrêts répétés,
d’une attitude apparaissant comme passive
de la part de ce salarié. La raison essentielle
pourrait être la suivante : Sébastien
paraît en difficulté pour penser ce
qui ne va pas pour lui au travail : il a donc besoin
de construire un positionnement. A défaut,
il fait pression sur chacun des médecins
pour trouver une solution que lui seul peut apporter.
Un
premier échange téléphonique
a lieu entre les deux médecins, à
l’initiative du médecin du travail
: pour le médecin généraliste,
il y est question de la personnalité de Sébastien
(décrit comme « impulsif »),
le travail n’y serait pas du tout évoqué
; le médecin traitant suggère au salarié
de s’arranger avec son épouse ; je
l’informe que le mi -temps a été
refusé et je lui demande si Sébastien
« n’en rajouterait pas un peu »,
dans le but de discerner la part médicale
réelle de la demande sociale.
Il apparaît bien surprenant que le travail
ne soit pas évoqué par le médecin
traitant qui pourtant est dans une attitude de prescription
vis-à-vis du travail.
L’élément d’impulsivité
(de qui ? médecin ou patient ?) éclaire
cette impression de besoin de solution rapide, et
d’une possible immaturité chez Sébastien.
Dans
un deuxième temps, Sébastien me rapportera
les propos de son médecin traitant à
l’égard du médecin du travail
« il a dit que vous pensez que je suis tire
au flanc » !
Que penser de cette non réserve ; ne pas
tout dire, pour le bien du patient, n’est-ce
pas une règle déontologique implicite
?
L’étude
de poste dans l’entreprise est tendue : il
est reproché au médecin du travail
d’être responsable d’une désorganisation
de la production et une demande d’inaptitude
est, de nouveau, clairement évoquée.
Le médecin du travail rappelle à l’employeur
qu’il relève de sa responsabilité
de justifier par écrit son refus de temps
partiel.
La
poursuite des échanges avec le médecin
se fait par courrier (envoyé par le médecin
du travail), demandant une prolongation des arrêts
de travail, ce qui permet à Sébastien
de poursuivre les soins (il a eu un nouvel accident
de voiture début novembre en rentrant de
la crèche), réaliser les examens complémentaires,
rencontrer la conseillère du travail pour
réfléchir à son devenir professionnel.
Ce sens de l’arrêt de travail est explicité
par écrit au médecin traitant, avec
disponibilité pour un échange téléphonique.
La nécessité médicale de la
contre-indication au travail de nuit est répétée,
mais la contre- indication au poste de l’après-midi
y est présentée comme discutable -
après réflexion, rencontre avec l’employeur,
vécu des autres salariés travaillant
aussi en 2X8.
D’autres
visites médicales ont lieu janvier et avril
: Sébastien est en soins pour sa cervicalgie,
l’IRM a montré une protrusion discale
semblant venir au contact de l‘émergence
radiculaire en C3 C4.
Il entame un bilan de compétences.
Un nouveau courrier est envoyé au médecin
traitant expliquant la nécessité de
l’arrêt et prévoyant une inaptitude
prévisible du fait de la contre-indication
au travail de nuit, mais aussi à la manutention
et aux gestes répétitifs des membres
supérieurs.
Depuis, les arrêts de travail sont renouvelés,
il est demandé à Sébastien
d’en expliquer lui-même le sens à
son praticien. Il envisage de devenir vendeur.
|
L’étude détaillée
de cette observation en GAPEP a porté sur :
- Les modalités d’échanges
entre les deux praticiens : écrit pour garantir
la confiance (courrier ouvert pour le salarié),
au mieux précoces, ce qui n’a pas été
le cas ici, échange téléphonique
dans un deuxième temps, mais aussi parole du salarié
qui est devenue centrale au fil de cette histoire
- Les champs d’action respectifs et les postures
: état de santé global et environnement
privé et familial pour le médecin traitant/
état de santé constaté et transmis
par le salarié, environnement de travail pour le
médecin du travail.
Les
obstacles à la coopération relèvent
des contraintes de chaque profession : pour le médecin
traitant, ce sont les contraintes de l’activité
libérale (paiement à l’acte, temps
compté), le contrôle par les organismes de
sécurité sociale ; pour le médecin
du travail : faible capacité d’action corrective
sur les conditions de travail mais rôle d’alerte
et de soins vis-à-vis du collectif, forte instrumentalisation
par le salarié et l’employeur, posture sociale
nécessitant un travail de négociation, disponibilité
temporelle, pouvoir sur le contrat de travail, retour
immédiat suite à l’action car relation
médecin du travail, salarié, employeur «
captive ».
- La question de la rivalité entre
les médecins se pose lorsque chacun fait «
intrusion » dans le champ de l’autre (thérapeutique
ou préventif) : ici, en prescrivant un aménagement
de poste sans questionner le travail, ou lorsque le médecin
du travail suggère la réalisation d’examen
complémentaire (IRM) ou le recours au spécialiste
- Une controverse est apparue sur la notion d’une
collaboration réussie : pour certains, si l’absence
de réponse écrite au courrier peut être
vécue comme frustrante, pour les autres les demandes
de prescription d’arrêt de travail ont été
entendues, au bénéfice du patient.
Une collaboration réussie supposerait
elle :
- Une posture de curiosité face
au métier de l’autre : prescription éclairée,
ouverture à l’échange ?
- Un réajustement au fil du temps ?
- La reconnaissance de l’identité commune
de médecin dépassant les différences
de pratiques, avec pour objectif la santé du patient
?
- Et en permettant au salarié patient de devenir
lui-même acteur de sa santé ?
Bibliographie :
Haute Autorité de Santé : « Repérage
et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement
professionnel ou burn out » (Mars 2017)
3°
Communication -
La coopération entre les équipes médicales
du travail et la médecine générale :
au travers de deux cas clinique vus en GAPEP Michèle
Weber médecin du travail Strasbourg, Gapep
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18 diapos
La
coopération entre les équipes médicales
du travail et la médecine générale
est absolument nécessaire au maintien dans l’emploi
des salariés présentant des problèmes
de santé. J’ai essayé, au travers de
deux cas, de démontrer que cette collaboration harmonieuse,
avec l’accord du salarié et dans le respect
du Code de Déontologie, permet de maintenir dans
l’emploi des salariés atteints de pathologies
lourdes qui auraient pu constituer un frein.
Le
1er cas est celui d’un maçon
coffreur de 34 ans au moment du diagnostic, 38 ans
aujourd’hui, atteint de troubles bipolaires.
Au moment de sa reprise d’activité,
des restrictions (notamment au travail en hauteur)
avaient été émises par le médecin
du travail en charge de l’entreprise. Ce n’est
que plusieurs mois plus tard que le service sécurité
de l’entreprise, s’est préoccupé
de ces restrictions et a averti le médecin
du travail auquel l’entreprise avait été
affectée entretemps pour lui demander une
solution en extrême urgence.
Une
collaboration active s’est installée
dès le départ entre le médecin
traitant du salarié, son psychiatre et le
médecin du travail, tous persuadés
de la nécessité pour le salarié
d’un maintien en activité et de l’absence
de danger pour lui et ses collègues sous
réserve d’un suivi régulier
et d’une bonne observance thérapeutique.
Ce suivi est aujourd’hui partagé entre
les trois médecins, dans le respect des prérogatives
de chacun et dans le cadre d’un secret médical
partagé. Le salarié poursuit son activité
sans problème et son entourage professionnel,
un temps inquiet, est aujourd’hui pleinement
rassuré et partie prenante du maintien dans
l’emploi du collègue
Le
2ème cas
est celui d’un patient de 57 ans aujourd’hui,
(54 ans au moment où de sa maladie), opéré
d’un prolapsus des valves mitrales, manutentionnaire,
maintenu dans l’emploi grâce à
une collaboration active, impliquant et responsabilisant
le salarié, du médecin généraliste,
du cardiologue et du médecin du travail.
Emaillé de multiples péripéties
au départ, le maintien au travail de ce
salarié est aujourd’hui réussi.
Le médecin traitant était au départ
très réticent pour cette reprise
et avait formulé une demande d’invalidité,
refusée par le médecin conseil,
ce qui avait été très mal
vécu par le salarié, persuadé
d’être victime d’une injustice.
Cette décision du médecin conseil
semblait cependant légitime, au regard
de la bonne récupération fonctionnelle
après l’intervention. Soutenu par
un cardiologue persuadé du bienfondé
de cette décision, le médecin du
travail a négocié un aménagement
du poste de travail auprès de l’employeur,
compatible avec la reprise de l’activité.
La survenue d’un malaise d’étiologie
finalement non retrouvée (et en tout état
de cause non cardiaque), sur les lieux du travail,
après seulement 5 jours de reprise, a compliqué
l’acceptation par l’employeur, et
surtout par les collègues, du retour au
travail. Les compétences du médecin
du travail, récemment en charge de l’entreprise,
ont été ouvertement mises en doute
par le collectif ; il n’a bien sûr
pas été possible pour ce dernier
de se justifier en raison du secret médical
et sa réputation dans l’entreprise
ne doit aujourd’hui son salut qu’au
fait que, 4 années plus tard, le salarié
est toujours en activité et en pleine forme
!
Après
un nouveau bilan réalisé par un cardiologue
différent, parvenu aux mêmes conclusions
que le premier, il a finalement été
possible de réinstaurer une relation de confiance
avec le salarié et avec son médecin
traitant et d’envisager la reprise de l’activité.
C’est très certainement grâce
à cette relation de confiance, et à
l’apaisement des tensions avec son médecin
traitant que le salarié, rassuré à
la fois sur son état de santé et sur
la compatibilité de son poste de travail
avec ce dernier, est parvenu à reprendre
son activité.
|
2-
Table ronde et débat :
Questions :
1 - Pluralité de situations cliniques nécessitant
un travail en coordination. Quelles règles de coopération
dans le but d’être utile à la santé
du patient ?
2 - Quelle place pour l’analyse du
travail et de ses aspects délétères
?
3 - Quelles recherches de synergie des
deux filières médecine générale
et du travail, avec les autres partenaires de santé,
les médecins spécialistes, les consultations
de pathologies professionnelles, les médecins conseils
et de contrôle ?
- Présentations de cas cliniques individuels ou
collectifs plus ou moins partagés, ou de carence
de coopération ? En quoi l’analyse du travail
et de l’engagement du travailleur qui s’y
déploie et facilite la coopération pour
la prévention et les soins.
- Visite de pré-reprise/ préparation à
la reprise après maladie ou accident grave
- Quelle déclaration en MP et quand, pour des
pathologies d’usure professionnelle
- Arrêt de travail ou non face à un travail
délétère qui cherche un appui et
un soutien médical lorsque sa capacité de
prendre soin de sa santé s’épuise
- Quelles ressources pour pouvoir établir un certificat
médical de MP pour un salarié retraité
- Urgence psychopathologique du fait ou au travail
- Quelles coopérations pour le maintien au travail
et y construire sa santé
Discussion
entre pairs – Dispute/Repères professionnels
[1]
Modérateur – Gérard Lucas
MDT : Personne ne connaît
le travail du médecin du travail alors j’ai
l’habitude d’appeler le médecin traitant
devant le patient. Aujourd’hui, j’ai appris
que je devais faire plus de courrier au médecin généraliste.
MDT : je suis un médecin
du travail sans expérience de médecine générale.
Je ressens une frustration par rapport à ma collègue
qui a présenté le cas N° 3 car j’ai
eu des salariés qui ont fait des bouffées
délirantes mais quand j’ai essayé de
travailler avec le médecin traitant et le psychiatre
sur le rôle du travail dans cette pathologie délirante,
je suis passé pour un extraterrestre.
MDT : je me suis questionné
dans le cas clinique exposé dans la 2ème intervention
quand le salarié a présenté des troubles
du sommeil. Auparavant, il travaillait en 3X8 puis de nuit
ce qui peut entrainer des troubles du sommeil mais apparemment
à ce moment-là, cela n’aurait pas été
évoqué avec le médecin du travail.
Que s’est-il passé au niveau du travail ? Y
a-t-il eu des évènements, en dehors des horaires
de travail, dont il n’aurait pas parlé au médecin
du travail pouvant être à l’origine de
ses troubles du sommeil ? On pourrait peut-être obtenir
des renseignements auprès du médecin traitant
par l’intermédiaire du salarié.
Dans la 3ème intervention, pour les pathologies cardiaques,
il y a souvent le problème de la peur : peur du salarié,
peur du collectif de travail, peur de la hiérarchie,
peur des médecins. Qu’est ce qui s’est
passé au moment du malaise ? Quels sont les éléments
qu’on aurait pu apporter au médecin généraliste
pour orienter sa prescription ? Il n’y avait pas de
compréhension partagée du travail entre les
2 praticiens.
MG : ce serait bien pour le médecin
généraliste d’avoir connaissance des
fiches de poste. Pour un salarié présentant
une pathologie psychiatrique, personnellement je lui dirai
de ne pas le dire au médecin du travail. Je donnerai
le même conseil pour d’autres pathologies comme
la séropositivité au VIH et le diabète
afin d’éviter que l’employeur soit au
courant.
MDT : cette réflexion est
très intéressante puisqu’elle touche
la question de la confiance car le médecin du travail
n’est pas choisi par le salarié mais il est
soumis au secret médical comme tout médecin.
Par contre le salarié n’est pas obligé
de tout dire au médecin du travail ou à l’équipe
médicale. Il va être confronté à
la confiance dans l’équipe médicale.
En tant que médecin généraliste, vous
pouvez vous poser des questions. L’écrit est
un des moyens de lever le malentendu et les ambiguïtés.
MDT : par rapport à la confiance
et au secret médical, j’ai constaté
que dans les collectivités, les agents parlaient
beaucoup de leur santé. J’ai instauré
le secret médical absolu et conseillé au salarié
de ne pas parler de leur santé au travail. La diffusion
des informations sur la santé des salariés
dans l’entreprise est un problème et peut être
nuisible.
MDT : je voulais faire une remarque
sur le secret médical : dans les entreprises, il
est le plus souvent dévoilé par les salariés
et beaucoup moins par les médecins du travail
MDT : salarié d’un
gros service de 90 médecins du travail, j’ai
accompagné des dizaines de médecins généralistes
avec un collègue pour des consultations et des visites
d’entreprise, nous n’étions que 2 médecins
du travail volontaires pour ce type d’action. Depuis
plusieurs années, cela ne se fait plus mais j’ai
des échanges avec des jeunes médecins lors
des visites de pré reprise. Je note l’importance
de la clinique médicale du travail pour apprendre
beaucoup d’informations sur les motifs liés
au travail qui sont cachés. Pour des pathologies
graves, les salariés peuvent être malmenés
au travail mais cela peut les aider à se structurer
et à faire des demandes. J’ai constaté
que pour les personnes qui sont plutôt dans le tertiaire,
la maladie grave n’est pas synonyme de peur mais plutôt
synonyme de nouvelle vie.
Pour le secret médical, le salarié doit comprendre
que c’est son intérêt pour son maintien
au travail.
MG : dans la suite et par rapport
à la dernière situation clinique, cela pose
la place du patient/salarié, de son écoute,
de son vécu de la maladie, de son intervention et
de son vécu du travail. Qu’est-ce qu’on
lui a dit de l’intervention ? Qu’est-ce qu’on
lui a dit des suites ? Qu’est-ce qu’on lui a
dit de ce qu’il pourrait faire ensuite ? Lui a-t-on
dit qu’il risquait quelque chose ? Ce n’est
pas une question intellectuelle : tant que le travail n’a
pas été fait par tous les praticiens, chacun
va être dans ses propres représentations. Et
dans ce cas, il n’y a pas de confiance entre les praticiens.
MDT : médecin du travail
depuis plus de 30 ans, je suis surprise de la défiance
des médecins généralistes envers les
médecins du travail. Moi, je reçois des documents
médicaux de la direction, qui les a reçus
du salarié, alors que le médecin généraliste
aurait plutôt du écrire au médecin du
travail. Les réponses à mes courriers des
médecins traitants sont d’une dizaine en 30
ans de métier. Cette défiance peut aussi être
liée au manque de temps. Moi, je suis médecin
du travail et salarié de l’employeur : les
médecins du travail sont les conseillers de l’employeur
et peuvent prescrire des aménagements de poste.
MDT : plusieurs points : la profession
a beaucoup à faire : c’est au médecin
du travail de faire les déclarations de Maladies
Professionnelles (MP). La question des visites de pré
reprise peut être un problème si le médecin
du travail n’a pas la maitrise de son agenda : dans
certains Services de Santé au Travail, il y a des
secrétaires indépendantes du médecin
qui font les convocations et dans ces cas-là, le
salarié ne peut pas avoir de rendez-vous de visite
de pré reprise. Il faut que les médecins du
travail se battent pour avoir la maitrise de leur agenda.
Je pense que l’autonomie du salarié est très
importante : il doit pouvoir dire ce qu’il a envie
de dire
Le problème de la communication par le salarié
est également posé : connaissance de la santé
? Connaissance du travail ? Problème de temps pour
la communication entre les deux praticiens ?
Sur la question de la défiance : celle-ci existe
: quelle est l’identité professionnelle du
médecin du travail ? Le médecin du travail
a un métier très prescrit. Il y a aussi la
question de la peur du médecin généraliste
et de la peur du médecin du travail. E-Pairs prône
l’accompagnement du salarié quelle que soit
sa pathologie pour construire sa santé. Une contre-indication
au travail de nuit en tant que telle n’est pas intéressante
mais ce qui est important c’est ce qui sous-tend cette
décision.
MDT : il faut accepter les inconnus
comme l’absence de réponse au courrier, la
non connaissance de toutes les pathologies ou des traitements
des salariés mais il faut donner un regard sur le
métier. Les demandes du médecin du travail
au médecin généraliste, il faut les
reformuler comme pour l’ergonomie et voir ce qui relève
des prérogatives de chacun. Il faut garder le travail
au centre et donner un retour au médecin généraliste
sur le travail.
MDT : je suis médecin du
travail depuis 20 ans après avoir été
médecin généraliste. Je veux reparler
des déclarations de MP : pendant ma formation de
médecine du travail, les enseignants m’ont
déconseillé de les faire car cela me mettrait
en position très délicate par rapport au collectif
de travail. Je fais une copie de toutes les informations
nécessaires sur le travail au médecin généraliste
pour que celui-ci fasse la déclaration. D’autre
part, les médecins généralistes travaillent
plus avec nous dans les cas de souffrance au travail car
nous avons la vision de l’entreprise et du collectif.
MDT : on n’a pas à
se sentir agressé qu’un salarié transmette
des aménagements de poste de la part de son médecin
généraliste. La question, c’est pourquoi
ce salarié a fait comme ça ? S’agit-il
d’un problème de confiance entre le salarié
et son médecin du travail ? Cela signifie qu’il
y a un gros travail à faire dans les coopérations
avec les médecins généralistes. Comment
nos coopérations pourront être nourries de
l’engagement du salarié quand les médecins
du travail connaissent la clinique médicale du travail
? Je pense qu’une étude de poste ne servira
à rien pour le médecin généraliste.
Ce qui est important c’est que pense le médecin
du travail de la situation de travail du salarié.
Quant à la déclaration des MP, il y a des
médecins du travail qui déclarent et d’autres
qui ne déclarent pas. Les coopérations ne
pourront pas se développer si on n’est pas
au clair sur leurs pratiques. Le problème : jusqu’où
sommes-nous limités pour faciliter la santé
au travail des salariés. Il n’y a pas de secret
partagé. Tout ce qui a à voir avec le travail,
on doit le mettre et on doit dire pour qui on le met.
MIRT : il est important de passer
par le salarié pour la transmission des informations
pour qu’il ne soit pas infantilisé. Il faut
lui donner les moyens de savoir les risques qu’il
court. J’ai entendu : les coopérations entre
médecins du travail et médecins généralistes
s’améliorent peut être grâce à
la souffrance au travail. Les médecins du travail
sont de moins en moins bien au travail et ils sont peut-être,
de ce fait, plus attentifs au travail des salariés.
De plus en plus, les médecins du travail ne voient
que des gens qui ne vont pas bien et sont plus dans la position
des médecins généralistes
La coopération passe par la communication écrite
Collaborateur MDT : j’étais
auparavant médecin militaire donc polyvalent. Je
suis collaborateur médecin depuis le début
de l’année seulement. Le médecin du
travail est le plus souvent le dernier informé des
MP. Ce sont les pathologies chroniques qui sont les plus
embêtantes. Le médecin du travail est le dépositaire
de la connaissance du travail, de l’entreprise, et
du collectif. Je communique par écrit avec tous mes
confrères, je leur téléphone en présence
du salarié. Ce qui est important c’est la légitimité
par rapport au patient. Avoir la confiance du salarié
est le plus important.
MG : dans une des observations,
j’ai noté que c’était important
de connaître la santé du collectif car cela
permet de comprendre la santé du salarié et
c’est ce que j’aimerai trouver dans la collaboration
avec les médecins du travail. Je fais les déclarations
de MP et je pense que tous les médecins doivent faire
ces déclarations. La difficulté : je suis
remplaçante et j’ai parfois des reproches des
collègues que j’ai remplacés car ils
me disent que la personne sera moins bien remboursée
en MP.
MDT : nous avons des problèmes
quand on fait des déclarations de MP dans certaines
entreprises
Conclusion
: il est important d’instruire la question
du travail par le médecin du travail et par le médecin
généraliste, le patient étant le fil
rouge de la coopération.
II°- Règles professionnelles
en médecine générale et
Expériences de groupes de pairs médecin du
travail et infirmier en santé au travail pour construire
des Repères de coopération
3- Communications
4° Communication
–
Médecins
généralistes et équipes médicales
du travail : travailler ensemble pour la santé des
patient[e]s
Marie Kayser, Martine Lalande,
médecins généralistes
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13 diapos
Nous sommes dans une période de
précarisation du travail, avec un nombre important
de chômeurs et sommes de plus en plus souvent témoins
de souffrance au travail.
Dans un certain nombre d’entreprises il n’y
a plus de médecin du travail ; la loi El Khomri a
encore espacé les visites systématiques en
médecine du travail et les modifications législatives
à venir risquent fort de ne pas améliorer
la situation.
Une des conditions de la coopération entre équipes
médicales du travail et médecins généralistes
est que chacun des acteurs connaisse les pratiques de l’autre,
ses possibilités d’action et ses difficultés.
Les pratiques des médecins généralistes
(MG) et des équipes médicales de travail sont
très variables ; nous partirons donc ici des nôtres
en essayant de les resituer dans le contexte plus global
de la médecine générale.
I. Comment les questions
de santé au travail se posent-elles dans nos pratiques
?
A) Petit aperçu d’une matinée
de consultation
Sur 10 personnes, la moitié a consulté
pour des problèmes directement liés au travail
Deux
exemples :
-
Mina a 40 ans, a un asthme grave, et un diabète
traité par insuline. Elle a travaillé
dans un magasin de conditionnement et a été
reconnue en Maladie Professionnelle (MP) pour 4
tendinites au niveau des 2 coudes et des 2 poignets.
Ces MP ont toutes été consolidées
sur injonction de l’Assurance maladie au bout
d’un an avec une reconnaissance d’Incapacité
Permanente Partielle (IPP) pour 2 d’entre
elles à 4%. Les soins post-consolidation
ont été refusés. La patiente
conteste l’IPP pour une des maladies professionnelles.
Elle a été licenciée pour inaptitude.
L’Allocation Adulte Handicapé lui a
été refusée. La consultation
a servi à ranger les papiers de MP avec elle
dans 4 dossiers de couleurs différentes et
à faire une lettre pour le CATRED (Collectif
des Accidentés du Travail, handicapés
et Retraités pour l’Égalité
des Droits) pour l’aider dans ses démarches.
-
Ahmed, 40 ans, est manutentionnaire, a des paresthésies
dans le territoire du radial de la main dominante,
il manipule des paquets lourds qu'il emballe, le
rythme de travail s’accroit chaque année,
avec de plus en plus de travail et de moins en moins
de personnel. Sa collègue a un cancer, elle
n’est pas remplacée. Je lui ai prescrit
un Electromyogramme mais je ne sais pas comment
déclarer la maladie professionnelle alors
qu’il n’y a pas de tableau ?
|
B) Faire le lien santé –travail
et accompagner les patient[e]s.
Les patient-e-s viennent consulter leur médecin
généraliste pour toutes sortes de problèmes
dans des contextes aigus ou chroniques. Parmi ces problèmes,
certains sont en lien avec le travail.
Si ce lien est assez facile à faire dans le cas des
Troubles musculo squelettiques (TMS) il est beaucoup plus
difficile à faire dans d’autres situations
comme les cancers par exemple et dans les souffrances au
travail.
Une
situation clinique de souffrance au travail
Une patiente me consulte pendant ses congés
pour des maux de tête; elle me parle de son
fils qui l’inquiète : c’est un
jeune adulte qui a une grande fragilité psychologique
et des problèmes de consommation de drogues.
Je
la revois une première fois après
la reprise du travail en septembre. Elle a des troubles
du sommeil, se sent fragile, a les larmes aux yeux
et me reparle de son fils.
A la consultation suivante elle me dit qu’elle
ne va pas mieux et n’arrive plus à
faire face au travail. Je lui demande alors de me
raconter ce qui se passe au travail : depuis la
rentrée il y a eu une réorganisation
du service privé de restauration scolaire
où elle gère une petite équipe
: des machines et des tâches nouvelles, mais
pas plus de personnel. Elle a peur de ne pas y arriver
et se sent incompétente alors que je l’ai
connue toujours bien dans son travail.
Ce n’est qu’à cette étape
du suivi que je pense à un facteur de décompensation
lié au travail.
|
La connaissance des patient[e]s et le suivi
dans la durée en médecine générale
sont un appui précieux mais peuvent en même
temps nous égarer comme on le voit dans ce récit.
C’est le repérage et l’analyse des symptômes
présentés et la compréhension du déroulé
de l’histoire au travail qui m’ont permis et
ont permis à ma patiente d’établir progressivement
le lien entre les symptômes et les modifications de
la situation au travail qui ont été imposées
à toute l’équipe avec une place particulière
pour elle qui la dirige.
Cette démarche a eu pour cette patiente un rôle
thérapeutique car cela lui a permis d’intégrer
progressivement qu’elle a été mise en
difficulté par la modification de l’organisation
du travail alors qu’elle s’était jusque-là
toujours sentie compétente au niveau professionnel
et que c’est cette souffrance au travail qui est venue
décompenser un équilibre, certes déjà
fragilisé par ses soucis familiaux. Cela l’a
aidée à reprendre petit à petit confiance
en elle.
Certifier du lien entre santé
et travail ?
C’est cette démarche qui peut
permettre au généraliste de certifier du lien
entre les symptômes présentés par la
patiente et ses conditions de travail alors qu’il
ne connaît de l’entreprise que ce que lui en
dit la patiente.
Cette question du lien se pose pour le motif médical
qui doit être indiqué sur l’arrêt
de travail, pour nos courriers au médecin du travail,
à la consultation de pathologie professionnelle ou
pour les certificats que nous demandent parfois directement
les patient-e-s.
Cette question est particulièrement importante car
l’écrit pourra être utilisé ensuite
par les personnes par rapport à leur employeur pour
aller en justice : prudhommes… Et les employeurs portent
de plus en plus souvent plainte devant l’Ordre des
médecins contre les médecins qui font le lien
entre santé et travail, ce qui décourage ceux-ci
de poser ce lien.
Nous pourrons ainsi dans un certain nombre de cas certifier
de ce lien en notant, sur l’arrêt de travail
par exemple : « Souffrance en lien avec une situation
de travail ».
D’autres fois notre démarche diagnostic ne
nous permet pas de certifier ce lien et la formulation peut
alors être « Souffrance décrite par le
patient comme en lien avec ses conditions de travail ».
Dans le cas de cette patiente le lien a pu être attesté
sur l’arrêt de travail.
L’accompagnement de la personne
L’arrêt de travail est un des
outils thérapeutiques dont dispose le généraliste
pour accompagner ses patient-e-s. Le médecin généraliste
doit cependant être attentif s’il le prolonge
à ce que la question du travail et de ses modalités
soit posée (sinon l’arrêt risque d’être
finalement refusé par le médecin conseil alors
que la personne n’est pas en état de reprendre
le travail) ; c’est la question du lien avec le médecin
du travail à travers la visite de pré-reprise,
c’est aussi celle du lien du travailleur avec son
collectif de travail et du lien avec le réseau des
professionnels, administrations et associations qui peuvent
avoir un rôle support.
C) Les difficultés en médecine
générale
1) Difficultés du côté
des médecins
a) L’insuffisance de formation
Les médecins généralistes
ne prennent pas assez en compte l’impact des facteurs
environnementaux sur la santé de leurs patients et
se sont souvent formés « sur le tas »
sur les questions de santé et travail.
Deux items seulement sur les 345 de l’Examen classant
national de fin de 6° année sont consacrés
à la question santé et travail.
Pendant les trois années de formation en MG, les
internes sont un peu plus formés à raisonner
selon un modèle biopsychosocial mais ils n’ont
pas toujours de formation spécifique sur santé
et travail.
Les stages chez le praticien devraient aussi permettre cette
formation mais encore faut-il que le praticien soit lui-même
formé.
La journée obligatoire à la Caisse primaire
d’Assurance maladie les forme sur le côté
réglementaire et la rédaction des certificats
d’AT, MP mais elle les forme aussi à réduire
la durée des arrêts de travail.
Quant à la formation continue, théoriquement
obligatoire, les médecins peuvent ne jamais se former
sur ce sujet
b) Les modalités d’exercice
Le médecin généraliste
est payé à l’acte : toute exploration
un peu plus poussée est donc « non rentable
». S’ajoute souvent une surcharge de travail
liée aux problèmes de démographie médicale
c) L’attitude de l’Assurance
maladie :
les contrôles des arrêts de
travail sont de plus en plus restrictifs (avec un nombre
de jours indicatifs pour les différentes pathologies),
les refus de reconnaissance en maladie professionnelle et
des soins post-consolidation augmentent.
2) Difficultés du côté
des patient[e]s
Ils et elles ne font pas toujours le lien
entre leurs symptômes et le travail et n’osent
pas toujours en parler au généraliste (en
particulier en cas de souffrance au travail où un
sentiment d’incompétence est souvent présent).
Parfois ils pensent que cela n’est pas du ressort
du généraliste, qu’il ne s’y intéressera
pas ou ne pourra les aider.
Certaines fois ils/elles ne veulent pas prendre d’arrêt
de travail ou faire une déclaration en AT/MP : peur
de passer pour des tire au flanc vis-à-vis des patrons,
mais aussi des collègues, refus de surcharger ceux-ci,
peur de porter tort à l’employeur ( dans les
TPE) mais aussi pressions de ceux-ci, crainte des répercussions
dans un contexte d’emploi précaire, complexité
des déclarations en MP, problème du paiement
des jours d’arrêt qui tardent souvent.
Méconnaissance aussi des droits, isolement surtout
dans certains travaux très précarisés,
sans compter celles et ceux qui ne sont pas déclarés.
II. Comment travailler entre
médecins généralistes et médecins
du travail, dans l’intérêt de la personne
? A. La communication
reste assez rare et teintée de méfiance
Les médecins généralistes
entrent parfois en contact avec le médecin du travail
quand ils pensent que la reprise ne sera pas possible sans
un aménagement de poste ou d’organisation ou
pour poser la question d’une inaptitude à tous
les postes s’il semble que la personne ne pourra plus
reprendre le travail. Cela se fait dans le cadre des visites
de pré-reprise mais il y a des endroits où
il n’y a pas de médecin du travail et parfois
cette visite est très difficile à obtenir.
On doit alors faire intervenir l’inspection du travail
ou les syndicats.
Dans notre expérience, les médecins du travail
nous contactent rarement et c’est souvent pour des
problèmes somatiques qu’ils ont décelés
à des visites systématiques (de plus en plus
espacées, et jamais dans certaines professions –
les enseignants, les saisonniers , les intérimaires,
les stagiaires…-) . Comme l’HTA, ou du sang
dans les urines (mais pourquoi font-ils encore des bandelettes
urinaires ?) Ou encore pour demander des examens supplémentaires,
ce qui peut être vécu par les généralistes
comme une surmédicalisation…
La communication se fait par l’intermédiaire
du patient, par des courriers souvent succincts, parfois
par téléphone. Des deux côtés,
les médecins sont difficiles à joindre directement.
Les généralistes n’appellent pas les
médecins du travail sans l’avis du patient
et leur répondent peu (comme avec les spécialistes
d’organe).Ils se méfient, ne veulent pas tout
leur dire, ils gardent leurs distances jusqu’à
ce qu’ils repèrent qu’ils ont besoin
du médecin du travail.
Par ailleurs les généralistes ne connaissent
pas les attributions des différents membres de l’équipe
médicale du travail autres que le médecin
du travail.
Et pourtant, il nous semble qu’on s’extasie
des deux côtés quand le médecin (MG
ou MT) fait son travail, c’est-à-dire qu’il
s’occupe de la santé et des droits de son patient/sa
patiente.
B. Ce qu’on pourrait faire ensemble
En fait le généraliste et
le médecin du travail ont besoin l’un de l’autre
pour accompagner la personne car ils sont dans des espaces
différents de part et d’autre des « murs
» de l’entreprise et chacun a une formation,
un cadre et une pratique spécifique. La personne
évolue, elle, dans les deux espaces et c’est
elle qui est « le fil rouge » de la coopération.
1) Le médecin généraliste
a besoin du médecin du travail :
- Pour connaître les risques auxquels
sont soumis les patient.es et ainsi être plus vigilant
dans la reconnaissance de symptômes ou de pathologies
en lien avec le travail
- Parce que c’est le médecin
du travail qui peut intervenir au niveau de l’entreprise
pour aider à la réintégration de
la personne, particulièrement dans le cadre d’arrêt
de travail long et/ou quand la reprise ne semble pas pouvoir
être envisagée sans un aménagement
de poste, une modification de l’organisation du
travail, une reprise à temps partiel thérapeutique…
C’est aussi avec le MT que peut se poser pour la
personne la question d’une inaptitude quand il ne
semble pas possible que la personne reprenne son travail
même avec des aménagements.
- Parce que les MG ont besoin des connaissances
plus approfondies du MT dans l’accompagnement des
personnes
• Dans le cadre des déclarations
de MP : examens à faire, aide pour les personnes
pour remplir les documents sur les gestes de travail.
• Pour envisager ce qui est le plus pertinent
pour la personne dans les situations complexes, demande
de reconnaissance TH, question d’invalidité
et de MP.
- Pour soigner certains patients qui ne voient que le
médecin du travail.
2) Ce que les généralistes
peuvent apporter au médecin du travail :
- La spécificité du métier
de généraliste : un abord du patient dans
sa globalité et dans la durée qui peut permettre
à travers l’échange entre les professionnels
et avec le patient /salarié de mieux comprendre
ce qui se joue au travail au niveau de sa santé,
comment le problème de santé actuel s’intègre
dans son parcours.
- Le fait que le cabinet du généraliste
est à la fois un lieu de premier recours et un
lieu de suivi au long cours : c’est là que
peuvent être repérées et /ou parlées
pour la première fois les atteintes à la
santé liée au travail, le généraliste,
en développant une « clinique médicale
du travail » peut attester du lien santé
–travail. Il fait les certificats initiaux de déclaration
d’AT ou de MP et assure aussi leur suivi (y compris
les demandes de soins post- consolidation).
- les MG font les arrêts de travail
- Ils peuvent travailler en réseau
avec d’autres spécialistes médicaux,
sociaux ou associatifs
3) Quelles sont les conditions de cette
coopération entre médecin généraliste
et équipe médicale du travail ?
- Pour que cela fonctionne, il faut
développer la confiance et l’indépendance
:
La confiance est d’abord celle de la personne dans
chacun des deux professionnels et celle des professionnels
entre eux. L’indépendance des professionnels
est une condition indispensable de cette confiance.
Il faut remettre en cause les pressions faites par les
employeurs ou par l’Assurance maladie. Le MT est
théoriquement indépendant mais il est salarié
de l’employeur ou de la société inter-entreprises
et il est souvent sous pression (et quid des infirmiers
du travail dont le statut ne comporte pas cette indépendance).
Le MG est théoriquement indépendant de l’Assurance
maladie mais lui aussi sous une pression qui va en augmentant
(par exemple pour la réduction des arrêts
maladie ou la fin des soins en AT ou MP) et l’actuelle
rémunération à la performance est
une remise en cause de son indépendance.
- Chaque professionnel doit avoir conscience
qu’il doit travailler dans l’intérêt
de la personne au travail (et dans sa vie) uniquement,
dans le respect de son rythme et du secret qui lui est
dû. Il doit communiquer à bon escient, toujours
avec l’accord de la personne, en sa présence
de préférence ou par son intermédiaire
(courriers) et respecter le secret professionnel qui implique
de ne partager entre médecins que ce qui est utile
pour la prise en charge de la personne.
- Chaque professionnel doit avoir l’idée
qu’il/elle peut former l’autre en l’informant
de ce qui est important pour la personne au travail, avec
l’accord de celle-ci, sur des questions techniques
comme sur les aspects psychologiques et sociaux qui influent
sur les problèmes de santé.
Même si MG et MT communiquent mieux,
si les MG se forment mieux, et que les MT les éclairent
sur les possibilités d’aménager le travail
pour aller dans le sens d’une préservation
de la santé des travailleur, - la loi El Khomri ne
va pas leur donner plus de moyens pour le faire - , cela
ne suffit pas.
Si l’on veut faire de la prévention
et que les différents soignant.es soient efficaces
pour défendre au mieux la santé au travail,
il faudrait :
- Du côté des médecins
du travail : fournir au travailleur dès l’embauche
des fiches techniques pour leurs médecins traitants
précisant les risques du poste de travail ; et
informer les travailleurs de leurs droits et des démarches
à faire dès l’apparition d’un
problème (trop de personnes ne déclarent
pas leurs AT et MP)
- Du côté des médecins
généralistes : interroger le parcours professionnel
des patient.es, les inciter à parler régulièrement
de leurs conditions de travail, travailler en réseau
avec les médecins du travail, l’inspection
du travail et les syndicats
- Ensemble : organiser des formations
à la fac et en formation continue sur la santé
au travail. Mettre en place des groupes de pairs interprofessionnels
avec études de cas, faire des séminaires
thématiques en commun, partager les connaissances
et les savoir-faire. Par exemple sur les addictions et
travail, sur les cancers professionnels, sur la clinique
médicale du travail, sur l’attestation du
lien entre santé et travail…
- Travailler avec les syndicats sur
les risques pour la santé dans l’entreprise
pour leur fournir des armes pour rétablir l'équilibre
dans les rapports de force avec les employeurs.
Pour développer un véritable
travail de santé publique, il faudrait que MG
et MT contribuent à l’élaboration de
cartographies des risques environnementaux et liés
au travail dans les bassins de vie, comme dans l’expérience
de Port de Bou.
Conclusion
La communication entre les médecins généralistes
et les médecins du travail passe par les patient.es.
Ce sont eux qui sollicitent l’un ou l’autre
et les mettent en relation. En décidant en toute
liberté ce qu’ils/elles veulent partager avec
chaque soignant.e. C’est en leur direction qu’il
faut créer des outils d’information et de défense
pour qu’ils/elles puissent reprendre à leur
compte pour défendre leur droit de gagner leur vie
et participer à la société sans perdre
leur santé.
Questions :
MDT : très souvent les salariés
donnent les certificats de restriction faits par le médecin
généraliste à leur direction et non
au médecin ce qui peut leur porter préjudice.
MG : on ne fait pas de certificats
pour les donner à l’employeur car ce n’est
pas notre rôle. C’est pourquoi, il est très
important d’échanger avec le médecin
du travail
MDT : le médecin généraliste,
peut-il faire le lien avec la souffrance au travail ? Ce
n’est pas possible pour le Conseil de l’Ordre.
MDT : en Espagne les médecins
généralistes doivent connaître les risques
professionnels et non professionnels.
MDT : dans ma collectivité,
il n’y a pas eu de médecin de prévention
pendant longtemps et les certificats des médecins
traitants n’étaient pas pris en compte. C’est
dommage quand il y a carence de médecin du travail
que la parole du médecin généraliste
ne soit pas prise en compte car c’est le salarié
qui en pâtit.
MG : la difficulté c’est
que le médecin généraliste connait
bien le patient mais ne connait pas le poste de travail.
Le médecin du travail connaît mieux le travail
et moins bien la santé du salarié. Mais je
n’ai pas entendu la question des enjeux des salariés
: enjeux financiers, enjeux d’égo, enjeux d’avenir
Collaborateur MDT : on a parlé
des pistes : ce sont les cellules PDP, cellules pour la
Prévention de la Désinsertion Professionnelle,
dans lesquelles il y a un débat pluridisciplinaire
sur des cas chroniques. Ces cellules sont composées
d’un médecin conseil, d’un technicien
de prévention et d’assistantes sociales de
la CPAM, d’un représentant de l’AGEFIPH
et des services de santé au travail.
5° Communication -
A propos d’un exemple de collaboration
entre équipe pluridisciplinaire et médecin
traitant, réflexion sur le développement possible
de ce type d’approche
Jean-Luc JULINET médecin du travail,
Yann FENIOU infirmier du travail, Poitou Charentes,
GAPEM
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la présentation
12 diapos
Cas
clinique :
Monsieur
T est né en 1964. Il possède un CAP
Pâtissier – Chocolatier – Confiseur
ainsi qu’un CAP et BEP de cuisinier. Il a
travaillé comme pâtissier pendant dix
ans chez le même employeur avant d’intégrer
la fonction publique territoriale en 2001. Il exerce
au sein du service Restauration Collective. Celui-ci
assure, par le biais de ses cuisines centrales,
les repas pour l’ensemble des établissements
scolaires de la collectivité, les deux restaurants
du personnel mais aussi les crèches et foyers-logements
pour personnes âgées de cette même
collectivité. Monsieur T. y effectue tout
d’abord des contrats de remplacements au sein
de différents sites, puis est nommé
en cuisine centrale et, en janvier 2010, suite à
préconisations médicales, il est affecté
au restaurant du personnel de la collectivité.
Il existe un accord tacite entre le directeur de
la restauration collective et Mr T. qui entérine
que ce dernier est susceptible de remplacer ponctuellement
le responsable du restaurant, pour une période
n’excédant pas plus de 2 jours ouvrés.
Les différents niveaux hiérarchiques
sont informés de cet accord.
Le
9 février 2015, Mr T. est reçu à
sa demande au centre de médecine professionnelle
et préventive. Il paraît anxieux, fatigué,
et déclare au médecin (comme précédemment
à l’infirmier) qu’il présente
un mauvais vécu professionnel lié
au relationnel avec son responsable direct. Il se
dit « très angoissé, ne mange
plus, ne dort plus ». Il dit être dans
cet état depuis la proposition de son responsable
de le nommer comme adjoint, ce qu’il ne souhaite
pas car cela implique d’avoir des contacts
physiques (réception des commandes) et téléphoniques
avec le personnel des cuisines centrales, ce qu’il
ne peut supporter. Il évoque sans s’étendre
« des actes de barbarie » subis lors
de sa précédente affectation.
Le médecin de prévention oriente Monsieur
T. vers son médecin traitant et rédige
un courrier à son attention. Ce dernier répond
dans la semaine qui suit, confirmant que l’état
psychologique de Mr T, en lien avec un passé
professionnel douloureux, reste encore fragile et
qu’il paraît inopportun de confier des
responsabilités à Mr T. Le médecin
généraliste est le médecin
traitant de Mr T. depuis plus de 20 ans.
Le
4 juin 2015, Mr T. revient en consultation à
sa demande. Il est reçu par l’infirmier
santé travail, en l’absence du médecin
de prévention, en congés maternité.
Il dénonce l’existence de dysfonctionnements
dans l’organisation du travail, dans le domaine
de l’hygiène et dans le management.
Il explique qu’il « n’en peut
plus des conditions de travail et de la mise sous
pression par son N+1 ». Il rappelle qu’il
ne veut pas le poste de second que lui propose son
supérieur, qu’il ne veut pas remplacer
son responsable durant les congés d’été
de ce dernier. Il paraît énervé,
se répète souvent dans ses explications.
Il craint que l’accord conclu avec sa direction
pour des remplacements sur des périodes n’excédant
pas 2 jours ne soit pas respecté.
Le
10 juin 2015, Mr T quitte son poste à l’issue
de son entretien annuel d’évaluation,
sans assurer le service, tant il est bouleversé
par la teneur des échanges qu’il vient
d’avoir avec son responsable. Il contacte
la médecine préventive. L’infirmier
ne contacte pas directement le médecin traitant
mais invite Mr T. à aller le voir pour prise
en charge et régularisation de sa situation
(arrêt de travail). Il lui fixe un rendez-vous
en urgence différé pour un entretien
le 12 juin. Mr T. est mis en congé de maladie
par son médecin traitant du 10 au 15 juin,
veille de ses congés annuels. En l’absence
de médecin de prévention, l’adresse
au médecin traitant est alors le seul outil
pouvant être activé pour retirer le
salarié de son poste.
Le
24 juin 2015, l’infirmier en santé
travail est reçu à sa demande et avec
l’accord de l’agent, par le directeur
du service afin de clarifier le fonctionnement du
restaurant du personnel durant le mois d’août.
Le directeur reconnaît l’accord tacite
passé entre la direction de service et Mr
T. de remplacer le responsable par un cuisinier
de l’autre restaurant dès lors que
l’absence du dit responsable dépasse
les 2 jours ouvrés consécutifs, et
assure qu’il en sera bien ainsi durant les
congés d’été.
Des échanges informels font état d’un
bon climat de travail durant l’été
2015.
Le
1° février 2016, Mr T. est victime d’un
accident du travail (brûlure avec l’huile
de la friteuse). Le médecin traitant prend
en charge le traitement et rédige un certificat
médical initial d’accident du travail
avec arrêt de travail jusqu’au 8 février
pour brûlure avant-bras droit. Cet arrêt
sera suivi d’une prolongation pour état
anxieux jusqu’au 29 février 2016.
L’infirmier en santé travail reçoit
Mr T les 03, 08 et 10 février. Celui-ci décrit
une nouvelle dégradation de ses conditions
de travail, notamment dans le cadre des relations
avec son encadrant, sur fond de désaccord
sur les prévisions de congés, les
règles d’hygiène, la gestion
des stocks et des péremptions des produits,
l’organisation du travail. Il est très
inquiet, dit avoir peur de retourner au travail
n’en n’ayant ni la force physique, ni
psychologique. Il accepte le principe d’une
alerte sur sa situation et de manière plus
globale sur la situation du restaurant.
Le jour même l’infirmier rédige
une alerte écrite vers le directeur de la
restauration collective, la DRH de la collectivité
et l’ACFI (Agent Chargé de la Fonction
d’Inspection).
Une enquête est demandée par la DRH
de la collectivité, et elle est confiée
à l’ACFI, qui rencontre les agents
au restaurant les 7 et 9 mars. L’ACFI transmet
ses comptes rendus de visite à la DRH.
Mr T. est reçu en suivi par l’infirmier
en santé travail le 7 mars et le 28 avril.
Le
15 juin 2016, un nouveau médecin du travail
est embauché.
Le 20 juillet 2016, Mr T. est reçu à
sa demande par le nouveau médecin de prévention.
Celui-ci connaît cet agent pour avoir déjà
exercé la médecine du travail dans
cette collectivité entre 2000 et 2011. Monsieur
T. présente une histoire douloureuse dans
cette direction. Le médecin de prévention
l’a accompagné il y a dix ans à
l’occasion de suspicion de violences à
son encontre de la part de certains de ses collègues
de l’époque. Il y a eu dépôt
de plaintes mais l’affaire a été
classée sans suite [Violences physiques prescrites,
verbales non poursuivies].
Mr T. est en souffrance psychique. Il présente
une anxiété forte, des idées
noires, quelques pensées suicidaires non
scénarisées.
Il se définit comme un professionnel sérieux
et autonome et se sent mis à mal du fait
:
- D’un déficit d’organisation
du travail de l’équipe l’empêchant
de trouver vraiment sa place. Son responsable
ne prépare pas la journée, ne définit
pas ses attentes, mais par contre intervient fréquemment
pour donner des ordres et des conseils, au détriment
du professionnalisme de Monsieur T.
- D’un manque de rigueur de son responsable
dans la gestion des commandes et des aliments,
occasionnant beaucoup de gaspillage de produits
jetés à la poubelle, mais également
un non-respect des dates de péremption.
- D’une dynamique d’équipe
d’où il se sent exclu. Il craint
que ses collègues cherchent à le
faire partir.
Le
médecin du travail le reçoit les 20
juillet, 06 octobre, 07 novembre 2016, 11 janvier
et 21 mars 2017.
Il recevra également les autres membres de
l’équipe à leurs demandes.
Le médecin reprend cette problématique
avec l’infirmier de santé au travail
qui a suivi cet agent et réalisé une
première alerte le 10 février 2016
sans avoir de retour officiel. Ils leurs semblent
que les responsables hiérarchiques sont très
absents dans le règlement de cette situation.
Le médecin et l’infirmier Santé
Travail conviennent :
- D’une visite de poste du restaurant :
le 08 septembre.
- De rencontrer le responsable des restaurants
(n+2 de Monsieur T.) le 29 septembre 2016. Cette
rencontre permet de prendre conscience d’un
désaccord au sein de la chaine hiérarchique
(n+2 et son directeur) sur la manière de
comprendre la situation et de s’y impliquer.
Le
médecin du travail adresse Monsieur T. à
son médecin traitant, avec un courrier, le
06 octobre 2016 pour souligner son inquiétude
quant à l’état de santé
de l’agent, faire part des questions qui se
posent autour du contexte de travail. Monsieur T.
bénéficie alors d’un arrêt
de travail. Dans un second temps, le médecin
du travail prendra contact par téléphone
avec le médecin traitant pour évoquer
avec lui la reprise. Les 2 médecins conviennent
que le médecin du travail accompagnera la
reprise d’une préconisation formalisant
une restriction à la fonction de responsable
adjoint de cuisine (consultation de reprise du 07
novembre 2016). Le médecin traitant considère
que cela sera très sécurisant pour
son patient, ce qui n’apparaissait pas à
ce moment, si évident que cela.
Il
est décidé d’une nouvelle «
alerte » du fait :
- D’une situation de travail difficile pour
l’ensemble des agents de l’équipe,
qui interpellent leur encadrement et le service
de santé au travail.
- De tensions fortes au sein de l’équipe,
beaucoup de critiques échangées
quant à la manière de faire son
travail, mais aucune attaque personnelle.
- Que Monsieur T. est en difficulté de
santé et pourrait à terme ne plus
pouvoir rester sur son poste de travail, de plus
le médecin craint que l’employeur
interroge l’aptitude aux fonctions.
La
collectivité décide alors de faire
intervenir rapidement une consultante externe, de
formation plutôt Rh, qui réalisera
des entretiens avec chacun, responsables inclus.
Elle émettra des propositions autour de la
clarification des métiers et du cadre d’action
de chacun, encadrement compris. Elle soulignera
principalement la nécessité d’un
accompagnement méthodologique au travail
de l’encadrement.
La
proposition du médecin généraliste
a effectivement porté ses fruits en entrainant
un apaisement du salarié. Son médecin
traitant qui le connait très bien avait mieux
appréhendé que le médecin du
travail, le potentiel de cette préconisation.
Par contre l’équipe santé travail
qui connaissait le contexte et les conditions de
travail pouvait mesurer que cette préconisation
ne permettrait pas de tourner cette page et qu’elle
devait être accompagnée d’autre
chose.
|
Présentation de la discussion
au sein du GAPEM
Nous avons choisi ce cas clinique puisqu’il
rend compte d’une situation :
- Où l’infirmier et le médecin
ont eu chacun à intervenir au sein de la collectivité
et à adresser l’agent / patient vers son
médecin généraliste.
- Où le médecin de prévention et
le médecin traitant ont eu l’opportunité
de croiser leur compréhension de la situation de
santé de monsieur T. à l’occasion
d’un échange téléphonique.
- Où il a été possible d’articuler
une prescription individuelle travaillée avec le
médecin généraliste (contre indiquer
la mission d’adjoint au responsable de cuisine)
avec l’alerte pour prendre en compte la situation
de l’équipe dans son ensemble.
A travers cet exemple, nous avons échangé,
au sein du GAPEM, sur nos pratiques de collaboration au
sein de l’équipe médecin infirmier-e
d’une part ainsi qu’entre les membres de l’équipe
et les médecins traitants des salariés que
nous suivons d’autre part. Nous présentons
ici les échanges et questionnements concernant la
collaboration entre l’équipe pluridisciplinaire
et le médecin généraliste :
Nous avons débattu de l’intérêt
de cette collaboration du point de vue de l’équipe
santé travail de ce que nous en attendions et de
ses modalités pratiques possibles. « Qu’est-ce
qu’on attend de la collaboration médecin du
travail / médecin traitant ». « À
quel moment l’équipe Santé Travail a-t-elle
besoin du médecin traitant »
Nous avons terminé provisoirement
notre échange en nous demandant également
:
- si les médecins traitants avaient
des attentes vis-à-vis des équipes santé
travail et alors qu’elles étaient-elles,
- quelle représentation les médecins généralistes
ont de la médecine du travail, de la place des
infirmier-eres au sein de l’équipe santé
travail et quelle légitimité, crédibilité
accordent-ils aux Infirmiers de Santé au Travail
?
Les participants au GAPEM se sont donc
interrogés, à partir de leurs expériences,
sur leurs attentes envers les médecins généralistes,
les modalités possibles de cet échange et
les freins existants.
Pour l’équipe santé travail,
la finalité d’une mise en relation
avec le médecin traitant du salarié relève
de plusieurs champs possibles. Par exemple :
La découverte d’un souci de santé nouveau,
à l’occasion d’un examen de dépistage,
sans pour autant qu’il y ait de lien ou d’incidence
avec le poste de travail occupé justifie d’orienter
la personne vers son médecin traitant.
Le besoin d’un arrêt de maladie protecteur de
la santé du salarié dans le cadre d’une
inadéquation entre son état de santé
et son poste de travail et permettant de se donner le temps
de réévaluer le traitement, visiter le poste
et proposer si besoin des aménagements. Selon l’importance
de ce qui peut être préconisé, il est
alors possible d’informer, conseiller, le salarié
et son médecin dans des démarches particulières
pouvant faciliter la mise en œuvre d’une adaptation
de ses conditions de travail (reconnaissance de la qualité
de travailleur handicapé, reconnaissance en Maladie
Professionnelle, invalidité ….).
Le lien avec le médecin traitant peut permettre également
d’expliciter les contraintes du poste de travail,
la problématique santé / travail et présenter
les perspectives dégagées avec le salarié.
Ce dernier peut ainsi poursuivre sa réflexion par
lui-même et avec son médecin traitant, alimenter
sa capacité d’agir et lorsque cet échange
prend la forme d’un écrit, celui-ci peut servir
de trace et de support à ce travail.
Les modalités de mise en œuvre
d’un contact avec le médecin traitant diffèrent
selon les situations, le moment, les pratiques personnelles
mais également le métier (infirmier-e ou médecin).
Il peut être conseillé au salarié de
consulter son médecin généraliste (comme
dans le cas clinique où l’infirmier a mobilisé
cette ressource à plusieurs reprises).
L’équipe santé travail utilise également
des moyens plus directs comme l’appel téléphonique
où la rédaction d’un courrier. L’accord
préalable du salarié est considéré
comme nécessaire. Son périmètre exact
est discuté.
L’écrit remis au médecin traitant par
l’intermédiaire du salarié permet à
celui-ci de le relire et de décider de le donner
ou non. Le courrier envoyé au médecin et en
copie à l’agent permet également de
partager l’information transmise.
L’appel téléphonique
questionne la place de chacun, salarié / patient,
infirmier-e, médecin.
Qui peut appeler, seulement le médecin ou indifféremment
le médecin et l’infirmier-e, ou l’un
ou l’autre selon les situations et les échanges
recherchés ?
A quel moment appeler ? En présence du salarié
pour qu’il soit partie prenante de l’échange
? Au moment du staff de l’équipe afin d’expliciter
aux médecins traitant cette modalité nouvelle
d’exercice en santé au travail et de légitimer
ainsi l’infirmier-e comme un intervenant à
part entière de l’équipe santé
travail ?
Dans la pratique des participants au GAPEM,
il apparait que les échanges avec les médecins
généralistes sont dépeints comme le
plus souvent limités, c’est-à-dire souvent
informatifs, pour prise en charge d’une situation
de santé, avec peu de retour. Il n’est pas
très fréquent qu’un travail pluridisciplinaire
ou de collaboration s’engage incluant le médecin
traitant (cela arrive, peut parfois se développer).
Le GAPEM s’est interrogé
sur les freins qui pouvaient faire obstacle à cette
approche.
Des questions pratiques ont été
soulevées, c’est-à-dire de disponibilité
de chacun, d’opportunité, mais aussi du choix
du bon moment comme discuté ci-dessus.
Nous avons questionné aussi la perception que chacun
pouvait se faire du travail de l’autre, d’une
possible méconnaissance de nos métiers respectifs,
de nos proximités (travailler dans l’intérêt
de la santé, le respect du secret médical,
…) et de nos approches spécifiques (quelle
clinique chacun de nous est-il amené à déployer
et quelle articulation possible).
Mais également quelle place et quelle légitimité
les médecins généralistes accordent
ils aux infirmiers-es de santé au travail ?
Enfin quelles sont leurs attentes vis-à-vis des équipes
santé travail ? Pouvons-nous y répondre ?
Qu’avons-nous à construire ensemble ?
Questions
:
MG : en ce qui concerne les arrêts
de travail, les agents donnent leurs arrêts à
l’employeur ce qui pose problème pour le secret
médical.
MDT : il ne faut pas marquer le
diagnostic sur l’arrêt maladie pour la fonction
publique
MDT : pour les demandes de Congés
Longue Maladie dans la fonction publique territoriale, il
faut joindre, à cette demande, le certificat médical
du médecin généraliste. Dans ma collectivité,
quand il n’y avait pas de médecin du travail,
le service RH faisait une copie du certificat médical
: il y avait donc rupture du secret médical. Mais
à mon arrivée, j’ai mis en place une
procédure pour préserver le secret médical
: c’est le médecin du travail qui fait les
copies. Par contre, je ne peux pas garantir la préservation
du secret médical quand ces courriers arrivent au
Comité Médical.
MDT : au Comité Médical,
le secrétaire est un médecin.
MG : quel est le rôle de chacun
dans l’équipe médicale de santé
au travail ? Y a-t-il indépendance dans l ‘équipe
? Quelles sont les responsabilités ?
6°
Communication -
Coopération entre médecin
du travail et médecin généraliste traitant
dans le parcours de soin d’un salarié patient
présentant un état de stress aigu suite à
une agression au travail
Nathalie Pennequin, médecin
du travail, GAPEP
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20 diapos
Monographie
clinique :
Monsieur
B. né en 1977 à Paris, est embauché
dans une entreprise de transport terrestre de voyageurs
en 2000 comme chauffeur de Bus (à 23 ans).
Sa formation initiale est un BEP d’horticulteur.
Son Cursus Laboris comprend une courte expérience
comme agent de sécurité dans l’entreprise
de transport en tant que sous-traitant. Il choisit
le métier de chauffeur de bus par opportunité,
sur les conseils de collègues.
Ses antécédents médicaux se
réduisent à des fractures (poignets
et orteils) à l’adolescence sans séquelles
; il est fumeur avec une consommation initiale de
5 à 10 cigarettes par jour.
Son
parcours professionnel dans
l’entreprise est plutôt stable : il travaille
dans le même centre Bus avec la même activité
; chauffeur de bus « hors lignes » du
même centre Bus depuis l’embauche : activité
sur lignes différentes avec horaires de travail
décalés (services de 6h30 de conduite
par jour avec des créneaux situés entre
5h à 2h du matin) et repos décalés
(2 ou 3 jours de repos consécutifs après
des semaines de travail de 5 à 6 jours d’affilée).
Choix d’un roulement sur une ligne chargée
de centre-ville de 2002 à 2006 puis à
nouveau revenu à une activité «
hors lignes » depuis 2007 avec des services
majoritairement en soirées.
La conduite se fait du sur matériel Bus commençant
à vieillir mais bénéficiant d’une
bonne maintenance .
Dans
le dossier médical du travail ( papier)
:
Surveillance en visites périodiques annuelles
de 2000 à 2012 avec le même médecin
du travail
-De 2000 à 2005 : bonne adaptation à
l’activité, rares lombalgies, pas d’arrêt
de travail, entretien musculaire personnel, 1 agression
avec crachat par clientèle (non déclaré
en accident du travail en 2005)
- en 2006 : verbatim « au travail, s’interroge,
pour l’instant ça va »
- A partir de 2007 : 1 mois d’arrêt
de travail pour lumbago (haltérophilie+ conduite)
: orientation vers consultation médecin du
sport (n’y est pas allé…)
Au travail, « ça se passe bien »
- 2008 : difficultés pour les services matinaux,
pratique sportive poursuivie ; on comprend que le
salarié ne demande pas d’aménagement
d’horaires car veut probablement garder ses
marges de manœuvre pour changer ses services
lui-même ( échanges entre chauffeurs
et/ou avec celui qui programme les services ).
- 2009 : lombalgies sans arrêt de travail,
« en moyenne, au travail ça va »
2010 : problèmes de sommeil, services de
matin difficiles, sport intensif (3h/j) en salle
et prise de protéines
- 2011 et 2012 : fait des services en soirée
(18h/ 2h) car « moins de stress », sommeil
tardif de 5h à 12h et fatigue matinale, TMS
(troubles musculo squelettiques) en rapport avec
le sport (haltérophilie) , l’exposition
aux vibrations corps entier ( conduite de bus) ,
la position assise prolongée, les contraintes
temporelles de conduite induites par la régulation
des lignes .
Une Biologie en 2010 et 2012 (prescrite par le médecin
du travail) montre une microcytose sans anémie
(trait thalassémique probable) et un HDL
cholestérol bas ( facteurs de risque cardiovasculaires
: tabac HDL bas)
Visite
de reprise après arrêt de travail (maladie)
le 23/04/2014 :
1
mois d’arrêt de travail pour lumbago
aigu ; a rapporté compte rendu de scanner
du rachis lombaire qui révèle une
hernie discale L3L4 non exclue, non migrée
et sous ligamentaire médiane avec discopathie
L5S1 ; une mobilité à un poste plus
adapté est conseillée par le médecin
du travail; fiche d’aptitude = apte .
Visite
Périodique 30/10/2014 :
« Ne supporte plus les gens » , fait
des services en soirée et des heures supplémentaires
au prix d’une privation de sommeil , le tabac
est augmenté à 15 cig/j, la pratique
de sport s’intensifie « pour se calmer
» .Vit en couple avec une fille de 3 ans,
fait des travaux das une future résidence
secondaire à la campagne ; vit toujours en
logement en ville proche du centre bus , lui permettant
éventuellement de rentrer chez lui au milieu
des services en deux fois ou de faire du sport (moins
de 30 mn de temps de trajet domicile travail).
Fiche d’aptitude :Apte à revoir dans
06 mois (questionnement du médecin sur le
risque d’épuisement professionnel)
24/05/2015
: revu à la demande du médecin du
travail :
Nouveau médecin de secteur (Dr N.P. ) suite
à nouvelle sectorisation du service de santé
au travail : parle d’un AVP moto en novembre
2014 et signale des lombalgies basses sans sciatalgie
(notion de manutention de charges lourdes dans sa
jeunesse.) .Il fait du temps supplémentaire
au travail : je l’informe sur le risque de
la conduite prolongée sur son rachis (exposition
aux vibrations corps entier).Conduite sur du matériel
ancien mais bien entretenu et pour partie sur du
matériel neuf (meilleurs sièges)
fiche d’aptitude : Apte
Périodique
le 06/06/2016 (Surveillance Médicale Renforcée
à deux ans)
Démotivation depuis l’emménagement
dans le nouveau centre : la configuration des lieux
ne permet plus les rencontres entre collègues
avec le service des ressources humaines et l’encadrement
: l’ancien centre Bus a été
refait à neuf avec activité pendant
les 6 ans de travaux en centre provisoire qui préservait
une certaine convivialité ; signale des modification
dans l’organisation du travail : les temps
de parcours sont difficiles, des pressions de la
régulation centralisée par téléphone
( mise en place en 2014) aggravent le stress ; il
a voulu faire un métier de développement
pour passer agent de maitrise et prendre en charge
la prévention/sécurité du centre
mais son N+1 n’a pas transmis sa demande.
Signale un épisode de Névralgie Cervico
Brachiale droite sans arrêt de travail. Le
Tabac est toujours à 15 cig/j ; poursuite
la musculation et du cardio-training.
Fiche d’aptitude : Apte à revoir dans
06 mois
Visite
à la demande du médecin le 23/01/2017
( M.B a 39 ans) :
cette visite était et elle est également
décidée suite à déclaration
d’accident du travail (le médecin du
travail reçoit par mail les déclarations
d’AT) : il s’agit d’une agression
au volant du bus le 9 janvier 2017 avec insultes
et crachat par une voyageuse mécontente du
refus de la laisser descendre entre deux arrêts
lors d’une déviation malgré
information en amont par le salarié de la
déviation ; M.B est descendu de son bus pour
rattraper la voyageuse agressive , celle-ci a fait
une chute sur le trottoir ; M.B est accompagné
par l’encadrement au commissariat pour dépôt
de plainte ; 1 jour d’arrêt de travail
puis 3 jours de repos et reprise de la conduite
du bus au bout de 4 jours (pas de passage aux UMJ
qui de toutes façons ne délivrent
pas d’ITT en l’absence de blessures
physiques) ; M.B n’a pas contacté le
psychologue (numéro vert de l’entreprise
donné par l’employeur à titre
systématique après agression) et n’a
pas de nouvelles de la plainte , ne sait si l’agresseur
a déposé plainte en retour et s‘il
se fera sanctionner … « je suis écœuré
par les incivilités des voyageurs et le fait
que le chauffeur de bus ne puisse pas se défendre
» la colère semble difficile à
contenir, on sent M.B prêt à craquer
même s’il est très peu loquace…M.B
n’est pas en état de travailler : je
l’ informe de la nécessité de
faire un break en arrêt de travail au titre
de l’accident du travail, dans un but de protection
(risque de dérapage) et de soins. Je passe
beaucoup de temps à argumenter ma décision
auprès du salarié, cristallisé
sur son vécu d’injustice , afin de
lui redonner le pouvoir de penser et d’agir
sur sa santé.
Je l’adresse au médecin traitant pour
arrêt de travail et prise en charge médicale
: le salarié ne conteste pas ma décision
lors de la consultation.
Le
courrier ouvert remis en main propre au salarié
pour le MT (lecture du courrier) :
« Mon cher confrère, je vous adresse
votre patient : son état psychique suite
à l’agression au travail du 09/01/17
n’est pas compatible avec la poursuite du
travail ; je vous remercie de l’arrêter
au titre d’accident du travail AT et de le
prendre en charge pour soins ; il ne souhaite pas
consulter le psychologue pris en charge par l’entreprise
; je le reverrai à la reprise du travail.
Bien confraternellement Dr .P. »
Quand je rédige un courrier à un médecin
(généraliste ou spécialiste),
je décris habituellement les activités
du salarié et mentionne ce qui pourrait faire
lien entre santé et travail (éléments
de compréhension pour le MT qui ne connaît
pas le travail) . Je ne l’ai pas suffisamment
fait dans ce cas mais le lien entre un état
psychique dégradé et une agression
au travail me semblait suffisamment évident
…j’avais déployé beaucoup
d’énergie à convaincre le patient
du bien-fondé de ma décision : mesure
de protection pour le salarié risquant de
déraper au travail …
Revu
le 6 février 2017
Après 15 jours d’arrêt de
travail (au titre de l’AT) : pas de réponse
du médecin traitant MT à mon courrier,
aucun document médical (ordonnance, cerfa
de reprise du travail) : il me dit avoir pris des
« anxiolytiques » le soir et avoir fait
du sport …je sens une ambivalence du salarié
par rapport à la reprise de la conduite du
bus ; j’informe le salarié que la reprise
du travail est prématurée en raison
d’un état anxiodepressif réactionnel
cliniquement décelable. Je le rassure sur
ses primes de conduite qu’il ne doit pas perdre
car son arrêt relève d’un accident
du travail. Je suppose que le MT a lu mon courrier
du 31/01 puisqu’il a délivré
un arrêt de travail en AT à son patient
( il y a donc eu une coopération informelle
).
Pas de fiche d’aptitude à revoir le
lendemain avec documents
Revu
le 7 février :
Le salarié rapporte une ordonnance (datée
du 23/01/17) pour 1 mois d’antidépresseur
sérotoninergique et un cerfa AT/.MP précisant
« dépression-stress » datant
du 31 janvier 2017 (arrêt jusqu’au 5/02/17
sans date de reprise). je fais remarquer au salarié
que son MT parle de dépression et que je
partage le diagnostic d’une altération
de son état psychique , que la reprise de
la conduite du bus (contact clientèle) n’est
pas indiquée pour le moment car le mettrait
en danger …
Je pense que le médecin traitant n’était
pas favorable à la reprise du travail et
qu’il souhaitait le revoir régulièrement
pour réévaluer le traitement et en
discuter avec le salarié.
Le
Médecin Traitant a donc vu le salarié
deux fois : le 23/01 puis le 31/01 et n’a
pas indiqué de date de reprise du travail.
Le 6 février, le salarié aurait dû
revoir son MT et non pas venir en visite de reprise
au SST. Cela arrive souvent que le patient ne revoit
pas son MT à la fin d’un arrêt
de travail au titre de l’accident du travail
: l’employeur devrait exiger le certificat
médical CMP ou CMF avec date de reprise libellée.
J’explique au salarié que sa colère,
encore perceptible , e mettrait en danger en cas
de confrontation à une nouvelle incivilité
dans le bus avec le risque patent de sanction par
la direction du centre en cas de réponse
à agression : la consigne prescrite aux chauffeurs
en cas d’agression est de rester dans le bus
à l’arrêt en prévenant
les voyageurs de l’arrêt du service,
de relever la vitre anti agression, de prévenir
la régulation en actionnant l’alarme
discrète et d’attendre la police et
les agents de sécurité. Toute réponse
aux agressions verbales ou physiques peut faire
l’objet d’une sanction surtout si le
voyageur porte plainte en retour (ce qui n’est
pas rare). M.B est révolté par l’injustice
de la situation qui ne permet pas au chauffeur agressé
de se défendre.
Pas de fiche d’aptitude : reprise du travail
ce jour non possible, à revoir avec le cerfa
mentionnant date de reprise par le MT
Deuxième
courrier remis au salarié pour son MT :
« Mon cher confrère, je revois ce jour
votre patient qui est traité par antidépresseur
pour syndrome dépressif depuis 15 jours ;
il me rapporte un cerfa de prolongation sans date
de reprise ; je vous l’adresse pour une éventuelle
reprise en sachant que la conduite de bus est prématurée
; je demanderai à ce qu’il ne soit
pas affecté à la conduite de façon
temporaire. Confraternellement »
Revu
le 10 février 2017 :
Le salarié parle davantage, le délai
entre les visites successives lui a laissé
le temps de réfléchir, il n’a
pas montré d’agressivité à
mon égard alors que je lui ai mis des bâtons
dans les roues
Cerfa (prolongation) du 7/02 avec reprise le 10/02/2017
mentionne « dépression post traumatique
»
Pas de réponse du médecin traitant
à mon courrier mais ce dernier a suivi mes
préconisations.
M.B est d’accord avec le constat qu’il
n’est pas en état de reprendre la conduite
de bus, ; je reparle de l’intérêt
de consulter un psychologue pour l’aider à
surmonter ce vécu d’injustice : il
me lâche dans la conversation que quand il
était à la DASS (information personnelle
complétement inconnue ), on l’a orienté
vers un psychologue (mal vécu) et que cela
n’a rien donné. Jusqu’à
présent, il parlait peu et essayait de contenir
sa colère car voulait reprendre la conduite…je
sens que la confiance commence à s’établir
entre lui et le médecin du travail.
Conclusion
sur l’aptitude de la visite de reprise après
AT : je demande un poste aménagé
: travail de bureau avec horaires réguliers
en après-midi (il a l’habitude de travailler
en soirées donc horaires qui se rapprochent
le plus, il n’y a pas de travail de bureau
en soirées) ; pas de conduite ni de contact
clientèle et je demande à le revoir
à 1 mois. Au total,
J’ai vu le salarié à 6 reprises
depuis 2015 ; la confiance entre le salarié
et le médecin du travail qu’il n’a
pas choisi commence à s’établir
depuis 2017 : le salarié s’ouvre davantage,
ce qui permet au médecin du travail de le
conseiller sur ce qui peut altérer sa santé,
le met en danger avec plus d’efficacité…
Une relation épistolaire équilibrée
entre le médecin du travail et le médecin
traitant via le salarié aurait pu faciliter
la prise de conscience du salarié de
la nécessité de faire un break : ici
le salarié a peut-être fait barrage
(histoire personnelle, volonté de reprendre
la conduite coute que coute pour raison financière)
: il a fallu que je le revois à trois
reprises les 6 , 7 et 10 février pour concrétiser
la reprise du travail , le salarié n’a
pas montré d’impatience ni d’agressivité
à mon égard et ce délai
lui a permis de s’approprier la situation
de reprise du travail en dehors de la conduite du
Bus.
Les
seuls écrits du MT qui m’ont
permis de piocher quelques indices sont : les constatations
détaillées dans la rubrique renseignements
médicaux du cerfa MT (dépression
puis dépression post traumatique) et l’ordonnance
médicamenteuse. Ces écrits m’ont
permis de rebondir sur la clinique et d’en
discuter avec le patient.
Le salarié ne m’a jamais proposé
de contacter par téléphone son MT
: s’il l’avait fait, j’aurais
éventuellement pu téléphoner
en présence du salarié dans
le cabinet médical ; je n’ai
pas voulu être intrusive avec ce patient
en état d’épuisement professionnel
et dont le parcours professionnel révèle
qu’il a toujours voulu garder le contrôle
sur son travail, son pouvoir d’agir.
Il a eu peu d’absentéisme et
a fait beaucoup d’heures supplémentaires.
Je ne m’autorise pas à téléphoner
au médecin traitant (j’avais le numéro
de téléphone sur le cerfa) sans que
le salarié me le demande ; le médecin
traitant aurait pu me téléphoner (mon
numéro ne figure pas sur mes courriers mais
si le salarié m’avait demandé,
je lui aurais donné…)
Visite
à la demande du médecin du travail
le 14 mars 2017
M.B est souriant et détendu : «
docteur, vous aviez raison pour la reprise du travail,
je me sens mieux, il faut que je fasse autre chose
» ; son sommeil est meilleur, il se sent plus
détendu depuis qu’il ne conduit plus
les bus ; la première semaine fut difficile
du fait de la configuration du nouveau centre bus
(absence totale de convivialité) et d’une
certaine sous occupation , ce qui l’a amené
à demander un RDV avec la DRH qui lui a proposé
d’aller dans un autre centre ; il a accepté
d’aider à un travail administratif
de confiance un collègue ancien chauffeur
de bus , les horaires 12h19h30 ont été
respectés ; M.B a donc trouvé, seul,
les ressorts pour se sortir d’une situation
professionnelle non satisfaisante sans faire appel
à moi en visite demande salarié comme
d’autres auraient pu faire (son pouvoir d’agir
est préservé en partie malgré
l’inaptitude à la conduite) .Il a stoppé
le psychotrope au bout de 6 semaines sans revoir
son médecin traitant : il me l’apprend
en ayant peur que je sois mécontente : sans
lui avouer que je ne suis pas persuadée qu’un
antidépresseur ait été indispensable
( il s’agissait plutôt d’un état
de stress aigu avec intolérance au métier
selon moi), je lui dis que c’est surtout le
retrait de la situation stressante de la conduite
qui a été thérapeutique .Il
me demande à être affecté à
l’activité sur voiture de secteur (activité
en binôme avec un agent de maitrise , conduite
VL et déplacements sur le terrain pour résolution
de situations problématiques des chauffeurs,
horaires en soirées ) activité qu’il
a déjà faite auparavant sur proposition
de son responsable et qui lui avait beaucoup plu.
Il se sent capable d’être à nouveau
confronté à la clientèle surtout
en présence de collègues. Son état
psychique étant bien meilleur, j’accède
à sa demande et retire la restriction du
contact clientèle et le revois dans 02 mois
(RDV prévu le 15 mai 2017). La question de
son avenir professionnel dans l’entreprise
reste entière
|
Axes de discussion en Gapep pour controverses
et repères
Le médecin du travail n’a-t-il pas été
trop directif (refus de donner une aptitude à la
reprise lors de deux tentatives de reprise du salarié,
en l’absence de documents médicaux) ? la question
de l’aptitude à reprendre le travail sans précisions
sur l’évolution de l’état de santé
est toujours délicate.
Le médecin du travail aurait-il dû contacter
le médecin traitant par téléphone ?
Le problème de la coopération entre médecin
traitant et médecin du travail : barrage du salarié,
absence de volonté ou manque de temps du médecin
traitant à écrire, comment être sûr
que le salarié transmet notre courrier à son
médecin traitant ? Est-ce un obstacle à la
bonne prise en charge du salarié/patient ? Comment
établir la confiance entre les deux médecins
?
Quelle prise en charge proposer au salarié ? Psychothérapie,
bilan de compétence en vue réorientation professionnelle
…
Mots clés : état de stress aigu
suite agression au travail, coopération entre médecins,
pouvoir d’agir du salarié Résumé
de la discussion en gapep à propos du cas:
-Principaux points sur lesquels elle a porté
La discussion a porté sur les difficultés du
suivi par le nouveau médecin du travail de cet agent
Machiniste vu à 6 reprises de 2015 à 2017, en
questionnant les modalités de coopération médecin
traitant de l’agent et médecin du travail.
Ce salarié, investi dans son activité, effectue
surtout des services de soirée ; 18h00-02h00 avec réduction
de son temps de sommeil, des temps de pause, fait ses heures
supplémentaires par choix, investi dans une activité
sportive. Les relations avec ses collègues sont bonnes
et les échanges satisfaisants.
Il a eu des contraintes de manutention dans ses activités
antérieures ; est soumis aux contraintes de vibrations
au poste de conduite de bus certes anciens mais bien entretenus.
Se posent les questions :
1) Du risque d’épuisement professionnel :
*d’autant que l’organisation de travail et les
relations sociales dans le dépôt changent du
fait du déménagement du dépôt
de Bus, avec des modalités de régulation différentes,
rendant les temps de parcours difficiles.
* Les attentes de montée en compétence à
terme, sur un poste d’agent de maitrise, n’ont
pas été relayées par sa hiérarchie
*Qu’il est victime d’un AT en janvier 2007 ;
avec agression au volant de son bus, (avec dépôt
de plainte de l’agent), qui n’a pas effectué
initialement de suivi psychologique.
2) Du devenir du salarié à
terme ;
Inaptitude définitive à son emploi statutaire,
avec proposition de reclassement
- Ce qui fait controverse entre les pairs dans
l'examen des pratiques
Les modalités de relation
avec le médecin traitant, et ce que le médecin
de travail en attend.
*par téléphone pendant
la consultation
Si le médecin du travail choisit de le faire
; la conversation doit se faire
-en présence de l’agent,
-sur sa demande.
Difficile à faire pour la majorité
des confrères, en tout cas pas systématiquement
; les médecins sont souvent difficiles à joindre,
peu de temps disponible pour le faire.
*Par courrier
Le médecin du travail doit dans son courrier
détailler
-l’activité, ses contraintes,
l’organisation de travail, les relations sociales,
hiérarchiques, l’organisation de travail,
les marges de manœuvres des salariés, les
possibilités d’aménagement de poste.
-les circonstances de l’accident de travail :
Afin que le médecin traitant puisse
instruire la démarche diagnostique, la rédaction
du CMI d’AT, l’arrêt de travail, sa durée,
l’orientation en suivi psychiatrique, la procédure
de demande de reprise à temps partiel thérapeutique.
*La réponse du médecin
traitant
-Certains estiment qu’elle est nécessaire,
d’autres non (cf consensus.)
- Ce qui fait repère pour
le GAPEP
Dans cette situation, le salarié
:
-Relève d’un arrêt de travail (en
AT.). Avec la mention sur la fiche d’aptitude
: « ne peut continuer ce jour à son poste de
travail ; orientation en secteur de soins. ».
Le médecin du travail a rédigé un courrier,
reliant la pathologie de stress aigu au travail. (AT.)
Le médecin traitant s’il n’a pas fait
de réponse écrite, a en revanche parfaitement
suivi les préconisations du médecin du travail
; avec prise en charge thérapeutique adaptée
et arrêt en AT avec rédaction d’un CMI.
-Le salarié ne peut assumer le poste de conduite,
ni de relation clientèle, d’autant que le métier
a changé. Sinon il risque l’épuisement
et aussi un « dérapage » en cas d’incivilité
de la clientèle. Il doit être mis au repos
pour envisager au décours seulement les conditions
de la poursuite du métier.
-Le médecin du travail a la mission de convaincre
le salarié de la justification de l’arrêt,
en lui faisant prendre conscience de cette réalité.
Le salarié est ambivalent et craint une baisse de revenu
lié à l’arrêt, sans mesurer les
risques liés à la poursuite de l’activité.
-Le salarié, ne s’est finalement pas opposé
à la démarche du médecin du travail au
fur et à mesure du suivi. Il vit difficilement les
incivilités de la clientèle, avec le risque
de sanction en cas de réponse au voyageur qui peut
porter plainte.
-La décision d’orientation
vers un spécialiste; concernant ce salarié
?
Le diagnostic de stress aigu est retenu par le médecin
du travail ; le médecin traitant ayant fait un diagnostic
« vague » de dépression/stress puis dépression/post
traumatique sur les CMI et CMP, suite, à l’A.T.
L’orientation en psychothérapie n’est
pas forcément motivée dans un premier temps,
d’autant que le salarié a une expérience
négative d’un suivi psychologique dans l’enfance.
Si le médecin du travail l’estime nécessaire
ultérieurement et si le médecin traitant n’a
pas préconisé d’orientation, l’avis
d’un psychiatre sapiteur du SST pourrait être
sollicité.
-Il est prématuré de statuer
sur les possibilités de reprise du poste.
L’agent a fait preuve dans le passé de maîtrise
dans ses choix professionnels. Lui laisser le temps de ré
instruire la question de la poursuite de l’activité
de machiniste. Le médecin du travail devra discuter
ultérieurement des possibilités de reclassement
si le salarié n’envisage pas la poursuite de
l’activité. L’agent a une formation d’horticulteur,
a été employé comme agent de sécurité.
De façon plus générale
1) En l’absence de retour d’information
par le médecin traitant :
Le médecin du travail dispose le plus souvent d’informations
indirectes sur les suites données par le médecin
traitant (ordonnance, CERFA.)
On n’attend d’ailleurs pas forcément
de réponse formelle aux courriers mais surtout que
le médecin donne suite à nos propositions,
en se basant sur l’ensemble de nos informations concernant
le travail, pour le suivi du patient.
La date de la reprise doit être idéalement
notée par le médecin traitant sur le CMP.
Si celle-ci n’est pas notée, on peut préciser
sur la fiche de reprise A.T. ; « sous réserve
de la présentation du certificat médical de
reprise. »
2) Le médecin du travail n’a jamais l’assurance
que ses courriers sont transmis au médecin traitant.
Il faut intégrer cette possibilité pour la
prise de décision.
3) Parfois le salarié transmet au médecin
du travail des certificats limitant par exemple le «
port de charge ». La réponse au médecin
traitant ne s’impose pas toujours ; en revanche, le
médecin du travail qui connaît le poste, statuera
avec des termes adaptés à la situation de
handicap, et en fonction du travail réel.
4) Le médecin du travail et le médecin traitant
doivent pouvoir collaborer dans l’intérêt
exclusif du salarié, bien que le médecin
traitant soit choisi par le salarié, à la différence
du médecin du travail, parfois perçu par le
médecin traitant, voire le salarié « comme
le médecin du patronat. »
Toutefois le médecin du travail est le seul à
pouvoir instruire la question du travail lors d’échanges
répétés avec le salarié et recueil
de ses avis tracés dans le dossier médical de
santé au travail.
La coopération ne peut se construire que si le médecin
du travail explicite, si possible par courrier, à son
confrère du secteur de soins, ses préoccupations,
transmises par le salarié.
La
discussion s’inscrit dans les thèmes à
l’ordre du jour pour le colloque E-Pairs du 09 juin
:
Les thèmes du matin :
A travers des présentations de pratiques cliniques
concerneront
Les règles de coopération, dans le but
d’être utile au salarié
La place pour l’analyse du travail et ses aspects
délétères
La synergie entre les filières de santé
Les carences de coopération à travers
des cas collectifs ou individuels.
Les thèmes de l’après
midi :
Les ressorts de la coopération
Les blocages de représentation, de méconnaissance
du travail des acteurs.
Références éthiques et réglementaires
de coopération
Par qui et comment le milieu de travail peut être
interpellé.
Questions
:
MDT : quels sont les dispositifs
de l’entreprise en cas d’agression ?
MDT : il existe un dispositif disciplinaire
en cas de non-respect des procédures et il existe
un dispositif pour les victimes de traumatisme.
MDT : il y a eu des échanges
entre les médecins. Quel a été l’apport
de la direction, des syndicats et du CHSCT ?
MDT : il s’agit d’une
très grande entreprise de 15000 chauffeurs, il y
a un gros CHSCT et il y a souvent des agressions. Le CHSCT
ne se réunit qu’en cas d’agressions par
arme à feu ou arme blanche. Dans ce cas décrit,
il n’y a pas de dispositions particulières.
MDT : y a-t-il eu déclaration
d’AT.
MDT : oui car j’ai reçu
la déclaration par mail
MDT : qu’a fait le médecin
généraliste ?
MDT : le médecin généraliste
a fait un arrêt de travail, mis en place un traitement
et assuré les soins
MG : l’accident de travail
n’a pas été reconnu. Pourquoi ? A cause
du mauvais diagnostic ?
MDT : non mais c’est incompréhensible
parce que de plus en plus, il n’y a pas de reconnaissance
dans les AT provoqués par des agressions psychiques
4-
Table ronde et débat
Questions
pour le débat :
1 - Quels ressorts pour la coopération
entre généralistes et médecins du travail
?
2 - Quels blocages de représentation,
de méconnaissance du travail des acteurs du réseau
de soins, … y font obstacle ?
3 - Quelle place à l’analyse
du travail et des inégalités sociales de santé
pour les surmonter ?
4 - Quelle déclinaison et construction
des références éthiques et réglementaires
de coopération ?
4 - Par qui et comment le milieu de travail
peut-il être interpelé ?
- Comment les questions de santé au travail se
posent dans nos pratiques ?
- Comment se font les contacts entre généralistes
et les équipes médicales du travail ?
- Comment construire la confiance pour coopérer
ensemble ?
- Quelles conditions et modalités d’une
coopération dans l’intérêt de
la santé des sujets ?
Introduction
à la Discussion entre pairs – Dispute/Repères
professionnels
Thématiques émergées
du présent Colloque, proposées à la
discussion pour des Repères de coopération
entre médecins généralistes et médecins
du travail
Dominique Huez,
médecin du travail, modérateur
Nous proposons de lancer la discussion,
la dispute professionnelle, pour donner envie de la continuer
ailleurs en groupe de pairs, sous des modalités à
inventer. Nous aimerions que puisse être donné
de la chair, de l’épaisseur à nos pratiques
professionnelles pour nourrir de futurs « Repères
de coopération » entre nos deux spécialités
médicales. Pour déplacer nos représentations,
il est nécessaire de se dévoiler professionnellement
dans la discussion comme l’ont accepté courageusement
les six intervenants. L’ambition de cette dispute
professionnelle serait de faire émerger, peut-être
ce qui ferait immédiatement consensus, mais aussi
et c’est le plus important lors d’un colloque,
de nouvelles questions à mettre en travail entre
nous pour des coopérations dans l’intérêt
de la santé au travail et du fait du travail, de
nos patients/salariés.
- Quelles relations entre la nécessité
de la confiance qui est à la base de la relation
médicale avec un patient, et une indépendance
médicale à préserver dans l’intérêt
exclusif de la santé au travail des patients/salariés
?
- Quelle spécificité du métier de
médecin du travail :
-pour l’analyse du travailler, de l’engagement
individuel et collectif des salariés dans leur
activité de travail ?
- pour le « soin préventif », les
préconisations médicales de protection,
et la prévention médicale collective
?
- pour l’ouverture des droits médicaux
et sociaux selon les obligations déontologiques
et du code de la sécurité sociale ?
- Quelle articulation ou non des « Fiches de poste
de travail » avec la clinique médicale du
travail ?
- Quels sont les responsabilités professionnelles
respectives au sens des compétences et réglementaire,
des différents membres de l’équipe
médicale de médecine du travail : infirmier
du travail et médecin collaborateur au regard de
celles du médecin du travail ?
- Quelles modalités pour les contacts entre un
infirmier du travail et un médecin généraliste,
en urgence médicale et hors urgence médicale
:
- concernant une altération ou une atteinte
à la santé du fait du travail ?
- concernant les conséquences du travail sur
une pathologie qui n’y trouve pas son origine
?
- concernant des soins infirmiers sans aucun lien
avec le travail ?
- Si un médecin du travail a une obligation réglementaire
d’alerte médicale concernant un risque pour
la santé des travailleurs, cela a-t-il des conséquences
en termes de pratiques pour les autres membres de l’équipe
médicale du travail ?
- Quel engagement de responsabilité de moyens
concrets implique pour le médecin du travail les
visites de pré-reprise en termes de priorités
?
- Est-il possible à un médecin du travail
de donner en termes d’analyse collective des risques,
une information au médecin généraliste
et au patient/salarié, si il ne les a pas donné
à l’entreprise ?
- Un médecin du travail est-il comptable des actions
d’un salarié/patient auprès de son
employeur quand il s’agit des conséquences
de sa santé au travail, s’il communique par
exemple directement à son employeur l’avis
de son médecin traitant concernant son travail
? Quelle distance professionnelle ou règle d’action
en construire pour le médecin du travail ?
- Du fait de la mission d’ordre public social du
médecin du travail, quelles sont ses obligations
en termes de préconisations écrites et de
suivi de ces préconisations qui passent par des
écrits de l’employeur ?
- Toute communication médicale entre un médecin
du travail et un médecin généraliste
passe-t-elle par un écrit ? Selon quelles modalités
si c’est le cas ?
- Quel intérêt et conséquences dans
ces coopérations d’instruire l’importance
du lien santé – travail : lien important,
lien direct et essentiel, lien par résonnance de
difficultés majeures dans la vie personnelle, etc
?
- Comment « écrire concrètement »
le diagnostic médical d’un lien santé
– travail, nourri de l’analyse du récit
de l’activité de travail et du travailler,
et de l’anamnèse en santé au travail
qui y ont été investigués ?
- Pour exemple une « souffrance professionnelle
en lien avec une situation de travail », ou «
une souffrance professionnelle décrite par le patient
comme en lien avec ses conditions de travail » ?
- Quelles règles professionnelles permettent de
rédiger un Certificat Médical Initial (CMI)
pour une maladie professionnelle, permettant à
un patient salarié de déclarer une Maladie
professionnelle ?
- Que signifierait concrètement le fait que
le patient soit considéré comme «
le fil rouge » de la coopération ?
Discussion
entre pairs – Dispute/Repères professionnels
Rappel : Il n’y a pas de jugements
moraux : la discussion porte sur ses propres pratiques professionnelles
MDT : l’équipe médicale
fonctionne sur la base de protocoles écrits et signés
avec mon infirmière de santé au travail (IDEST).
En cas de dépistage d’une anomalie clinique,
comme l’HTA par exemple, elle envoie un écrit
au médecin généraliste et laisse sa
carte au salarié qui la recontacte souvent. S’il
s’agit d’un problème de santé
au travail, elle m’adresse le salarié
MDT : je reviens sur la question
de la fiche de poste demandé par les médecins
généralistes : il y a un autre document, la
fiche d’entreprise, obligatoire pour chaque entreprise,
mais que je ne peux transmettre qu’à l’employeur.
L’employeur a l’obligation de rédiger
une fiche de poste pour chaque salarié qui en possède
un exemplaire. Je pense que le salarié pourrait donner
cette fiche de poste rédigée par son employeur.
Cette fiche décrit le travail prescrit. Dans le dossier
médical du travail, les risques auxquels est exposé
le salarié sont tracés. Je ne suis pas capable
de faire une fiche de poste pour tous mes salariés.
Je peux transmettre des informations sur les marges de manœuvre
et sur les restructurations en cours dans l’entreprise.
Sur la question de la rédaction pour une inaptitude,
il s’agit d’un processus qui peut être
long et qui est fait avec le salarié. Souvent, le
salarié vient en disant « on m’a dit
que vous deviez me mettre inapte » mais ce n’est
pas toujours la meilleure solution pour lui.
MDT : pour l’infirmière,
j’ai le même protocole que celui cité
ci-dessus pour le dépistage et dès qu’il
y a un problème santé travail, elle m’adresse
le salarié : le retour se fait vers le médecin
du travail qui fait un écrit si nécessaire
au médecin traitant.
MDT : quand je diagnostique une
pathologie en lien avec le travail, je considère
que c’est de ma responsabilité de faire le
Certificat Médical Initial (CMI) de MP cela fait
partie intégrante de mon métier de médecin
du travail. J’engage ma responsabilité et je
trouve très important d’assumer la responsabilité
de nos obligations de déclaration.
MDT : la parole du médecin quel
qu’il soit par rapport au salarié est très
importante. Quand le médecin conseil dit «
vous devriez être inapte ou en invalidité »
après c’est difficile de revenir en arrière.
MDT : on a d’autres outils
que le CMI car c’est de la réparation. On écrit
noir sur blanc les risques et on peut faire des alertes
à l’employeur s’il y a des risques importants
: c’est de la prévention.
MDT : au niveau collectif tu as
raison et la déclaration de MP peut conduire à
la victimisation.
MDT : c’est du cas par cas.
MDT : la déclaration de MP
peut aussi aboutir à faire de la prévention.
J’ai un gros secteur industriel agro-alimentaire avec
un nombre important de TMS. Tant que ces MP n’étaient
pas visibles « financièrement », c’était
inaudible par la direction malgré mes écrits
et les débats en CHSCT. Ce sont mes déclarations
de MP qui ont fait prendre conscience des risques et enclencher
la prévention. Dans l’entreprise, ce n’est
pas un tabou et les salariés ne sont pas victimisés.
MDT : les infirmières font
partie de l’équipe médicale et sont
sous la responsabilité du médecin du travail
car il n’y a pas de disposition réglementaires
pour elles. Si un salarié est en situation d’urgence
et dans le but de le protéger et de l’isoler
de sa situation pathogène, le médecin du travail
peut adresser un courrier au médecin généraliste.
Dans les courriers, même si c’est le médecin
du travail qui écrit, il s’agit souvent d’un
travail d’équipe.
IDEST : je travaille avec 2 médecins
du travail sur 2 bassins d’emploi. J’ai toute
latitude pour adresser des courriers mais pour des problèmes
de santé publique.
IDEST : nous n’avons pas de
cadre réglementaire auprès des employeurs.
Donc on a besoin du médecin du travail. Par contre
on a toute légitimité pour les problèmes
de santé publique. Le seul moment où on a
besoin d’intervenir c’est quand le médecin
du travail n’est pas là, on adresse le salarié
à son médecin généraliste. Si
le médecin du travail est présent, on passe
par le staff et le médecin du travail. Il y a peu
de visibilité pour les médecins généralistes
de l’activité des IDEST car tout passe par
le médecin du travail.
MG : il faudrait que les salariés
soit informés de leurs risques professionnels. Sur
les MP, je trouverai bien que les médecins généralistes
soient informés quand des déclarations sont
faites.
MDT : la surveillance par les IDEST
est en train de changer au vu du changement récent
de la législation et de la pénurie de médecins
du travail. L’IDEST peut alors faire le lien avec
le médecin généraliste
MDT : tout dépend des protocoles
qui peuvent laisser plus de marges de manœuvres aux
IDEST
IDEST : il y a des sites sur Internet,
comme Bossons futé ou le CISME ou la CRAMIF, qui
peuvent donner beaucoup d’informations sur les risques
professionnels en fonction des métiers aux médecins
généralistes.
IDEST : quand on évalue les
risques, on le fait à partir des risques théoriques.
MDT : quelles sont les informations
que peut transmettre une IDEST ?
MDT : on fait des fiches de poste
avec chacun des salariés. Ces fiches sont un outil
pour le médecin du travail et l’IDEST. Ce document
pourrait être confié au salarié et communiqué
au médecin généraliste
IDEST : en l’absence de médecin
de prévention dans la collectivité, on avait
mis en place un protocole : l’IDEST envoyait l’agent
au médecin généraliste avec ses consignes
et l’agent revenait avec un certificat de préconisations
de son médecin généraliste. Les préconisations
étaient alors prises en compte par la collectivité
MDT : je reviens sur la cellule
PDP dont on a déjà parlé mais il manque
un médecin généraliste à cette
cellule où des signalements des arrêts longs
sont faits par les assistantes sociales de la CPAM ou les
représentants du service de santé au travail
dans le but de faire un bilan des situations pour éviter
la désinsertion professionnelle.
MDT : je reviens sur le patient/salarié
fil rouge de la coopération il est destinataire des
informations. Nous avons des obligations et elles passent
par des écrits, obligations en termes de prévention.
On fait des alertes et l’employeur est destinataire.
Le salarié est aussi destinataire de ces informations.
C’est au médecin du travail de donner des informations
au médecin généraliste, car, par exemple
nous connaissons tous la sous-estimation des cancers professionnels.
MG : par rapport à la question
de la demande des fiches de poste : si vous faites une alerte,
nous serons particulièrement attentifs. Pour les
cancers professionnels, je peux mettre plombier ou garagiste,
comment puis-je savoir que le cancer est d’origine
professionnel ? Si ce n’est pas instruit quelque part
comment peut-on améliorer les déclarations
? Pour les femmes jeunes exposées aux produits chimiques
foeto toxiques, y a-t-il des informations qui pourraient
être transmises à son généraliste
? Il y a souvent des manques dans les dossiers des médecins
généralistes portant notamment sur le métier
ou le poste de travail.
MDT : une de mes entreprises dispose
d’un gros service de recherches où les salariés
sont exposés à de nombreux produits chimiques
et notamment à des produits à risques Cancérogène,
Mutagènes et toxiques pour la Reproduction (CMR).
Cette entreprise a mis en place dès 2005 une procédure
de fiche individuelle d’exposition aux agents chimiques
dangereux (ACD) suite à une action d’information
de la SSTPC sur l’exposition aux risques CMR. Cette
procédure est toujours appliquée malgré
les modifications de la réglementation et a permis
notamment en 2016 à l’entreprise de remplir
ses obligations dans le cadre de la pénibilité
liée à l’exposition aux ACD. Une fiche
d’exposition à tous les produits chimiques
manipulés avec une remise à jour annuelle
est faite par chaque salarié avec son N+1 et le responsable
sécurité de l’entreprise. Cette fiche
comporte le nom du produit, sa forme, ses phrases de risques,
ses conseils de prudence, son pictogramme de danger, les
tâches réalisées avec le produit, la
quantité manipulée et le temps d’exposition,
les valeurs moyennes et limites d’exposition, les
équipements de protection individuelles car tous
les produits à risques CMR sont utilisées
sous hotte aspirante pour produit chimique. Un exemplaire
de cette fiche est destiné au médecin du travail,
une au service RH archivée dans le dossier personnel
du salarié et une au salarié. Cette fiche
pourrait être portée à la connaissance
du médecin traitant. A chaque visite médicale
et plus particulièrement lors de la visite d’embauche
pour les salariés jeunes en âge de procréer,
je donne une information complète sur ces risques.
En cas de grossesse, s’il y a une exposition aux produits
toxiques pour la reproduction, je mets en place, si la salariée
ne peut pas être reclassée sur un poste sans
danger pour sa grossesse, avec la collaboration du médecin
traitant, l’arrêt de travail prescrit jusqu’à
la date du congé de maternité (Article L.
1225-14 du code du travail).
MDT : moi j’avais un courrier
type pour les déclarations de MP à destination
des médecins généralistes. Dans les
dossiers de surveillance post exposition professionnelle,
il y a des obligations de certificat signé par le
médecin du travail et l’employeur et j’avais
aussi un courrier type pour informer le médecin généraliste
MDT : dans le cas de traçabilité
des expositions professionnelles, il y a la question du
droit des salariés.
MDT : je travaille dans un établissement
de recherche et on fait remplir un questionnaire sur l’exposition
aux produits chimiques et ce depuis 20 ans : ce document
peut être transmis au médecin généraliste
MDT : en matière de risques
chimiques, il n’y a plus beaucoup d’obligations
pour les employeurs. C’est au médecin du travail
de faire le travail de traçabilité des expositions.
MDT : en matière de RPS,
est ce qu’il faut faire des écrits pour tracer
ce que l’on dit au médecin généraliste
et à l’entreprise ?
MDT : je fais les déclarations
de MP avec le CERFA du médecin généraliste
et c’est pour ça que j’ai pu alerter
les responsables de l’importance du nombre de MP dans
leur service : on a alors pu se mettre autour d’une
table pour faire avancer la prévention.
MDT : je fais également de
l’information aux salariés sur les risques
et sur le fait que c’est un problème collectif.
Quand il y a une déclaration de MP, je fais le CMI
et je les aide tout au long du dossier.
MG : par rapport au CMI et à
la déclaration de MP, je ne crois pas à la
victimisation. Ce qui est important, c’est ce que
l’on peut dire aux gens la vérité comme
par exemple qu’ils ne seront peut-être pas pris
en charge, notamment pour les MP liées aux RPS. Il
faut essayer que l’avenir des gens ne dépendent
pas de la reconnaissance surtout dans le cas des souffrances
au travail. Qu’on certifie ou pas, c’est surtout
sur le type d’accompagnement que l’on fait.
Il faut être attentif à ce que l’on dit
au salarié.
MDT : le fait qu’un médecin
du travail certifie le lien santé travail dans la
dégradation de la santé, est important pour
la construction de la santé.
Remarques
sur le colloque par les médecins généralistes
communicants
MK et ML : Il y avait peu de généralistes
à ce colloque et c’est dommage. Il faut que
l’on arrive à renouveler ce type de débat.
Il aurait été intéressant de travailler
en petits groupes pour échanger surtout avec ceux
qui ne se sont pas exprimés aujourd’hui.
MF H-R : Le SFDRMG va mettre en place un DPC à distance
à partir de la recommandation de la HAS sur «
le burn out ». Pour elle, il faut utiliser le congrès
de la médecine générale et l’on
pourrait animer une table ronde sur ce thème. Dans
le cadre du collège de la médecine générale,
on peut faire une demande et faire parvenir ce compte rendu
à toutes les sociétés.
5-
Conclusion
Mireille
Chevalier, Président de E-Pairs
Je remercie l’ensemble des intervenants
qui ont accepté de dévoiler leurs pratiques
professionnelles pour servir de support au débat.
Je remercie également l’ensemble des participants,
pour son implication dans les discussions.
Je remercie enfin tout particulièrement les médecins
généralistes, les intervenants : Marie-Françoise
HUEZ-ROBERT, Marie KAYSER et Martine LALANDE, mais aussi
tous ceux qui se sont déplacés, et ils ont
été au nombre de 7. Leur présence a
été indispensable pour enrichir la discussion
et nous faire progresser.
ASSOCIATION E PAIRS :
Je tiens ici à rappeler les
fondements de notre Association : Association fédérative
de groupes de pairs médecins du travail et infirmiers
du travail.
Son action est fondée, à
partir des données des recherches en santé
et travail, sur la recherche et la mise en évidence
des liens objectifs et subjectifs avec le travail. Cette
mise en lumière se fait notamment par le développement
de la clinique médicale du travail (c'est-à-dire
par l'investigation du lien santé-travail, dans ses
dimensions individuelles et collectives, prenant le travail
des personnes comme grille de lecture).
Dans cette recherche de l’équipe
médicale du travail, ayant pour but de redonner du
sens et des pistes de compréhension pour le salarié
en souffrance, nous sommes bien conscients que le médecin
généraliste est un partenaire important voire
indispensable pour accompagner le salarié patient
dans la compréhension de son lien santé travail.
Cela exige que tout le monde soit convaincu
des valeurs affichées par E Pairs, à savoir
que :
- La mission fondamentale de toute pratique
en médecine du travail est de préserver
la santé au travail. Les pratiques de sélection
n'en relèvent pas.
- Les pratiques professionnelles en médecine du
travail exigent à la fois le respect du secret
médical et l'information sur la santé au
travail aux membres de la communauté de travail.
COLLOQUE :
C’est bien dans cet état d’esprit
que nous avons souhaité la réflexion sur la
coopération nécessaire des équipes
de santé au travail avec les médecins généralistes.
Nous avons sollicité le débat sur de nombreuses
interrogations, parmi lesquelles :
- La place de l’analyse du travail
- La place de la clinique médicale du travail pour
l’équipe médicale du travail, mais
sans doute aussi pour les médecins généralistes
- l’interpellation du milieu du travail
- la coordination des actions et décisions dans
l’intérêt du salarié-patient
- Les ressorts ou au contraire les blocages pour la coopération
- La construction de références éthiques,
de bonnes pratiques
- La confiance entre le médecin généraliste
et les médecins et infirmiers du travail
- L’intérêt de la position centrale
du patient dans la relation médicale, pour sa santé
évidemment, mais aussi pour les coopérations
médicales
Cette confiance entre praticiens généralistes
et professionnels de santé au travail passe toujours
par le salarié et la confiance que ce dernier
mettra dans les différents interlocuteurs.
A la fin de cette journée, nous
pouvons constater que toutes les questions présentées
par les intervenants n’ont pas été débattues
et que certaines ont même surgi des débats,
comme :
- Le médecin traitant et l’équipe
médicale de santé au travail se préoccupent
tous de la santé globale du patient-salarié.
- Si la clinique médicale mérite d’être
partagée par les professionnels de santé
au travail et les médecins généralistes,
il est également important de partager le Vécu
du salarié dans le déroulement et la compréhension
de sa maladie.
- L’importance de connaître ou mieux connaître
le métier de chacun, particulièrement celui
de l’infirmier du travail, jusque-là plutôt
ignoré des généralistes.
Le débat est resté ouvert
sur certaines problématiques, ce qui montre que la
réflexion est loin d’être terminée
et ouvre à d’autres journées de travail,
comme par exemple.
- Les moyens de mettre le salarié
au centre des décisions et jusqu’où
?
Ce qui implique de respecter le choix
du salarié dument informé et éclairé,
de la part de tous les professionnels. Cette information
passe par sa connaissance du diagnostic du lien santé-travail
et donc des délivrances de certificats de maladie
professionnelle par exemple.
- L’importance des écrits
entre professionnels :
Qui sont les auteurs de ces écrits
?
Information du médecin généraliste
sur les contraintes et risques du travail, selon la
vision de l’équipe médicale : fiches
de poste, attestations post exposition du médecin
du travail ?
- Règles de fonctionnement des
équipes médicales de santé au travail
pour la coopération avec les médecins traitants
(rôle des infirmiers, visibilité donnée
aux médecins généralistes…)
Et pourquoi pas l’organisation de
séances de confrontations de cas cliniques sur le
terrain de proximité entre Généralistes
et médecins du travail ?...
Enfin, puisqu’il faut conclure, je
voudrais insister sur une notion importante pour nous, et
qui sous-tend toute l’action de E Pairs :
- Il s’agit, au-delà des
avancées scientifiques, de développer une
médecine humaniste dans l’intérêt
de la santé du patient, qui doit éclairer
dument ce dernier, puis tenter de lui permettre de retrouver
un pouvoir d’agir sur sa santé.
- Pour cela il n’y a pas de réponse
médicale experte aux difficultés subjectives
ou sociales qui mettent dans l’embarras les patients,
mais aussi les médecins dans leur pratique.
- Car c’est la réponse propre du patient,
sa vérité à un moment donné,
qui le mettra à nouveau sur le chemin de la santé.
6-
PREMIER RETOUR sur le COLLOQUE 2017
E-Pairs
Et
maintenant, comment poursuivre ?
Nous indiquions dans l’introduction
au colloque sur la question de la coopération entre
équipes médicales de généralistes
et de santé au travail : être médecin
ou infirmier du travail et tenir une posture de clinicien
du travail, dans laquelle la parole du salarié est
inscrite et dont il est le pivot, permet de s’adresser
plus facilement à un autre clinicien, qui est le
généraliste.
Cette question de la place du patient salarié au
centre de la coopération ferait probablement l’objet
de débats, pensions-nous en introduction du colloque.
Certains ont bien eu lieu.
En fait même au-delà de la
question de la coopération, cette posture qui place
le patient salarié au centre devrait imprimer au
quotidien les relations entre l’équipe médicale
du travail et le patient salarié. Car elle est un
repère pour les pratiques en clinique médicale
du travail. Le patient doit être le « fil
rouge » de l’échange, a-t- il été
indiqué dans une contribution. Mais entre l’intention
sincèrement proclamée de le faire, et la pratique
professionnelle, n’y a t- il pas encore un grand écart
? Les échanges du colloque semblent bien en porter
la marque. Pouvons-nous nous interroger sur l’origine
de cet écart ?
Le salarié patient fait bien entendu
l’objet d’attention et d’un travail, mais
dans les pratiques professionnelles il n’est pas au
centre, il n’est pas le pivot de l’échange
entre lui et le clinicien. Ce que le salarié peut
penser de sa santé risque alors d’être
tenu pour périphérique, marginalisé
de la part du clinicien. Il n’en est que rarement
fait mention dans les comptes rendus de séances de
GAPEP [2]. Son état de santé
reste globalement considéré comme soumis pour
l’essentiel, à l’appréciation
du médecin. En santé au travail Il y aurait
donc un patient face à un sachant, exactement comme
un patient qui confierait son asthme au pneumologue, en
attendant de lui un traitement. Cependant en médecine
du travail, il y a une grande différence par rapport
à la médecine de soin. La différence
est dans l’importance capitale pour la construction
de la santé, ou à l’inverse, pour sa
dégradation, de la place du travail (surtout du «
travailler ») et de l’élaboration
sur les évènements de travail, susceptibles
d’affecter les sujets désignés depuis
quelques temps sous le terme de « patients salariés
».
Lorsque du côté de l’équipe
des médecins du travail et des IST l’approche
de la santé au travail est une approche dominante
par les risques aux dépens d’une approche par
la clinique, l’investigation du travail du point de
vue de la subjectivité du salarié-patient
peut être quasi absente. En forçant le trait,
le salarié fait l’objet d’une représentation
dans laquelle il est passif et muet.
Or Il est essentiel, en clinique médicale
du travail, que le salarié-patient, pour sortir de
l’impasse dans laquelle il se trouve et pour pouvoir
aller mieux, puisse élaborer sa pensée propre
sur ce qui lui arrive dans sa santé, aux côtés
de la pensée en travail du clinicien. Soutenir l’élaboration
du salarié patient : là se situe une part
très importante du travail clinique.
Cependant ceci est un positionnement que
l’équipe médicale du travail est loin
d’adopter couramment. La doxa est tout autre : dans
une approche courante à la fois assurantielle et
hygiéniste de la médecine du travail qui prévaut
encore aujourd’hui, renforcée par la loi et
les décrets de 2016, la mission essentielle de l’équipe
médicale comme de l’équipe pluridisciplinaire,
est de repérer les risques et de leur trouver un
contre-feu. Pour cela dans le passé il a été
fait appel au médecin du travail. Il reçoit
les salariés jusqu’à récemment,
annuellement, les examine pour rechercher une atteinte professionnelle,
et est en relation avec l’employeur pour le conseiller
sur la réduction ou la suppression des risques. Et
à présent, c’est le rôle dévolu
à l’équipe médicale, cependant
que tout un pan de la pathologie professionnelle a disparu
dans ses formes aigües et qu’on dispose parfois
d’indicateurs infra cliniques. Si on admet que dans
cette conception rabougrie de la santé au travail,
la porte d’entrée du médecin et de l’équipe
dans la santé au travail est une approche par les
risques, ces professionnels sont invités, au mieux,
à se comporter en tant que témoin actif d’altération
ou d’atteinte précoce pour diagnostiquer et
éviter les atteintes professionnelles. Et si c’était
le cas, ce serait une contribution importante ! Mais la
réalité résiste. Et dans cette conception
le rôle du médecin du travail et aujourd’hui,
de l’équipe médicale, est réduit
à la portion congrue par rapport à tout le
potentiel dont elle pourrait disposer. Tout conduit à
la marginaliser. Et à interroger ses pratiques. Certes,
il y a l’examen clinique. Mais où est le travail
clinique ?
Or l’équipe médicale
peut emprunter une toute autre approche. Y compris les IST
qui n’ont pas à traîner le boulet de
la détermination de l’aptitude ! Cette approche
est nommée clinique médicale du travail. Mais
dix années après le congrès national
de médecine et santé au travail de Lyon, dont
un thème essentiel portait sur sa présentation,
il subsiste une certaine confusion sur l’objet de
la clinique médicale du travail. Elle peut même
passer à la trappe de deux façons. Les uns
pensant que la clinique médicale du travail a toujours
été leur exercice, avant même qu’elle
ait été nommée. D’autres, que
c’est une pratique d’exception, car au quotidien,
personne ne peut prétendre disposer de temps pour
l’exercer[3] .
Ainsi un travail clinique qui vise à
permettre au salarié patient d’être acteur
de sa santé ne peut prospérer que si la confiance
est à la base de la relation médicale avec
le sujet. Elle est notamment conditionnée par une
pratique médicale déployée dans l’intérêt
exclusif de la santé au travail. Alors l’analyse
du travailler, de l’engagement individuel et collectif
des salariés dans leur activité de travail
pourra permettre au médecin « avec »
le sujet d’accéder aux clés permettant
la préservation ou la reconstruction de la santé.
Il y a alors un horizon et un sens pour des « soins
préventifs », des préconisations médicales
de protection, et la prévention médicale collective.
Il y a alors un contenu pour l’ouverture des droits
médicaux et sociaux selon les obligations déontologiques
et du code de la sécurité sociale. Il y a
alors la possibilité de décisions appropriées
du fait de la mission d’ordre public social du médecin
du travail, quant à ses obligations de préconisations
écrites et de suivi de ces préconisations.
Et l’instruction du lien santé-travail n’est
alors pas limitée à un lien direct et essentiel.
On pourra prendre en compte aussi un lien par « résonnance
sur la scène du travail », de difficultés
majeures dans la vie personnelle.
Alors le travail entre pairs permettra
de mieux instruire les mille et une facettes de l’écriture
concrète d’un diagnostic médical étiologique
d’un lien santé – travail, nourri de
l’analyse du récit de l’activité
de travail et du travailler, et de l’anamnèse
en santé au travail qui y ont été investigués
avec la participation active du salarié-patient,
dans l’intercompréhension. Cette pratique médicale
clinique ouvre la possibilité d’une compréhension
étiologique des altérations et atteintes à
la santé du fait du travail. Car alors, ce n’est
pas seulement la connaissance des mécanismes physiopathologiques
qui ouvrirait une issue à la guérison des
corps et des esprits, mais la place centrale « active
» qui est donnée au « sujet de sa propre
santé » pour la construire dans les coopérations
avec autrui, en explorant de sa place, des espaces collectifs
pour une organisation du travail et des rapports sociaux
de travail vers un horizon non subordonné ni aliéné.
Entrer par la clinique médicale
du travail en prenant le travail (et pas seulement le risque)
pour grille de lecture et investiguer le travail du point
de vue de la subjectivité du salarié-patient
sont les deux repères importants de cette clinique,
pour tenir une posture de clinicien du travail, dans
laquelle la parole du salarié est inscrite, mise
en travail, et dont il est le pivot.
[1] Des
questions et de courtes réactions de la salle ont
eu lieu après chacune des trois communications du
matin, cela pendant cinq minutes. Les débats de fond
étaient renvoyés à la discussion globale,
après les trois
[2] E-Pairs
en dix années d’existence dispose de plusieurs
centaines de compte- rendus de cas cliniques
[3] Ce
constat est issu à la fois de réflexions de
pairs travaillant en GAPEP et d’avis parfois émis
lors des formations proposées par E-Pairs. |